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L''''Association internationale des travailleurs''', qui sera aussi nommée par la suite '''Première Internationale''', fut la première organisation d'envergure au service de l'émancipation [[Socialisme|socialiste]] des travailleurs. Fondée le 28 septembre 1864 à Londres au Saint-Martin's Hall, elle disparaît en 1872 suite à la scission avec ceux qui deviendront les [[Anarchisme|anarchistes]].
 
L''''Association internationale des travailleurs''', qui sera aussi nommée par la suite '''Première Internationale''', fut la première organisation d'envergure au service de l'émancipation [[Socialisme|socialiste]] des travailleurs. Fondée le 28 septembre 1864 à Londres au Saint-Martin's Hall, elle disparaît en 1872 suite à la scission avec ceux qui deviendront les [[Anarchisme|anarchistes]].
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== Historique ==
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==Historique==
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=== Précurseurs, continuité et rupture ===
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===Précurseurs, continuité et rupture===
    
L'[[Internationalisme|Internationalisme]] dans son acception moderne se place dans la continuité idéologique des [[Printemps_des_peuples|mouvements révolutionnaires de 1848]]<ref name="kriegel">Annie Kriegel, L'Association internationale des Travailleurs (1864-1876), dans Histoire générale du socialisme, volume 1 (Des origines à 1875), Jacques Droz (dir.), P.U.F., 1972, pp.603-634.</ref>. À partir du milieu du 19<sup>ème</sup> siècle, différentes organisations fortement marquées par les idéaux démocratiques et pacifistes de la bourgeoisie progressiste voient le jour.
 
L'[[Internationalisme|Internationalisme]] dans son acception moderne se place dans la continuité idéologique des [[Printemps_des_peuples|mouvements révolutionnaires de 1848]]<ref name="kriegel">Annie Kriegel, L'Association internationale des Travailleurs (1864-1876), dans Histoire générale du socialisme, volume 1 (Des origines à 1875), Jacques Droz (dir.), P.U.F., 1972, pp.603-634.</ref>. À partir du milieu du 19<sup>ème</sup> siècle, différentes organisations fortement marquées par les idéaux démocratiques et pacifistes de la bourgeoisie progressiste voient le jour.
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L'Association Internationale des Travailleurs adopte un point de vue tout différent&nbsp;: composée de [[Prolétaire|prolétaires]], elle se donne pour objectif de les unir dans la lutte qu'ils mènent pour leur émancipation, au-delà des divisions artificielles créées par les frontières des [[État|États]]. La fondation de la Première Internationale marque ainsi la rupture du mouvement socialiste avec le [[Républicanisme|républicanisme]] et constitue à ce titre une étape importante de l'histoire du [[Socialisme|socialisme]].
 
L'Association Internationale des Travailleurs adopte un point de vue tout différent&nbsp;: composée de [[Prolétaire|prolétaires]], elle se donne pour objectif de les unir dans la lutte qu'ils mènent pour leur émancipation, au-delà des divisions artificielles créées par les frontières des [[État|États]]. La fondation de la Première Internationale marque ainsi la rupture du mouvement socialiste avec le [[Républicanisme|républicanisme]] et constitue à ce titre une étape importante de l'histoire du [[Socialisme|socialisme]].
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=== Fondation de l'AIT ===
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===Fondation de l'AIT===
    
En 1862, du 19 juillet au 15 octobre, des ouvriers français sont envoyés à Londres lors de l'Exposition universelle pour étudier les produits et procédés de l'industrie anglaise. Des échanges entre ouvriers anglais et français, il naît l'idée d'une grande association de travailleurs<ref name="delpit">Martial Delpit, ''Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars'', Paris, 1872.</ref>. D'autres contacts sont noués, le 22 juillet 1863, entre syndicalistes anglais (dont [[George_Potter|George Potter]] et [[George_Odger|George Odger]]) et parisiens (parmi lesquels figure [[Henri_Tolain|Henri Tolain]]), à l'occasion d'un meeting organisé à Londres en soutien aux Polonais réprimés. Ces rencontres aboutissent à la rédaction d'une adresse des ouvriers britanniques à leurs homologues français<ref name="kriegel" />.
 
En 1862, du 19 juillet au 15 octobre, des ouvriers français sont envoyés à Londres lors de l'Exposition universelle pour étudier les produits et procédés de l'industrie anglaise. Des échanges entre ouvriers anglais et français, il naît l'idée d'une grande association de travailleurs<ref name="delpit">Martial Delpit, ''Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars'', Paris, 1872.</ref>. D'autres contacts sont noués, le 22 juillet 1863, entre syndicalistes anglais (dont [[George_Potter|George Potter]] et [[George_Odger|George Odger]]) et parisiens (parmi lesquels figure [[Henri_Tolain|Henri Tolain]]), à l'occasion d'un meeting organisé à Londres en soutien aux Polonais réprimés. Ces rencontres aboutissent à la rédaction d'une adresse des ouvriers britanniques à leurs homologues français<ref name="kriegel" />.
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Les courants constitutifs de l'Internationale sont très hétérogènes<ref name="freymond">Jacques Freymond (dir.), ''La Première Internationale. Recueil de documents'', Librairie Droz, Genève, 1962. 2 volumes, 454 et 499 p.</ref>&nbsp;:
 
Les courants constitutifs de l'Internationale sont très hétérogènes<ref name="freymond">Jacques Freymond (dir.), ''La Première Internationale. Recueil de documents'', Librairie Droz, Genève, 1962. 2 volumes, 454 et 499 p.</ref>&nbsp;:
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*Tout d'abord, il y a les syndicalistes anglais, réformistes, modérés, qui gèrent prudemment de riches fonds de grèves. Ils travaillent à l'amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière mais font peu référence au [[Socialisme|socialisme]]. L'Association Internationale les intéresse sur un plan corporatif si elle parvient à empêcher l'introduction en Grande-Bretagne d'ouvriers du continent venant briser les grèves ou faire tendre les salaires à la baisse<ref name="kriegel" />. Les socialistes anglais sont [[Oweniste|owenistes]] ou [[Chartistes|chartistes]].  
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*Tout d'abord, il y a les syndicalistes anglais, réformistes, modérés, qui gèrent prudemment de riches fonds de grèves. Ils travaillent à l'amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière mais font peu référence au [[Socialisme|socialisme]]. L'Association Internationale les intéresse sur un plan corporatif si elle parvient à empêcher l'introduction en Grande-Bretagne d'ouvriers du continent venant briser les grèves ou faire tendre les salaires à la baisse<ref name="kriegel" />. Les socialistes anglais sont [[Oweniste|owenistes]] ou [[Chartistes|chartistes]].
*Côté français, les militants qui participent à la naissance de l'AIT sont davantage issus du monde de l'[[Artisanat|artisanat]] que du [[Prolétariat|prolétariat]] moderne. Ils sont fortement influencés par [[Proudhon|Proudhon]]. Ils représentent un mouvement ouvrier qui renaît depuis peu grâce à la libéralisation de l'Empire&nbsp;: la loi du 25 mai 1864 vient de supprimer le délit de coalition en vigueur depuis la [[Révolution_française|Révolution française]] (loi Le Chapelier du 14 juin 1791) et Napoléon III n'oppose aucun obstacle aux prémices de l'Internationale. Il y a également des [[Blanquistes|blanquistes]] parmi les délégués français.  
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*Côté français, les militants qui participent à la naissance de l'AIT sont davantage issus du monde de l'[[Artisanat|artisanat]] que du [[Prolétariat|prolétariat]] moderne. Ils sont fortement influencés par [[Proudhon|Proudhon]]. Ils représentent un mouvement ouvrier qui renaît depuis peu grâce à la libéralisation de l'Empire&nbsp;: la loi du 25 mai 1864 vient de supprimer le délit de coalition en vigueur depuis la [[Révolution_française|Révolution française]] (loi Le Chapelier du 14 juin 1791) et Napoléon III n'oppose aucun obstacle aux prémices de l'Internationale. Il y a également des [[Blanquistes|blanquistes]] parmi les délégués français.
*De nombreux représentants de la démocratie "à la mode de 1848", comme les [[Mazzini|mazziniens]], sympathisent avec la cause de l'Internationale et y adhèrent<ref name="freymond" />, mais aussi des patriotes polonais en lutte contre le trsarisme russe, des Irlandais en lutte contre la domination anglaise...  
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*De nombreux représentants de la démocratie "à la mode de 1848", comme les [[Mazzini|mazziniens]], sympathisent avec la cause de l'Internationale et y adhèrent<ref name="freymond" />, mais aussi des patriotes polonais en lutte contre le trsarisme russe, des Irlandais en lutte contre la domination anglaise...
    
Le meeting décide de la création d'un Conseil général (''Central Council'') basé à Londres, qui se réunit toutes les semaines.
 
Le meeting décide de la création d'un Conseil général (''Central Council'') basé à Londres, qui se réunit toutes les semaines.
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=== Le rôle de Marx ===
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===Le rôle de Marx===
    
Marx était à cette époque un réfugié politique allemand inconnu à Londres, pas impliqué dans la politique britannique, même s'il se tenait au courant, notamment du mouvement [[Chartiste|chartiste]]. Ses principaux contacts étaient avec d'autres réfugiés, français, allemands... Jusqu'à environ une semaine avant la réunion du 28 septembre, il ne savait apparemment rien à propos des préparatifs du congrès ouvrier international. Il a été mis au courant par [[Victor_Le_Lubez|Victor Le Lubez]], un républicain radical français, qui l'invite à représenter les travailleurs allemands. Marx accepte et propose d'inviter aussi [[Johann_Georg_Eccarius|Johann Georg Eccarius]], un tailleur allemand vivant à Londres. Marx et Eccarius allaient s'avérer être les deux piliers de l'Internationale depuis sa création jusqu'à sa fin. Marx sera présent quasiment à toutes les sessions du Conseil général.
 
Marx était à cette époque un réfugié politique allemand inconnu à Londres, pas impliqué dans la politique britannique, même s'il se tenait au courant, notamment du mouvement [[Chartiste|chartiste]]. Ses principaux contacts étaient avec d'autres réfugiés, français, allemands... Jusqu'à environ une semaine avant la réunion du 28 septembre, il ne savait apparemment rien à propos des préparatifs du congrès ouvrier international. Il a été mis au courant par [[Victor_Le_Lubez|Victor Le Lubez]], un républicain radical français, qui l'invite à représenter les travailleurs allemands. Marx accepte et propose d'inviter aussi [[Johann_Georg_Eccarius|Johann Georg Eccarius]], un tailleur allemand vivant à Londres. Marx et Eccarius allaient s'avérer être les deux piliers de l'Internationale depuis sa création jusqu'à sa fin. Marx sera présent quasiment à toutes les sessions du Conseil général.
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Face aux autres conceptions qui pouvaient être foncièrement différentes de la sienne, comme celle des mutuellistes, Marx n'a pas cherché à faire passer ses idées coûte que coûte dans l'Internationale&nbsp;:
 
Face aux autres conceptions qui pouvaient être foncièrement différentes de la sienne, comme celle des mutuellistes, Marx n'a pas cherché à faire passer ses idées coûte que coûte dans l'Internationale&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;J'ai limité à dessein ce programme aux points qui permettent d'obtenir un accord immédiat et une action commune des ouvriers, de manière à donner un aliment et une impulsion directe aux exigences de la lutte de classe et à l’organisation des ouvriers en classe.&nbsp;»<ref>K. Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc054.htm#ftn7 Lettre à Kugelmann du 9 octobre 1866]''</ref>''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;J'ai limité à dessein ce programme aux points qui permettent d'obtenir un accord immédiat et une action commune des ouvriers, de manière à donner un aliment et une impulsion directe aux exigences de la lutte de classe et à l’organisation des ouvriers en classe.&nbsp;»<ref>K. Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc054.htm#ftn7 Lettre à Kugelmann du 9 octobre 1866]''</ref>''</blockquote>  
=== Le Conseil général ===
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===Le Conseil général===
    
Marx fait partie du Conseil général nommé à la suite du meeting de St Martin's Hall. Celui-ci se réunit une semaine plus tard,&nbsp;5 octobre 1864, avec des membres supplémentaires cooptés représentant d'autres nationalités. Il est basé au siège de la [[Ligue_universelle_pour_l'élévation_matérielle_des_classes_industrieuses|''Ligue universelle pour l'élévation matérielle des classes industrieuses'']] au 18 Greek street. Lors de cette première session il est convenu de former un sous-comité pour se mettre au travail d'élaboration des statuts. Ce sous-comité se réunit chez Marx, avec également Eccarius. C'est [[Karl_Marx|Marx]] qui rédigera l'Adresse inaugurale<ref name="Adresse">[http://www.marxists.org/francais/ait/1864/09/18640928.htm Adresse inaugurale de l'AIT], écrite entre le 21 et le 27 octobre 1864.</ref> et les statuts provisoires<ref>[http://www.marxists.org/francais/ait/1864/00/18640000.htm Statuts de l'AIT], 1864</ref> dans lesquels l'AIT affirme que «&nbsp;''l'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes''&nbsp;» et déclare agir «&nbsp;''pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat''&nbsp;». Ces statuts ont fait l'objet de plusieurs traductions en français&nbsp;: une première, très défectueuse, a été effectuée dès 1864 par les militants parisiens de l'Internationale. Une seconde, en 1866, est due à [[Charles_Longuet|Charles Longuet]]. Les différentes versions françaises de ces statuts auront des conséquences au moment de la scission.<ref>Les différentes versions françaises de ces statuts sont longuement détaillées par James Guillaume dans ''L'Internationale. Documents et souvenirs'', tome premier, pp.10-21 (Société nouvelle de Librairie et d'Edition, Paris, 1905), ne seront pas sans conséquence au moment de la scission.</ref>
 
Marx fait partie du Conseil général nommé à la suite du meeting de St Martin's Hall. Celui-ci se réunit une semaine plus tard,&nbsp;5 octobre 1864, avec des membres supplémentaires cooptés représentant d'autres nationalités. Il est basé au siège de la [[Ligue_universelle_pour_l'élévation_matérielle_des_classes_industrieuses|''Ligue universelle pour l'élévation matérielle des classes industrieuses'']] au 18 Greek street. Lors de cette première session il est convenu de former un sous-comité pour se mettre au travail d'élaboration des statuts. Ce sous-comité se réunit chez Marx, avec également Eccarius. C'est [[Karl_Marx|Marx]] qui rédigera l'Adresse inaugurale<ref name="Adresse">[http://www.marxists.org/francais/ait/1864/09/18640928.htm Adresse inaugurale de l'AIT], écrite entre le 21 et le 27 octobre 1864.</ref> et les statuts provisoires<ref>[http://www.marxists.org/francais/ait/1864/00/18640000.htm Statuts de l'AIT], 1864</ref> dans lesquels l'AIT affirme que «&nbsp;''l'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes''&nbsp;» et déclare agir «&nbsp;''pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat''&nbsp;». Ces statuts ont fait l'objet de plusieurs traductions en français&nbsp;: une première, très défectueuse, a été effectuée dès 1864 par les militants parisiens de l'Internationale. Une seconde, en 1866, est due à [[Charles_Longuet|Charles Longuet]]. Les différentes versions françaises de ces statuts auront des conséquences au moment de la scission.<ref>Les différentes versions françaises de ces statuts sont longuement détaillées par James Guillaume dans ''L'Internationale. Documents et souvenirs'', tome premier, pp.10-21 (Société nouvelle de Librairie et d'Edition, Paris, 1905), ne seront pas sans conséquence au moment de la scission.</ref>
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Le 28 Juillet 1868, Marx parle au Conseil général de l'effet néfaste de la machinerie aux mains des capitalistes sur "les enfants et les femmes". Il précise qu'il n'est pas contre l'intégration à la production des femmes et des enfants à partir de 9 ans, mais que dans les conditions actuelles l'effet est "abominable". Le débat se poursuivant le 4 août, Harriet Law dit que les machines ont rendu les femmes moins dépendantes aux hommes qu'auparavant, et qu'elles finiraient par les émanciper de l'esclavage domestique. Le 11 août, Marx met en avant la nécessité de la réduction du temps de travail pour "les femmes et les enfants", ajoutant que dans la plupart des cas cela conduirait à la réduction du temps de travail pour les hommes.
 
Le 28 Juillet 1868, Marx parle au Conseil général de l'effet néfaste de la machinerie aux mains des capitalistes sur "les enfants et les femmes". Il précise qu'il n'est pas contre l'intégration à la production des femmes et des enfants à partir de 9 ans, mais que dans les conditions actuelles l'effet est "abominable". Le débat se poursuivant le 4 août, Harriet Law dit que les machines ont rendu les femmes moins dépendantes aux hommes qu'auparavant, et qu'elles finiraient par les émanciper de l'esclavage domestique. Le 11 août, Marx met en avant la nécessité de la réduction du temps de travail pour "les femmes et les enfants", ajoutant que dans la plupart des cas cela conduirait à la réduction du temps de travail pour les hommes.
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=== Congrès de Genève (1866) ===
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===Congrès de Genève (1866)===
 
[[File:AIT-CongresGeneve-1866.jpg|right|366x257px|AIT-CongresGeneve-1866.jpg]]  
 
[[File:AIT-CongresGeneve-1866.jpg|right|366x257px|AIT-CongresGeneve-1866.jpg]]  
 
Le premier congrès de l'AIT, d'après ses statuts provisoires, devait se tenir en Belgique en 1865<ref name="Guillaume">James Guillaume, ''L'Internationale. Documents et souvenirs'', Société nouvelle de Librairie et d'Edition, Paris, 1905, 4 tomes. Reprint en deux volumes, Editions Gérard Lebovici, 1985.</ref>. Mais le Conseil général estime que la tenue d'un congrès en 1865 serait prématurée, d'autant plus que la Belgique vient de voter une loi contre les étrangers qui risque de compromettre l'accueil des délégués. Une simple conférence se réunit à Londres du 25 au 29 septembre 1865. Celle-ci décide que le premier congrès se tiendra à Genève au printemps 1866. À la demande des Genevois, il est repoussé à l'automne et débute le 3 septembre 1866.
 
Le premier congrès de l'AIT, d'après ses statuts provisoires, devait se tenir en Belgique en 1865<ref name="Guillaume">James Guillaume, ''L'Internationale. Documents et souvenirs'', Société nouvelle de Librairie et d'Edition, Paris, 1905, 4 tomes. Reprint en deux volumes, Editions Gérard Lebovici, 1985.</ref>. Mais le Conseil général estime que la tenue d'un congrès en 1865 serait prématurée, d'autant plus que la Belgique vient de voter une loi contre les étrangers qui risque de compromettre l'accueil des délégués. Une simple conférence se réunit à Londres du 25 au 29 septembre 1865. Celle-ci décide que le premier congrès se tiendra à Genève au printemps 1866. À la demande des Genevois, il est repoussé à l'automne et débute le 3 septembre 1866.
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Le développement de l'Internationale est encore modeste. Soixante délégués (dont 15 en observateurs) représentent 25 sections et 11 sociétés adhérentes provenant de France, de Suisse, d'Allemagne et d'Angleterre<ref name="freymond" />. Pour la France, seules trois grandes cités ouvrières sont représentées&nbsp;: Paris (par Henri Tolain, Zéphyrin Camélinat, Benoit Malon, Eugène Varlin, Édouard Fribourg...), Rouen et Lyon. Les Suisses sont en grand nombre, ils viennent de Genève (Jean-Philippe Becker...), Lausanne, Montreux, Neuchâtel (James Guillaume), La Chaux-de-Fonds, Saint-Imier (Adhémar Schwitzguébel), Bienne, Zurich et Bâle. Pour l'Allemagne&nbsp;: Stuttgart, Magdeburg et Cologne. Pour l'Angleterre, les tailleurs londoniens envoient un délégué tandis que la section française de Londres est représentée par Eugène Dupont. Enfin, le Conseil général a délégué cinq de ses membres, parmi lesquels figurent George Odger, Hermann Jung ou encore Johann Georg Eccarius. Les discussions sont dominées par les délégués proudhoniens de Paris. Six blanquistes de Paris viennent dénoncer les délégués comme "émissaires de Bonaparte" mais ils sont évacués.
 
Le développement de l'Internationale est encore modeste. Soixante délégués (dont 15 en observateurs) représentent 25 sections et 11 sociétés adhérentes provenant de France, de Suisse, d'Allemagne et d'Angleterre<ref name="freymond" />. Pour la France, seules trois grandes cités ouvrières sont représentées&nbsp;: Paris (par Henri Tolain, Zéphyrin Camélinat, Benoit Malon, Eugène Varlin, Édouard Fribourg...), Rouen et Lyon. Les Suisses sont en grand nombre, ils viennent de Genève (Jean-Philippe Becker...), Lausanne, Montreux, Neuchâtel (James Guillaume), La Chaux-de-Fonds, Saint-Imier (Adhémar Schwitzguébel), Bienne, Zurich et Bâle. Pour l'Allemagne&nbsp;: Stuttgart, Magdeburg et Cologne. Pour l'Angleterre, les tailleurs londoniens envoient un délégué tandis que la section française de Londres est représentée par Eugène Dupont. Enfin, le Conseil général a délégué cinq de ses membres, parmi lesquels figurent George Odger, Hermann Jung ou encore Johann Georg Eccarius. Les discussions sont dominées par les délégués proudhoniens de Paris. Six blanquistes de Paris viennent dénoncer les délégués comme "émissaires de Bonaparte" mais ils sont évacués.
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À Genève est notamment adoptée la revendication de la limitation du temps de travail journalier à 8 heures maximum. Le refus du travail des femmes est également voté à l'initiative des [[Mutuellisme_(théorie_économique)|mutuellistes]] [[Pierre_Joseph_Proudhon|proudhoniens]]. Par exemple pour [[Henri_Tolain|Tolain]], [[Édouard_Fribourg|Fribourg]] ou Chemalé, «''le travail des femmes doit être énergiquement condamné comme principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste''&nbsp;».<ref>Cité dans Michèle Riot-Sarcey, ''Histoire du féminisme'', La Découverte, Paris, 2008, p. 53.</ref>
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À Genève est notamment adoptée la revendication de la [[Journée de huit heures|limitation du temps de travail journalier à 8 heures]] maximum. Le refus du travail des femmes est également voté à l'initiative des [[Mutuellisme_(théorie_économique)|mutuellistes]] [[Pierre_Joseph_Proudhon|proudhoniens]]. Par exemple pour [[Henri_Tolain|Tolain]], [[Édouard_Fribourg|Fribourg]] ou Chemalé, «''le travail des femmes doit être énergiquement condamné comme principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste''&nbsp;».<ref>Cité dans Michèle Riot-Sarcey, ''Histoire du féminisme'', La Découverte, Paris, 2008, p. 53.</ref>
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=== Le développement de l’Internationale ===
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===Le développement de l’Internationale===
    
Dans les luttes quotidiennes, l’AIT soutient les mouvements et luttes des travailleurs, les luttes pour le [[Suffrage_universel|suffrage universel]], pour la réduction du temps de travail, contre le travail des enfants.
 
Dans les luttes quotidiennes, l’AIT soutient les mouvements et luttes des travailleurs, les luttes pour le [[Suffrage_universel|suffrage universel]], pour la réduction du temps de travail, contre le travail des enfants.
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Mais l'AIT se trouve au bout de quelques années divisée entre «&nbsp;mutuellistes&nbsp;» (suisses et français principalement) et «&nbsp;collectivistes&nbsp;» (anglais et allemands principalement).
 
Mais l'AIT se trouve au bout de quelques années divisée entre «&nbsp;mutuellistes&nbsp;» (suisses et français principalement) et «&nbsp;collectivistes&nbsp;» (anglais et allemands principalement).
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=== Le congrès de Lausanne (1867) ===
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===Le congrès de Lausanne (1867)===
    
Le deuxième congrès s'ouvrit à Lausanne le 2 septembre 1867. Il y avait 71 délégués présents, dont la majorité (38) de Suisses, 18 Français (dont Tolain et Longuet), 6 Allemands (dont le médecin Louis Kugelmann et le philosophe Ludwig Büchner), 2 Anglais et 2 Italiens, et un Belge, auxquels s'ajoutaient 4 membres du Conseil général, dirigés par [[Johann_Eccarius|Johann Eccarius]]. Chaque délégué avait une voix égale, quel que soit le nombre de membres qu'il représentait. Marx, alors en train de travailler sur les dernières pages du [[Le_Capital|Capital]], n'y assiste pas.
 
Le deuxième congrès s'ouvrit à Lausanne le 2 septembre 1867. Il y avait 71 délégués présents, dont la majorité (38) de Suisses, 18 Français (dont Tolain et Longuet), 6 Allemands (dont le médecin Louis Kugelmann et le philosophe Ludwig Büchner), 2 Anglais et 2 Italiens, et un Belge, auxquels s'ajoutaient 4 membres du Conseil général, dirigés par [[Johann_Eccarius|Johann Eccarius]]. Chaque délégué avait une voix égale, quel que soit le nombre de membres qu'il représentait. Marx, alors en train de travailler sur les dernières pages du [[Le_Capital|Capital]], n'y assiste pas.
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Un débat a lieu au sujet de la participation à la conférence de la ''[[Ligue_de_la_paix_et_de_la_liberté|Ligue de la paix et de la liberté]]'', dont le congrès de fondation se tient à Lausanne au même moment. Le congrès de l'AIT envoya une délégation à cette conférence (dominée par la gauche bourgeoise), malgré l'avis de Marx relayé par le conseil général&nbsp;:
 
Un débat a lieu au sujet de la participation à la conférence de la ''[[Ligue_de_la_paix_et_de_la_liberté|Ligue de la paix et de la liberté]]'', dont le congrès de fondation se tient à Lausanne au même moment. Le congrès de l'AIT envoya une délégation à cette conférence (dominée par la gauche bourgeoise), malgré l'avis de Marx relayé par le conseil général&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;Il est souhaitable que le plus grand nombre de délégués pour qui cela est possible assistent au Congrès de la paix à titre individuel; mais il serait peu judicieux de prendre part officiellement en tant que représentants de l'Association internationale. Le Congrès de l'Internationale des Travailleurs était en soi un congrès de paix, car l'union de la classe ouvrière des différents pays doit en fin de compte rendre les guerres entre pays impossibles. Si les promoteurs du Congrès de la Paix de Genève l'avaient vraiment compris, ils auraient rejoint l'Association internationale.» Journal [[The_Bee-Hive|The Bee-Hive]], 17 août 1867</blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;Il est souhaitable que le plus grand nombre de délégués pour qui cela est possible assistent au Congrès de la paix à titre individuel; mais il serait peu judicieux de prendre part officiellement en tant que représentants de l'Association internationale. Le Congrès de l'Internationale des Travailleurs était en soi un congrès de paix, car l'union de la classe ouvrière des différents pays doit en fin de compte rendre les guerres entre pays impossibles. Si les promoteurs du Congrès de la Paix de Genève l'avaient vraiment compris, ils auraient rejoint l'Association internationale.» Journal [[The_Bee-Hive|The Bee-Hive]], 17 août 1867</blockquote>  
=== Répression et basculement en France ===
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===Répression et basculement en France===
    
Dès la fin de l'année 1867, le gouvernement français décide de contrer le développement de l'Internationale. Lors des premières poursuites (février 1868), Henri Tolain et la commission parisienne démissionnent. Ils personnifiaient le mutuellisme [[Pierre_Joseph_Proudhon|proudhonien]] méfiant à l'égard des [[Grève|grèves]], hostile aux institutions étatiques, favorable au maintien de la femme au foyer - base de la famille... Ceux qui vont prendre le relais, avec [[Eugène_Varlin|Eugène Varlin]] à leur tête, prétendent dépasser le mutuellisme qui, selon eux, se doit de déboucher sur le [[Collectivisme|collectivisme]] et le [[Syndicalisme|syndicalisme]]. Dans la section française, un [[Collectivisme|collectivisme]] anti-étatique succède au mutuellisme.
 
Dès la fin de l'année 1867, le gouvernement français décide de contrer le développement de l'Internationale. Lors des premières poursuites (février 1868), Henri Tolain et la commission parisienne démissionnent. Ils personnifiaient le mutuellisme [[Pierre_Joseph_Proudhon|proudhonien]] méfiant à l'égard des [[Grève|grèves]], hostile aux institutions étatiques, favorable au maintien de la femme au foyer - base de la famille... Ceux qui vont prendre le relais, avec [[Eugène_Varlin|Eugène Varlin]] à leur tête, prétendent dépasser le mutuellisme qui, selon eux, se doit de déboucher sur le [[Collectivisme|collectivisme]] et le [[Syndicalisme|syndicalisme]]. Dans la section française, un [[Collectivisme|collectivisme]] anti-étatique succède au mutuellisme.
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=== Le congrès de Bruxelles (1868) ===
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===Le congrès de Bruxelles (1868)===
    
Le 3<sup>ème</sup> congrès qui se déroule du 6 au 13 septembre 1868 à Bruxelles, réunit des délégués venus de Belgique, de France, du Royaume-Uni, d’Allemagne, d’Italie, de Suisse, d’Espagne. Le congrès marque la prédominance des idées syndicalistes et collectivistes. L’AIT y déclare qu’elle «&nbsp;''n’est fille ni d’une secte, ni d’une théorie. Elle est le produit spontané du mouvement prolétaire''&nbsp;» (texte écrit par Karl Marx). Il est à noter que Bakounine partagera cette idée que l’Internationale ''«&nbsp;est sortie non de la tête ou de la volonté d’un ou de quelques individus, mais du sein même du prolétariat&nbsp;»''.
 
Le 3<sup>ème</sup> congrès qui se déroule du 6 au 13 septembre 1868 à Bruxelles, réunit des délégués venus de Belgique, de France, du Royaume-Uni, d’Allemagne, d’Italie, de Suisse, d’Espagne. Le congrès marque la prédominance des idées syndicalistes et collectivistes. L’AIT y déclare qu’elle «&nbsp;''n’est fille ni d’une secte, ni d’une théorie. Elle est le produit spontané du mouvement prolétaire''&nbsp;» (texte écrit par Karl Marx). Il est à noter que Bakounine partagera cette idée que l’Internationale ''«&nbsp;est sortie non de la tête ou de la volonté d’un ou de quelques individus, mais du sein même du prolétariat&nbsp;»''.
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Le congrès approuve par ailleurs la ligne de Marx concernant la ''Ligue de la paix et de la liberté''&nbsp;: ne pas s'y affilier, tout en soutenant toute action anti-militariste.
 
Le congrès approuve par ailleurs la ligne de Marx concernant la ''Ligue de la paix et de la liberté''&nbsp;: ne pas s'y affilier, tout en soutenant toute action anti-militariste.
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=== L'adhésion de Bakounine et le conflit (1868-1872) ===
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===L'adhésion de Bakounine et le conflit (1868-1872)===
    
En 1868, [[Bakounine|Bakounine]] adhère à la section suisse de l’AIT, et son [[Alliance_internationale_de_la_démocratie_socialiste|Alliance internationale de la démocratie socialiste]] demande l'adhésion en bloc à l'Internationale. Dès ce moment, Marx, même s'il connaît Bakounine depuis longtemps, est méfiant&nbsp;: ''«&nbsp;Monsieur Bakounine – dans les coulisses de cette affaire – condescend à placer le mouvement ouvrier sous direction russe&nbsp;»''<ref>Lettre de Marx à Engels du 15 décembre 1868</ref>
 
En 1868, [[Bakounine|Bakounine]] adhère à la section suisse de l’AIT, et son [[Alliance_internationale_de_la_démocratie_socialiste|Alliance internationale de la démocratie socialiste]] demande l'adhésion en bloc à l'Internationale. Dès ce moment, Marx, même s'il connaît Bakounine depuis longtemps, est méfiant&nbsp;: ''«&nbsp;Monsieur Bakounine – dans les coulisses de cette affaire – condescend à placer le mouvement ouvrier sous direction russe&nbsp;»''<ref>Lettre de Marx à Engels du 15 décembre 1868</ref>
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Mais ce conflit dans l'AIT n'est pas qu'une querelle de personnes, même si la différence de tempérament entre Marx et Bakounine a joué un rôle. Il s'agit d'une lutte politique entre deux courants, qui se cristallisera sur deux principales questions&nbsp;: la question de l'organisation ([[Fédéralisme|fédéralisme]] ou [[Centralisme|centralisme]]), et la question de la politique (prendre part à la vie politique légale et utiliser les institutions bourgeoises ou s'en tenir à la lutte économique).
 
Mais ce conflit dans l'AIT n'est pas qu'une querelle de personnes, même si la différence de tempérament entre Marx et Bakounine a joué un rôle. Il s'agit d'une lutte politique entre deux courants, qui se cristallisera sur deux principales questions&nbsp;: la question de l'organisation ([[Fédéralisme|fédéralisme]] ou [[Centralisme|centralisme]]), et la question de la politique (prendre part à la vie politique légale et utiliser les institutions bourgeoises ou s'en tenir à la lutte économique).
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=== Le congrès de Bâle (1869) ===
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===Le congrès de Bâle (1869)===
    
Le 4<sup>e</sup> congrès de Bâle (6-12 septembre 1869) réunit 75 délégués&nbsp;: 6 Anglais (les six membres du Conseil général&nbsp;: Applegarth, Eccarius, Cowell Stepney, Lessner, Lucraft, et Jung), 26 Français (parmi lesquels Dereure, Landrin, Chemale, Murat, Aubry, Tolain, A. Richard, Palix, Varlin, et Bakounine), 5 Belges (dont Hins, Brismée, et De Paepe), 2 Autrichiens (Neumayer et Oberwinder), 10 Allemands (dont Becker, Liebknecht, Rittinghausen, et Hess), 22 Suisses (dont Burkly, Greulich, Fritz Robert, Guillaume, Schwitzguébel et Perret), un Italien (Caporusso), 2 Espagnols (Farga-Pellicer et Sentinon) et un États-unien (Cameron). Jung a été élu président du congrès.
 
Le 4<sup>e</sup> congrès de Bâle (6-12 septembre 1869) réunit 75 délégués&nbsp;: 6 Anglais (les six membres du Conseil général&nbsp;: Applegarth, Eccarius, Cowell Stepney, Lessner, Lucraft, et Jung), 26 Français (parmi lesquels Dereure, Landrin, Chemale, Murat, Aubry, Tolain, A. Richard, Palix, Varlin, et Bakounine), 5 Belges (dont Hins, Brismée, et De Paepe), 2 Autrichiens (Neumayer et Oberwinder), 10 Allemands (dont Becker, Liebknecht, Rittinghausen, et Hess), 22 Suisses (dont Burkly, Greulich, Fritz Robert, Guillaume, Schwitzguébel et Perret), un Italien (Caporusso), 2 Espagnols (Farga-Pellicer et Sentinon) et un États-unien (Cameron). Jung a été élu président du congrès.
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À partir de votes sur des motions ou amendements présentés par ces divers «&nbsp;courants&nbsp;», on peut établir le «&nbsp;rapport de force&nbsp;» comme suit&nbsp;:
 
À partir de votes sur des motions ou amendements présentés par ces divers «&nbsp;courants&nbsp;», on peut établir le «&nbsp;rapport de force&nbsp;» comme suit&nbsp;:
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*63&nbsp;% des délégués de l'AIT se regroupent sur des textes collectivistes dits «&nbsp;anti-autoritaires&nbsp;» («&nbsp;bakouninistes&nbsp;»).  
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*63&nbsp;% des délégués de l'AIT se regroupent sur des textes collectivistes dits «&nbsp;anti-autoritaires&nbsp;» («&nbsp;bakouninistes&nbsp;»).
*31&nbsp;% se regroupent sur des textes collectivistes dits «&nbsp;marxistes&nbsp;».  
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*31&nbsp;% se regroupent sur des textes collectivistes dits «&nbsp;marxistes&nbsp;».
*6&nbsp;% maintiennent leurs convictions mutuellistes (proudhoniens).  
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*6&nbsp;% maintiennent leurs convictions mutuellistes (proudhoniens).
    
Les deux premières sensibilités se retrouvent sur le principe du [[Collectivisme|collectivisme]], notamment sur une proposition ayant trait à la socialisation du sol. Le socialiste belge [[César_De_Paepe|De Paepe]] joue un rôle décisif en faisant basculer la délégation belge, auparavant mutuelliste, du côté collectiviste. Enfin, et à l'unanimité, le congrès décide d'organiser les travailleurs dans des sociétés de résistance (syndicats).
 
Les deux premières sensibilités se retrouvent sur le principe du [[Collectivisme|collectivisme]], notamment sur une proposition ayant trait à la socialisation du sol. Le socialiste belge [[César_De_Paepe|De Paepe]] joue un rôle décisif en faisant basculer la délégation belge, auparavant mutuelliste, du côté collectiviste. Enfin, et à l'unanimité, le congrès décide d'organiser les travailleurs dans des sociétés de résistance (syndicats).
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Mais les marxistes et les bakounistes se séparent sur la question de l'[[Héritage|héritage]]&nbsp;:
 
Mais les marxistes et les bakounistes se séparent sur la question de l'[[Héritage|héritage]]&nbsp;:
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*Les Bakouninistes veulent inscrire la suppression du droit d’héritage dans le programme de l’Internationale, et obtiennent une majorité.  
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*Les Bakouninistes veulent inscrire la suppression du droit d’héritage dans le programme de l’Internationale, et obtiennent une majorité.
*Pour Marx, il fallait défendre des mesures pratiques comme l'établissement d'impôts sur la succession et la limitation du droit de tester. L'héritage disparaîtrait avec le capitalisme, car il en est une conséquence et pas une cause.<ref>Voir à ce propos la Communication confidentielle, qui qualifie la proposition adoptée à Bâle de « vieillerie saint-simonienne », et les exposés de Marx sur le droit d’héritage au Conseil général en juillet 1869.</ref>  
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*Pour Marx, il fallait défendre des mesures pratiques comme l'établissement d'impôts sur la succession et la limitation du droit de tester. L'héritage disparaîtrait avec le capitalisme, car il en est une conséquence et pas une cause.<ref>Voir à ce propos la Communication confidentielle, qui qualifie la proposition adoptée à Bâle de « vieillerie saint-simonienne », et les exposés de Marx sur le droit d’héritage au Conseil général en juillet 1869.</ref>
    
Cette mise en minorité surprend Marx et lui fait dire que le bakouninisme représente une menace.
 
Cette mise en minorité surprend Marx et lui fait dire que le bakouninisme représente une menace.
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=== Scission dans la section suisse (1870) ===
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===Scission dans la section suisse (1870)===
    
En avril 1870, lors du congrès régional de la fédération romande, va se produire une scission&nbsp;: les délégués suisses vont se diviser sur l'attitude à adopter à l'égard des gouvernements et des partis politiques. Quelques phrases extraites des deux résolutions divergentes expriment bien cette opposition qui, de locale, allait gagner tout le mouvement. Pour les bakouninistes,
 
En avril 1870, lors du congrès régional de la fédération romande, va se produire une scission&nbsp;: les délégués suisses vont se diviser sur l'attitude à adopter à l'égard des gouvernements et des partis politiques. Quelques phrases extraites des deux résolutions divergentes expriment bien cette opposition qui, de locale, allait gagner tout le mouvement. Pour les bakouninistes,
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Marx considérait qu'il était important que le Conseil général soit à Londres,&nbsp;''«&nbsp;la métropole du capital&nbsp;»'', pour avoir ''«&nbsp;la main directement sur le grand levier de la révolution prolétaire&nbsp;»''&nbsp;:
 
Marx considérait qu'il était important que le Conseil général soit à Londres,&nbsp;''«&nbsp;la métropole du capital&nbsp;»'', pour avoir ''«&nbsp;la main directement sur le grand levier de la révolution prolétaire&nbsp;»''&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Les Anglais ont toute la matière nécessaire à la révolution sociale. Ce qui leur manque, c’est l’esprit généralisateur et la passion révolutionnaire. C’est seulement le Conseil général qui peut y suppléer, qui fait ainsi accélérer le mouvement vraiment révolutionnaire dans ce pays et par conséquent partout. (...) [Si] l’initiative révolutionnaire partira probablement de France, l’Angleterre seule peut servir de levier pour une révolution sérieusement économique.&nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc059.htm Le Conseil général au conseil fédéral de la Suisse romande]'', mars 1870</ref>''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Les Anglais ont toute la matière nécessaire à la révolution sociale. Ce qui leur manque, c’est l’esprit généralisateur et la passion révolutionnaire. C’est seulement le Conseil général qui peut y suppléer, qui fait ainsi accélérer le mouvement vraiment révolutionnaire dans ce pays et par conséquent partout. (...) [Si] l’initiative révolutionnaire partira probablement de France, l’Angleterre seule peut servir de levier pour une révolution sérieusement économique.&nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc059.htm Le Conseil général au conseil fédéral de la Suisse romande]'', mars 1870</ref>''</blockquote>  
=== La Commune de Paris (1871) ===
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===La Commune de Paris (1871)===
    
La guerre de 1870 et [[Commune_de_Paris_(1871)|la Commune]] n'allaient que retarder le dénouement de cette opposition. En effet, les événements empêchent la tenue du 5<sup>e</sup> congrès qui devait s'ouvrir à Paris en septembre 1870.
 
La guerre de 1870 et [[Commune_de_Paris_(1871)|la Commune]] n'allaient que retarder le dénouement de cette opposition. En effet, les événements empêchent la tenue du 5<sup>e</sup> congrès qui devait s'ouvrir à Paris en septembre 1870.
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Au lendemain de la Commune, Bakounine fait encore cause commune avec Marx contre les attaques de [[Mazzini|Mazzini]].
 
Au lendemain de la Commune, Bakounine fait encore cause commune avec Marx contre les attaques de [[Mazzini|Mazzini]].
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=== La Conférence de Londres (1871) ===
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===La Conférence de Londres (1871)===
    
A défaut de congrès, une conférence de Londres se tient en septembre 1871. Celle-ci confirme la position de Marx sur la question politique, en renvoyant à l'Adresse inaugurale de l'AIT qui disait ''«&nbsp;la conquête du pouvoir politique est devenue le premier devoir de la classe ouvrière&nbsp;»''<ref name="Adresse" />. La légitimité de cette conférence et ses décisions seront attaquée par plusieurs sections en octobre 1871, lorsque les décisions prises à Londres sont connues. Les fédérations italienne, belge et espagnole demandent une révision des statuts de l’Internationale pour restreindre le rôle du Conseil général à celui d’un simple centre de statistiques et de correspondance, proposition à laquelle se rallie la fédération jurassienne.
 
A défaut de congrès, une conférence de Londres se tient en septembre 1871. Celle-ci confirme la position de Marx sur la question politique, en renvoyant à l'Adresse inaugurale de l'AIT qui disait ''«&nbsp;la conquête du pouvoir politique est devenue le premier devoir de la classe ouvrière&nbsp;»''<ref name="Adresse" />. La légitimité de cette conférence et ses décisions seront attaquée par plusieurs sections en octobre 1871, lorsque les décisions prises à Londres sont connues. Les fédérations italienne, belge et espagnole demandent une révision des statuts de l’Internationale pour restreindre le rôle du Conseil général à celui d’un simple centre de statistiques et de correspondance, proposition à laquelle se rallie la fédération jurassienne.
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''«&nbsp;Dans les pays où l'industrie emploie des femmes en grand nombre, elles aimeront mieux se réunir entre elles pour discuter. Les femmes, dit-il, jouent un très grand rôle dans la vie&nbsp;: elles travaillent dans les usines, elles prennent part aux grèves, à la Commune, etc. Elles ont plus d'ardeur que les hommes. Il ajoute quelques mots par lesquels il rappelle la participation ardente des femmes aux événements de la Commune de Paris.&nbsp;»<ref>[http://marxisme.canalblog.com/archives/2017/11/24/35897000.html 1871 : Marx propose des sections féminines de la Première Internationale]</ref>''
 
''«&nbsp;Dans les pays où l'industrie emploie des femmes en grand nombre, elles aimeront mieux se réunir entre elles pour discuter. Les femmes, dit-il, jouent un très grand rôle dans la vie&nbsp;: elles travaillent dans les usines, elles prennent part aux grèves, à la Commune, etc. Elles ont plus d'ardeur que les hommes. Il ajoute quelques mots par lesquels il rappelle la participation ardente des femmes aux événements de la Commune de Paris.&nbsp;»<ref>[http://marxisme.canalblog.com/archives/2017/11/24/35897000.html 1871 : Marx propose des sections féminines de la Première Internationale]</ref>''
 
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=== La scission au congrès de La Haye (1872) ===
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===La scission au congrès de La Haye (1872)===
    
La scission aura lieu début septembre 1872 lors du 8<sup>e</sup> congrès, à La Haye (dans un petit café). Les modalités d'organisation du congrès elles-mêmes font partie de la controverse. <span class="reference-text">En effet, les règlements administratifs de l'Internationale, qui permettaient à chaque section d'envoyer au congrès un délégué avec voix délibérative, donnaient ''de facto'' une sur-représentation aux sections les plus proches géographiquement, compte tenu des difficultés économiques que la plupart des sections éprouvaient à envoyer un délégué. Pour ces raisons, [[Paul_Lafargue|Paul Lafargue]] avait dans un premier temps suggéré à Engels d'organiser le congrès en Angleterre&nbsp;: </span>''«&nbsp;les Bakounistes y seraient coulés avant de paraître&nbsp;»<ref>Lettre de Paul Lafargue à Engels du 17 mai 1872</ref>''<span class="reference-text">Genève avait ensuite été envisagé. Lorsque le Conseil général choisit finalement La Haye, Henri Perret écrit à Jung (7 juillet 1872)&nbsp;: </span>''«&nbsp;Si le Congrès avait eu lieu à Genève, vous aviez trente délégués, rien que de Genève, parfaitement assurés, plus les autres groupes de la Fédération romande&nbsp;; les Allemands auraient eu un bon nombre de délégués [...] nous étions sûrs d'une belle majorité&nbsp;»''
 
La scission aura lieu début septembre 1872 lors du 8<sup>e</sup> congrès, à La Haye (dans un petit café). Les modalités d'organisation du congrès elles-mêmes font partie de la controverse. <span class="reference-text">En effet, les règlements administratifs de l'Internationale, qui permettaient à chaque section d'envoyer au congrès un délégué avec voix délibérative, donnaient ''de facto'' une sur-représentation aux sections les plus proches géographiquement, compte tenu des difficultés économiques que la plupart des sections éprouvaient à envoyer un délégué. Pour ces raisons, [[Paul_Lafargue|Paul Lafargue]] avait dans un premier temps suggéré à Engels d'organiser le congrès en Angleterre&nbsp;: </span>''«&nbsp;les Bakounistes y seraient coulés avant de paraître&nbsp;»<ref>Lettre de Paul Lafargue à Engels du 17 mai 1872</ref>''<span class="reference-text">Genève avait ensuite été envisagé. Lorsque le Conseil général choisit finalement La Haye, Henri Perret écrit à Jung (7 juillet 1872)&nbsp;: </span>''«&nbsp;Si le Congrès avait eu lieu à Genève, vous aviez trente délégués, rien que de Genève, parfaitement assurés, plus les autres groupes de la Fédération romande&nbsp;; les Allemands auraient eu un bon nombre de délégués [...] nous étions sûrs d'une belle majorité&nbsp;»''
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Le congrès regroupe 65 délégués d'une dizaine de pays, et les marxistes y sont majoritaires.&nbsp;Les marxistes étaient majoritaires dans les pays où il était possible de participer à la vie politique et de réaliser des améliorations des conditions de vie des travailleurs, tandis que l'[[Anarchisme|anarchisme]] était majoritaire dans les pays où les interdictions étaient plus fortes. Bakounine et Guillaume sont exclus, en raison de leur structure internationale officieuse, et sur la base du dossier constitué par Marx compromettant Bakounine. Le conseil général est transféré à New York. Des militants et des fédérations se solidarisent avec les exclus et quittent alors l'AIT.
 
Le congrès regroupe 65 délégués d'une dizaine de pays, et les marxistes y sont majoritaires.&nbsp;Les marxistes étaient majoritaires dans les pays où il était possible de participer à la vie politique et de réaliser des améliorations des conditions de vie des travailleurs, tandis que l'[[Anarchisme|anarchisme]] était majoritaire dans les pays où les interdictions étaient plus fortes. Bakounine et Guillaume sont exclus, en raison de leur structure internationale officieuse, et sur la base du dossier constitué par Marx compromettant Bakounine. Le conseil général est transféré à New York. Des militants et des fédérations se solidarisent avec les exclus et quittent alors l'AIT.
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=== La dislocation de l’AIT ===
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===La dislocation de l’AIT===
    
Après l’affaiblissement dû à la répression qui suit l’échec de La Commune, cette scission sera fatale à la Première Internationale, qui va s'éteindre progressivement.
 
Après l’affaiblissement dû à la répression qui suit l’échec de La Commune, cette scission sera fatale à la Première Internationale, qui va s'éteindre progressivement.
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Un «&nbsp;8<sup>e</sup> congrès de l'Internationale&nbsp;» se réunit à Bruxelles du 7 au 12 septembre 1874. On en retiendra que l'Italie, disant suivre en cela les recommandations de Bakounine, décide de se préparer à passer aux actes. À l'opposé, sous l'influence de la section belge, un rapprochement est estimé utile avec les partis démocratiques et [[Socialiste|socialistes]]. Ce débat va se clarifier peu à peu durant les trois années suivantes. Il aboutira de fait à la dislocation de cette nouvelle Internationale.
 
Un «&nbsp;8<sup>e</sup> congrès de l'Internationale&nbsp;» se réunit à Bruxelles du 7 au 12 septembre 1874. On en retiendra que l'Italie, disant suivre en cela les recommandations de Bakounine, décide de se préparer à passer aux actes. À l'opposé, sous l'influence de la section belge, un rapprochement est estimé utile avec les partis démocratiques et [[Socialiste|socialistes]]. Ce débat va se clarifier peu à peu durant les trois années suivantes. Il aboutira de fait à la dislocation de cette nouvelle Internationale.
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[[Bakounine|Bakounine]] meurt le 1er juillet 1876. Lors de ses funérailles, les Jurassiens présents appellent à l'unité entre marxistes et bakounistes. Ils rejettent ''« les récriminations personnelles entre hommes qui au fond poursuivent le même but »'' et appellent à la réconciliation entre partisans de l’Etat ouvrier et partisans de la libre fédération des producteurs – une réconciliation qui leur semble''''«&nbsp;très utile, très désirable et très facile&nbsp;»''.<ref>René Berthier, ''Affinités non électives : à propos du livre d’Olivier Besancenot et Michaël Löwy'', 2016</ref>
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[[Bakounine|Bakounine]] meurt le 1er juillet 1876. Lors de ses funérailles, les Jurassiens présents appellent à l'unité entre marxistes et bakounistes. Ils rejettent ''« les récriminations personnelles entre hommes qui au fond poursuivent le même but »'' et appellent à la réconciliation entre partisans de l’Etat ouvrier et partisans de la libre fédération des producteurs – une réconciliation qui leur semble<nowiki>''</nowiki>''«&nbsp;très utile, très désirable et très facile&nbsp;»''.<ref>René Berthier, ''Affinités non électives : à propos du livre d’Olivier Besancenot et Michaël Löwy'', 2016</ref>
    
C'est ainsi que durant le «&nbsp;8<sup>e</sup> congrès&nbsp;» (26/27 octobre 1876 à Berne), César De Paepe et la section belge font admettre le projet de convocation d'un congrès socialiste auquel assisteraient des représentants des organisations [[Communiste|communistes]]. Les italiens, quant à eux, ont décidé de passer à l'action en utilisant la tactique du «&nbsp;fait insurrectionnel&nbsp;». Ce sera l'épopée du Bénévent en avril 1877 et son échec&nbsp;: une trentaine d'anarchistes armés occupent deux villages, en brûlent les archives et «&nbsp;décrètent&nbsp;» la révolution. Une semaine plus tard, les insurgés, transis et affamés seront capturés sans offrir de résistance. Mais cet échec ne fut pas sans lendemain. Au mois de juin de la même année, Costa et [[Paul_Brousse|Paul Brousse]] définissent et expliquent ce que sera la «&nbsp;[[Propagande_par_le_fait|Propagande par le fait]]&nbsp;». Le courant [[Anarcho-syndicaliste|anarcho-syndicaliste]] était alors trop faible pour mettre en avant ses théories d'actions auto-gestionnaires ou communalistes.
 
C'est ainsi que durant le «&nbsp;8<sup>e</sup> congrès&nbsp;» (26/27 octobre 1876 à Berne), César De Paepe et la section belge font admettre le projet de convocation d'un congrès socialiste auquel assisteraient des représentants des organisations [[Communiste|communistes]]. Les italiens, quant à eux, ont décidé de passer à l'action en utilisant la tactique du «&nbsp;fait insurrectionnel&nbsp;». Ce sera l'épopée du Bénévent en avril 1877 et son échec&nbsp;: une trentaine d'anarchistes armés occupent deux villages, en brûlent les archives et «&nbsp;décrètent&nbsp;» la révolution. Une semaine plus tard, les insurgés, transis et affamés seront capturés sans offrir de résistance. Mais cet échec ne fut pas sans lendemain. Au mois de juin de la même année, Costa et [[Paul_Brousse|Paul Brousse]] définissent et expliquent ce que sera la «&nbsp;[[Propagande_par_le_fait|Propagande par le fait]]&nbsp;». Le courant [[Anarcho-syndicaliste|anarcho-syndicaliste]] était alors trop faible pour mettre en avant ses théories d'actions auto-gestionnaires ou communalistes.
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Les militants anarchistes les plus actifs se tournent vers un type d'actions individuelles, la [[Propagande_par_le_fait|Propagande par le fait]], qui va les couper du [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]]. La [[Fédération_jurassienne|Fédération jurassienne]], encore la plus active, estime même inutile de préparer le congrès prévu en 1878.
 
Les militants anarchistes les plus actifs se tournent vers un type d'actions individuelles, la [[Propagande_par_le_fait|Propagande par le fait]], qui va les couper du [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]]. La [[Fédération_jurassienne|Fédération jurassienne]], encore la plus active, estime même inutile de préparer le congrès prévu en 1878.
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== Postérité de la Première Internationale ==
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==Postérité de la Première Internationale==
    
Au moment même de sa disparition, l'Internationale inspire [[L'Internationale_(chanson)|la chanson bien connue du même nom]] à [[Eugène_Pottier|Eugène Pottier]]. Celui-ci l'écrit dans sa prison après la répression de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune]].
 
Au moment même de sa disparition, l'Internationale inspire [[L'Internationale_(chanson)|la chanson bien connue du même nom]] à [[Eugène_Pottier|Eugène Pottier]]. Celui-ci l'écrit dans sa prison après la répression de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune]].
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Une autre caractéristique notable était que l'AIT était d'emblée internationale (malgré sa taille très modeste), alors que les II<sup>e</sup> et III<sup>e</sup> internationales seront plutôt des regroupements de partis nationaux existants.
 
Une autre caractéristique notable était que l'AIT était d'emblée internationale (malgré sa taille très modeste), alors que les II<sup>e</sup> et III<sup>e</sup> internationales seront plutôt des regroupements de partis nationaux existants.
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== Implantation ==
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==Implantation==
    
A son sommet, l'AIT a atteint près de 8 millions de membres<ref>Journal Officiel de l'AIT, 29 mai 1871</ref>, ou 5 millions selon les rapports de police<ref>Payne, Robert. </ref>. L'AIT resta cependant quasi inconnue à l'échelle mondiale jusqu'en 1871.
 
A son sommet, l'AIT a atteint près de 8 millions de membres<ref>Journal Officiel de l'AIT, 29 mai 1871</ref>, ou 5 millions selon les rapports de police<ref>Payne, Robert. </ref>. L'AIT resta cependant quasi inconnue à l'échelle mondiale jusqu'en 1871.
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=== France ===
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===France===
 
[[File:AIT-Fanelli-Madrid.JPG|right|261x350px|Les fondateurs de la section espagnole autour de Giuseppe Fanelli]]  
 
[[File:AIT-Fanelli-Madrid.JPG|right|261x350px|Les fondateurs de la section espagnole autour de Giuseppe Fanelli]]  
 
Henri Tolain fut un organisateur efficace, qui permit de donner une implantation notable à l'AIT en France.
 
Henri Tolain fut un organisateur efficace, qui permit de donner une implantation notable à l'AIT en France.
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=== Espagne ===
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===Espagne===
    
En Espagne l'AIT n'a au départ aucun impact, jusqu'à l'arrivée de Fanelli, envoyé par la tendance anarchiste de l'Internationale, et qui créé un groupe à Barcelone. La tendance marxiste est introduite par [[Paul_Lafargue|Paul Lafargue]], et s'implante à Madrid et plus tard sur la côte cantabrique. Les anarchistes étaient majoritaires en Espagne.
 
En Espagne l'AIT n'a au départ aucun impact, jusqu'à l'arrivée de Fanelli, envoyé par la tendance anarchiste de l'Internationale, et qui créé un groupe à Barcelone. La tendance marxiste est introduite par [[Paul_Lafargue|Paul Lafargue]], et s'implante à Madrid et plus tard sur la côte cantabrique. Les anarchistes étaient majoritaires en Espagne.
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=== Belgique ===
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===Belgique===
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=== États-Unis ===
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===États-Unis===
    
L'AIT aux États-Unis a été un réseau peu coordonné d'environ 35 sections souvent discordantes, avec un pic de membres estimé entre 4000 et 5000.
 
L'AIT aux États-Unis a été un réseau peu coordonné d'environ 35 sections souvent discordantes, avec un pic de membres estimé entre 4000 et 5000.
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Une des difficultés était la division sur un vaste territoire et les langues différentes parlées par les membres, qui étaient souvent des émigrés Allemands, Français, Tchèque, Italiens, Irlandais...<ref>Voir la page complète, en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/International_Workingmen%27s_Association_in_America</ref>
 
Une des difficultés était la division sur un vaste territoire et les langues différentes parlées par les membres, qui étaient souvent des émigrés Allemands, Français, Tchèque, Italiens, Irlandais...<ref>Voir la page complète, en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/International_Workingmen%27s_Association_in_America</ref>
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=== Angleterre ===
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===Angleterre===
    
Le journal ''[[The_Bee-Hive|The Bee-Hive]]'' ("la ruche") publié par les syndicats anglais, devint l'organe officiel de l'AIT en Angleterre en novembre 1864. Suite au [[Réformisme|réformisme]] et au [[Chauvinisme|chauvinisme]] de plus en plus marqué du journal, l'AIT rompit avec ''The Bee-Hive'' en mai 1870, sous l'impulsion de Marx.
 
Le journal ''[[The_Bee-Hive|The Bee-Hive]]'' ("la ruche") publié par les syndicats anglais, devint l'organe officiel de l'AIT en Angleterre en novembre 1864. Suite au [[Réformisme|réformisme]] et au [[Chauvinisme|chauvinisme]] de plus en plus marqué du journal, l'AIT rompit avec ''The Bee-Hive'' en mai 1870, sous l'impulsion de Marx.
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=== Autriche ===
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===Autriche===
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=== Allemagne ===
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===Allemagne===
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=== Suisse ===
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===Suisse===
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=== Italie ===
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== Congrès de l'AIT ==
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==Congrès de l'AIT==
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*1864, du 25 au 29 septembre - Conférence de fondation - Londres (Royaume-Uni)  
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*1864, du 25 au 29 septembre - Conférence de fondation - Londres (Royaume-Uni)
*1866, du 3 au 8 septembre - 1<sup>er</sup> congrès - Genève (Suisse)  
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*1866, du 3 au 8 septembre - 1<sup>er</sup> congrès - Genève (Suisse)
*1867, du 2 au 8 septembre - 2<sup>ème</sup> congrès - Lausanne (Suisse)  
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*1867, du 2 au 8 septembre - 2<sup>ème</sup> congrès - Lausanne (Suisse)
*1868, septembre - 3<sup>ème</sup> congrès - Bruxelles (Belgique)  
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*1868, septembre - 3<sup>ème</sup> congrès - Bruxelles (Belgique)
*1869, septembre - 4<sup>ème</sup> congrès - Bâle (Suisse)  
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*1869, septembre - 4<sup>ème</sup> congrès - Bâle (Suisse)
*1872, du 2 au 7 septembre - 5<sup>ème</sup> congrès - La Haye (Pays-Bas)  
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*1872, du 2 au 7 septembre - 5<sup>ème</sup> congrès - La Haye (Pays-Bas)
*1876, juillet - 6<sup>ème</sup> congrès - Philadelphie (États-Unis)  
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*1876, juillet - 6<sup>ème</sup> congrès - Philadelphie (États-Unis)
    
Après la scission anarchistes, un courant se proclamant "Internationale anti-autoritaire" tente de poursuivre un moment de son côté une activité&nbsp;:
 
Après la scission anarchistes, un courant se proclamant "Internationale anti-autoritaire" tente de poursuivre un moment de son côté une activité&nbsp;:
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*1873, 27 avril - 6<sup>ème</sup> congrès - Neufchâtel (Suisse)  
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*1873, 27 avril - 6<sup>ème</sup> congrès - Neufchâtel (Suisse)
*1874, du 7 au 12 septembre - 7<sup>ème</sup> congrès - Bruxelles (Suisse)  
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*1874, du 7 au 12 septembre - 7<sup>ème</sup> congrès - Bruxelles (Suisse)
*1876, du 26 au 27 octobre - 8<sup>ème</sup> congrès - Berne (Suisse)  
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*1876, du 26 au 27 octobre - 8<sup>ème</sup> congrès - Berne (Suisse)
*1877 - 9<sup>ème</sup> congrès - Verviers (Suisse)  
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*1877 - 9<sup>ème</sup> congrès - Verviers (Suisse)
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== Bibliographie ==
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==Bibliographie==
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*Marx-Engels, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc054.htm ''Le parti de classe'']  
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*Marx-Engels, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc054.htm ''Le parti de classe'']
*Jacques Droz (dir.), ''Histoire générale du socialisme'', t.1, ''Des origines à 1875'', PUF, 1972.  
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*Jacques Droz (dir.), ''Histoire générale du socialisme'', t.1, ''Des origines à 1875'', PUF, 1972.
*''Rapport sur le 4<sup>ème</sup> Congrès de l'Association internationale des Travailleurs, tenu à Bâle (Suisse) au mois de septembre 1869.'' Gabriel Mollin. Paris, Imprimerie D. Jouaust, Le Chevalier, 1870.  
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*''Rapport sur le 4<sup>ème</sup> Congrès de l'Association internationale des Travailleurs, tenu à Bâle (Suisse) au mois de septembre 1869.'' Gabriel Mollin. Paris, Imprimerie D. Jouaust, Le Chevalier, 1870.
*''A.I.T. Association Internationale des Travailleurs.'' Paris, Imprimerie impériale, 1870. réedition en 1968.  
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*''A.I.T. Association Internationale des Travailleurs.'' Paris, Imprimerie impériale, 1870. réedition en 1968.
*''Les séances officielles de l'Internationale à Paris pendant le Siège et pendant la Commune''. Paris, Lachaud, 1872.  
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*''Les séances officielles de l'Internationale à Paris pendant le Siège et pendant la Commune''. Paris, Lachaud, 1872.
*''Association internationale des travailleurs. Son origine - Son but (…). Tableau de la situation actuelle de l'Internationale en France, en Europe et en Amérique.'' Lyon, Impr. d'Aimé Vingtrinier, 1870. Oscar Testut.  
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*''Association internationale des travailleurs. Son origine - Son but (…). Tableau de la situation actuelle de l'Internationale en France, en Europe et en Amérique.'' Lyon, Impr. d'Aimé Vingtrinier, 1870. Oscar Testut.
*''Troisième procès de l'Association Internationale des Travailleurs à Paris.'' Paris, Armand Le Chevalier, 1870. réedition en 1968.  
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*''Troisième procès de l'Association Internationale des Travailleurs à Paris.'' Paris, Armand Le Chevalier, 1870. réedition en 1968.
*''La première Internationale.'' Recueil de documents publiés sous la direction de Jacques Freymond. Textes établis par Henri Burgelin, Knut Langfeldt et Miklós Molnar. Genève, Droz, 1962-1971.  
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*''La première Internationale.'' Recueil de documents publiés sous la direction de Jacques Freymond. Textes établis par Henri Burgelin, Knut Langfeldt et Miklós Molnar. Genève, Droz, 1962-1971.
*''Le livre noir de la Commune de Paris (dossier complet)'' - L'Internationale dévoilée. Paris, Office de Publicité, 1871.  
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*''Le livre noir de la Commune de Paris (dossier complet)'' - L'Internationale dévoilée. Paris, Office de Publicité, 1871.
*''Histoire de l'Internationale''. Paris, 'Bureau de l''Eclipse', 1871. Jacques Populus.''  
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*''Histoire de l'Internationale''. Paris, 'Bureau de l''Eclipse', 1871. Jacques Populus.''
*''Les théories de l'Internationale. Étude critique''. Paris, Didier et Cie, 1872. Adolphe Georges Guéroult  
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*''Les théories de l'Internationale. Étude critique''. Paris, Didier et Cie, 1872. Adolphe Georges Guéroult
*''L'Internationale et le Pangermanisme.'' Edmond Laskine. Paris, H. Floury, 1916.  
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*''L'Internationale et le Pangermanisme.'' Edmond Laskine. Paris, H. Floury, 1916.
*''Karl Marx, histoire de sa vie.'' Franz Mehring. Berlin, 1918.  
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*''Karl Marx, histoire de sa vie.'' Franz Mehring. Berlin, 1918.
*''Lettres de communards et de militants de la I<sup>ère</sup> Internationale à Marx, Engels et autres dans les journées de la Commune de Paris en 1871''. Jules Rocher. Paris, Bureau d'Édition, 1934.  
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*''Lettres de communards et de militants de la I<sup>ère</sup> Internationale à Marx, Engels et autres dans les journées de la Commune de Paris en 1871''. Jules Rocher. Paris, Bureau d'Édition, 1934.
*''La Première Internationale Ouvrière''. Numéro 8 de la revue Études de Marxologie. 1964.  
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*''La Première Internationale Ouvrière''. Numéro 8 de la revue Études de Marxologie. 1964.
*Jean Maitron, ''Le mouvement anarchiste en France'', Gallimard, coll. «Tel», 1992  
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*Jean Maitron, ''Le mouvement anarchiste en France'', Gallimard, coll. «Tel», 1992
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== Liens externes ==
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==Liens externes==
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*[http://plusloin.org/plusloin/article.php3?id_article=73 Chroniques de la première Internationale] (par Maximilien Rubel)  
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*[http://plusloin.org/plusloin/article.php3?id_article=73 Chroniques de la première Internationale] (par Maximilien Rubel)
*[http://www.marxists.org/francais/ait/index.htm Quelques textes de l'AIT (1864-1871) principalement redigés par Karl Marx]  
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*[http://www.marxists.org/francais/ait/index.htm Quelques textes de l'AIT (1864-1871) principalement redigés par Karl Marx]
*[[Riazanov|Riazanov]], [https://www.marxists.org/francais/riazanov/works/1920/10/premiere.htm ''La fondation de la première Internationale''], ''Die Kommunistische Internationale'', octobre 1919  
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*[[Riazanov|Riazanov]], [https://www.marxists.org/francais/riazanov/works/1920/10/premiere.htm ''La fondation de la première Internationale''], ''Die Kommunistische Internationale'', octobre 1919
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== Notes ==
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==Notes==
    
<references />
 
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