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Le crédit existe depuis que la [[monnaie]] existe, mais il avait une existence limitée dans les [[sociétés précapitalistes]], et se voyait régulièrement condamné en tant qu'usure.
 
Le crédit existe depuis que la [[monnaie]] existe, mais il avait une existence limitée dans les [[sociétés précapitalistes]], et se voyait régulièrement condamné en tant qu'usure.
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=== Antiquité ===
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===Antiquité===
 
Le prêt à intérêt est attesté en Mésopotamie et dans la Bible. Dès -1750, le Code de Hammurabi prévoit une régulation des taux autorisés, avec un maximum de 20 % ou 33 % selon le produit prêté (argent ou semences)<ref>{{en}} ''{{lang|en|The Origins of Value: The Financial Innovations that Created Modern Capital Markets}}'', {{chap.|1}} : {{lang|en|The invention of interest}}, Marc van de Mieroop.</ref>. Dans l'[[empire romain]], il était admis comme une activité annexe de l'agriculture et du commerce, mais ses excès étaient punis, comme l'indique [[Caton l'Ancien|Caton]] : « Nos ancêtres ont fait loi que lorsque les voleurs ont escompté leur délit par un châtiment double, les ancêtres ont condamné leurs crimes au quadruple ! ». [[Tacite]] rapporte qu'en l'an 33, une grave crise financière entraîna la création par l'État d'un fonds hypothécaire de 100 millions de sesterces<ref>[http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnVI.html ''Annales'' VI, 16-17].</ref>. À partir du 4<sup>e</sup> siècle, la littérature épiscopale et monastique utilise un langage métaphorique (thésaurisation, usure, termes empruntés au monde économique gréco-romain) pour analyser le prêt à intérêt<ref name="Goff">{{ouvrage|langue= |auteur=Jacques Le Goff |titre=Marchands et banquiers du Moyen Âge |éditeur=PUF |date=1956 réédition 2001 |pages totales=128 |isbn=2-13-051479-0 |lire en ligne=}}.</ref>.
 
Le prêt à intérêt est attesté en Mésopotamie et dans la Bible. Dès -1750, le Code de Hammurabi prévoit une régulation des taux autorisés, avec un maximum de 20 % ou 33 % selon le produit prêté (argent ou semences)<ref>{{en}} ''{{lang|en|The Origins of Value: The Financial Innovations that Created Modern Capital Markets}}'', {{chap.|1}} : {{lang|en|The invention of interest}}, Marc van de Mieroop.</ref>. Dans l'[[empire romain]], il était admis comme une activité annexe de l'agriculture et du commerce, mais ses excès étaient punis, comme l'indique [[Caton l'Ancien|Caton]] : « Nos ancêtres ont fait loi que lorsque les voleurs ont escompté leur délit par un châtiment double, les ancêtres ont condamné leurs crimes au quadruple ! ». [[Tacite]] rapporte qu'en l'an 33, une grave crise financière entraîna la création par l'État d'un fonds hypothécaire de 100 millions de sesterces<ref>[http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnVI.html ''Annales'' VI, 16-17].</ref>. À partir du 4<sup>e</sup> siècle, la littérature épiscopale et monastique utilise un langage métaphorique (thésaurisation, usure, termes empruntés au monde économique gréco-romain) pour analyser le prêt à intérêt<ref name="Goff">{{ouvrage|langue= |auteur=Jacques Le Goff |titre=Marchands et banquiers du Moyen Âge |éditeur=PUF |date=1956 réédition 2001 |pages totales=128 |isbn=2-13-051479-0 |lire en ligne=}}.</ref>.
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=== Moyen-Âge ===
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===Moyen-Âge===
 
[[Fichier:Jesus-chasse-marchands-du-temple.jpg|vignette|264x264px|Jésus chasse les usuriers du Temple]]
 
[[Fichier:Jesus-chasse-marchands-du-temple.jpg|vignette|264x264px|Jésus chasse les usuriers du Temple]]
 
Dès le Haut-Moyen Âge, l'[[Église catholique romaine]] reprend la distinction que fait le Droit romain pour le prêt de biens mobiliers : celui des choses qui se consument par l'usage et celui des choses qui ne se consument pas, appelé ''{{lang|la|commodatum}}''. Exiger un paiement pour le commodat est contraire à la charité, et l'argent est un bien qui ne se consume pas. Dès cette époque, on voit le prêt à intérêt condamné par le Concile de Nicée sur le fondement de l'Ancien<ref>Deutéronome (15-3 à 6, 23-19), Psaumes (14-2,5), Ézéchiel (18-8). </ref> et du Nouveau Testament<ref>Luc 6-34.</ref>, puis par le capitulaire de Nimègue de Charlemagne en 806 et le capitulaire d'Olonne de Lothaire en 825<ref>{{ouvrage|auteur=Paul Massé |titre=Histoire économique et sociale du monde |éditeur=Harmattan |date=2011 |passage=181 |isbn= |lire en ligne=}}.</ref>.  
 
Dès le Haut-Moyen Âge, l'[[Église catholique romaine]] reprend la distinction que fait le Droit romain pour le prêt de biens mobiliers : celui des choses qui se consument par l'usage et celui des choses qui ne se consument pas, appelé ''{{lang|la|commodatum}}''. Exiger un paiement pour le commodat est contraire à la charité, et l'argent est un bien qui ne se consume pas. Dès cette époque, on voit le prêt à intérêt condamné par le Concile de Nicée sur le fondement de l'Ancien<ref>Deutéronome (15-3 à 6, 23-19), Psaumes (14-2,5), Ézéchiel (18-8). </ref> et du Nouveau Testament<ref>Luc 6-34.</ref>, puis par le capitulaire de Nimègue de Charlemagne en 806 et le capitulaire d'Olonne de Lothaire en 825<ref>{{ouvrage|auteur=Paul Massé |titre=Histoire économique et sociale du monde |éditeur=Harmattan |date=2011 |passage=181 |isbn= |lire en ligne=}}.</ref>.  
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En matière de commerce et d'industrie, le prêt d'argent est permis lorsqu'il est un véritable contrat d'association ou d'exploitation en commun qui fait participer aux risques, mais il reste interdit lorsqu'il est une simple prise d'intérêt sur les profits escomptés, appelée [[prêt à la grosse aventure]], qui est condamné par le pape au 13<sup>e</sup> siècle. Une différence sociale s'établit entre les prêteurs : les Juifs prêtent généralement pour les pauvres, les petits commerçants bourgeois chrétiens pour des classes plus aisées, les grands marchands italiens de céréales qui deviennent des banquiers à la fin du 13<sup>e</sup> siècle prêtent aux plus riches (Cahorsins<ref>Les Cahorsins (écrits aussi Caorcins, Caorsins, Caoursins, Cahorsijnen, Cawarsini) désignent à cette époque les banquiers de tout pays et toute origine (terme qui a pour origine la ville de Cahors qui est le siège à partir du XIIe siècle des premiers comptoirs des [[banquiers lombards]] qui pratiquent l'usure à des taux dépassant 40 %).</ref> et notamment les Florentins qui prêtent aux grands princes)<ref name="Goff" />.  
 
En matière de commerce et d'industrie, le prêt d'argent est permis lorsqu'il est un véritable contrat d'association ou d'exploitation en commun qui fait participer aux risques, mais il reste interdit lorsqu'il est une simple prise d'intérêt sur les profits escomptés, appelée [[prêt à la grosse aventure]], qui est condamné par le pape au 13<sup>e</sup> siècle. Une différence sociale s'établit entre les prêteurs : les Juifs prêtent généralement pour les pauvres, les petits commerçants bourgeois chrétiens pour des classes plus aisées, les grands marchands italiens de céréales qui deviennent des banquiers à la fin du 13<sup>e</sup> siècle prêtent aux plus riches (Cahorsins<ref>Les Cahorsins (écrits aussi Caorcins, Caorsins, Caoursins, Cahorsijnen, Cawarsini) désignent à cette époque les banquiers de tout pays et toute origine (terme qui a pour origine la ville de Cahors qui est le siège à partir du XIIe siècle des premiers comptoirs des [[banquiers lombards]] qui pratiquent l'usure à des taux dépassant 40 %).</ref> et notamment les Florentins qui prêtent aux grands princes)<ref name="Goff" />.  
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=== Epoque moderne ===
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===Epoque moderne===
 
En Europe, l'essor du commerce international après les "grandes découvertes" va stimuler l'essor du prêt à intérêt. Les [[Absolutisme|monarchies absolues]] [[Mercantilisme|mercantilistes]] vont faire évoluer les réglementations.
 
En Europe, l'essor du commerce international après les "grandes découvertes" va stimuler l'essor du prêt à intérêt. Les [[Absolutisme|monarchies absolues]] [[Mercantilisme|mercantilistes]] vont faire évoluer les réglementations.
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Dans toutes les autres situations, c'est-à-dire pour ce que nous appelons crédit à la consommation, le prêt à intérêt reste condamné par l'Église. Plusieurs ordonnances royales interdisent l'avance de fonds rémunérés pour l'agriculture, y compris sous des formes déguisées comme les prêts de semences ou les contrats d'achat de récoltes sur pied.
 
Dans toutes les autres situations, c'est-à-dire pour ce que nous appelons crédit à la consommation, le prêt à intérêt reste condamné par l'Église. Plusieurs ordonnances royales interdisent l'avance de fonds rémunérés pour l'agriculture, y compris sous des formes déguisées comme les prêts de semences ou les contrats d'achat de récoltes sur pied.
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Martin Luther condamnait l'usure comme une façon d'être un criminel sans en avoir l'air :<blockquote>« La simple raison a permis aux païens de compter l'usurier comme assassin et quadruple voleur. Mais nous, chrétiens, nous le tenons en tel honneur, que nous l'adorons presque à cause de son argent. Celui qui dérobe, vole et dévore la nourriture d'un autre, est tout aussi bien un meurtrier (autant que cela est en son pouvoir) que celui qui le fait mourir de faim ou le ruine à fond. Or c'est là ce que fait l'usurier, et cependant il reste assis en sûreté sur son siège, tandis qu'il serait bien plus juste que, pendu à la potence, il fût dévoré par autant de corbeaux qu'il a volé d'écus; si du moins il y avait en lui assez de chair pour que tant de corbeaux pussent s'y tailler chacun un lopin. On pend les petits voleurs... les petits voleurs sont mis aux fers; les grands voleurs vont se prélassant dans l'or et la soie. Il n'y a pas sur terre (à part le diable) un plus grand ennemi du genre humain que l'avare et l'usurier, car il veut être dieu sur tous les hommes. Turcs, gens de guerre, tyrans, c'est là certes méchante engeance; ils sont pourtant obligés de laisser vivre le pauvre monde et de confesser qu'ils sont des scélérats et des ennemis; il leur arrive même de s'apitoyer malgré eux. Mais un usurier, ce sac a avarice, voudrait que le monde entier fût en proie à la faim, à la soif, à la tristesse et à la misère; il voudrait avoir tout tout seul, afin que chacun dût recevoir de lui comme d'un dieu et rester son serf à perpétuité. Il porte des chaînes, des anneaux d'or, se torche le bec, se fait passer pour un homme pieux et débonnaire.   L'usurier est un monstre énorme, pire qu'un ogre dévorant, pire qu'un Cacus, un Gérion, un Antée. Et pourtant il s'attife et fait la sainte nitouche, pour qu'on ne voie pas d'où viennent les bœufs qu'il a amenés à reculons dans sa caverne. Mais Hercule entendra les mugissements des bœufs prisonniers et cherchera Cacus à travers les rochers pour les arracher aux mains de ce scélérat. Car Cacus est le nom d'un scélérat, d'un pieux usurier qui vole, pille et dévore tout et veut pourtant n'avoir rien fait, et prend grand soin que personne ne puisse le découvrir, parce que les bœufs amenés à reculons dans sa caverne ont laissé des traces de leurs pas qui font croire qu'ils en sont sortis. L'usurier veut de même se moquer du monde en affectant de lui être utile et de lui donner des bœufs, tandis qu'il les accapare et les dévore tout seul Et si l'on roue et décapite les assassins et les voleurs de grand chemin, combien plus ne devrait on pas chasser, maudire, rouer tous les usuriers et leur couper la tête. »<ref>Cité par Marx dans le ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-24-3.htm Capital, Livre I, Division de la plus-value en capital et en revenu. – Théorie de l’abstinence]'', 1867</ref></blockquote>
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==Capitalisme et système de crédit==
 
==Capitalisme et système de crédit==
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=== Libéralisation du crédit avec l'essor du capitalisme ===
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===Libéralisation du crédit avec l'essor du capitalisme===
 
Le premier théologien à accepter le prêt à intérêt fut [[Jean Calvin]]. La pratique du prêt à intérêt se propagea dès lors rapidement à partir des réseaux de banques dont les sièges étaient établis à l'étranger, soit dans les pays d'obédience calviniste comme Genève, les Pays-Bas et l'Angleterre, mais aussi dans des États comme Venise et le Portugal où des banques sont spécialisées dans le commerce maritime. L'interdiction de cette rente foncière est définitivement levée par l'Église catholique en 1713 par l'université catholique d'Utrecht<ref>{{ouvrage|auteur=Michel Rouche |titre=Les racines de l'Europe |éditeur=Fayard |date=2003 |passage=207 |isbn= |lire en ligne=}}.</ref>.
 
Le premier théologien à accepter le prêt à intérêt fut [[Jean Calvin]]. La pratique du prêt à intérêt se propagea dès lors rapidement à partir des réseaux de banques dont les sièges étaient établis à l'étranger, soit dans les pays d'obédience calviniste comme Genève, les Pays-Bas et l'Angleterre, mais aussi dans des États comme Venise et le Portugal où des banques sont spécialisées dans le commerce maritime. L'interdiction de cette rente foncière est définitivement levée par l'Église catholique en 1713 par l'université catholique d'Utrecht<ref>{{ouvrage|auteur=Michel Rouche |titre=Les racines de l'Europe |éditeur=Fayard |date=2003 |passage=207 |isbn= |lire en ligne=}}.</ref>.
  

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