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Depuis la mi-mai, l’[[Organisation_militaire_bolchevique|Organisation militaire bolchevique]] ([[Vladimir_Nevsky|Nevsky]], [[Podvoïsky|Podvoïsky]]...) demandait au [[Comité_central_bolchevik|comité central]] d'organiser une manifestation des soldats de la garnison. L'enthousiasme du Comité de Petrograd était très fort. Lénine en était partisan également ; lors du vote d'urgence après l'interdiction du congrès, il s'abstient. L'idée de manifestation avait également le soutien de la Fédération anarcho-communiste, et des interrayons dirigés par [[Trotski|Trotski]].
 
Depuis la mi-mai, l’[[Organisation_militaire_bolchevique|Organisation militaire bolchevique]] ([[Vladimir_Nevsky|Nevsky]], [[Podvoïsky|Podvoïsky]]...) demandait au [[Comité_central_bolchevik|comité central]] d'organiser une manifestation des soldats de la garnison. L'enthousiasme du Comité de Petrograd était très fort. Lénine en était partisan également ; lors du vote d'urgence après l'interdiction du congrès, il s'abstient. L'idée de manifestation avait également le soutien de la Fédération anarcho-communiste, et des interrayons dirigés par [[Trotski|Trotski]].
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Mais le caractère de la manifestation était déjà ambigü. Le 6 juin, [[Martin_Latsis|Latsis]], dirigeant du [[District_de_Vyborg|district de Vyborg]] et du comité de Pétrograd, affirmait que sans armes la manifestation serait ''« sans relief » ''et''« amateuriste ». ''[[Tcherepanov|Tcherepanov]], un des responsables de l’Organisation militaire, concluait que ''«&nbsp;les soldats ne manifesteront pas sans leurs armes ; la question est réglée&nbsp;»''. La question ne fut pas tranchée par un vote. Certains cadres bolchéviks étaient prêts à aller très loin, comme [[Ivan_Smilga|Smilga]] (membre du comité central depuis avril)&nbsp;: ''« le parti ne doit pas écarter la possibilité de s’emparer de la poste, du télégraphe et de l’arsenal si l’on en venait à un affrontement armé. »'' Selon Trotsky, cette proposition est repoussée mais [[Martin_Latsis|Latsis]] note alors dans son carnet : ''«&nbsp; je ne puis acquiescer à cela (…) Je m’entendrai avec les camarades Semachko et Rakhia pour que l’on soit, en cas de nécessité, sous les armes et qu’on s’empare des gares, des arsenaux, des banques, de la poste et du télégraphe, avec l’appui du régiment de mitrailleurs »'' (sous-lieutenant au 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, Semachko avait été élu à son commandement par les soldats ; Rakhia était un important dirigeant ouvrier du district de Vyborg).
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Mais le caractère de la manifestation était déjà ambigü. Le 6 juin, [[Martin_Latsis|Latsis]], dirigeant du [[District_de_Vyborg|district de Vyborg]] et du comité de Pétrograd, affirmait que sans armes la manifestation serait ''« sans relief » ''et''« amateuriste ». ''[[Tcherepanov|Tcherepanov]], un des responsables de l’Organisation militaire, concluait que ''«&nbsp;les soldats ne manifesteront pas sans leurs armes ; la question est réglée&nbsp;»''. La question ne fut pas tranchée par un vote. Certains cadres bolchéviks étaient prêts à aller très loin, comme [[Ivan_Smilga|Smilga]] (membre du comité central depuis avril)&nbsp;: ''« le parti ne doit pas écarter la possibilité de s’emparer de la poste, du télégraphe et de l’arsenal si l’on en venait à un affrontement armé. »'' Selon Trotski, cette proposition est repoussée mais [[Martin_Latsis|Latsis]] note alors dans son carnet : ''«&nbsp; je ne puis acquiescer à cela (…) Je m’entendrai avec les camarades Semachko et Rakhia pour que l’on soit, en cas de nécessité, sous les armes et qu’on s’empare des gares, des arsenaux, des banques, de la poste et du télégraphe, avec l’appui du régiment de mitrailleurs »'' (sous-lieutenant au 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, Semachko avait été élu à son commandement par les soldats ; Rakhia était un important dirigeant ouvrier du district de Vyborg).
    
Du 16 au 23&nbsp;juin se tient la Première conférence pan-russe des [[Organisation_militaire_bolchevique|organisations militaires bolcheviques]], dans laquelle beaucoup réclament d'urgence que l'on passe à l'assaut du gouvernement. Lénine fait une intervention prônant la patience et la nécessité de gagner d'abord une majorité dans les soviets. Le 21 juin, il écrit dans la [[Pravda|''Pravda'']]&nbsp;: ''«&nbsp;Nous comprenons l'amertume, nous comprenons l'effervescence des ouvriers de Piter. Mais nous leur disons&nbsp;: camarades, une action directe ne serait pas rationnelle pour le moment.&nbsp;»'' Le lendemain, même une conférence privée de&nbsp;dirigeants bolcheviks plus gauchistes en vint à la même conclusion.
 
Du 16 au 23&nbsp;juin se tient la Première conférence pan-russe des [[Organisation_militaire_bolchevique|organisations militaires bolcheviques]], dans laquelle beaucoup réclament d'urgence que l'on passe à l'assaut du gouvernement. Lénine fait une intervention prônant la patience et la nécessité de gagner d'abord une majorité dans les soviets. Le 21 juin, il écrit dans la [[Pravda|''Pravda'']]&nbsp;: ''«&nbsp;Nous comprenons l'amertume, nous comprenons l'effervescence des ouvriers de Piter. Mais nous leur disons&nbsp;: camarades, une action directe ne serait pas rationnelle pour le moment.&nbsp;»'' Le lendemain, même une conférence privée de&nbsp;dirigeants bolcheviks plus gauchistes en vint à la même conclusion.
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Le 3 juillet en fin d’après-midi, les militants bolcheviks et anarchistes du 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, prennent l'initiative d'un soulèvement. Ils entreprennent immédiatement de gagner les ouvriers à leur action. Aux ate­liers Poutilov, la plus grande concentration d'ouvriers en Russie, ils obtiennent un suc­cès décisif&nbsp;:
 
Le 3 juillet en fin d’après-midi, les militants bolcheviks et anarchistes du 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, prennent l'initiative d'un soulèvement. Ils entreprennent immédiatement de gagner les ouvriers à leur action. Aux ate­liers Poutilov, la plus grande concentration d'ouvriers en Russie, ils obtiennent un suc­cès décisif&nbsp;:
<blockquote>«''Environ dix mille ouvriers s'assemblèrent devant les locaux de l'administration. Acclamés, les mitrailleurs racontèrent qu'ils avaient reçu l'ordre de partir le 4 juillet pour le front, mais qu'ils avaient résolu "de marcher non du côté du front allemand, contre le prolétariat allemand, mais bien contre leurs propres ministres capitalistes". L'état des esprits monta. "En avant&nbsp;! En avant&nbsp;!" crièrent les ouvriers.''&nbsp;»<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrrsomm.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref></blockquote>  
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<blockquote>«''Environ dix mille ouvriers s'assemblèrent devant les locaux de l'administration. Acclamés, les mitrailleurs racontèrent qu'ils avaient reçu l'ordre de partir le 4 juillet pour le front, mais qu'ils avaient résolu "de marcher non du côté du front allemand, contre le prolétariat allemand, mais bien contre leurs propres ministres capitalistes". L'état des esprits monta. "En avant&nbsp;! En avant&nbsp;!" crièrent les ouvriers.''&nbsp;»<ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrrsomm.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref></blockquote>  
 
En quelques heures, de nombreuses usines, ainsi que </span>les marins de [[Kronstadt|Kronstadt]],se soulèvent, s'arment et se rassemblent puis convergent en plusieurs vagues vers le centre-ville et le palais de Tauride, siège du [[Soviet_de_Petersbourg|soviet]]. Une fois la manifestation engagée, l’Organisation militaire et le comité de Pétrograd des bolcheviks appellent à la rejoindre. Mais quel en est exactement le but, et comment s’organiser ? Le dirigeant anarcho-communiste [[Iosif_Bleichman|Bleichman]] répond que ce n’est pas un problème, ''« la rue nous organisera »''. <span>Les délégués du 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs <span>sont choqués d'apprendre que le parti bolchevik s'est prononcé contre l'action.</span></span>
 
En quelques heures, de nombreuses usines, ainsi que </span>les marins de [[Kronstadt|Kronstadt]],se soulèvent, s'arment et se rassemblent puis convergent en plusieurs vagues vers le centre-ville et le palais de Tauride, siège du [[Soviet_de_Petersbourg|soviet]]. Une fois la manifestation engagée, l’Organisation militaire et le comité de Pétrograd des bolcheviks appellent à la rejoindre. Mais quel en est exactement le but, et comment s’organiser ? Le dirigeant anarcho-communiste [[Iosif_Bleichman|Bleichman]] répond que ce n’est pas un problème, ''« la rue nous organisera »''. <span>Les délégués du 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs <span>sont choqués d'apprendre que le parti bolchevik s'est prononcé contre l'action.</span></span>
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<span><span>Mentalement épuisé, peut-être aussi dépassé par les événements, Lénine était parti le 29&nbsp;juin se reposer en Finlande. Rappelé d’urgence, il revient à Pétrograd le matin du 4 juillet.</span></span>
 
<span><span>Mentalement épuisé, peut-être aussi dépassé par les événements, Lénine était parti le 29&nbsp;juin se reposer en Finlande. Rappelé d’urgence, il revient à Pétrograd le matin du 4 juillet.</span></span>
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<span><span>Comparativement aux événements chaotiques du jour précédent, les manifesta­tions gigantesques du 4 juillet sont plus ordonnées. Mais la tension est telle que de nombreuses émeutes font plusieurs morts et blessés. Aux abords du palais de Tauride, des manifestants interpellent [[Tchernov|Tchernov]], le principal dirigeant [[Parti_SR|SR]] et ministre de l’agriculture : ''«&nbsp;Prend le pouvoir fils de pute, puisqu'on te le donne&nbsp;!&nbsp;»''<ref>[https://www.youtube.com/watch?v=f3ajJshCJ2A Lénine, une autre histoire de la révolution russe] - ARTE </ref><ref>https://fr.internationalism.org/rinte90/russe.htm</ref>, puis le déclarent en état d’arrestation et le font monter dans un véhicule. C’est [[Trotsky|Trotsky]] qui intervient et le sort de là.</span></span> <span>Le gouvernement provisoire, effrayé du soutien qu'apporte la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]] aux bolcheviks, fait venir des troupes dans la capitale</span>.
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<span><span>Comparativement aux événements chaotiques du jour précédent, les manifesta­tions gigantesques du 4 juillet sont plus ordonnées. Mais la tension est telle que de nombreuses émeutes font plusieurs morts et blessés. Aux abords du palais de Tauride, des manifestants interpellent [[Tchernov|Tchernov]], le principal dirigeant [[Parti_SR|SR]] et ministre de l’agriculture : ''«&nbsp;Prend le pouvoir fils de pute, puisqu'on te le donne&nbsp;!&nbsp;»''<ref>[https://www.youtube.com/watch?v=f3ajJshCJ2A Lénine, une autre histoire de la révolution russe] - ARTE </ref><ref>https://fr.internationalism.org/rinte90/russe.htm</ref>, puis le déclarent en état d’arrestation et le font monter dans un véhicule. C’est [[Trotski|Trotski]] qui intervient et le sort de là.</span></span> <span>Le gouvernement provisoire, effrayé du soutien qu'apporte la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]] aux bolcheviks, fait venir des troupes dans la capitale</span>.
    
<span><span>Le soir, une foule se masse sous le balcon de l[[Hôtel_particulier_de_la_Kschessinska|'hôtel de la Kschessinska]], siège du parti bolchévik. Parmi eux, des dizaines de milliers d'ouvriers, et 10 000 marins de Cronstadt venus avec la volonté d'en découdre. [[Zinoviev|Zinoviev]] s'adresse à eux et en­tame son discours avec un ton de plaisante­rie pour détendre l'atmosphère et finit en appelant les ouvriers à rentrer chez eux pa­cifiquement. </span> La foule demande à entendre Lénine, qui renâcle d’abord puis se présente au balcon où il prononce quelques mots<ref name="harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH" />. Selon Rabinowitch, ''« son message n’était pas ce que les marins espéraient entendre et beaucoup d’entre eux furent évidemment déçus. Lénine adressa quelques mots de salut et exprima sa certitude que le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux soviets" serait finalement vainqueur. Il conclut en appelant les marins à la retenue, la détermination et la vigilance. »''</span>
 
<span><span>Le soir, une foule se masse sous le balcon de l[[Hôtel_particulier_de_la_Kschessinska|'hôtel de la Kschessinska]], siège du parti bolchévik. Parmi eux, des dizaines de milliers d'ouvriers, et 10 000 marins de Cronstadt venus avec la volonté d'en découdre. [[Zinoviev|Zinoviev]] s'adresse à eux et en­tame son discours avec un ton de plaisante­rie pour détendre l'atmosphère et finit en appelant les ouvriers à rentrer chez eux pa­cifiquement. </span> La foule demande à entendre Lénine, qui renâcle d’abord puis se présente au balcon où il prononce quelques mots<ref name="harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH" />. Selon Rabinowitch, ''« son message n’était pas ce que les marins espéraient entendre et beaucoup d’entre eux furent évidemment déçus. Lénine adressa quelques mots de salut et exprima sa certitude que le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux soviets" serait finalement vainqueur. Il conclut en appelant les marins à la retenue, la détermination et la vigilance. »''</span>
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=== <span>Vague réactionnaire</span> ===
 
=== <span>Vague réactionnaire</span> ===
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La vague réactionnaire ne s'arrête pas là. <span>Le 22 juillet les alliés [[Interrayons|interrayons]] des [[Bolchéviks|bolchéviks]], comme [[Trotsky|Trotsky]] </span> et <span>[[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]] </span> sont<span>également arrêtés. Le gouvernement parvient également à reprendre la [[Anarchisme_en_Russie#La_villa_Dournovo|Villa Dournovo]], ce qu'il avait vainement tenté en juin. </span>Plus de 800 dirigeants et militants radicaux de Petrograd sont emprisonnés au cours du mois de juillet. Parmi eux, une majorité de bolchéviks&nbsp;: [[Kamenev|Kamenev]], [[Kollontaï|Kollontaï]], [[Raskolnikov|Raskolnikov]]...
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La vague réactionnaire ne s'arrête pas là. <span>Le 22 juillet les alliés [[Interrayons|interrayons]] des [[Bolchéviks|bolchéviks]], comme [[Trotski|Trotski]] </span> et <span>[[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]] </span> sont<span>également arrêtés. Le gouvernement parvient également à reprendre la [[Anarchisme_en_Russie#La_villa_Dournovo|Villa Dournovo]], ce qu'il avait vainement tenté en juin. </span>Plus de 800 dirigeants et militants radicaux de Petrograd sont emprisonnés au cours du mois de juillet. Parmi eux, une majorité de bolchéviks&nbsp;: [[Kamenev|Kamenev]], [[Kollontaï|Kollontaï]], [[Raskolnikov|Raskolnikov]]...
    
Des régiments de la garnison ayant pris part aux journées de juillet sont désarmés, démantelés ou dissous, envoyés au front. Une campagne de récupération des armes est lancée auprès de la population avec force menaces – mais peu de succès dans les usines. La [[Peine_de_mort|peine de mort]], abolie après Février, est rétablie sur le front ''« pour les militaires coupables de certains crimes des plus graves »''. Dans le même temps, les groupes de [[Cent-noirs|Cent-noirs]] s’enhardissent, les agressions contre des militants et des ouvriers se multiplient, on assiste à nouveau à des débuts de [[Pogromes|pogromes]].
 
Des régiments de la garnison ayant pris part aux journées de juillet sont désarmés, démantelés ou dissous, envoyés au front. Une campagne de récupération des armes est lancée auprès de la population avec force menaces – mais peu de succès dans les usines. La [[Peine_de_mort|peine de mort]], abolie après Février, est rétablie sur le front ''« pour les militaires coupables de certains crimes des plus graves »''. Dans le même temps, les groupes de [[Cent-noirs|Cent-noirs]] s’enhardissent, les agressions contre des militants et des ouvriers se multiplient, on assiste à nouveau à des débuts de [[Pogromes|pogromes]].
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<span>Avec la répression de la frange la plus révolutionnaire du mouvement, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le [[Parti_KD|parti KD]] évolue de plus en plus vers la droite monarchiste et est prêt à sacrifier provisoirement la démocratie pour rétablir l'ordre. Les possédants misent sur le général Kornilov, qui a fait la démonstration dans ses troupes qu'il est prêt à rétablir une discipline de fer. Kerensky accepte de le nommer général des armées, mais la vague réactionnaire le déborde, et Kornilov tente un putsch en lançant ses troupes sur Petrograd («&nbsp;[[Affaire_Kornilov|affaire Kornilov]]&nbsp;»).</span>
 
<span>Avec la répression de la frange la plus révolutionnaire du mouvement, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le [[Parti_KD|parti KD]] évolue de plus en plus vers la droite monarchiste et est prêt à sacrifier provisoirement la démocratie pour rétablir l'ordre. Les possédants misent sur le général Kornilov, qui a fait la démonstration dans ses troupes qu'il est prêt à rétablir une discipline de fer. Kerensky accepte de le nommer général des armées, mais la vague réactionnaire le déborde, et Kornilov tente un putsch en lançant ses troupes sur Petrograd («&nbsp;[[Affaire_Kornilov|affaire Kornilov]]&nbsp;»).</span>
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<span>L'intensité de la réaction n'a toutefois rien à voir avec d'autres exemples historiques, comme la [[Révolution_allemande_(1918-1919)|répression menée par les social-démocrates allemands]] allant jusqu'à l'assassinat de [[Karl_Liebknecht|Liebknecht]] et [[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]]. </span>Seul un bolchevik, le jeune militant [[Ivan_Voïnov|Ivan Voïnov]], sera tué, assassiné par un militaire lors de son arrestation. Beaucoup des détenus – dont aucun n’est jamais passé en procès – commencent à être libérés au bout de quelques semaines et la majorité, dont [[Trotsky|Trotsky]] le seront après « [[Affaire_Kornilov|l’affaire Kornilov]] » (quelques-uns, principalement des soldats accusés d’actes séditieux, devront cependant attendre [[Insurrection_d'Octobre_1917|Octobre]] pour retrouver l’air libre). La presse bolchévique reparaît très vite sous d'autres noms. Malgré la désorganisation initiale, l'influence politique bolchévique dans la classe ouvrière tend rapidement à retrouver ses niveaux antérieurs.
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<span>L'intensité de la réaction n'a toutefois rien à voir avec d'autres exemples historiques, comme la [[Révolution_allemande_(1918-1919)|répression menée par les social-démocrates allemands]] allant jusqu'à l'assassinat de [[Karl_Liebknecht|Liebknecht]] et [[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]]. </span>Seul un bolchevik, le jeune militant [[Ivan_Voïnov|Ivan Voïnov]], sera tué, assassiné par un militaire lors de son arrestation. Beaucoup des détenus – dont aucun n’est jamais passé en procès – commencent à être libérés au bout de quelques semaines et la majorité, dont [[Trotski|Trotski]] le seront après « [[Affaire_Kornilov|l’affaire Kornilov]] » (quelques-uns, principalement des soldats accusés d’actes séditieux, devront cependant attendre [[Insurrection_d'Octobre_1917|Octobre]] pour retrouver l’air libre). La presse bolchévique reparaît très vite sous d'autres noms. Malgré la désorganisation initiale, l'influence politique bolchévique dans la classe ouvrière tend rapidement à retrouver ses niveaux antérieurs.
    
La raison principale est que le gouvernement est faible&nbsp;: à sa droite, les KD ont démissionné, à sa gauche, les [[Conciliateurs|conciliateurs]] sont sous pression de leur base et ne peuvent trop se compromettre. Ces derniers, même s'ils cautionnent globalement la répression, protestent parfois contre les arrestations sans preuve et les calomnies.
 
La raison principale est que le gouvernement est faible&nbsp;: à sa droite, les KD ont démissionné, à sa gauche, les [[Conciliateurs|conciliateurs]] sont sous pression de leur base et ne peuvent trop se compromettre. Ces derniers, même s'ils cautionnent globalement la répression, protestent parfois contre les arrestations sans preuve et les calomnies.
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=== <span>Rupture entre bolchéviks et soviets&nbsp;?</span> ===
 
=== <span>Rupture entre bolchéviks et soviets&nbsp;?</span> ===
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<span>La répression des bolchéviks va tracer une ligne de rupture entre socialistes. Les meilleurs militants des autres groupes, comme les 4000 membres de </span>l’[[Comité_interdistricts|organisation interdistricts]] dirigée par [[Trotsky|Trotsky]] rejoindront le parti bolchévik à la fin juillet. <span>A l'inverse</span> l<span>'avant-garde se détourne définitivement des chefs conciliateurs.</span> Mais étant donné que ces chefs dirigent encore les soviets, il faut pour certains bolchéviks rompre avec les soviets.
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<span>La répression des bolchéviks va tracer une ligne de rupture entre socialistes. Les meilleurs militants des autres groupes, comme les 4000 membres de </span>l’[[Comité_interdistricts|organisation interdistricts]] dirigée par [[Trotski|Trotski]] rejoindront le parti bolchévik à la fin juillet. <span>A l'inverse</span> l<span>'avant-garde se détourne définitivement des chefs conciliateurs.</span> Mais étant donné que ces chefs dirigent encore les soviets, il faut pour certains bolchéviks rompre avec les soviets.
    
Une conférence du Comité central est convoquée pour les 13-14 juillet, à laquelle sont invités des représentants de l’Organisation militaire ainsi que des comités de Pétrograd et de Moscou. Lénine rédige le 10 juillet des thèses sur la situation politique. Il estime que''« la contre-révolution (…) s’est emparée du pouvoir d’Etat (…) L’essentiel du pouvoir est en fait exercé par une dictature militaire (…) Les dirigeants des soviets et des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique (…) ont transformé les soviets et leurs partis en paravents de la contre-révolution. »<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/07/vil19170723.htm La situation politique (Quatre thèses)]'', Rédigé le 10 juillet 1917, Publié le 20 juillet 1917 dans ''Prolétarskoïé Diélo'' n° 6</ref>''
 
Une conférence du Comité central est convoquée pour les 13-14 juillet, à laquelle sont invités des représentants de l’Organisation militaire ainsi que des comités de Pétrograd et de Moscou. Lénine rédige le 10 juillet des thèses sur la situation politique. Il estime que''« la contre-révolution (…) s’est emparée du pouvoir d’Etat (…) L’essentiel du pouvoir est en fait exercé par une dictature militaire (…) Les dirigeants des soviets et des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique (…) ont transformé les soviets et leurs partis en paravents de la contre-révolution. »<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/07/vil19170723.htm La situation politique (Quatre thèses)]'', Rédigé le 10 juillet 1917, Publié le 20 juillet 1917 dans ''Prolétarskoïé Diélo'' n° 6</ref>''
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Il en résulte que ''« tous les espoirs en un développement pacifique de la révolution russe ont définitivement disparu. » ''Or, ''«&nbsp; le mot d’ordre qui correspondait à cette possibilité était le passage de tous le pouvoir aux soviets. A l’heure actuelle, ce mot d’ordre a cessé d’être juste car il ne tient pas compte de la dictature militaire et du fait qu’en pratique, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks ont complètement trahi la cause de la révolution. »'' Le mot d’ordre ''« Tout le pouvoir aux soviets »'', qui synthétisait la politique des bolcheviks depuis avril, doit donc être abandonné et il faut lui substituer la tâche – dont la définition reste très générique – de ''« rassembler les forces, les réorganiser et les préparer fermement à l’insurrection armée, au cas où le déroulement de la crise permettrait à celle-ci d’avoir réellement un caractère de masse englobant l’ensemble du peuple »''. Selon [[Ordjonikidzé|Ordjonikidzé]] puis [[Trotsky|Trotsky]], Lénine envisageait alors que l’ancien rôle révolutionnaire des [[Soviets|soviets]] soit repris par les [[Comités_d’usine|comités d’usine]], mais on ne trouve pas trace de cette idée dans ses écrits.
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Il en résulte que ''« tous les espoirs en un développement pacifique de la révolution russe ont définitivement disparu. » ''Or, ''«&nbsp; le mot d’ordre qui correspondait à cette possibilité était le passage de tous le pouvoir aux soviets. A l’heure actuelle, ce mot d’ordre a cessé d’être juste car il ne tient pas compte de la dictature militaire et du fait qu’en pratique, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks ont complètement trahi la cause de la révolution. »'' Le mot d’ordre ''« Tout le pouvoir aux soviets »'', qui synthétisait la politique des bolcheviks depuis avril, doit donc être abandonné et il faut lui substituer la tâche – dont la définition reste très générique – de ''« rassembler les forces, les réorganiser et les préparer fermement à l’insurrection armée, au cas où le déroulement de la crise permettrait à celle-ci d’avoir réellement un caractère de masse englobant l’ensemble du peuple »''. Selon [[Ordjonikidzé|Ordjonikidzé]] puis [[Trotski|Trotski]], Lénine envisageait alors que l’ancien rôle révolutionnaire des [[Soviets|soviets]] soit repris par les [[Comités_d’usine|comités d’usine]], mais on ne trouve pas trace de cette idée dans ses écrits.
    
Lénine expliquera plus longuement sa position dans un texte du 15 juillet<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/07/vil19170728b.htm A propos des mots d'ordre]'', 15 juillet 1917</ref>: puisque ''« la bourgeoisie contre-révolutionnaire (…) s’est adjoint les partis petits-bourgeois socialiste-révolutionnaire et menchevique », « réclamer la transmission du pouvoir aux soviets serait aujourd’hui du donquichottisme ou une dérision. Lancer ce mot d’ordre reviendrait à tromper le peuple »''. En effet ''«&nbsp; la clique militaire, les Cavaignac appuyés par les troupes réactionnaires amenées à Petrograd, par les cadets et les monarchistes (…) ne peuvent être vaincues que par les masses révolutionnaires du peuple (…) conduites par le prolétariat », ''lesquelles doivent pour cela''« se détourner des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique, traîtres à la révolution. »''
 
Lénine expliquera plus longuement sa position dans un texte du 15 juillet<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/07/vil19170728b.htm A propos des mots d'ordre]'', 15 juillet 1917</ref>: puisque ''« la bourgeoisie contre-révolutionnaire (…) s’est adjoint les partis petits-bourgeois socialiste-révolutionnaire et menchevique », « réclamer la transmission du pouvoir aux soviets serait aujourd’hui du donquichottisme ou une dérision. Lancer ce mot d’ordre reviendrait à tromper le peuple »''. En effet ''«&nbsp; la clique militaire, les Cavaignac appuyés par les troupes réactionnaires amenées à Petrograd, par les cadets et les monarchistes (…) ne peuvent être vaincues que par les masses révolutionnaires du peuple (…) conduites par le prolétariat », ''lesquelles doivent pour cela''« se détourner des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique, traîtres à la révolution. »''
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== <span>Bibliographie</span> ==
 
== <span>Bibliographie</span> ==
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*Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1917/07/journees.htm ''Les journées de juillet''] (article de Trotsky écrit juste après les évènements).  
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*Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1917/07/journees.htm ''Les journées de juillet''] (article de Trotski écrit juste après les évènements).  
 
*<span>NPA, [https://npa2009.org/idees/histoire/revolution-russe-crise-de-juin-journees-de-juillet ''Révolution russe&nbsp;: Crise de juin, «&nbsp;journées de juillet&nbsp;»''], juin 2017</span>  
 
*<span>NPA, [https://npa2009.org/idees/histoire/revolution-russe-crise-de-juin-journees-de-juillet ''Révolution russe&nbsp;: Crise de juin, «&nbsp;journées de juillet&nbsp;»''], juin 2017</span>  
 
*<span>NPA, </span>[https://npa2009.org/idees/histoire/de-juillet-septembre-ou-kornilov-ou-lenine ''De juillet à septembre&nbsp;: Ou Kornilov, ou Lénine'']<span>, juin 2017</span>  
 
*<span>NPA, </span>[https://npa2009.org/idees/histoire/de-juillet-septembre-ou-kornilov-ou-lenine ''De juillet à septembre&nbsp;: Ou Kornilov, ou Lénine'']<span>, juin 2017</span>  
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*<span>[[Georges_Haupt|Georges Haupt]], «&nbsp;Journées de juillet 1917&nbsp;», ''[[Encyclopædia_Universalis|Encyclopædia Universalis]]''.</span>  
 
*<span>[[Georges_Haupt|Georges Haupt]], «&nbsp;Journées de juillet 1917&nbsp;», ''[[Encyclopædia_Universalis|Encyclopædia Universalis]]''.</span>  
 
*<span>{{ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|lien auteur1=|responsabilité1=|directeur1=|prénom2=|nom2=|lien auteur2=|responsabilité2=|directeur2=|et al.=|traducteur=|illustrateur=|préface=|photographe=|titre=Histoire du Parti communiste /bolchévik/ de l'U.R.S.S|sous-titre=Précis rédigé par une commission du Comité central du P.C.(b) de l'U.R.S.S|lien titre=|titre original=|numéro d'édition=|collection=|série=|numéro dans collection=|lien éditeur=|éditeur=Éditions en langues étrangères|lieu=Moscou|année=1949|mois=|jour=|année première édition=1938|réimpression=|tome=|volume=|titre volume=|pages totales=408|partie=|numéro chapitre=VIII|titre chapitre=Le Parti bolchévik prépare et accomplit la révolution socialiste d'octobtre|passage=|id=HPC1949|libellé=|référence=|référence simplifié=|COins=}}</span>  
 
*<span>{{ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|lien auteur1=|responsabilité1=|directeur1=|prénom2=|nom2=|lien auteur2=|responsabilité2=|directeur2=|et al.=|traducteur=|illustrateur=|préface=|photographe=|titre=Histoire du Parti communiste /bolchévik/ de l'U.R.S.S|sous-titre=Précis rédigé par une commission du Comité central du P.C.(b) de l'U.R.S.S|lien titre=|titre original=|numéro d'édition=|collection=|série=|numéro dans collection=|lien éditeur=|éditeur=Éditions en langues étrangères|lieu=Moscou|année=1949|mois=|jour=|année première édition=1938|réimpression=|tome=|volume=|titre volume=|pages totales=408|partie=|numéro chapitre=VIII|titre chapitre=Le Parti bolchévik prépare et accomplit la révolution socialiste d'octobtre|passage=|id=HPC1949|libellé=|référence=|référence simplifié=|COins=}}</span>  
*<span>{{Ouvrage|langue= fr|nom1=Trotsky|prénom=Léon|lien auteur1= Léon Trotski|titre=Histoire de la révolution russe |sous-titre= |éditeur=Le seuil |collection=Points Essais |lieu= |année=1995|année première édition=1950 |tome=II|titre volume= La révolution d'octobre |pages totales=766 |titre chapitre= Les bolcheviks pouvaient-ils prendre le pouvoir en Juillet ?|isbn= 2-02-026130-8|id=LT2|lire en ligne= }}</span>  
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*<span>{{Ouvrage|langue= fr|nom1=Trotski|prénom=Léon|lien auteur1= Léon Trotski|titre=Histoire de la révolution russe |sous-titre= |éditeur=Le seuil |collection=Points Essais |lieu= |année=1995|année première édition=1950 |tome=II|titre volume= La révolution d'octobre |pages totales=766 |titre chapitre= Les bolcheviks pouvaient-ils prendre le pouvoir en Juillet ?|isbn= 2-02-026130-8|id=LT2|lire en ligne= }}</span>  
    
== <span>Notes</span> ==
 
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