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Un '''crédit''' est une valeur en [[Monnaie|argent]] qu'un débiteur doit à un créancier, en vertu du '''système de crédit'''. Ce système est basé sur la confiance que se font les acteurs économiques, qui se matérialise dans le [[Taux_d'intérêt|taux d'intérêt]]. Concrètement dans la société bourgeoise, le système de crédit est la fois un facilitateur d'échange entre [[Capitalistes|capitalistes]], et une oppression supplémentaire du capitaliste sur le [[Prolétaire|prolétaire]].
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[[Fichier:Credit-cards.jpg|vignette|Une [[W:Carte de crédit|carte de crédit]] sert à effectuer un paiement en enregistrant instantanément la dette que l'on doit au vendeur]]
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Un '''crédit''' est une valeur en [[Monnaie|argent]] qu'un débiteur ('''emprunteur''') doit à un créancier ('''prêteur'''), en vertu du '''système de crédit'''. Ce système est basé sur la confiance que se font les acteurs économiques, qui se matérialise dans le [[Taux_d'intérêt|taux d'intérêt]]. Concrètement dans la [[société bourgeoise]], le système de crédit est la fois un facilitateur d'[[Commerce|échange]] entre [[Capitalistes|capitalistes]], et une oppression supplémentaire du capitaliste sur le [[Prolétaire|prolétaire]] et la [[petite-bourgeoisie]].
    
Lorsque les [[taux d'intérêt]] sont considérés comme abusifs, on parle d''''usure'''.
 
Lorsque les [[taux d'intérêt]] sont considérés comme abusifs, on parle d''''usure'''.
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Le prêt à intérêt est attesté en Mésopotamie et dans la Bible. Dès -1750, le Code de Hammurabi prévoit une régulation des taux autorisés, avec un maximum de 20 % ou 33 % selon le produit prêté (argent ou semences)<ref>{{en}} ''{{lang|en|The Origins of Value: The Financial Innovations that Created Modern Capital Markets}}'', {{chap.|1}} : {{lang|en|The invention of interest}}, Marc van de Mieroop.</ref>.  
 
Le prêt à intérêt est attesté en Mésopotamie et dans la Bible. Dès -1750, le Code de Hammurabi prévoit une régulation des taux autorisés, avec un maximum de 20 % ou 33 % selon le produit prêté (argent ou semences)<ref>{{en}} ''{{lang|en|The Origins of Value: The Financial Innovations that Created Modern Capital Markets}}'', {{chap.|1}} : {{lang|en|The invention of interest}}, Marc van de Mieroop.</ref>.  
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Aristote opposait ce qu'il nommait l’Économique (échange de marchandises motivée par leur [[Valeur d'usage et valeur d'échange|valeur d'usage]]) et la Chrématistique (échange en vue de l'augmentation indéfinie de la [[Valeur d'usage et valeur d'échange|valeur d'échange]]).<blockquote>« La chrématistique est une science double ; d'un côté elle se rapporte au commerce, de l'autre à l'économie ; sous ce dernier rapport, elle est nécessaire et louable; sous le premier, qui a pour base la circulation, elle est justement blâmable (car elle se fonde non sur la nature des choses, mais sur une duperie réciproque) ; c'est pourquoi l'usurier est haï à juste titre, parce que l'argent lui-même devient ici un moyen d'acquérir et ne sert pas à l'usage pour lequel il avait été inventé. Sa destination était de favoriser l'échange des marchandises ; mais l'intérêt fait avec de l'argent plus d'argent. (...) De toutes les manières d'acquérir, c'est celle qui est le plus contre nature. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-5.htm Le Capital, Livre I, Chapitre V : Les contradictions de la formule générale du capital]'', 1867</ref></blockquote>Dans l'[[empire romain]], il était admis comme une activité annexe de l'agriculture et du commerce, mais ses excès étaient punis, comme l'indique [[Caton l'Ancien|Caton]] : ''« Nos ancêtres ont fait loi que lorsque les voleurs ont escompté leur délit par un châtiment double, les ancêtres ont condamné leurs crimes au quadruple ! »''. [[Tacite]] rapporte qu'en l'an 33, une grave crise financière entraîna la création par l'État d'un fonds hypothécaire de 100 millions de sesterces<ref>[http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnVI.html ''Annales'' VI, 16-17].</ref>. À partir du 4<sup>e</sup> siècle, la littérature épiscopale et monastique utilise un langage métaphorique (thésaurisation, usure, termes empruntés au monde économique gréco-romain) pour analyser le prêt à intérêt<ref name="Goff">{{ouvrage|langue= |auteur=Jacques Le Goff |titre=Marchands et banquiers du Moyen Âge |éditeur=PUF |date=1956 réédition 2001 |pages totales=128 |isbn=2-13-051479-0 |lire en ligne=}}.</ref>.
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Aristote opposait ce qu'il nommait l’Économique (échange de marchandises motivée par leur [[Valeur d'usage et valeur d'échange|valeur d'usage]]) et la Chrématistique (échange en vue de l'augmentation indéfinie de la [[Valeur d'usage et valeur d'échange|valeur d'échange]]).
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« La chrématistique est une science double ; d'un côté elle se rapporte au commerce, de l'autre à l'économie ; sous ce dernier rapport, elle est nécessaire et louable; sous le premier, qui a pour base la circulation, elle est justement blâmable (car elle se fonde non sur la nature des choses, mais sur une duperie réciproque) ; c'est pourquoi l'usurier est haï à juste titre, parce que l'argent lui-même devient ici un moyen d'acquérir et ne sert pas à l'usage pour lequel il avait été inventé. Sa destination était de favoriser l'échange des marchandises ; mais l'intérêt fait avec de l'argent plus d'argent. (...) De toutes les manières d'acquérir, c'est celle qui est le plus contre nature. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-5.htm Le Capital, Livre I, Chapitre V : Les contradictions de la formule générale du capital]'', 1867</ref>
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Dans l'[[empire romain]], il était admis comme une activité annexe de l'agriculture et du commerce, mais ses excès étaient punis, comme l'indique [[Caton l'Ancien|Caton]] : ''« Nos ancêtres ont fait loi que lorsque les voleurs ont escompté leur délit par un châtiment double, les ancêtres ont condamné leurs crimes au quadruple ! »''. [[Tacite]] rapporte qu'en l'an 33, une grave crise financière entraîna la création par l'État d'un fonds hypothécaire de 100 millions de sesterces<ref>[http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnVI.html ''Annales'' VI, 16-17].</ref>. À partir du 4<sup>e</sup> siècle, la littérature épiscopale et monastique utilise un langage métaphorique (thésaurisation, usure, termes empruntés au monde économique gréco-romain) pour analyser le prêt à intérêt<ref name="Goff">{{ouvrage|langue= |auteur=Jacques Le Goff |titre=Marchands et banquiers du Moyen Âge |éditeur=PUF |date=1956 réédition 2001 |pages totales=128 |isbn=2-13-051479-0 |lire en ligne=}}.</ref>.
    
===Moyen-Âge===
 
===Moyen-Âge===
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Dans toutes les autres situations, c'est-à-dire pour ce que nous appelons crédit à la consommation, le prêt à intérêt reste condamné par l'Église. Plusieurs ordonnances royales interdisent l'avance de fonds rémunérés pour l'agriculture, y compris sous des formes déguisées comme les prêts de semences ou les contrats d'achat de récoltes sur pied.
 
Dans toutes les autres situations, c'est-à-dire pour ce que nous appelons crédit à la consommation, le prêt à intérêt reste condamné par l'Église. Plusieurs ordonnances royales interdisent l'avance de fonds rémunérés pour l'agriculture, y compris sous des formes déguisées comme les prêts de semences ou les contrats d'achat de récoltes sur pied.
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Martin Luther condamnait l'usure comme une façon d'être un criminel sans en avoir l'air :<blockquote>« La simple raison a permis aux païens de compter l'usurier comme assassin et quadruple voleur. Mais nous, chrétiens, nous le tenons en tel honneur, que nous l'adorons presque à cause de son argent. Celui qui dérobe, vole et dévore la nourriture d'un autre, est tout aussi bien un meurtrier (autant que cela est en son pouvoir) que celui qui le fait mourir de faim ou le ruine à fond. Or c'est là ce que fait l'usurier, et cependant il reste assis en sûreté sur son siège, tandis qu'il serait bien plus juste que, pendu à la potence, il fût dévoré par autant de corbeaux qu'il a volé d'écus; si du moins il y avait en lui assez de chair pour que tant de corbeaux pussent s'y tailler chacun un lopin. On pend les petits voleurs... les petits voleurs sont mis aux fers; les grands voleurs vont se prélassant dans l'or et la soie. Il n'y a pas sur terre (à part le diable) un plus grand ennemi du genre humain que l'avare et l'usurier, car il veut être dieu sur tous les hommes. Turcs, gens de guerre, tyrans, c'est là certes méchante engeance; ils sont pourtant obligés de laisser vivre le pauvre monde et de confesser qu'ils sont des scélérats et des ennemis; il leur arrive même de s'apitoyer malgré eux. Mais un usurier, ce sac a avarice, voudrait que le monde entier fût en proie à la faim, à la soif, à la tristesse et à la misère; il voudrait avoir tout tout seul, afin que chacun dût recevoir de lui comme d'un dieu et rester son serf à perpétuité. Il porte des chaînes, des anneaux d'or, se torche le bec, se fait passer pour un homme pieux et débonnaire.   L'usurier est un monstre énorme, pire qu'un ogre dévorant, pire qu'un Cacus, un Gérion, un Antée. Et pourtant il s'attife et fait la sainte nitouche, pour qu'on ne voie pas d'où viennent les bœufs qu'il a amenés à reculons dans sa caverne. Mais Hercule entendra les mugissements des bœufs prisonniers et cherchera Cacus à travers les rochers pour les arracher aux mains de ce scélérat. Car Cacus est le nom d'un scélérat, d'un pieux usurier qui vole, pille et dévore tout et veut pourtant n'avoir rien fait, et prend grand soin que personne ne puisse le découvrir, parce que les bœufs amenés à reculons dans sa caverne ont laissé des traces de leurs pas qui font croire qu'ils en sont sortis. L'usurier veut de même se moquer du monde en affectant de lui être utile et de lui donner des bœufs, tandis qu'il les accapare et les dévore tout seul Et si l'on roue et décapite les assassins et les voleurs de grand chemin, combien plus ne devrait on pas chasser, maudire, rouer tous les usuriers et leur couper la tête. »<ref>Cité par Marx dans le ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-24-3.htm Capital, Livre I, Division de la plus-value en capital et en revenu. – Théorie de l’abstinence]'', 1867</ref></blockquote>
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Martin Luther condamnait l'usure comme une façon d'être un criminel sans en avoir l'air :
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« La simple raison a permis aux païens de compter l'usurier comme assassin et quadruple voleur. Mais nous, chrétiens, nous le tenons en tel honneur, que nous l'adorons presque à cause de son argent. Celui qui dérobe, vole et dévore la nourriture d'un autre, est tout aussi bien un meurtrier (autant que cela est en son pouvoir) que celui qui le fait mourir de faim ou le ruine à fond. Or c'est là ce que fait l'usurier, et cependant il reste assis en sûreté sur son siège, tandis qu'il serait bien plus juste que, pendu à la potence, il fût dévoré par autant de corbeaux qu'il a volé d'écus; si du moins il y avait en lui assez de chair pour que tant de corbeaux pussent s'y tailler chacun un lopin. On pend les petits voleurs... les petits voleurs sont mis aux fers; les grands voleurs vont se prélassant dans l'or et la soie. Il n'y a pas sur terre (à part le diable) un plus grand ennemi du genre humain que l'avare et l'usurier, car il veut être dieu sur tous les hommes. Turcs, gens de guerre, tyrans, c'est là certes méchante engeance; ils sont pourtant obligés de laisser vivre le pauvre monde et de confesser qu'ils sont des scélérats et des ennemis; il leur arrive même de s'apitoyer malgré eux. Mais un usurier, ce sac a avarice, voudrait que le monde entier fût en proie à la faim, à la soif, à la tristesse et à la misère; il voudrait avoir tout tout seul, afin que chacun dût recevoir de lui comme d'un dieu et rester son serf à perpétuité. Il porte des chaînes, des anneaux d'or, se torche le bec, se fait passer pour un homme pieux et débonnaire.   L'usurier est un monstre énorme, pire qu'un ogre dévorant, pire qu'un Cacus, un Gérion, un Antée. Et pourtant il s'attife et fait la sainte nitouche, pour qu'on ne voie pas d'où viennent les bœufs qu'il a amenés à reculons dans sa caverne. Mais Hercule entendra les mugissements des bœufs prisonniers et cherchera Cacus à travers les rochers pour les arracher aux mains de ce scélérat. Car Cacus est le nom d'un scélérat, d'un pieux usurier qui vole, pille et dévore tout et veut pourtant n'avoir rien fait, et prend grand soin que personne ne puisse le découvrir, parce que les bœufs amenés à reculons dans sa caverne ont laissé des traces de leurs pas qui font croire qu'ils en sont sortis. L'usurier veut de même se moquer du monde en affectant de lui être utile et de lui donner des bœufs, tandis qu'il les accapare et les dévore tout seul Et si l'on roue et décapite les assassins et les voleurs de grand chemin, combien plus ne devrait on pas chasser, maudire, rouer tous les usuriers et leur couper la tête. »<ref>Cité par Marx dans le ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-24-3.htm Capital, Livre I, Division de la plus-value en capital et en revenu. – Théorie de l’abstinence]'', 1867</ref>
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==Capitalisme et système de crédit==
 
==Capitalisme et système de crédit==
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À partir de 1830, ces nouvelles banques sont les bailleurs de fonds de l'industrie minière et manufacturière.
 
À partir de 1830, ces nouvelles banques sont les bailleurs de fonds de l'industrie minière et manufacturière.
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L'[[église catholique]] lève sa condamnation du prêt à intérêt en 1830<ref>{{DHS|13923|Intérêts}}</ref>, mais le Vatican ne l'a rendu licite qu’en 1917<ref>[https://www.droitcanonique.fr/recherche?search_input=fongible]{{lang|la|Codex iuris canonici}}, c. 1543.</ref>.<blockquote>« Si une chose fongible est donnée à quelqu’un en propriété et ne doit être restituée ensuite qu’en même genre, aucun gain à raison du même contrat ne peut être perçu ; mais dans la prestation d’une chose fongible, il n’est pas illicite en soi de convenir d’un profit légal, à moins qu’il n’apparaisse comme immodéré, ou même d’un profit plus élevé, si un titre juste et proportionné peut être invoqué. »</blockquote>Aujourd'hui, en partie sur la base de cette vieille distinction entre un taux d'intérêt acceptable et un taux excessif, quelques législations condamnent l'usure (France, Italie), et dans ce but fixent des taux maximaux, dits ''taux de l'usure'', pour les crédits qui sont accordés, cela en fonction du type de prêt.
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L'[[église catholique]] lève sa condamnation du prêt à intérêt en 1830<ref>{{DHS|13923|Intérêts}}</ref>, mais le Vatican ne l'a rendu licite qu’en 1917<ref>[https://www.droitcanonique.fr/recherche?search_input=fongible]{{lang|la|Codex iuris canonici}}, c. 1543.</ref>.
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« Si une chose fongible est donnée à quelqu’un en propriété et ne doit être restituée ensuite qu’en même genre, aucun gain à raison du même contrat ne peut être perçu ; mais dans la prestation d’une chose fongible, il n’est pas illicite en soi de convenir d’un profit légal, à moins qu’il n’apparaisse comme immodéré, ou même d’un profit plus élevé, si un titre juste et proportionné peut être invoqué. »
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Aujourd'hui, en partie sur la base de cette vieille distinction entre un taux d'intérêt acceptable et un taux excessif, quelques législations condamnent l'usure (France, Italie), et dans ce but fixent des taux maximaux, dits ''taux de l'usure'', pour les crédits qui sont accordés, cela en fonction du type de prêt.
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De nos jours encore, certains pays, surtout des pays « émergents », ferment les yeux sur les taux excessifs des prêts dans les banques. Au Brésil, par exemple, les banques pratiquent des taux de prêts hypothécaires de 4 à 5 % par mois, soit 60 à 70 % par an (intérêts combinés). Sur les découverts bancaires, les intérêts mensuels peuvent aller jusqu'à 14,5 %, soit un taux annuel de 230 % en comptant les intérêts sur les intérêts. Par exemple, un découvert bancaire de 1000 euros se transforme en 3300 euros après un an, ou un peu plus de {{unité|10000|euros}} après {{nombre|2|ans}}, ou encore un peu plus de 100000 euros après 4 ans.
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De nos jours encore, certains pays, surtout des pays « émergents », ferment les yeux sur les taux excessifs des prêts dans les banques. Au Brésil, par exemple, les banques pratiquent des taux de prêts hypothécaires de 4 à 5 % par mois, soit 60 à 70 % par an (intérêts combinés). Sur les découverts bancaires, les intérêts mensuels peuvent aller jusqu'à 14,5 %, soit un taux annuel de 230 % en comptant les intérêts sur les intérêts. Par exemple, un découvert bancaire de 1000 euros se transforme en 3300 euros après un an, ou un peu plus de 10 000 euros après 2 ans, ou encore un peu plus de 100000 euros après 4 ans.
 
===Une forme de la domination du capital===
 
===Une forme de la domination du capital===
    
La généralisation du crédit a eu lieu dans le [[Capitalisme|capitalisme]], c'est-à-dire dans une société de classe, et la domination du [[Capital|capital]] a naturellement trouvé dans ce nouvel outil une autre forme de son expression.
 
La généralisation du crédit a eu lieu dans le [[Capitalisme|capitalisme]], c'est-à-dire dans une société de classe, et la domination du [[Capital|capital]] a naturellement trouvé dans ce nouvel outil une autre forme de son expression.
<blockquote>''«&nbsp;L'opposition entre le capitaliste et l'ouvrier, entre le grand et le petit capitaliste s'aggrave, puisque le crédit n'est accordé qu'à celui qui possède déjà, et qui est, pour le riche, une nouvelle occasion d'accumulation. Comme le pauvre voit toute son existence affirmée ou niée au gré du riche, et selon le jugement contingent de celui-ci, il pense que toute son existence dépend de cette chance [...] [Celui] qui n'a point de crédit, [...] n'est pas seulement jugé comme pauvre, mais encore, moralement, comme quelqu'un qui ne mérite ni confiance ni estime et il est traité socialement comme un paria, comme quelqu'un de mauvais. Outre la privation, le pauvre subit une humiliation car il doit s'abaisser à mendier le crédit du riche.&nbsp;»''<ref name="Grundrisse">Karl Marx, ''[[Grundrisse|Manuscrits de 1857-1858 (Grundrisse)]]''</ref></blockquote>  
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''«&nbsp;L'opposition entre le capitaliste et l'ouvrier, entre le grand et le petit capitaliste s'aggrave, puisque le crédit n'est accordé qu'à celui qui possède déjà, et qui est, pour le riche, une nouvelle occasion d'accumulation. Comme le pauvre voit toute son existence affirmée ou niée au gré du riche, et selon le jugement contingent de celui-ci, il pense que toute son existence dépend de cette chance [...] [Celui] qui n'a point de crédit, [...] n'est pas seulement jugé comme pauvre, mais encore, moralement, comme quelqu'un qui ne mérite ni confiance ni estime et il est traité socialement comme un paria, comme quelqu'un de mauvais. Outre la privation, le pauvre subit une humiliation car il doit s'abaisser à mendier le crédit du riche.&nbsp;»''<ref name="Grundrisse">Karl Marx, ''[[Grundrisse|Manuscrits de 1857-1858 (Grundrisse)]]''</ref>
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Cette domination s'incarne très concrètement dans les expulsions de débiteurs insolvables, comme lors de la récente crise des subprimes aux États-Unis. Car le Droit bourgeois est venu là encore officialiser un pouvoir économique de fait, s'ajoutant à la simple "garantie morale" qu'est censé représenter une créance. Rien de bien nouveau, comme le résumait [[Marx|Marx]] en 1857&nbsp;:
 
Cette domination s'incarne très concrètement dans les expulsions de débiteurs insolvables, comme lors de la récente crise des subprimes aux États-Unis. Car le Droit bourgeois est venu là encore officialiser un pouvoir économique de fait, s'ajoutant à la simple "garantie morale" qu'est censé représenter une créance. Rien de bien nouveau, comme le résumait [[Marx|Marx]] en 1857&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Il va sans dire que le créancier possède contre son débiteur, outre des garanties morales, la garantie de la contrainte juridique, sans parler d'autres plus ou moins réelles.&nbsp;»''<ref name="Grundrisse" /></blockquote>  
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''«&nbsp;Il va sans dire que le créancier possède contre son débiteur, outre des garanties morales, la garantie de la contrainte juridique, sans parler d'autres plus ou moins réelles.&nbsp;»''<ref name="Grundrisse" />
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Notons au passage que Marx faisait déjà clairement à cette époque le constat de la domination des grandes banques sur les États. Les spéculations sur les dettes publiques que l'on peut voir à l'oeuvre aujourd'hui n'ont rien de nouveau.
 
Notons au passage que Marx faisait déjà clairement à cette époque le constat de la domination des grandes banques sur les États. Les spéculations sur les dettes publiques que l'on peut voir à l'oeuvre aujourd'hui n'ont rien de nouveau.
<blockquote>''«&nbsp;Dans le crédit public, l'État occupe la même position qu'un individu. Dans les spéculations sur les titres publics, on voit comment l'État est devenu le jouet des affairistes, etc... Enfin, le système du crédit trouve son achèvement dans le système bancaire. La figure du banquier, la domination de l'État par les banquiers, la concentration de la fortune entre les mains de quelques-uns, un véritable aréopage économique de la nation, -tel est le digne achèvement du système monétaire. La reconnaissance morale d'un homme et la confiance en l'État, etc. ayant reçu la forme du crédit, le mystère qui se cache dans le mensonge de la valeur morale, l'infâmie immorale de cette morale tout comme l'hyprocrisie et l'égoïsme de cette confiance dans l'État, éclatent au grand jour et apparaissent tels qu'ils sont dans la réalité.&nbsp;»'' (Notes sur le livre de James Mill, "Éléments d'économie politique")<ref name="Grundrisse" /></blockquote>  
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''«&nbsp;Dans le crédit public, l'État occupe la même position qu'un individu. Dans les spéculations sur les titres publics, on voit comment l'État est devenu le jouet des affairistes, etc... Enfin, le système du crédit trouve son achèvement dans le système bancaire. La figure du banquier, la domination de l'État par les banquiers, la concentration de la fortune entre les mains de quelques-uns, un véritable aréopage économique de la nation, -tel est le digne achèvement du système monétaire. La reconnaissance morale d'un homme et la confiance en l'État, etc. ayant reçu la forme du crédit, le mystère qui se cache dans le mensonge de la valeur morale, l'infâmie immorale de cette morale tout comme l'hyprocrisie et l'égoïsme de cette confiance dans l'État, éclatent au grand jour et apparaissent tels qu'ils sont dans la réalité.&nbsp;»'' (Notes sur le livre de James Mill, "Éléments d'économie politique")<ref name="Grundrisse" />
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===Une aliénation===
 
===Une aliénation===
    
Certains ont vu dans le développement du système de crédit un "sain retour" à l'homme, puisque celui-ci est directement pris en considération lors d'un prêt. En réalité, dans le cadre de la marchandisation généralisée, les hommes ne nouent pas des relations librement choisies entre eux, mais ce sont au contraire eux qui sont transformés et adaptés au capitalisme. Au lieu d'un "retour à l'homme", il y a une [[Aliénation|aliénation]] plus complète de l'homme dans l'argent, qui est réifié dans le système du crédit.
 
Certains ont vu dans le développement du système de crédit un "sain retour" à l'homme, puisque celui-ci est directement pris en considération lors d'un prêt. En réalité, dans le cadre de la marchandisation généralisée, les hommes ne nouent pas des relations librement choisies entre eux, mais ce sont au contraire eux qui sont transformés et adaptés au capitalisme. Au lieu d'un "retour à l'homme", il y a une [[Aliénation|aliénation]] plus complète de l'homme dans l'argent, qui est réifié dans le système du crédit.
<blockquote>''«&nbsp;Le système du crédit, dont la forme la plus achevée est le système bancaire, éveille l'impression que la puissance matérielle d'autrui est brisée, que le rapport d'auto-aliénation est aboli et que l'homme renoue des rapports humains avec autrui. Mystifiés par cette apparence, les saints-simoniens considèrent le développement de l'argent, des lettres de change, des billets de banque - les représentants en papier de l'argent -, le crédit et le système bancaire comme une abolition progressive de la séparation de l'homme et des objets, du capital et du travail, de la propriété privée et de l'homme. Leur idéal est donc le système bancaire. En réalité, cette suppression de l'aliénation, le retour de l'homme à lui-même, et donc aux autres, n'est qu'illusion. C'est une aliénation et une déshumanisation d'autant plus infâmes et plus extrêmes que leur objet n'est plus la marchandise, le métal, le papier, mais la vie morale, sociale, l'intimité et le coeur de l'homme. Sous l'apparence de la confiance en l'homme, elle est la défiance surpême et l'aliénation totale. [...] Grâce à cette existance tout idéale de l'argent, l'homme ne peut plus falsifier d'autre monnaie que lui-même : sa fausse monnaie créé sa propre personne ; il devra simuler, mentir, etc. pour se procurer du crédit. Ainsi donc le crédit devient chez le créancier comme chez le postulant un objet de trafic, de tromperie et d'abus réciproques. De surcroît la méfiance entre en scène avec éclat comme base de la confiance dans l'économie politique : calcul méfiant pour savoir s'il faut, ou non, accorder le crédit ; espionnage de la vie privée, etc. du postulant ; divulgation des difficultés momentanées en vue d'éliminer un rival et d'ébranler soudainement son crédit.&nbsp;»'' <ref name="Grundrisse" /></blockquote>  
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''«&nbsp;Le système du crédit, dont la forme la plus achevée est le système bancaire, éveille l'impression que la puissance matérielle d'autrui est brisée, que le rapport d'auto-aliénation est aboli et que l'homme renoue des rapports humains avec autrui. Mystifiés par cette apparence, les saints-simoniens considèrent le développement de l'argent, des lettres de change, des billets de banque - les représentants en papier de l'argent -, le crédit et le système bancaire comme une abolition progressive de la séparation de l'homme et des objets, du capital et du travail, de la propriété privée et de l'homme. Leur idéal est donc le système bancaire. En réalité, cette suppression de l'aliénation, le retour de l'homme à lui-même, et donc aux autres, n'est qu'illusion. C'est une aliénation et une déshumanisation d'autant plus infâmes et plus extrêmes que leur objet n'est plus la marchandise, le métal, le papier, mais la vie morale, sociale, l'intimité et le coeur de l'homme. Sous l'apparence de la confiance en l'homme, elle est la défiance surpême et l'aliénation totale. [...] Grâce à cette existance tout idéale de l'argent, l'homme ne peut plus falsifier d'autre monnaie que lui-même : sa fausse monnaie créé sa propre personne ; il devra simuler, mentir, etc. pour se procurer du crédit. Ainsi donc le crédit devient chez le créancier comme chez le postulant un objet de trafic, de tromperie et d'abus réciproques. De surcroît la méfiance entre en scène avec éclat comme base de la confiance dans l'économie politique : calcul méfiant pour savoir s'il faut, ou non, accorder le crédit ; espionnage de la vie privée, etc. du postulant ; divulgation des difficultés momentanées en vue d'éliminer un rival et d'ébranler soudainement son crédit.&nbsp;»'' <ref name="Grundrisse" />
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Cette aliénation ne touche pas indistinctement "l'homme" en général, mais frappe en premier lieu ceux qui se situent au plus bas de l'échelle sociale.
 
Cette aliénation ne touche pas indistinctement "l'homme" en général, mais frappe en premier lieu ceux qui se situent au plus bas de l'échelle sociale.
<blockquote>''«&nbsp;Nous voyons que la vie du pauvre, le contenu de son activité sociale, son existence elle-même, représente pour le riche le remboursement de son capital, en plus des intérêts courants. Si ce pauvre venait à mourir, cela plongerait le créancier dans l'embarras le plus cruel, car cela représenterait la mort de son capital et de ses intérêts. Qu'y a-t-il de plus abject que d'estimer un homme en argent ? Or, c'est cela le crédit.&nbsp;»'' <ref name="Grundrisse" /></blockquote>  
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''«&nbsp;Nous voyons que la vie du pauvre, le contenu de son activité sociale, son existence elle-même, représente pour le riche le remboursement de son capital, en plus des intérêts courants. Si ce pauvre venait à mourir, cela plongerait le créancier dans l'embarras le plus cruel, car cela représenterait la mort de son capital et de ses intérêts. Qu'y a-t-il de plus abject que d'estimer un homme en argent ? Or, c'est cela le crédit.&nbsp;»'' <ref name="Grundrisse" />
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== Définitions plus techniques ==
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Au sens large, un emprunt est un crédit. Cependant dans le domaine financier, on distingue en général :
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* les « crédits » : dettes à moyen et court terme,
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* les « [[Emprunt (finance)|emprunts]] » : dettes financières à long terme.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Emprunt_(finance)</ref>
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==Notes et sources==
 
==Notes et sources==
  

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