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Ernest Mandel (1923-1995) est l'un des principaux dirigeants [[trotskysme|trotskystes]] de la seconde moitié du XXe siècle. Infatigable militant révolutionnaire, il est aussi l'auteur d'une oeuvre théorique d'envergure.  

Ernest Mandel (1923-1995) est l'un des principaux dirigeants [[Trotskysme|trotskystes]] de la seconde moitié du XXe siècle. Infatigable militant révolutionnaire, il est aussi l'auteur d'une oeuvre théorique d'envergure.  

== Biographie  ==

== Biographie  ==

=== Jeunesse  ===

=== Jeunesse  ===

Ernest Mandel naît à Francfort en 1923, d'une famille juive allemande établie à Anvers. Il grandit dans un monde marqué par la [[crise économique (1929)|crise économique]] et la montée du [[fascisme|fascisme]] : aidé par une tradition familiale [[communisme|communiste]], antifasciste et antistalienne, il choisit le camp des opprimés. Son père, ancien membre du [[KPD|PC allemand]] et ami de [[Karl Radek|Karl Radek]], l'initia à la théorie [[marxisme|marxiste]]. Dans les années 1930, Ernest fréquente les milieux révolutionnaires et internationalistes, notamment les militants du [[Parti socialiste révolutionnaire (Belgique)|Parti socialiste révolutionnaire]] (section belge de la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]]). Anvers est aussi le siège de la section allemande de la Quatrième Internationale à l'étranger. Par ce biais, Ernest Mandel noue des liens indéfectibles avec le prolétariat allemand.  

Ernest Mandel naît à Francfort en 1923, d'une famille juive allemande établie à Anvers. Il grandit dans un monde marqué par la [[Crise économique (1929)|crise économique]] et la montée du [[Fascisme|fascisme]] : aidé par une tradition familiale [[Communisme|communiste]], antifasciste et antistalienne, il choisit le camp des opprimés. Son père, ancien membre du [[KPD|PC allemand]] et ami de [[Karl Radek|Karl Radek]], l'initia à la théorie [[Marxisme|marxiste]]. Dans les années 1930, Ernest fréquente les milieux révolutionnaires et internationalistes, notamment les militants du [[Parti socialiste révolutionnaire (Belgique)|Parti socialiste révolutionnaire]] (section belge de la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]]). Anvers est aussi le siège de la section allemande de la Quatrième Internationale à l'étranger. Par ce biais, Ernest Mandel noue des liens indéfectibles avec le prolétariat allemand.  

=== Guerre et résistance  ===

=== Guerre et résistance  ===

==== Avec Abraham Léon, à la direction du PCR  ====

==== Avec Abraham Léon, à la direction du PCR  ====

Ernest Mandel devient militant du PSR en 1939. Mais ce parti, qui résiste à l'occupation de la Belgique par l'armée hitlérienne, est durement frappé par la répression en 1940 et 1941. [[Abraham Léon|Abraham Léon]] réorganise le parti, met sur pieds une organisation clandestine, et oriente la lutte contre l'occupation [[nazisme|nazie]] dans une perspective [[internationalisme|internationaliste]], en s'adressant notamment aux soldats allemands. Ernest Mandel rejoint le comité central du [[Parti communiste révolutionnaire (Belgique)|Parti communiste révolutionnaire]] (nouveau nom du PSR) en 1941, et participe, en 1943, à la première réunion du Secrétariat provisoire européen, puis, en 1944, à la première conférence européenne de la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]]. Dès lors, son activité militante se déploie selon deux axes principaux :construire un parti révolutionnaire en Belgique, et contribuer à la construction de l'Internationale.  

Ernest Mandel devient militant du PSR en 1939. Mais ce parti, qui résiste à l'occupation de la Belgique par l'armée hitlérienne, est durement frappé par la répression en 1940 et 1941. [[Abraham Léon|Abraham Léon]] réorganise le parti, met sur pieds une organisation clandestine, et oriente la lutte contre l'occupation [[Nazisme|nazie]] dans une perspective [[Internationalisme|internationaliste]], en s'adressant notamment aux soldats allemands. Ernest Mandel rejoint le comité central du [[Parti communiste révolutionnaire (Belgique)|Parti communiste révolutionnaire]] (nouveau nom du PSR) en 1941, et participe, en 1943, à la première réunion du Secrétariat provisoire européen, puis, en 1944, à la première conférence européenne de la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]]. Dès lors, son activité militante se déploie selon deux axes principaux :construire un parti révolutionnaire en Belgique, et contribuer à la construction de l'Internationale.  

==== Répression  ====

==== Répression  ====

==== Mandel et le mouvement ouvrier belge  ====

==== Mandel et le mouvement ouvrier belge  ====

Au début des années 50, la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]], isolée et marginalisée, adopte la stratégie de l'"[[entrisme|entrisme]]", qui consiste à agir comme courant révolutionnaire au sein des partis [[réformisme|réformistes]] de masse. Ernest Mandel milite donc au sein du [[Parti socialiste belge|Parti socialiste belge]], et devient journaliste à l'organe du parti, ''Le Peuple''. Il devient en outre membre de la Commission d'étude de la [[FGTB|FGTB]], le principal syndicat belge. Mandel se familiarise avec le [[syndicalisme|mouvement syndical]], notamment pendant la grande [[grève générale de l'hiver 1960-1961|grève de l'hiver 1960-1961]], où il côtoie des centaines de militants syndicaux et voit de près les conditions de travail dans les usines. A la même époque, il prend part à la rédaction d'un document programmatique historique du mouvement ouvrier belge, ''Holdings et démocratie économique''. Il lance aussi deux hebdomadaires, ''La Gauche'' (en Wallonie) et ''Links'' (en Flandres), qui rassemblent la gauche du PSB. Mais cette gauche du PSB est expulsée du parti en 1964, et explose en une multitude de courants. Elle échoue dans sa tentative de créer un nouveau parti socialiste de gauche. Mais Mandel continue de dialoguer avec la gauche des PC et des PS, notamment en Italie.  

Au début des années 50, la [[Quatrième Internationale|Quatrième Internationale]], isolée et marginalisée, adopte la stratégie de l'"[[Entrisme|entrisme]]", qui consiste à agir comme courant révolutionnaire au sein des partis [[Réformisme|réformistes]] de masse. Ernest Mandel milite donc au sein du [[Parti socialiste belge|Parti socialiste belge]], et devient journaliste à l'organe du parti, ''Le Peuple''. Il devient en outre membre de la Commission d'étude de la [[FGTB|FGTB]], le principal syndicat belge. Mandel se familiarise avec le [[Syndicalisme|mouvement syndical]], notamment pendant la grande [[Grève générale de l'hiver 1960-1961|grève de l'hiver 1960-1961]], où il côtoie des centaines de militants syndicaux et voit de près les conditions de travail dans les usines. A la même époque, il prend part à la rédaction d'un document programmatique historique du mouvement ouvrier belge, ''Holdings et démocratie économique''. Il lance aussi deux hebdomadaires, ''La Gauche'' (en Wallonie) et ''Links'' (en Flandres), qui rassemblent la gauche du PSB. Mais cette gauche du PSB est expulsée du parti en 1964, et explose en une multitude de courants. Elle échoue dans sa tentative de créer un nouveau parti socialiste de gauche. Mais Mandel continue de dialoguer avec la gauche des PC et des PS, notamment en Italie.  

==== L'arène internationale  ====

==== L'arène internationale  ====

===== Evolution de la situation  =====

===== Evolution de la situation  =====

A partir du début des années 1960, Mandel déplace son activité vers l'arène internationale. Le but est de faire en sorte que la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] devienne le noyau d'une nouvelle direction socialiste révolutionnaire pour le [[prolétariat|prolétariat]] mondial. Ce déplacement dans les préoccupations politiques de Mandel s'explique pour deux raisons.  

A partir du début des années 1960, Mandel déplace son activité vers l'arène internationale. Le but est de faire en sorte que la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] devienne le noyau d'une nouvelle direction socialiste révolutionnaire pour le [[Prolétariat|prolétariat]] mondial. Ce déplacement dans les préoccupations politiques de Mandel s'explique pour deux raisons.  

====== Evolution de la situation mondiale  ======

====== Evolution de la situation mondiale  ======

La fin des années 50 et le début des années 60 voient se fissurer l'ordre imposé, au lendemain de la guerre, pas les puissances victorieuses aux peuples et à la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] :  

La fin des années 50 et le début des années 60 voient se fissurer l'ordre imposé, au lendemain de la guerre, pas les puissances victorieuses aux peuples et à la [[Classe ouvrière|classe ouvrière]] :  

*révoltes ouvrières en [[soulèvement de Poznan|Pologne ]]et en [[Insurrection de Budapest|Hongrie]] (1956) ;  

*révoltes ouvrières en [[Soulèvement de Poznan|Pologne et]] en [[Insurrection de Budapest|Hongrie]] (1956) ;  

*[[révolution cubaine|révolution cubaine]] (1959) ;  

*[[Révolution cubaine|révolution cubaine]] (1959) ;  

*défaite de l'impérialisme français en [[guerre d'Algérie|Algérie]] (1962) ;  

*défaite de l'impérialisme français en [[Guerre d'Algérie|Algérie]] (1962) ;  

*conflit sino-soviétique (1962-1963).

*conflit sino-soviétique (1962-1963).

Les grèves reprennent dans les pays [[impérialisme|impérialistes]] (dont la Belgique, en 1960-1961). En outre, les PC tendent à perdre leur caractère monolithique. ces fissures laissent s'affirmer des éléments d'une "nouvelle avant-garde large".  

Les grèves reprennent dans les pays [[Impérialisme|impérialistes]] (dont la Belgique, en 1960-1961). En outre, les PC tendent à perdre leur caractère monolithique. ces fissures laissent s'affirmer des éléments d'une "nouvelle avant-garde large".  

====== Evolution de la Quatrième Internationale  ======

====== Evolution de la Quatrième Internationale  ======

En attendant, la QI fait preuve d'une grande sensibilité politique et s'accroche à des luttes radicales, à des expériences révolutionnaires d'une grande richesse politique :  

En attendant, la QI fait preuve d'une grande sensibilité politique et s'accroche à des luttes radicales, à des expériences révolutionnaires d'une grande richesse politique :  

*organisation d'une brigade de travail en Yougoslavie (Mandel y participe), et théorisation de l'[[autogestion|autogestion]] comme voie pour le renouveau du socialisme (1950) :  

*organisation d'une brigade de travail en Yougoslavie (Mandel y participe), et théorisation de l'[[Autogestion|autogestion]] comme voie pour le renouveau du socialisme (1950) :  

*soutien au [[FLN|FLN]] pendant la [[guerre d'Algérie|guerre d'Algérie]] ;  

*soutien au [[FLN|FLN]] pendant la [[Guerre d'Algérie|guerre d'Algérie]] ;  

*soutien à la [[révolution cubaine|révolution cubaine]], considérée comme socialiste (1959) - Mandel est invité par [[Che Guevara|Guevara]], en 1962, pour débattre sur les orientations économiques du régime cubain ;  

*soutien à la [[Révolution cubaine|révolution cubaine]], considérée comme socialiste (1959) - Mandel est invité par [[Che Guevara|Guevara]], en 1962, pour débattre sur les orientations économiques du régime cubain ;  

*soutien aux guérillas latino-américaines...

*soutien aux guérillas latino-américaines...

===== Ernest Mandel à la tête de la Quatrième Internationale  =====

===== Ernest Mandel à la tête de la Quatrième Internationale  =====

La période qui va de 1965 à la fin des années 80 marque l'apogée de la puissance créatrice de la pensée de Mandel, et le faîte de son influence politique. Ce fait est lié aux événements de 1968 et à l'essor numérique de la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] qui s'en est ensuivi. C'est l'époque où les frontières se ferment devant Mandel : il est interdit de séjour dans les pays du [[bloc de l'Est|bloc de l'Est]], mais aussi en Allemagne, en France, aux Etats-Unis, en Australie... A partir de 68, Mandel est largement connu au-delà des cercles militants. Il participe à des meetings et à des conférences, donne des cours universitaires... Mais Mandel est aussi un travail de l'ombre, concerné par tous les aspects, y compris les plus modestes, du travail de construction de la QI (traduction, mise en page des publications, infrastructure matérielle...). Il se dépense sans compter pour reconstruire des sections en Europe, notamment en Italie et en Allemagne.  

La période qui va de 1965 à la fin des années 80 marque l'apogée de la puissance créatrice de la pensée de Mandel, et le faîte de son influence politique. Ce fait est lié aux événements de 1968 et à l'essor numérique de la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] qui s'en est ensuivi. C'est l'époque où les frontières se ferment devant Mandel : il est interdit de séjour dans les pays du [[Bloc de l'Est|bloc de l'Est]], mais aussi en Allemagne, en France, aux Etats-Unis, en Australie... A partir de 68, Mandel est largement connu au-delà des cercles militants. Il participe à des meetings et à des conférences, donne des cours universitaires... Mais Mandel est aussi un travail de l'ombre, concerné par tous les aspects, y compris les plus modestes, du travail de construction de la QI (traduction, mise en page des publications, infrastructure matérielle...). Il se dépense sans compter pour reconstruire des sections en Europe, notamment en Italie et en Allemagne.  

=== La dernière bataille : pour Trotsky et la Quatrième Internationale  ===

=== La dernière bataille : pour Trotsky et la Quatrième Internationale  ===

L'absence de révolution socialiste en [[URSS|URSS]] et en [[RDA|RDA]] au moment de l'effondrement du bloc de l'Est fut une grande déception pour Mandel, comme pour toute la gauche antistalinienne et socialiste. Mais Mandel mit toute son énergie à sauver ce qui pouvait l'être : il contribua à la création de noyaux [[marxisme révolutionnaire|marxistes-révolutionnaires]] en ex-URSS et en ex-RDA, et participa dans ces pays à des conférences pour réhabiliter la pensée de [[Léon Trotsky|Trotsky]]. Mais Mandel était conscient de la tournure réactionnaire de la situation mondiale. Il prit conscience du fait que la survie de la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] dépendait plus qu'auparavant de la conviction politique de ses cadres et de ses militants. Quelques mois avant sa mort, en juin 1995, Mandel introduit encore les travaux du Congrès mondial de la QI, et appelle les jeunes générations à continuer le combat.  

L'absence de révolution socialiste en [[URSS|URSS]] et en [[RDA|RDA]] au moment de l'effondrement du bloc de l'Est fut une grande déception pour Mandel, comme pour toute la gauche antistalinienne et socialiste. Mais Mandel mit toute son énergie à sauver ce qui pouvait l'être : il contribua à la création de noyaux [[Marxisme révolutionnaire|marxistes-révolutionnaires]] en ex-URSS et en ex-RDA, et participa dans ces pays à des conférences pour réhabiliter la pensée de [[Léon Trotsky|Trotsky]]. Mais Mandel était conscient de la tournure réactionnaire de la situation mondiale. Il prit conscience du fait que la survie de la [[Quatrième Internationale (SU)|QI]] dépendait plus qu'auparavant de la conviction politique de ses cadres et de ses militants. Quelques mois avant sa mort, en juin 1995, Mandel introduit encore les travaux du Congrès mondial de la QI, et appelle les jeunes générations à continuer le combat.  

== Sources  ==

== Sources  ==

*François Vercammen, "Ernest Mandel : la longue marche d'un militant révolutionnaire", in La Gauche, spécial Mandel, n° 15/16, septembre 1995, [http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=464:ernest-mandel-la-longue-marche-dun-militant-revolutionnaire&option=com_content&Itemid=53].

*François Vercammen, "Ernest Mandel : la longue marche d'un militant révolutionnaire", in La Gauche, spécial Mandel, n° 15/16, septembre 1995, [http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=464:ernest-mandel-la-longue-marche-dun-militant-revolutionnaire&option=com_content&Itemid=53].