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{{InfoCalendrierJulien}} [[File:October-rev1a.jpg|right|381x237px|October-rev1a.jpg]]La '''révolution d'Octobre''' marque la seconde phase de la [http://wikirouge.net/Révolution_russe_(1917) Révolution russe] de 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]]. Son point d'orgue est l'[[Insurrection_d'octobre|insurrection du 24-25 octobre]] (n.s. 6-7 novembre). Appuyé sur les [[Soviets|soviets]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution prolétarienne]], qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera la [[Bureaucratisation_de_l'Etat_soviétique|bureaucratisation du nouveau régime]] et l'émergence du [[Stalinisme|stalinisme]].
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{{InfoCalendrierJulien}} [[File:October-rev1a.jpg|right|381x237px|October-rev1a.jpg]]La '''révolution d'Octobre''' marque la seconde phase de la [http://wikirouge.net/Révolution_russe_(1917) Révolution russe] de 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]]. Son point d'orgue est l'[[Insurrection_d'octobre|insurrection du 24-25 octobre]] (n.s. 6-7 novembre). Appuyé sur les [[Soviets|soviets]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotski|Trotski]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution prolétarienne]], qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera la [[Bureaucratisation_de_l'Etat_soviétique|bureaucratisation du nouveau régime]] et l'émergence du [[Stalinisme|stalinisme]].
    
== Contexte ==
 
== Contexte ==
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Les dirigeants [[Bolchéviks|bolchéviks]] présents en Russie ([[Kamenev|Kamenev]], [[Staline|Staline]], [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]]...) suivent les autres socialistes, considérant que leur ligne de soutien à la [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] passe par le soutien au gouvernement provisoire. Ils envisagent même une réunification avec les [[Menchéviks|menchéviks]]. La [[Pravda|''Pravda'']] appelle à la reprise du travail et au retour à la normale.
 
Les dirigeants [[Bolchéviks|bolchéviks]] présents en Russie ([[Kamenev|Kamenev]], [[Staline|Staline]], [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]]...) suivent les autres socialistes, considérant que leur ligne de soutien à la [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] passe par le soutien au gouvernement provisoire. Ils envisagent même une réunification avec les [[Menchéviks|menchéviks]]. La [[Pravda|''Pravda'']] appelle à la reprise du travail et au retour à la normale.
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De retour d'exil, [[Lénine|Lénine]] fait aussitôt paraître ses [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]. Il soutient qu'il faut dénoncer le gouvernement provisoire comme incapable de satisfaire les revendications démocratiques, ouvrières et paysannes, et affirme que la situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]] doit être tranchée en revendiquant ''« tout le pouvoir aux soviets »'', pour créer un Etat ''« du type de la Commune de Paris »''. Il est d'abord mis en minorité, et le bruit court qu'il est devenu ''« [[Léon_Trotsky|trotskiste]] »'', voulant un ''« passage immédiat »'' à la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. En s'appuyant sur la base ouvrière, il parvient à faire changer l'orientation du parti.
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De retour d'exil, [[Lénine|Lénine]] fait aussitôt paraître ses [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]. Il soutient qu'il faut dénoncer le gouvernement provisoire comme incapable de satisfaire les revendications démocratiques, ouvrières et paysannes, et affirme que la situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]] doit être tranchée en revendiquant ''« tout le pouvoir aux soviets »'', pour créer un Etat ''« du type de la Commune de Paris »''. Il est d'abord mis en minorité, et le bruit court qu'il est devenu ''« [[Léon_Trotski|trotskiste]] »'', voulant un ''« passage immédiat »'' à la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. En s'appuyant sur la base ouvrière, il parvient à faire changer l'orientation du parti.
    
=== La question de la paix et les Journées d'avril ===
 
=== La question de la paix et les Journées d'avril ===
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{{Article détaillé|Affaire Kornilov}}
 
{{Article détaillé|Affaire Kornilov}}
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Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). [[Lénine|Lénine]] est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique [[Rabotchi_I_Soldat|''Rabotchi I Soldat'']] est interdit, et [[Trotsky|Trotsky]] (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La [[Peine_de_mort|peine de mort]] abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.
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Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). [[Lénine|Lénine]] est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique [[Rabotchi_I_Soldat|''Rabotchi I Soldat'']] est interdit, et [[Trotski|Trotski]] (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La [[Peine_de_mort|peine de mort]] abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.
    
Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le ministre-président Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent sur Kornilov pour rétablir l'ordre ([[Bonapartisme|bonapartisme]]). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]], dominé par les socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]] ([[Socialistes-révolutionnaires|SR]] et [[Menchéviks|menchéviks]]), donne sa confiance à ce gouvernement et cautionne la réaction. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « [[Pouvoir_aux_soviets|pouvoir aux soviets]] ». [[Lénine|Lénine]] considère que le seul moyen de reprendre l'initiative est que le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] prenne le pouvoir, quitte à reformer des soviets après.
 
Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le ministre-président Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent sur Kornilov pour rétablir l'ordre ([[Bonapartisme|bonapartisme]]). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]], dominé par les socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]] ([[Socialistes-révolutionnaires|SR]] et [[Menchéviks|menchéviks]]), donne sa confiance à ce gouvernement et cautionne la réaction. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « [[Pouvoir_aux_soviets|pouvoir aux soviets]] ». [[Lénine|Lénine]] considère que le seul moyen de reprendre l'initiative est que le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] prenne le pouvoir, quitte à reformer des soviets après.
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{{Article détaillé|Élections pendant la révolution russe}}
 
{{Article détaillé|Élections pendant la révolution russe}}
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La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face aux masses armées. Les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques, dont [[Trotsky|Trotsky]], sont libérés par les marins de Kronstadt. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement [[Kerensky|Kerensky]]. Les [[Soviets|soviets]] reprennent de la vitalité et de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Ils remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »'', qui est repris par des ouvriers [[Parti_SR|SR]] ou [[Mencheviks|mencheviks]]. Des soviets et des [[Syndicats_dans_la_révolution_russe|syndicats]] se rangent du côté des bolcheviks. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents.
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La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face aux masses armées. Les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques, dont [[Trotski|Trotski]], sont libérés par les marins de Kronstadt. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement [[Kerensky|Kerensky]]. Les [[Soviets|soviets]] reprennent de la vitalité et de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Ils remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »'', qui est repris par des ouvriers [[Parti_SR|SR]] ou [[Mencheviks|mencheviks]]. Des soviets et des [[Syndicats_dans_la_révolution_russe|syndicats]] se rangent du côté des bolcheviks. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents.
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Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375&nbsp;000 suffrages à 54&nbsp;000, les mencheviks de 76&nbsp;000 à 16&nbsp;000, les KD de 109&nbsp;000 à 101&nbsp;000, alors que les bolcheviks passent de 75&nbsp;000 à 198&nbsp;000 voix. Le 31 août, le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Dans beaucoup de localités on va plus loin et le pouvoir effectif est de fait entre les mains des soviets. Le 3<sup>e</sup> congrès des soviets de Finlande se proclame instance dirigeante. Les bolchéviks prennent la majorité au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]] 5 septembre, et au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] le 9 ([[Trotsky|Trotsky]] en devient président le 25).
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Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375&nbsp;000 suffrages à 54&nbsp;000, les mencheviks de 76&nbsp;000 à 16&nbsp;000, les KD de 109&nbsp;000 à 101&nbsp;000, alors que les bolcheviks passent de 75&nbsp;000 à 198&nbsp;000 voix. Le 31 août, le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Dans beaucoup de localités on va plus loin et le pouvoir effectif est de fait entre les mains des soviets. Le 3<sup>e</sup> congrès des soviets de Finlande se proclame instance dirigeante. Les bolchéviks prennent la majorité au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]] 5 septembre, et au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] le 9 ([[Trotski|Trotski]] en devient président le 25).
    
Lénine tente alors de revenir à la stratégie d'[[Interpellation|interpellation]] des conciliateurs<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170916d.htm Au sujet des compromis]'', rédigé du 1er au 3 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171010.htm Les tâches de la révolution]'', rédigé autour du 6 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927b.htm Une des questions fondamentales de la révolution]'', rédigé autour du 7 septembre 1917</ref>. Les bolchéviks leur proposent un compromis&nbsp;: prenez le pouvoir sans la bourgeoisie, et les bolchéviks se limiteront à la démocratie soviétique (les partis majoritaires au soviet forment le gouvernement).
 
Lénine tente alors de revenir à la stratégie d'[[Interpellation|interpellation]] des conciliateurs<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170916d.htm Au sujet des compromis]'', rédigé du 1er au 3 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171010.htm Les tâches de la révolution]'', rédigé autour du 6 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927b.htm Une des questions fondamentales de la révolution]'', rédigé autour du 7 septembre 1917</ref>. Les bolchéviks leur proposent un compromis&nbsp;: prenez le pouvoir sans la bourgeoisie, et les bolchéviks se limiteront à la démocratie soviétique (les partis majoritaires au soviet forment le gouvernement).
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Le 14 septembre, une «&nbsp;[[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]]&nbsp;» est convoquée à l'initiative des conciliateurs, qui veulent limiter les tendances autoritaires de [[Kérensky|Kérensky]], mais aussi minimiser l'influence bolchévique en surreprésentant les secteurs petit-bourgeois. La Conférence proclame enfin la [[République|République]], mais débouche finalement sur une nouvelle avec les [[Classes_possédantes|classes possédantes]], même si les leaders [[Parti_KD|KD]] discrédités sont écartés. Devant le refus des conciliateurs, Lénine propose que les bolchéviks prennent immédiatement le pouvoir, mais le Comité central est contre ce revirement. La Conférence débouche sur un [[Préparlement_(Russie)|Préparlement]]., auquel les bolchéviks décident d'abord de participer. Finalement, une majorité derrière [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] se dégage, et lors de l'ouverture du préparlement le 7 octobre, les&nbsp;bolchéviks font une sortie fracassante.
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Le 14 septembre, une «&nbsp;[[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]]&nbsp;» est convoquée à l'initiative des conciliateurs, qui veulent limiter les tendances autoritaires de [[Kérensky|Kérensky]], mais aussi minimiser l'influence bolchévique en surreprésentant les secteurs petit-bourgeois. La Conférence proclame enfin la [[République|République]], mais débouche finalement sur une nouvelle avec les [[Classes_possédantes|classes possédantes]], même si les leaders [[Parti_KD|KD]] discrédités sont écartés. Devant le refus des conciliateurs, Lénine propose que les bolchéviks prennent immédiatement le pouvoir, mais le Comité central est contre ce revirement. La Conférence débouche sur un [[Préparlement_(Russie)|Préparlement]]., auquel les bolchéviks décident d'abord de participer. Finalement, une majorité derrière [[Lénine|Lénine]] et [[Trotski|Trotski]] se dégage, et lors de l'ouverture du préparlement le 7 octobre, les&nbsp;bolchéviks font une sortie fracassante.
    
La guerre continue à faire rage et est une [[Paix_de_Brest-Litovsk|question politique majeure]]. Le 3 septembre, les Allemands ont pris Riga. Début Octobre, ils sont aux portes de Petrograd. Les possédants si ''«&nbsp;patriotes&nbsp;»'' haïssent la capitale rouge à tel point qu'ils espèrent la voir écrasée. La [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte de la Baltique]], dominée par les [[Bolchéviks|bolchéviks]], défend le bastion ouvrier tout en lançant des appels révolutionnaires aux Allemands et en se préparant à renverser les [[Classe_dirigeante|classes dirigeantes]] russes. Tout ce que tente [[Kerensky|Kerensky]] pour hausser le ton se retourne contre lui&nbsp;: il ordonne la dissolution du [[Tsentroflot|Tsentroflot]] et doit reculer 3 jours après, il envoie les troupes contre le [[Soviet_de_Tachkent|Soviet de Tachkent]] et y déclenche une grève générale, il fait face à une grève [[Vikjel|des cheminots]] pourtant dirigés par les [[Conciliateurs|conciliateurs]]...
 
La guerre continue à faire rage et est une [[Paix_de_Brest-Litovsk|question politique majeure]]. Le 3 septembre, les Allemands ont pris Riga. Début Octobre, ils sont aux portes de Petrograd. Les possédants si ''«&nbsp;patriotes&nbsp;»'' haïssent la capitale rouge à tel point qu'ils espèrent la voir écrasée. La [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte de la Baltique]], dominée par les [[Bolchéviks|bolchéviks]], défend le bastion ouvrier tout en lançant des appels révolutionnaires aux Allemands et en se préparant à renverser les [[Classe_dirigeante|classes dirigeantes]] russes. Tout ce que tente [[Kerensky|Kerensky]] pour hausser le ton se retourne contre lui&nbsp;: il ordonne la dissolution du [[Tsentroflot|Tsentroflot]] et doit reculer 3 jours après, il envoie les troupes contre le [[Soviet_de_Tachkent|Soviet de Tachkent]] et y déclenche une grève générale, il fait face à une grève [[Vikjel|des cheminots]] pourtant dirigés par les [[Conciliateurs|conciliateurs]]...
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Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central bolchévik (comme en avril), Lénine parvient, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Elle est prévue initialement pour le 15 octobre, avant le congrès des soviets. L'idée est de ne pas attendre que les classes dominantes prennent l'initiative car elle ne se laissera pas faire, et également de mettre les conciliateurs devant le fait accompli pour les forcer à choisir le camp des soviets. Zinoviev et Kamenev paniquent et craignent qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses. Ils dénoncent ''«&nbsp;l'[[Aventurisme|aventurisme]]&nbsp;»'', et vont jusqu’à rompre la [[Centralisme_démocratique|discipline du parti]] en livrant dans des journaux les plans de l'insurrection. Kerensky la voit bien venir mais se retrouve largement impuissant.
 
Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central bolchévik (comme en avril), Lénine parvient, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Elle est prévue initialement pour le 15 octobre, avant le congrès des soviets. L'idée est de ne pas attendre que les classes dominantes prennent l'initiative car elle ne se laissera pas faire, et également de mettre les conciliateurs devant le fait accompli pour les forcer à choisir le camp des soviets. Zinoviev et Kamenev paniquent et craignent qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses. Ils dénoncent ''«&nbsp;l'[[Aventurisme|aventurisme]]&nbsp;»'', et vont jusqu’à rompre la [[Centralisme_démocratique|discipline du parti]] en livrant dans des journaux les plans de l'insurrection. Kerensky la voit bien venir mais se retrouve largement impuissant.
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[[File:Octoberrevolution 198.jpg|right|346x400px|Octoberrevolution 198.jpg]]Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la ligne…), mais l’agitation est efficace dans les masses, et Trotsky en particulier joue un rôle clé. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] est à un point de basculement. Dans la capitale, la question est ''«&nbsp;qui dirige les bandes d'hommes armées&nbsp;»'', c'est-à-dire le fondement de l'[[Etat|Etat]]. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (avec à sa tête un jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]], [[Pavel_Lasimir|Lasimir]]), qui coordonne les soldats fidèles aux soviets. Une section de [[Garde_rouge|gardes rouges]] (ouvriers armés) est également créée. Le gouvernement s’inquiète, et réclame les troupes de Pétrograd pour le front. Mais la délégation du soviet tient tête et refuse.
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[[File:Octoberrevolution 198.jpg|right|346x400px|Octoberrevolution 198.jpg]]Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la ligne…), mais l’agitation est efficace dans les masses, et Trotski en particulier joue un rôle clé. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] est à un point de basculement. Dans la capitale, la question est ''«&nbsp;qui dirige les bandes d'hommes armées&nbsp;»'', c'est-à-dire le fondement de l'[[Etat|Etat]]. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (avec à sa tête un jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]], [[Pavel_Lasimir|Lasimir]]), qui coordonne les soldats fidèles aux soviets. Une section de [[Garde_rouge|gardes rouges]] (ouvriers armés) est également créée. Le gouvernement s’inquiète, et réclame les troupes de Pétrograd pour le front. Mais la délégation du soviet tient tête et refuse.
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Le Comité militaire révolutionnaire (CMR) poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires ([[Junkers|junkers]], [[Cosaques|cosaques]], [[Cent-noirs|cent-noirs]]). Pendant les jours qui précèdent le Congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Parfois ils s'assurent au moins de la neutralité de certaines troupes. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. Un meeting de Trotsky finit de convaincre les soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaires à l’autorité du Comité militaire.
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Le Comité militaire révolutionnaire (CMR) poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires ([[Junkers|junkers]], [[Cosaques|cosaques]], [[Cent-noirs|cent-noirs]]). Pendant les jours qui précèdent le Congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Parfois ils s'assurent au moins de la neutralité de certaines troupes. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. Un meeting de Trotski finit de convaincre les soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaires à l’autorité du Comité militaire.
    
=== L’insurrection du 24-25 octobre ===
 
=== L’insurrection du 24-25 octobre ===
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{{Article détaillé|Sovnarkom|Assemblée constituante russe de 1918}}
 
{{Article détaillé|Sovnarkom|Assemblée constituante russe de 1918}}
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Le Sovnarkom était initialement composé uniquement de bolchéviks, ce qui avait été approuvé par le <abbr class="abbr" title="Deuxième">2<sup>e</sup></abbr> Congrès des Soviets. Mais ce point a soulevé de violents débats et a failli mener à la scission le parti bolchévik. [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] étaient les plus fermement opposés à la participation des autres ''«&nbsp;partis socialistes&nbsp;»'', en qui ils n'avaient aucune confiance. Le compromis trouvé est que les négociations se poursuivront, et finalement des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] entreront au Sovnarkom en décembre. Mais après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits, et les bolchéviks seront définitivement seuls au pouvoir.
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Le Sovnarkom était initialement composé uniquement de bolchéviks, ce qui avait été approuvé par le <abbr class="abbr" title="Deuxième">2<sup>e</sup></abbr> Congrès des Soviets. Mais ce point a soulevé de violents débats et a failli mener à la scission le parti bolchévik. [[Lénine|Lénine]] et [[Trotski|Trotski]] étaient les plus fermement opposés à la participation des autres ''«&nbsp;partis socialistes&nbsp;»'', en qui ils n'avaient aucune confiance. Le compromis trouvé est que les négociations se poursuivront, et finalement des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] entreront au Sovnarkom en décembre. Mais après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits, et les bolchéviks seront définitivement seuls au pouvoir.
    
Par ailleurs, les élections pour la Constituante, prévues depuis juin, devaient avoir lieu le le 12 novembre. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir le processus constituant. Le Sovnarkom élu par le Congrès des soviet d'Octobre était donc officiellement un gouvernement provisoire, jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante en janvier 1918.
 
Par ailleurs, les élections pour la Constituante, prévues depuis juin, devaient avoir lieu le le 12 novembre. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir le processus constituant. Le Sovnarkom élu par le Congrès des soviet d'Octobre était donc officiellement un gouvernement provisoire, jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante en janvier 1918.
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[[File:Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg|right|378x251px|Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg]]La production industrielle a été minée par la guerre, les grèves et les [[Lock-out|lock out]]. Avant même l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, elle a déjà chuté de 75%. L'Ukraine, région riche, est occupée par les troupes allemandes. Et dès la Russie soviétique sortie de la guerre avec l'Allemagne au printemps 1918, les principales [[Puissances_impérialistes|puissances impérialistes]] (Grande-Bretagne,&nbsp;États-Unis, France, Japon) cherchent à la renverser, en décrètent l'embargo et en envoyant des troupes dans le camp des [[Armées_blanches|Blancs]].
 
[[File:Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg|right|378x251px|Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg]]La production industrielle a été minée par la guerre, les grèves et les [[Lock-out|lock out]]. Avant même l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, elle a déjà chuté de 75%. L'Ukraine, région riche, est occupée par les troupes allemandes. Et dès la Russie soviétique sortie de la guerre avec l'Allemagne au printemps 1918, les principales [[Puissances_impérialistes|puissances impérialistes]] (Grande-Bretagne,&nbsp;États-Unis, France, Japon) cherchent à la renverser, en décrètent l'embargo et en envoyant des troupes dans le camp des [[Armées_blanches|Blancs]].
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La direction bolchévique autour de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] estime, malgré les frictions en interne, que la seule solution de survie est de mettre en place une disclipine stricte dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans l'industrie, et un rationnement très rigoureux, assorti de [[Mouvement_paysan_en_1917|réquisitions agricoles]]. Une politique qui sera appelée a posteriori ''«&nbsp;[[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]&nbsp;»''.
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La direction bolchévique autour de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotski|Trotski]] estime, malgré les frictions en interne, que la seule solution de survie est de mettre en place une disclipine stricte dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans l'industrie, et un rationnement très rigoureux, assorti de [[Mouvement_paysan_en_1917|réquisitions agricoles]]. Une politique qui sera appelée a posteriori ''«&nbsp;[[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]&nbsp;»''.
    
Un des premiers effets est la rupture du lien avec la [[Mouvement_paysan_en_1917|paysannerie]]. L’automne et l’hiver 1920 furent marqués par de grandes révoltes paysannes ([[Makhnovchina|Makhnovchina]], Tambov, Tioumen...), des ''«&nbsp;[[Armées_vertes|armées vertes]]&nbsp;»'' se battant indépendamment des [[Armée_rouge|rouges]] ou des [[Armées_blanches|blancs]] (qui réquisitionnent aussi des récoltes). Mais globalement, les masses paysannes repoussent en priorité les Blancs, qui sont porteurs de l'ordre ancien, d'avant le partage des terres.
 
Un des premiers effets est la rupture du lien avec la [[Mouvement_paysan_en_1917|paysannerie]]. L’automne et l’hiver 1920 furent marqués par de grandes révoltes paysannes ([[Makhnovchina|Makhnovchina]], Tambov, Tioumen...), des ''«&nbsp;[[Armées_vertes|armées vertes]]&nbsp;»'' se battant indépendamment des [[Armée_rouge|rouges]] ou des [[Armées_blanches|blancs]] (qui réquisitionnent aussi des récoltes). Mais globalement, les masses paysannes repoussent en priorité les Blancs, qui sont porteurs de l'ordre ancien, d'avant le partage des terres.
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Dans l'industrie, au nom de l'efficacité, [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] prônent la [[Discipline|discipline]] et le [[Principe_de_collégialité|pouvoir d'un directeur]] plutôt que des [[Comité_d'usine|comités d'usine]], ce qui soulève des contestations ouvrières et de nombreuses oppositions dans le parti bolchévik ([[Kommunist|Kommunist]], [[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]...).
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Dans l'industrie, au nom de l'efficacité, [[Lénine|Lénine]] et [[Trotski|Trotski]] prônent la [[Discipline|discipline]] et le [[Principe_de_collégialité|pouvoir d'un directeur]] plutôt que des [[Comité_d'usine|comités d'usine]], ce qui soulève des contestations ouvrières et de nombreuses oppositions dans le parti bolchévik ([[Kommunist|Kommunist]], [[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]...).
    
L'Armée rouge parvient finalement à la victoire, mais au prix d'un affaiblissement considérable de la [[Démocratie_soviétique|démocratie soviétique]], et le lien organique avec les masses s'est rompu. La guerre civile a conduit à la répression de tout parti d'opposition, et même si le parti bolchévik a réussi à devenir un parti de masse en absorbant la majorité du camp révolutionnaire, la démocratie ouvrière ne dépend plus que de sa [[Démocratie_interne|démocratie interne]]. Or, par ailleurs, de nombreux nouveaux membres sont des arrivistes ralliés au nouveau parti-Etat uniquement pour faire carrière, et les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]] y deviennent vite minoritaires.
 
L'Armée rouge parvient finalement à la victoire, mais au prix d'un affaiblissement considérable de la [[Démocratie_soviétique|démocratie soviétique]], et le lien organique avec les masses s'est rompu. La guerre civile a conduit à la répression de tout parti d'opposition, et même si le parti bolchévik a réussi à devenir un parti de masse en absorbant la majorité du camp révolutionnaire, la démocratie ouvrière ne dépend plus que de sa [[Démocratie_interne|démocratie interne]]. Or, par ailleurs, de nombreux nouveaux membres sont des arrivistes ralliés au nouveau parti-Etat uniquement pour faire carrière, et les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]] y deviennent vite minoritaires.
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La direction bolchévique est bien consciente que la révolution est gangrenée par les problèmes, Lénine définit lui-même l'Etat soviétique comme un ''«&nbsp;Etat ouvrier présentant une déformation bureaucratique&nbsp;»''. Mais selon lui, la priorité pour regagner la confiance des masses et aller vers le [[Socialisme|socialisme]] est de rétablir la production économique à tout prix via un ''«&nbsp;[[Capitalisme_d'Etat|capitalisme d'Etat]]&nbsp;»''. Le X<sup>e</sup> congrès décide donc une [[Nouvelle_politique_économique|Nouvelle politique économique]]&nbsp;:
 
La direction bolchévique est bien consciente que la révolution est gangrenée par les problèmes, Lénine définit lui-même l'Etat soviétique comme un ''«&nbsp;Etat ouvrier présentant une déformation bureaucratique&nbsp;»''. Mais selon lui, la priorité pour regagner la confiance des masses et aller vers le [[Socialisme|socialisme]] est de rétablir la production économique à tout prix via un ''«&nbsp;[[Capitalisme_d'Etat|capitalisme d'Etat]]&nbsp;»''. Le X<sup>e</sup> congrès décide donc une [[Nouvelle_politique_économique|Nouvelle politique économique]]&nbsp;:
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*dans les industries d'Etat&nbsp;: de maintenir une discipline stricte ([[Trotsky|<span class="mw-redirect">Trotsky</span>]] est même pour la [[Militarisation_des_syndicats|<span class="new">militarisation des syndicats</span>]], que Lénine repousse)&nbsp;;  
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*dans les industries d'Etat&nbsp;: de maintenir une discipline stricte ([[Trotski|<span class="mw-redirect">Trotski</span>]] est même pour la [[Militarisation_des_syndicats|<span class="new">militarisation des syndicats</span>]], que Lénine repousse)&nbsp;;  
 
*dans l'agriculture et le petit-commerce&nbsp;: de permettre une [[Libéralisation|libéralisation]] (en rupture avec le [[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]), notamment pour inciter la paysannerie à produire en la laissant libre de vendre sur le marché.  
 
*dans l'agriculture et le petit-commerce&nbsp;: de permettre une [[Libéralisation|libéralisation]] (en rupture avec le [[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]), notamment pour inciter la paysannerie à produire en la laissant libre de vendre sur le marché.  
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Si la production va connaître un regain, la bureaucratisation va vite devenir définitive. [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|L'échec des processus révolutionnaires]] ailleurs qu'en Russie ([[République_des_conseils_de_Hongrie|Hongrie]], [[Révolution_allemande|Allemagne]], [[Biennio_rosso|Italie]], [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|Chine]]...) va renforcer le noyau bureaucratique du parti, autour de [[Staline|Staline]], qui se stabilise dans une logique [[Gestionnaire|gestionnaire]] du ''«&nbsp;[[Socialisme_dans_un_seul_pays|socialisme en Russie]]&nbsp;»''. Toute opposition sera réprimée, notamment [[Opposition_de_gauche|celle de Trotsky]], et Staline finira par développer un Etat [[Totalitaire|totalitaire]] et à éliminer presque tous les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]], ceux qui avaient fait la Révolution d'Octobre, mais pas pour ce résultat...
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Si la production va connaître un regain, la bureaucratisation va vite devenir définitive. [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|L'échec des processus révolutionnaires]] ailleurs qu'en Russie ([[République_des_conseils_de_Hongrie|Hongrie]], [[Révolution_allemande|Allemagne]], [[Biennio_rosso|Italie]], [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|Chine]]...) va renforcer le noyau bureaucratique du parti, autour de [[Staline|Staline]], qui se stabilise dans une logique [[Gestionnaire|gestionnaire]] du ''«&nbsp;[[Socialisme_dans_un_seul_pays|socialisme en Russie]]&nbsp;»''. Toute opposition sera réprimée, notamment [[Opposition_de_gauche|celle de Trotski]], et Staline finira par développer un Etat [[Totalitaire|totalitaire]] et à éliminer presque tous les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]], ceux qui avaient fait la Révolution d'Octobre, mais pas pour ce résultat...
    
== Perception de la révolution à l'étranger ==
 
== Perception de la révolution à l'étranger ==
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Le pacifisme et la crise économique d'après-guerre, ainsi que le refus de voir une révolution écrasée, suscitent de fortes sympathies actives dans les couches populaires d'Europe pour la révolution d'Octobre.
 
Le pacifisme et la crise économique d'après-guerre, ainsi que le refus de voir une révolution écrasée, suscitent de fortes sympathies actives dans les couches populaires d'Europe pour la révolution d'Octobre.
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En France, la révolution russe est lue au prisme de la mémoire toujours très vive de la [[Révolution_française|Grande Révolution]] de 1789&nbsp;: les bolcheviks sont ainsi assimilés aux [[Club_des_Jacobins|Jacobins]], [[Alexandre_Kerensky|Kerensky]] à la [[Gironde_(Révolution_française)|Gironde]], les Blancs aux Vendéens, Trotsky à [[Lazare_Nicolas_Marguerite_Carnot|Lazare Carnot]] «&nbsp;l'organisateur de la victoire&nbsp;», etc. Un historien sympathisant comme [[Albert_Mathiez|Albert Mathiez]] trace dès 1920 l'analogie entre [[Maximilien_de_Robespierre|Robespierre]] et [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]], la terreur rouge et la [[Terreur_(Révolution_française)|Terreur]] de 1793<ref>L'importance de la mémoire de la Révolution française dans l'accueil et l'interprétation de 1917 a été soulignée par le livre de [[François Furet]], ''Le Passé d'une Illusion'', Robert Laffont, 1995.</ref>. Le poète [[André_Breton|André Breton]] n'est pas le seul à lire aussi la révolution russe comme une revanche sur la répression de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]] lorsqu'il note que 1917 renverse [[Commune_de_Paris_(1871)|1871]]. Mais la «&nbsp;grande lueur à l'Est&nbsp;» (titre d'un ouvrage de [[Jules_Romains|Jules Romains]]) n'est pas aussi bien accueillie par tout le monde. Les [[Classes_moyennes|classes moyennes]] sont ulcérées par la perte des [[Emprunt_russe|emprunts russes]], que Lénine a cessé de reconnaître dès le début 1918. Et l'[[Anticommunisme|anticommunisme]] est très fort chez les [[Section_française_de_l'Internationale_ouvrière|socialistes]] restés fidèles à la «&nbsp;vieille maison&nbsp;» lors du [[Congrès_de_Tours_(SFIO)|congrès de Tours]] de 1920, chez les [[Anarchistes|anarchistes]], chez certains intellectuels [[Humanisme|humanistes]] hostiles aux méthodes des Bolcheviks (par exemple [[Romain_Rolland|Romain Rolland]], ami de [[Maxime_Gorki|Gorki]]), et bien sûr dans les droites. Dès 1919, une affiche célèbre stigmatise dans le bolchevik «&nbsp;l'homme au couteau entre les dents&nbsp;».
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En France, la révolution russe est lue au prisme de la mémoire toujours très vive de la [[Révolution_française|Grande Révolution]] de 1789&nbsp;: les bolcheviks sont ainsi assimilés aux [[Club_des_Jacobins|Jacobins]], [[Alexandre_Kerensky|Kerensky]] à la [[Gironde_(Révolution_française)|Gironde]], les Blancs aux Vendéens, Trotski à [[Lazare_Nicolas_Marguerite_Carnot|Lazare Carnot]] «&nbsp;l'organisateur de la victoire&nbsp;», etc. Un historien sympathisant comme [[Albert_Mathiez|Albert Mathiez]] trace dès 1920 l'analogie entre [[Maximilien_de_Robespierre|Robespierre]] et [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]], la terreur rouge et la [[Terreur_(Révolution_française)|Terreur]] de 1793<ref>L'importance de la mémoire de la Révolution française dans l'accueil et l'interprétation de 1917 a été soulignée par le livre de [[François Furet]], ''Le Passé d'une Illusion'', Robert Laffont, 1995.</ref>. Le poète [[André_Breton|André Breton]] n'est pas le seul à lire aussi la révolution russe comme une revanche sur la répression de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]] lorsqu'il note que 1917 renverse [[Commune_de_Paris_(1871)|1871]]. Mais la «&nbsp;grande lueur à l'Est&nbsp;» (titre d'un ouvrage de [[Jules_Romains|Jules Romains]]) n'est pas aussi bien accueillie par tout le monde. Les [[Classes_moyennes|classes moyennes]] sont ulcérées par la perte des [[Emprunt_russe|emprunts russes]], que Lénine a cessé de reconnaître dès le début 1918. Et l'[[Anticommunisme|anticommunisme]] est très fort chez les [[Section_française_de_l'Internationale_ouvrière|socialistes]] restés fidèles à la «&nbsp;vieille maison&nbsp;» lors du [[Congrès_de_Tours_(SFIO)|congrès de Tours]] de 1920, chez les [[Anarchistes|anarchistes]], chez certains intellectuels [[Humanisme|humanistes]] hostiles aux méthodes des Bolcheviks (par exemple [[Romain_Rolland|Romain Rolland]], ami de [[Maxime_Gorki|Gorki]]), et bien sûr dans les droites. Dès 1919, une affiche célèbre stigmatise dans le bolchevik «&nbsp;l'homme au couteau entre les dents&nbsp;».
    
Aux [[États-Unis|États-Unis]], la ''red scare'' ou peur des «&nbsp;Rouges&nbsp;» marque les années d'immédiat après-guerre et contribue aux réactions autoritaires, puritaines et xénophobes (les migrants sont perçus comme des porteurs potentiels du «&nbsp;virus&nbsp;» bolchevique) qui marquent les [[Années_1920|années 1920]]. En Allemagne, en Hongrie, en Italie, les forces conservatrices, nationalistes ou [[Fascisme|fascistes]], parfois alliées pour un temps à des sociaux-démocrates comme [[Gustav_Noske|Noske]] à Berlin, se battent pour réprimer par la violence le «&nbsp;bolchevisme&nbsp;» (un mot d'ailleurs élastique, sous lequel ils finissent par regrouper abusivement tout partisan d'un changement social, voire n'importe quel adversaire). En 1919, la peur et la haine du [[Bolchevik|bolchevisme]] et de la révolution d'Octobre, de ses avatars et de son extension possible jouent un rôle non négligeable dans la formation des idéologies et des mouvements de [[Benito_Mussolini|Benito Mussolini]] en Italie et d'[[Adolf_Hitler|Adolf Hitler]] en Allemagne.
 
Aux [[États-Unis|États-Unis]], la ''red scare'' ou peur des «&nbsp;Rouges&nbsp;» marque les années d'immédiat après-guerre et contribue aux réactions autoritaires, puritaines et xénophobes (les migrants sont perçus comme des porteurs potentiels du «&nbsp;virus&nbsp;» bolchevique) qui marquent les [[Années_1920|années 1920]]. En Allemagne, en Hongrie, en Italie, les forces conservatrices, nationalistes ou [[Fascisme|fascistes]], parfois alliées pour un temps à des sociaux-démocrates comme [[Gustav_Noske|Noske]] à Berlin, se battent pour réprimer par la violence le «&nbsp;bolchevisme&nbsp;» (un mot d'ailleurs élastique, sous lequel ils finissent par regrouper abusivement tout partisan d'un changement social, voire n'importe quel adversaire). En 1919, la peur et la haine du [[Bolchevik|bolchevisme]] et de la révolution d'Octobre, de ses avatars et de son extension possible jouent un rôle non négligeable dans la formation des idéologies et des mouvements de [[Benito_Mussolini|Benito Mussolini]] en Italie et d'[[Adolf_Hitler|Adolf Hitler]] en Allemagne.

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