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Ce gouvernement est d'abord composé uniquement de bolchéviks, puis à partir de décembre 1917 intègre des SR de gauche. Après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits.
 
Ce gouvernement est d'abord composé uniquement de bolchéviks, puis à partir de décembre 1917 intègre des SR de gauche. Après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits.
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== La paix ==
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==La paix==
    
[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px|Dekret o mire.png]]La toute première mesure, prise par le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la [[Diplomatie_secrète|diplomatie secrète]] et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
 
[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px|Dekret o mire.png]]La toute première mesure, prise par le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la [[Diplomatie_secrète|diplomatie secrète]] et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
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Au prix de débats tendus dans le parti bolchévik et d'une trahison des SR de gauche, cela a finalement abouti à la [[Paix_de_Brest-Litovsk|paix de Brest-Litovsk]].
 
Au prix de débats tendus dans le parti bolchévik et d'une trahison des SR de gauche, cela a finalement abouti à la [[Paix_de_Brest-Litovsk|paix de Brest-Litovsk]].
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== Les libertés démocratiques ==
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==Les libertés démocratiques==
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=== La libération des nationalités opprimées ===
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===La libération des nationalités opprimées===
    
{{Article détaillé|Minorités nationales en Russie}}
 
{{Article détaillé|Minorités nationales en Russie}}
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Au cours des années suivant la révolution d'Octobre, 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
 
Au cours des années suivant la révolution d'Octobre, 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
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=== Egalité juridique entre citoyens, et entre hommes et femmes ===
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===Egalité juridique entre citoyens, et entre hommes et femmes===
    
Le gouvernement soviétique prit toutes les mesures démocratiques radicales dans le domaine politique, assurant l’égalité formelle de tous les citoyens : les ordres ([[Noblesse|noblesse]], [[Clergé|clergé]], etc.) et les privilèges qui y étaient liés sont abolis, ainsi que tous les titres nobiliaires et qualifications ; les biens de ces privilégiés sont immédiatement confisqués. Le décret du 23 janvier 1918 acte la séparation de l’[[Église|Église]] et de l’[[État|État]].
 
Le gouvernement soviétique prit toutes les mesures démocratiques radicales dans le domaine politique, assurant l’égalité formelle de tous les citoyens : les ordres ([[Noblesse|noblesse]], [[Clergé|clergé]], etc.) et les privilèges qui y étaient liés sont abolis, ainsi que tous les titres nobiliaires et qualifications ; les biens de ces privilégiés sont immédiatement confisqués. Le décret du 23 janvier 1918 acte la séparation de l’[[Église|Église]] et de l’[[État|État]].
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{{Voir|Condition des femmes en URSS}}
 
{{Voir|Condition des femmes en URSS}}
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=== Répression politique ===
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===Répression politique===
    
La révolution victorieuse est d'abord généreuse : les bolchéviks s’efforcent de réduire par la négociation tous les soulèvements, même armés (les soldats rouges ont ordre de ne pas tirer les premiers). Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile.  Des officiers et junkers faits prisonniers, et même des généraux comme Krasnov, sont libérés aussitôt contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre les soviets. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, et formeront les cadres de l’[[Armée_blanche|armée blanche]] dans les mois suivants.
 
La révolution victorieuse est d'abord généreuse : les bolchéviks s’efforcent de réduire par la négociation tous les soulèvements, même armés (les soldats rouges ont ordre de ne pas tirer les premiers). Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile.  Des officiers et junkers faits prisonniers, et même des généraux comme Krasnov, sont libérés aussitôt contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre les soviets. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, et formeront les cadres de l’[[Armée_blanche|armée blanche]] dans les mois suivants.
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Une police politique, la [[Tcheka|Tcheka]], est aussi fondée en décembre 1917. Le [[Sovnarkom|Sovnarkom]] abolira à nouveau la [[Peine_de_mort|peine de mort]] (abolie [[Révolution_de_Février_1917|en février]], mais rétablie par [[Kerensky|Kerensky]] en [[Journées_de_juillet_1917|juillet]]), malgré la réticence de Lénine qui la jugeait indispensable pendant la guerre civile. Celle-ci fut rétablie pendant la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]].
 
Une police politique, la [[Tcheka|Tcheka]], est aussi fondée en décembre 1917. Le [[Sovnarkom|Sovnarkom]] abolira à nouveau la [[Peine_de_mort|peine de mort]] (abolie [[Révolution_de_Février_1917|en février]], mais rétablie par [[Kerensky|Kerensky]] en [[Journées_de_juillet_1917|juillet]]), malgré la réticence de Lénine qui la jugeait indispensable pendant la guerre civile. Celle-ci fut rétablie pendant la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]].
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=== La question de la liberté de la presse ===
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===La question de la liberté de la presse===
    
Dès avant [[Révolution_d'octobre_1917|Octobre]], les masses populaires menaient parfois des actions directes contre la presse bourgeoise qui déversait sa haine des soviets. De ce point de vue, il n'y avait pas réellement de différence selon que ceux qui passent à l'acte sont bolchéviks, anarchistes ou sans parti. Par exemple le 5 juin des anarchistes prennent l’imprimerie du journal de droite ''Rousskaïa Volia''.
 
Dès avant [[Révolution_d'octobre_1917|Octobre]], les masses populaires menaient parfois des actions directes contre la presse bourgeoise qui déversait sa haine des soviets. De ce point de vue, il n'y avait pas réellement de différence selon que ceux qui passent à l'acte sont bolchéviks, anarchistes ou sans parti. Par exemple le 5 juin des anarchistes prennent l’imprimerie du journal de droite ''Rousskaïa Volia''.
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Dès le lendemain du 7 novembre (n.s), sept journaux de la capitale sont interdits. <span class="reference-text">Parmi eux, la ''Retch'', organe central du [[Parti_KD|parti KD]] (qui continue à paraître sous d’autres titres jusqu'en juillet 1918), ''Dien'', quotidien de tendance libérale-bourgeoise financé par les banques, ''Birjovka'' ou ''Birjévyié Viédomosti'' [''La Gazette de la Bourse''], </span>''Rousskaïa Volia, ''<span class="reference-text">''Nache obsheie delo'', et ''Novoie Vremia''. A noter que la plupart des quotidiens interdits reparurent très vite sous des noms différents.</span>
 
Dès le lendemain du 7 novembre (n.s), sept journaux de la capitale sont interdits. <span class="reference-text">Parmi eux, la ''Retch'', organe central du [[Parti_KD|parti KD]] (qui continue à paraître sous d’autres titres jusqu'en juillet 1918), ''Dien'', quotidien de tendance libérale-bourgeoise financé par les banques, ''Birjovka'' ou ''Birjévyié Viédomosti'' [''La Gazette de la Bourse''], </span>''Rousskaïa Volia, ''<span class="reference-text">''Nache obsheie delo'', et ''Novoie Vremia''. A noter que la plupart des quotidiens interdits reparurent très vite sous des noms différents.</span>
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L'interdiction était une [[Expropriation|expropriation]] populaire. Ainsi [[Trotsky|Trotsky]] raconte comment <span class="reference-text">l'imprimerie de la ''Rousskaia Volia'' a été prise. [[Serguei_Ouralov|Ouralov]], commissaire du [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]], est allé voir les soldats du régiment Semenovsky pour leur exposer la tâche, et ceux-ci ont immédiatement approuvé. Lorsqu'ils sont ensuite entrés dans l'imprimerie, les ouvriers ont accueilli leur mission avec des hourras et des </span>''«&nbsp;Vivent les soviets&nbsp;!&nbsp;»''<span class="reference-text">" L'imprimerie a aussitôt été utilisée pour la publication de la [[Pravda|''Pravda'']] en grand format et à gros tirage.</span>
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L'interdiction était une [[Expropriation|expropriation]] populaire. Ainsi [[Trotsky|Trotsky]] raconte comment <span class="reference-text">l'imprimerie de la ''Rousskaia Volia'' a été prise. [[Serguei_Ouralov|Ouralov]], commissaire du [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]], est allé voir les soldats du régiment Semenovsky pour leur exposer la tâche, et ceux-ci ont immédiatement approuvé. Lorsqu'ils sont ensuite entrés dans l'imprimerie, les ouvriers ont accueilli leur mission avec des hourras et des </span>''«&nbsp;Vivent les soviets&nbsp;!&nbsp;»''<span class="reference-text">" L'imprimerie a aussitôt été utilisée pour la publication de la ''[[Pravda|Pravda]]'' en grand format et à gros tirage.</span>
    
Ces journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au ''«&nbsp;coup de force des agents du Kaiser&nbsp;»''. <span class="reference-text">[[Lénine|Lénine]] répond ainsi le 7 novembre aux [[SR_de_gauche|SR de gauche]] qui protestent contre l’interdiction de journaux bourgeois&nbsp;: ''«&nbsp;N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme&nbsp;?&nbsp;»''.</span> De nombreux bolchéviks protestent cependant&nbsp;: <span class="reference-text">[[Iouri_Larine|Iouri Larine]] propose ainsi au comité exécutif central une motion réclamant l’abolition des mesures contre la liberté de la presse, motion qui n’est rejetée qu’à 2 voix près.</span>
 
Ces journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au ''«&nbsp;coup de force des agents du Kaiser&nbsp;»''. <span class="reference-text">[[Lénine|Lénine]] répond ainsi le 7 novembre aux [[SR_de_gauche|SR de gauche]] qui protestent contre l’interdiction de journaux bourgeois&nbsp;: ''«&nbsp;N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme&nbsp;?&nbsp;»''.</span> De nombreux bolchéviks protestent cependant&nbsp;: <span class="reference-text">[[Iouri_Larine|Iouri Larine]] propose ainsi au comité exécutif central une motion réclamant l’abolition des mesures contre la liberté de la presse, motion qui n’est rejetée qu’à 2 voix près.</span>
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Selon certains historiens, ''«&nbsp;contrairement à la légende, la suppression de la presse bourgeoise ou des feuilles SR n'émane ni de Lénine ni des sphères dirigeantes du parti bolcheviks&nbsp;»'' mais ''«&nbsp;du public, en l'occurrence des milieux populaires insurgés&nbsp;»''.<ref>Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863.</ref>
 
Selon certains historiens, ''«&nbsp;contrairement à la légende, la suppression de la presse bourgeoise ou des feuilles SR n'émane ni de Lénine ni des sphères dirigeantes du parti bolcheviks&nbsp;»'' mais ''«&nbsp;du public, en l'occurrence des milieux populaires insurgés&nbsp;»''.<ref>Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863.</ref>
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Les partis socialistes conservent leur presse. La presse légale menchevique ne disparaît qu’en 1919, celle des anarchistes hostiles au régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leur révolte contre les bolcheviks.
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Les partis socialistes conservent leur presse. La presse légale menchevique ne disparaît qu’en 1919, celle des anarchistes hostiles au régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leur révolte contre les bolcheviks, de leur mise à exécution d'un projet d'assassinat le 6 juillet de l'ambassadeur d'Allemagne à Moscou, Whilelm Von Mirbach. Ce crime mit la Russie à deux doigts d'une invasion allemande.
    
Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
 
Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
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Les rumeurs répandues par la presse bourgeoise ne peuvent être séparées des préparatifs militaires de coup d’État. En ce sens, faire preuve de la moindre faiblesse face à la contre-révolution, même avec les meilleures intentions du monde, c’est trahir la révolution. Tous les hésitants (comme les SR de gauche et le groupe Zinoviev-Kamenev dans le parti bolchévik) semblent avoir oublié les leçons de la Commune de Paris. La bourgeoisie française n’avait continué à discuter avec les communards que le temps de réunir, en accord avec Bismarck (représentant les intérêts de la bourgeoisie allemande), les forces nécessaires pour écraser la révolution prolétarienne commençante. La lutte politique et médiatique de la bourgeoisie contre le gouvernement révolutionnaire et son recours à la force militaire ne sont pas deux politiques opposées, mais les deux moments d’une même politique, dont le résultat ne peut être rien d’autre que le rétablissement du pouvoir de la bourgeoisie sur la base du massacre des ouvriers révolutionnaires.
 
Les rumeurs répandues par la presse bourgeoise ne peuvent être séparées des préparatifs militaires de coup d’État. En ce sens, faire preuve de la moindre faiblesse face à la contre-révolution, même avec les meilleures intentions du monde, c’est trahir la révolution. Tous les hésitants (comme les SR de gauche et le groupe Zinoviev-Kamenev dans le parti bolchévik) semblent avoir oublié les leçons de la Commune de Paris. La bourgeoisie française n’avait continué à discuter avec les communards que le temps de réunir, en accord avec Bismarck (représentant les intérêts de la bourgeoisie allemande), les forces nécessaires pour écraser la révolution prolétarienne commençante. La lutte politique et médiatique de la bourgeoisie contre le gouvernement révolutionnaire et son recours à la force militaire ne sont pas deux politiques opposées, mais les deux moments d’une même politique, dont le résultat ne peut être rien d’autre que le rétablissement du pouvoir de la bourgeoisie sur la base du massacre des ouvriers révolutionnaires.
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== Les mesures économiques ==
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==Les mesures économiques==
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=== La terre aux paysans ===
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===La terre aux paysans===
    
{{Article détaillé|Mouvement paysan en 1917|Décret sur la terre}}
 
{{Article détaillé|Mouvement paysan en 1917|Décret sur la terre}}
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De juin à décembre 1918, les bolchéviks organisent des [[Comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]] dans les campagnes<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c_9.htm Terrorisme et communisme]'', 1920</ref>, pour s'appuyer sur les prolétaires et semi-prolétaires des campagnes contre les koulaks, et pousser la paysannerie moyenne à basculer du côté des ouvriers. Par la suite, des soviets sont institués dans les campagnes.
 
De juin à décembre 1918, les bolchéviks organisent des [[Comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]] dans les campagnes<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c_9.htm Terrorisme et communisme]'', 1920</ref>, pour s'appuyer sur les prolétaires et semi-prolétaires des campagnes contre les koulaks, et pousser la paysannerie moyenne à basculer du côté des ouvriers. Par la suite, des soviets sont institués dans les campagnes.
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=== L’industrie&nbsp;: nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier ===
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===L’industrie&nbsp;: nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier===
    
{{Article détaillé|Décret sur le contrôle ouvrier}}
 
{{Article détaillé|Décret sur le contrôle ouvrier}}
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Dans la mesure où elles restent partielles et se font sur la base d’une économie qui reste capitaliste, ces mesures reviennent à mettre en place ce que Lénine appelle un «&nbsp;[[Capitalisme_d'État|capitalisme d’État]]&nbsp;». Il est vrai que, à la même époque —&nbsp;mais bien plus encore après la Deuxième Guerre mondiale —, les principaux pays capitalistes européens nationalisent certaines entreprises et s’efforcent de [[Planification|planifier]] la production (au moins celle des industries de guerre). Mais les nationalisations réalisées par l’État soviétique, ont un caractère différent&nbsp;: elles préparent la nationalisation intégrale et l’organisation de toute la production en fonction des besoins, c’est-à-dire la planification socialiste&nbsp;; elles sont donc orientées vers le socialisme.
 
Dans la mesure où elles restent partielles et se font sur la base d’une économie qui reste capitaliste, ces mesures reviennent à mettre en place ce que Lénine appelle un «&nbsp;[[Capitalisme_d'État|capitalisme d’État]]&nbsp;». Il est vrai que, à la même époque —&nbsp;mais bien plus encore après la Deuxième Guerre mondiale —, les principaux pays capitalistes européens nationalisent certaines entreprises et s’efforcent de [[Planification|planifier]] la production (au moins celle des industries de guerre). Mais les nationalisations réalisées par l’État soviétique, ont un caractère différent&nbsp;: elles préparent la nationalisation intégrale et l’organisation de toute la production en fonction des besoins, c’est-à-dire la planification socialiste&nbsp;; elles sont donc orientées vers le socialisme.
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=== Nationalisation des banques ===
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===Nationalisation des banques===
    
Le gouvernement soviétique décide (14 décembre) que le système bancaire devient un monopole d’État&nbsp;: «&nbsp;''Toutes les banques privées et tous les comptoirs bancaires existants sont fusionnés dans la Banque d’État''&nbsp;», qui «''&nbsp;prend à son compte l’actif et le passif des établissements liquidés''&nbsp;». Le décret précise que «''&nbsp;les intérêts des petits déposants seront entièrement sauvegardés''&nbsp;». Cette mesure a pour objet d’une part de briser un des instruments décisifs de la domination du grand capital et constitue le préalable à toute réorganisation de l’économie de façon rationnelle dans l’intérêt de l’immense majorité.
 
Le gouvernement soviétique décide (14 décembre) que le système bancaire devient un monopole d’État&nbsp;: «&nbsp;''Toutes les banques privées et tous les comptoirs bancaires existants sont fusionnés dans la Banque d’État''&nbsp;», qui «''&nbsp;prend à son compte l’actif et le passif des établissements liquidés''&nbsp;». Le décret précise que «''&nbsp;les intérêts des petits déposants seront entièrement sauvegardés''&nbsp;». Cette mesure a pour objet d’une part de briser un des instruments décisifs de la domination du grand capital et constitue le préalable à toute réorganisation de l’économie de façon rationnelle dans l’intérêt de l’immense majorité.
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=== Répudiation de la dette ===
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===Répudiation de la dette===
    
Le régime tsariste était endetté avant-guerre auprès des capitalistes occidentaux (principalement auprès de la France et de l'Angleterre), et cette dette s'est envolée pendant la guerre. C'étaient les fameux ''«&nbsp;[[Emprunts_russes|emprunts russes]]&nbsp;»''. Une des premières mesures des bolchéviks fut de répudier la [[Dette_publique|dette publique]], par un décret du 29 décembre 1917.<ref>http://books.google.fr/books?id=Zhr9aij-UzkC&pg=PA393&lpg=PA393&dq=d%C3%A9cret+de+r%C3%A9pudiation+des+emprunts+russes&source=bl&ots=21iPP2n6i-&sig=G2uzgurakJAK_TrpCmKlcBltWkQ&hl=fr&sa=X&ei=hg8MT6TKG8L4sgb32oGOBA&ved=0CDoQ6AEwAw#v=onepage&q=d%C3%A9cret%20de%20r%C3%A9pudiation%20des%20emprunts%20russes&f=false</ref>
 
Le régime tsariste était endetté avant-guerre auprès des capitalistes occidentaux (principalement auprès de la France et de l'Angleterre), et cette dette s'est envolée pendant la guerre. C'étaient les fameux ''«&nbsp;[[Emprunts_russes|emprunts russes]]&nbsp;»''. Une des premières mesures des bolchéviks fut de répudier la [[Dette_publique|dette publique]], par un décret du 29 décembre 1917.<ref>http://books.google.fr/books?id=Zhr9aij-UzkC&pg=PA393&lpg=PA393&dq=d%C3%A9cret+de+r%C3%A9pudiation+des+emprunts+russes&source=bl&ots=21iPP2n6i-&sig=G2uzgurakJAK_TrpCmKlcBltWkQ&hl=fr&sa=X&ei=hg8MT6TKG8L4sgb32oGOBA&ved=0CDoQ6AEwAw#v=onepage&q=d%C3%A9cret%20de%20r%C3%A9pudiation%20des%20emprunts%20russes&f=false</ref>
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En 1922, une conférence économique internationale se tient à Gênes<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/03/vil19220306.htm Les Tâches actuelles de la Russie des Soviets]'', Discours du 6 mars 1922</ref>, au cours de laquelle les impérialistes réclament le paiement de leur dette, ce qui provoque la rupture des négociations.
 
En 1922, une conférence économique internationale se tient à Gênes<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/03/vil19220306.htm Les Tâches actuelles de la Russie des Soviets]'', Discours du 6 mars 1922</ref>, au cours de laquelle les impérialistes réclament le paiement de leur dette, ce qui provoque la rupture des négociations.
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=== Système d’assurance sociale ===
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===Système d’assurance sociale===
    
Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du [[Conseil_National_de_la_Résistance|Conseil National de la Résistance]]. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier [[État_ouvrier|État ouvrier]]. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociaux-démocrates).
 
Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du [[Conseil_National_de_la_Résistance|Conseil National de la Résistance]]. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier [[État_ouvrier|État ouvrier]]. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociaux-démocrates).
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Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme&nbsp;: le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays sous-développé, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution.&nbsp;Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du «&nbsp;capitalisme d’État&nbsp;» soviétique au socialisme&nbsp;: en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de [[Nationalisations|nationalisations]], c’est la structure de l’État.
 
Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme&nbsp;: le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays sous-développé, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution.&nbsp;Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du «&nbsp;capitalisme d’État&nbsp;» soviétique au socialisme&nbsp;: en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de [[Nationalisations|nationalisations]], c’est la structure de l’État.
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== Enseignement, science, art et culture ==
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==Enseignement, science, art et culture==
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=== Enseignement général obligatoire, laïque et gratuit ===
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===Enseignement général obligatoire, laïque et gratuit===
    
La Russie est un pays dans lequel, en 1917, l’écrasante majorité de la population ne sait ni lire, ni écrire. C’est évidemment un obstacle considérable à la mise en place d’une démocratie authentique et à tout développement économique moderne. C’est pourquoi le gouvernement décide dès le début 1918 la mise en place d’un enseignement général, obligatoire et gratuit<ref>Samuel Joshua, [https://www.contretemps.eu/ils-ont-ose-ecole-sovietique-1920/ ''L’expérience de l’école soviétique des années 1920''], Contretemps, juin 2017</ref>. Il supprime toutes les barrières légales à l’accès des enfants d’ouvriers et de paysans à l’enseignement supérieur général et technique, et affaiblit les barrières sociales&nbsp;: abolition des frais universitaires, réduction drastique des examens et l’apprentissage basé sur la mémorisation pure... Des ''chtcharachkas'' (communautés) furent mises en place pour prendre en charge l'éducation des dizaines de milliers d'orphelins. Dès décembre 1917, les écoles religieuses sont nationales, et malgré quelques difficultés, au cours de l'année 1918, tous les signes religieux sont retirés des écoles.
 
La Russie est un pays dans lequel, en 1917, l’écrasante majorité de la population ne sait ni lire, ni écrire. C’est évidemment un obstacle considérable à la mise en place d’une démocratie authentique et à tout développement économique moderne. C’est pourquoi le gouvernement décide dès le début 1918 la mise en place d’un enseignement général, obligatoire et gratuit<ref>Samuel Joshua, [https://www.contretemps.eu/ils-ont-ose-ecole-sovietique-1920/ ''L’expérience de l’école soviétique des années 1920''], Contretemps, juin 2017</ref>. Il supprime toutes les barrières légales à l’accès des enfants d’ouvriers et de paysans à l’enseignement supérieur général et technique, et affaiblit les barrières sociales&nbsp;: abolition des frais universitaires, réduction drastique des examens et l’apprentissage basé sur la mémorisation pure... Des ''chtcharachkas'' (communautés) furent mises en place pour prendre en charge l'éducation des dizaines de milliers d'orphelins. Dès décembre 1917, les écoles religieuses sont nationales, et malgré quelques difficultés, au cours de l'année 1918, tous les signes religieux sont retirés des écoles.
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Sous la direction de [[Lounatcharski|Lounatcharski]], le commissariat du peuple à l'instruction publie un décret déclarant l'ouverture d'un «&nbsp;front contre l'analphabétisme&nbsp;» le 10 décembre 1919, consistant en des campagnes massives d'alphabétisation, et sur des réformes&nbsp;:
 
Sous la direction de [[Lounatcharski|Lounatcharski]], le commissariat du peuple à l'instruction publie un décret déclarant l'ouverture d'un «&nbsp;front contre l'analphabétisme&nbsp;» le 10 décembre 1919, consistant en des campagnes massives d'alphabétisation, et sur des réformes&nbsp;:
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*Introduction du système métrique, remplaçant les vieilles unités comme la verste <span class="reference-text">(Décret du 14 septembre 1918</span>)  
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*Introduction du système métrique, remplaçant les vieilles unités comme la verste <span class="reference-text">(Décret du 14 septembre 1918</span>)
*Introduction du calendrier grégorien,&nbsp;remplaçant le calendrier julien (Décret du 8 février 1918)  
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*Introduction du calendrier grégorien,&nbsp;remplaçant le calendrier julien (Décret du 8 février 1918)
*Réforme de [[Langue#R.C3.A9forme_de_la_langue_russe_en_1917|simplification de l'alphabet russe]] (Décret de décembre 1917)  
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*Réforme de [[Langue#R.C3.A9forme_de_la_langue_russe_en_1917|simplification de l'alphabet russe]] (Décret de décembre 1917)
*Des alphabets furent créés pour les nationalités privées d'écriture.  
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*Des alphabets furent créés pour les nationalités privées d'écriture.
    
En un an le nombre d’école augmenta de plus de 50%, et le budget de l'éducation passe de 195 millions de roubles en 1916 à 2&nbsp;914 millions en 1918. L’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. [[Lénine|Lénine]] attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.
 
En un an le nombre d’école augmenta de plus de 50%, et le budget de l'éducation passe de 195 millions de roubles en 1916 à 2&nbsp;914 millions en 1918. L’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. [[Lénine|Lénine]] attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.
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Dans le compte rendu critique qu'il donne alors de son voyage en Union soviétique, le maire de Boulogne André Morizet affirme qu'''«&nbsp;on peut penser tout ce qu'on voudra des chefs du bolchevisme. On peut critiquer leurs méthodes, condamner leurs actes en gros ou en détail [...]. Mais il y a un point sur lequel il me paraît impossible qu'on n'approuve pas unanimement leurs efforts, qu'on n'apprécie pas sans réserve les résultats déjà obtenus&nbsp;: c'est en matière d'instruction publique&nbsp;»''.<ref>André Morizet, ''Chez Lénine et Trotsky'', Édition La Renaissance du Livre, 1919. Voir aussi reproduction du témoignage dans Les Cahiers du CERMTRI, n° 92.</ref>
 
Dans le compte rendu critique qu'il donne alors de son voyage en Union soviétique, le maire de Boulogne André Morizet affirme qu'''«&nbsp;on peut penser tout ce qu'on voudra des chefs du bolchevisme. On peut critiquer leurs méthodes, condamner leurs actes en gros ou en détail [...]. Mais il y a un point sur lequel il me paraît impossible qu'on n'approuve pas unanimement leurs efforts, qu'on n'apprécie pas sans réserve les résultats déjà obtenus&nbsp;: c'est en matière d'instruction publique&nbsp;»''.<ref>André Morizet, ''Chez Lénine et Trotsky'', Édition La Renaissance du Livre, 1919. Voir aussi reproduction du témoignage dans Les Cahiers du CERMTRI, n° 92.</ref>
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=== Libération et diffusion des arts ===
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===Libération et diffusion des arts===
    
La Russie révolutionnaire connut une effervescence d’innovations et d’expérimentations dans les domaines de la [[Littérature|littérature]], de la peinture et du [[Cinéma|cinéma]].<ref>« La culture et l'art au lendemain de la révolution d'octobre 1917 », in Les Cahiers du mouvement ouvrier, n° 37, premier trimestre 2008.</ref><ref>Tendance CLAIRE du NPA, [http://tendanceclaire.org/article.php?id=58 ''L’art et la révolution selon Léon Trotsky''], 2009</ref> La position de l’artiste dans la société était transformée. Les règles académiques dans l'art sont supprimées. Comme le dit le poète [[Maïakovski|Maïakovski]]&nbsp;: «&nbsp;''Les rues plutôt que des pinceaux nous utiliserons /Nos palettes, les places et leurs espaces grand ouverts''&nbsp;» (Ordre à l’armée des arts, 1918). Les conditions sont très difficiles dans ces premières années, mais les initiatives fleurissent et sont encouragées, quel que soit le style artistique. Selon l'historien de l'art Jean-Michel Palmier&nbsp;:
 
La Russie révolutionnaire connut une effervescence d’innovations et d’expérimentations dans les domaines de la [[Littérature|littérature]], de la peinture et du [[Cinéma|cinéma]].<ref>« La culture et l'art au lendemain de la révolution d'octobre 1917 », in Les Cahiers du mouvement ouvrier, n° 37, premier trimestre 2008.</ref><ref>Tendance CLAIRE du NPA, [http://tendanceclaire.org/article.php?id=58 ''L’art et la révolution selon Léon Trotsky''], 2009</ref> La position de l’artiste dans la société était transformée. Les règles académiques dans l'art sont supprimées. Comme le dit le poète [[Maïakovski|Maïakovski]]&nbsp;: «&nbsp;''Les rues plutôt que des pinceaux nous utiliserons /Nos palettes, les places et leurs espaces grand ouverts''&nbsp;» (Ordre à l’armée des arts, 1918). Les conditions sont très difficiles dans ces premières années, mais les initiatives fleurissent et sont encouragées, quel que soit le style artistique. Selon l'historien de l'art Jean-Michel Palmier&nbsp;:
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Dès les premiers jours qui suivent [[Révolution_d'octobre_1917|Octobre]], le gouvernement met en œuvre une série de mesures visant à assurer la préservation, l'inventaire et la nationalisation du patrimoine culturel national. La collection privée du commerçant et mécène Sergueï Chtchoukine est réquisitionnée pour ouvrir le «&nbsp;premier musée de l'art occidental&nbsp;». Vassily Kandinsky est nommé directeur du Musée de la culture artistique, créé en 1919, et ouvre une vingtaine de musées en province. Ici encore, la pénurie limite les ambitions du régime. Par manque de crédits pour la reconstruction, la plupart des projets d'architectures novateurs ne peuvent être achevés.<ref>Jean-Michel Palmier in ''Sur l'art et la littérature, recueil de textes de Lénine'', UGE-10/18</ref> Des projets artistiques fourmillent à Petrograd, comme la Maison des arts qui ouvre en décembre 1919 dans une ancienne banque réquisitionnée.<ref>Mediapart, ''[https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/030817/octobre-17-raissa-bloch-de-la-maison-des-arts-de-petrograd-au-camp-dauschwitz Octobre 17. Raïssa Bloch, de la Maison des arts de Pétrograd au camp d'Auschwitz]'', 2017</ref> Le [[Palais_d'Hiver|Palais d'Hiver]] est transformé en palais des Arts.
 
Dès les premiers jours qui suivent [[Révolution_d'octobre_1917|Octobre]], le gouvernement met en œuvre une série de mesures visant à assurer la préservation, l'inventaire et la nationalisation du patrimoine culturel national. La collection privée du commerçant et mécène Sergueï Chtchoukine est réquisitionnée pour ouvrir le «&nbsp;premier musée de l'art occidental&nbsp;». Vassily Kandinsky est nommé directeur du Musée de la culture artistique, créé en 1919, et ouvre une vingtaine de musées en province. Ici encore, la pénurie limite les ambitions du régime. Par manque de crédits pour la reconstruction, la plupart des projets d'architectures novateurs ne peuvent être achevés.<ref>Jean-Michel Palmier in ''Sur l'art et la littérature, recueil de textes de Lénine'', UGE-10/18</ref> Des projets artistiques fourmillent à Petrograd, comme la Maison des arts qui ouvre en décembre 1919 dans une ancienne banque réquisitionnée.<ref>Mediapart, ''[https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/030817/octobre-17-raissa-bloch-de-la-maison-des-arts-de-petrograd-au-camp-dauschwitz Octobre 17. Raïssa Bloch, de la Maison des arts de Pétrograd au camp d'Auschwitz]'', 2017</ref> Le [[Palais_d'Hiver|Palais d'Hiver]] est transformé en palais des Arts.
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Au même titre que la presse contre-révolutionnaire, les bolcheviques interdisent les œuvres ouvertement hostiles au régime. Mais le nouveau pouvoir ne donne pas de directives en matière d'[[Art|art]]. Certains, les partisans du [[Proletkult|''Proletkult'']], pensaient qu'il fallait développer un art intrinsèquement nouveau, un ''«&nbsp;art prolétarien&nbsp;»''. Pour [[Lénine|Lénine]] au contraire, la classe ouvrière devait s'approprier l'ensemble de l'art passé, [[Art_bourgeois|bourgeois]] ou non. [[Trotsky|Trotsky]] déclarait&nbsp;:
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Au même titre que la presse contre-révolutionnaire, les bolcheviques interdisent les œuvres ouvertement hostiles au régime. Mais le nouveau pouvoir ne donne pas de directives en matière d'[[Art|art]]. Certains, les partisans du ''[[Proletkult|Proletkult]]'', pensaient qu'il fallait développer un art intrinsèquement nouveau, un ''«&nbsp;art prolétarien&nbsp;»''. Pour [[Lénine|Lénine]] au contraire, la classe ouvrière devait s'approprier l'ensemble de l'art passé, [[Art_bourgeois|bourgeois]] ou non. [[Trotsky|Trotsky]] déclarait&nbsp;:
 
<blockquote><span class="reference-text"><span class="citation">«&nbsp;L'art n'est pas un domaine où le Parti est appelé à commander. Il protège, stimule, ne dirige qu'indirectement. Il accorde sa confiance aux groupes qui aspirent sincèrement à se rapprocher de la Révolution et encourage ainsi leur production artistique. Il ne peut pas se placer sur les positions d'un cercle littéraire. Il ne le peut pas, et il ne le doit pas.&nbsp;»</span></span> <ref>Léon Trostky, [http://www.marxistsfr.org/francais/trotsky/livres/litterature/litteraturecp7.htm ''La politique du parti en art''], 1924.</ref></blockquote>  
 
<blockquote><span class="reference-text"><span class="citation">«&nbsp;L'art n'est pas un domaine où le Parti est appelé à commander. Il protège, stimule, ne dirige qu'indirectement. Il accorde sa confiance aux groupes qui aspirent sincèrement à se rapprocher de la Révolution et encourage ainsi leur production artistique. Il ne peut pas se placer sur les positions d'un cercle littéraire. Il ne le peut pas, et il ne le doit pas.&nbsp;»</span></span> <ref>Léon Trostky, [http://www.marxistsfr.org/francais/trotsky/livres/litterature/litteraturecp7.htm ''La politique du parti en art''], 1924.</ref></blockquote>  
 
Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] écrit après son son voyage en 1920&nbsp;:
 
Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] écrit après son son voyage en 1920&nbsp;:
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Certains écrivains sont déjà désenchantés et très critiques, comme [[Zamiatine|Zamiatine]], qui écrit un roman de [[Science-fiction|science-fiction]] [[Dystopie|dystopique]] dès 1920 ([https://fr.wikipedia.org/wiki/Nous_autres ''Nous autres'']), qui sera un des premiers censurés d'URSS.
 
Certains écrivains sont déjà désenchantés et très critiques, comme [[Zamiatine|Zamiatine]], qui écrit un roman de [[Science-fiction|science-fiction]] [[Dystopie|dystopique]] dès 1920 ([https://fr.wikipedia.org/wiki/Nous_autres ''Nous autres'']), qui sera un des premiers censurés d'URSS.
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== L'édification du nouvel État ==
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==L'édification du nouvel État==
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=== Soviets, comités d’usine, milices ouvrières&nbsp;: l’État-Commune ===
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===Soviets, comités d’usine, milices ouvrières&nbsp;: l’État-Commune===
    
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats&nbsp;: ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]] (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
 
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats&nbsp;: ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]] (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
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Le 18 mars 1918, le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des Commissaires du peuple]] fixe le traitement mensuel maximum à 500 roubles. Quelques mois plus tard, il attribue aux techniciens hautement qualifiés d'une rémunération plus élevée, ce que [[Lénine|Lénine]] reconnaît comme étant ''«&nbsp;un certain abandon des principes de la Commune de Paris&nbsp;»'' imposé par les impératifs de la gestion administrative de l'Etat.
 
Le 18 mars 1918, le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des Commissaires du peuple]] fixe le traitement mensuel maximum à 500 roubles. Quelques mois plus tard, il attribue aux techniciens hautement qualifiés d'une rémunération plus élevée, ce que [[Lénine|Lénine]] reconnaît comme étant ''«&nbsp;un certain abandon des principes de la Commune de Paris&nbsp;»'' imposé par les impératifs de la gestion administrative de l'Etat.
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=== La dissolution de l'Assemblée constituante ===
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===La dissolution de l'Assemblée constituante===
    
{{Article détaillé|Assemblée constituante russe de 1918}}
 
{{Article détaillé|Assemblée constituante russe de 1918}}
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Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent pour des notables SR.&nbsp;La rupture des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] ne s'était pas encore clairement matérialisée dans bien des endroits. Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier (n.s. 18), ces notables SR font voter avec les menchéviks l'abolition des mesures depuis Octobre... Pourtant le 3<sup>e</sup> [[Congrès_des_soviets|congrès des soviets]] qui se réunit aussi en janvier 1918 prouve que la paysannerie soutient les mesures (le [[Partage_des_terres|partage des terres]] avant tout)&nbsp;: les SR de droite n'ont même pas 1% des délégués. Refusant la légitimité de cette Constituante réactionnaire, les bolchéviks et les SR de gauche décident alors de la dissoudre, et de faire du [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] l'organe dirigeant du pays.
 
Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent pour des notables SR.&nbsp;La rupture des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] ne s'était pas encore clairement matérialisée dans bien des endroits. Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier (n.s. 18), ces notables SR font voter avec les menchéviks l'abolition des mesures depuis Octobre... Pourtant le 3<sup>e</sup> [[Congrès_des_soviets|congrès des soviets]] qui se réunit aussi en janvier 1918 prouve que la paysannerie soutient les mesures (le [[Partage_des_terres|partage des terres]] avant tout)&nbsp;: les SR de droite n'ont même pas 1% des délégués. Refusant la légitimité de cette Constituante réactionnaire, les bolchéviks et les SR de gauche décident alors de la dissoudre, et de faire du [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] l'organe dirigeant du pays.
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== Postérité ==
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==Postérité==
    
En mars 1921, [[Lénine|Lénine]] revient sur les premières années où de grands décrets étaient pris et difficilement appliqués au milieu du tumulte révolutionnaire. Il justifie la nécessité de cette période, tout en soulignant que l'heure est maintenant aux tâches pratiques&nbsp;:
 
En mars 1921, [[Lénine|Lénine]] revient sur les premières années où de grands décrets étaient pris et difficilement appliqués au milieu du tumulte révolutionnaire. Il justifie la nécessité de cette période, tout en soulignant que l'heure est maintenant aux tâches pratiques&nbsp;:
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La révolution d’Octobre a sorti la question de la [[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]] du domaine de la théorie et l’a rendue réelle dans l’ancien empire tsariste russe. Le gouvernement révolutionnaire de [[Lénine|V.I. Lénine]] et [[Léon_Trotsky|Léon_Trotsky]]&nbsp;était basé sur des [[Soviets|soviets]] (conseils), organes de pouvoir prolétarien régis par la [[Démocratie_ouvrière|démocratie ouvrière]]. Il a proclamé le droit des travailleurs à l’emploi, à la santé, au logement et à l’éducation, et il a accompli les premiers pas vers la construction d’une société socialiste.
 
La révolution d’Octobre a sorti la question de la [[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]] du domaine de la théorie et l’a rendue réelle dans l’ancien empire tsariste russe. Le gouvernement révolutionnaire de [[Lénine|V.I. Lénine]] et [[Léon_Trotsky|Léon_Trotsky]]&nbsp;était basé sur des [[Soviets|soviets]] (conseils), organes de pouvoir prolétarien régis par la [[Démocratie_ouvrière|démocratie ouvrière]]. Il a proclamé le droit des travailleurs à l’emploi, à la santé, au logement et à l’éducation, et il a accompli les premiers pas vers la construction d’une société socialiste.
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== Notes ==
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==Notes==
    
<references />
 
<references />
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== Sources ==
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==Sources==
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*Wikipédia, [https://fr.wikipedia.org/wiki/Décrets_soviétiques Décrets soviétiques]  
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*Wikipédia, [https://fr.wikipedia.org/wiki/Décrets_soviétiques Décrets soviétiques]
*Archive.org, [https://archive.org/stream/unelgislationc00labr#page/n0/mode/2up Une législation communiste; recueil des lois, décrets, arrêtés principaux du gouvernement bolchéviste]  
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*Archive.org, [https://archive.org/stream/unelgislationc00labr#page/n0/mode/2up Une législation communiste; recueil des lois, décrets, arrêtés principaux du gouvernement bolchéviste]
*Brochure de la Tendance CLAIRE du NPA&nbsp;: [http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=9 ''Les révolutions russes'']  
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*Brochure de la Tendance CLAIRE du NPA&nbsp;: [http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=9 ''Les révolutions russes'']
*[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-00.htm Documents du Second congrès des soviets] sur Marxists.org  
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*[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-00.htm Documents du Second congrès des soviets] sur Marxists.org
 
*Nicolas Fornet, ''Russie soviétique (1917-1927). La Révolution dans la culture et le mode de vie'', 2016  
 
*Nicolas Fornet, ''Russie soviétique (1917-1927). La Révolution dans la culture et le mode de vie'', 2016  
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[[Category:Histoire]] [[Category:Russie / URSS]]
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