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Considéré par beaucoup – y compris à un moment par Marx et Engels – comme un « peuple sans histoire »<ref>Roman Rosdolsky, ''[https://www.marxists.org/francais/rosdolsky/works/1948/00/rosdolsky1-3.htm Friedrich Engels et le problème des peuples « sans histoire » - Les Ukrainiens (Ruthènes)]'', 1948</ref>, le peuple ukrainien a pourtant commencé assez tôt à se constituer comme nation, notamment avec le soulèvement cosaque de 1648 contre l’État polonais, sa noblesse et son clergé.<ref>Zbigniew Marcin Kowalewski, ''[http://www.inprecor.fr/article-Ukraine-L%E2%80%99ind%C3%A9pendance%20de%20l%E2%80%99Ukraine%20:%20pr%C3%A9histoire%20d%E2%80%99un%20mot%20d%E2%80%99ordre%20de%20Trotski%20%20?id=1706 L’indépendance de l’Ukraine : préhistoire d’un mot d’ordre de Trotski]'', Inprecor N° 611, janvier 2015</ref>
 
Considéré par beaucoup – y compris à un moment par Marx et Engels – comme un « peuple sans histoire »<ref>Roman Rosdolsky, ''[https://www.marxists.org/francais/rosdolsky/works/1948/00/rosdolsky1-3.htm Friedrich Engels et le problème des peuples « sans histoire » - Les Ukrainiens (Ruthènes)]'', 1948</ref>, le peuple ukrainien a pourtant commencé assez tôt à se constituer comme nation, notamment avec le soulèvement cosaque de 1648 contre l’État polonais, sa noblesse et son clergé.<ref>Zbigniew Marcin Kowalewski, ''[http://www.inprecor.fr/article-Ukraine-L%E2%80%99ind%C3%A9pendance%20de%20l%E2%80%99Ukraine%20:%20pr%C3%A9histoire%20d%E2%80%99un%20mot%20d%E2%80%99ordre%20de%20Trotski%20%20?id=1706 L’indépendance de l’Ukraine : préhistoire d’un mot d’ordre de Trotski]'', Inprecor N° 611, janvier 2015</ref>
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L'Ukraine était une des zones les plus développées de l'[[Empire russe|empire russe]]. Mais les circonstances historiques de ce développement ont fait que seulement 43 % du prolétariat était de nationalité ukrainienne – le reste étant russe, russifié et juif. Les Ukrainiens constituaient moins d’un tiers de la population urbaine.
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Au début du 20<sup>e</sup> siècle, la partie occidentale d’Ukraine, la Galicie, appartenait à l’empire austro-hongrois. Les deux revendications centrales du mouvement national renaissant étaient l’indépendance et l’unité (samostiinist’ i sobornist’) de l’Ukraine. Les masses, qui s'éveillaient à la politique, désiraient une [[Réforme agraire|réforme agraire]] et l’indépendance. L'Ukraine était une des zones les plus développées de l'[[Empire russe|empire russe]]. Mais les circonstances historiques de ce développement ont fait que seulement 43 % du prolétariat était de nationalité ukrainienne – le reste étant russe, russifié et juif. Les Ukrainiens constituaient moins d’un tiers de la population urbaine.  
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La partie occidentale d’Ukraine, la Galicie, appartenait à l’empire austro-hongrois. Au moment de la [[Révolution de février 1917|révolution de février 1917]], les deux revendications centrales du mouvement national renaissant étaient l’indépendance et l’unité (samostiinist’ i sobornist’) de l’Ukraine. Les masses exigeaient une réforme agraire radicale, l’indépendance et la constitution d’un pouvoir ukrainien. Les partis petits-bourgeois et ouvriers opportunistes de la Rada (conseil) centrale qui dirigeait le mouvement national s’opposaient à la revendication de l’indépendance, et tentaient de négocier une plus grande autonomie auprès du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement de Petrograd]].
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Le [[POSDR]] (bolchéviks comme menchéviks) était principalement implanté dans ce prolétariat non ukrainien, et coupé du sentiment national. Le [[Parti ouvrier social-démocrate ukrainien]] (USDRP), de nature plus petite-bourgeoise mais mieux implanté chez les Ukrainiens, oscillait entre lutte de classe et revendications nationales.
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Dans son programme, la majorité du POSDR soutenait le droit à l'indépendance de l'Ukraine. En juin 1914, Lénine écrivait : ''« L’Ukraine par exemple est-elle appelée à constituer un Etat indépendant ? Cela dépend de mille facteurs imprévisibles. Et sans nous perdre en vaines conjectures, nous nous en tenons fermement à ce qui est incontestable : le droit de l’Ukraine à constituer un tel Etat. Nous respectons ce droit ; nous ne soutenons pas les privilèges du Grand-Russe par rapport aux Ukrainiens ; nous éduquons les masses dans l’esprit de la reconnaissance de ce droit, dans l’esprit de la répudiation des privilèges d’Etat de quelque nation que ce soit »''.<ref name=":0" />
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Au moment de la [[Révolution de février 1917|révolution de février 1917]], la Rada (conseil) centrale est dominée par une coalition de socialistes (USDRP, leur équivalent populiste, menchéviks...) qui revendique seulement une autonomie dans le cadre d'une Russie démocratique. Ils attendent beaucoup du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement de Petrograd]].
    
Mais les dirigeants [[menchéviks]] et [[Parti socialiste révolutionnaire (Russie)|SR]] au gouvernement provisoire (pourtant sensiblement de la même composition sociale que la Rada), s'alignaient sur les intérêts de la bourgeoisie russe. D'autant plus qu'économiquement, l'Ukraine était précieuse pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les velléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Les bolchéviks craignaient&nbsp;aussi l'impact d'une séparation, mais pour Lénine la meilleure ligne était de maintenir le droit à l'auto-détermination, tant par principe que tactiquement : ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»'' (avril 1917)
 
Mais les dirigeants [[menchéviks]] et [[Parti socialiste révolutionnaire (Russie)|SR]] au gouvernement provisoire (pourtant sensiblement de la même composition sociale que la Rada), s'alignaient sur les intérêts de la bourgeoisie russe. D'autant plus qu'économiquement, l'Ukraine était précieuse pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les velléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Les bolchéviks craignaient&nbsp;aussi l'impact d'une séparation, mais pour Lénine la meilleure ligne était de maintenir le droit à l'auto-détermination, tant par principe que tactiquement : ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»'' (avril 1917)
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Dans son programme, la majorité du POSDR soutenait le droit à l'indépendance de l'Ukraine. En juin 1914, Lénine écrivait : ''« L’Ukraine par exemple est-elle appelée à constituer un Etat indépendant ? Cela dépend de mille facteurs imprévisibles. Et sans nous perdre en vaines conjectures, nous nous en tenons fermement à ce qui est incontestable : le droit de l’Ukraine à constituer un tel Etat. Nous respectons ce droit ; nous ne soutenons pas les privilèges du Grand-Russe par rapport aux Ukrainiens ; nous éduquons les masses dans l’esprit de la reconnaissance de ce droit, dans l’esprit de la répudiation des privilèges d’Etat de quelque nation que ce soit »''.<ref name=":0" />
    
La ''Rada'' (conseil) de Kiev confie dès 1917 au ''«&nbsp;socialiste&nbsp;»'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Petlioura]] la constitution d'une armée nationale. Celui-ci organise un congrès des troupes de l'Ukraine, que Kerenski tente d'interdire en juin. Devant la détermination des Ukrainiens, Kérensky légalisa le congrès avec retard, en envoyant un télégramme pompeux que les congressistes écoutèrent avec des rires peu respectueux. On établit une convention le 3 juillet. Mais après l'écrasement des [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]], Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, ''«&nbsp;pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe&nbsp;»''. Le ton monte entre le leader ukrainien Vinnitchenko et Kerenski, pourtant très proches sur le plan politique.
 
La ''Rada'' (conseil) de Kiev confie dès 1917 au ''«&nbsp;socialiste&nbsp;»'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Petlioura]] la constitution d'une armée nationale. Celui-ci organise un congrès des troupes de l'Ukraine, que Kerenski tente d'interdire en juin. Devant la détermination des Ukrainiens, Kérensky légalisa le congrès avec retard, en envoyant un télégramme pompeux que les congressistes écoutèrent avec des rires peu respectueux. On établit une convention le 3 juillet. Mais après l'écrasement des [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]], Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, ''«&nbsp;pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe&nbsp;»''. Le ton monte entre le leader ukrainien Vinnitchenko et Kerenski, pourtant très proches sur le plan politique.
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En Ukraine, très rurale, le [[Parti_bolchevik|parti bolchevik]] restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des [[Mencheviks|mencheviks]]. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien. Les social-démocrates russes (dirigés par [[Piatakov|Piatakov]]) et juifs ([[Bund_juif|Bund]], [[Poale_Zion|Poale Zion]]) firent front pour lutter contre les revendications nationales.
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C'est pourquoi l'influence bolchévique a peu à peu gagné du terrain, en mettant en avant le [[Partage des terres|partage des terres]] et le [[Droit à l'autodétermination des peuples|droit à l'autodétermination]]. Mais le [[Parti_bolchevik|parti bolchevik]] restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des [[Mencheviks|mencheviks]]. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien. Les social-démocrates russes (dirigés par [[Piatakov|Piatakov]]) et juifs ([[Bund_juif|Bund]], [[Poale_Zion|Poale Zion]]) firent front pour lutter contre les revendications nationales.
    
[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] remarquait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait&nbsp;: ''«&nbsp;La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
 
[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] remarquait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait&nbsp;: ''«&nbsp;La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''

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