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Les représentants du Soviet demandent dès ce premier jour au Comité de la Douma de prendre le pouvoir, ce qu'il accepte finalement à 23h. Ils diront ensuite qu'ils ont pris le sens des responsabilités, Milioukov expliquait notamment qu'il fallait réagir car des troupes allaient être envoyées contre Petrograd. En réalité, Rodzianko était en proie à la plus grande hésitation, et un député monarchiste, Choulguine, l'assurait lui-même qu'il s'agissait de la bonne décision :
 
Les représentants du Soviet demandent dès ce premier jour au Comité de la Douma de prendre le pouvoir, ce qu'il accepte finalement à 23h. Ils diront ensuite qu'ils ont pris le sens des responsabilités, Milioukov expliquait notamment qu'il fallait réagir car des troupes allaient être envoyées contre Petrograd. En réalité, Rodzianko était en proie à la plus grande hésitation, et un député monarchiste, Choulguine, l'assurait lui-même qu'il s'agissait de la bonne décision :
 
<blockquote>''«&nbsp;Il n'y a là aucune révolte. Prenez le pouvoir en qualité de sujet fidèle... Si les ministres se sont sauvés, quelqu'un doit tout de même les remplacer... Il peut y avoir deux issues&nbsp;: ou bien tout s'arrangera, le souverain désignera un nouveau gouvernement, nous lui remettrons le pouvoir. Si cela ne réussit pas, si nous ne recueillons pas le pouvoir, celui-ci tombera entre les mains de gens déjà élus par une certaine canaille, dans les usines... &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Il n'y a là aucune révolte. Prenez le pouvoir en qualité de sujet fidèle... Si les ministres se sont sauvés, quelqu'un doit tout de même les remplacer... Il peut y avoir deux issues&nbsp;: ou bien tout s'arrangera, le souverain désignera un nouveau gouvernement, nous lui remettrons le pouvoir. Si cela ne réussit pas, si nous ne recueillons pas le pouvoir, celui-ci tombera entre les mains de gens déjà élus par une certaine canaille, dans les usines... &nbsp;»''</blockquote>  
Rodzianko frémissait d'indignation impuissante à voir que des soldats inconnus, "&nbsp;obéissant à des ordres donnés on ne savait par qui&nbsp;", procédaient à l'arrestation de hauts dignitaires de l'ancien régime et les amenaient à la Douma. Le chambellan se trouvait ainsi, en quelque sorte, chef de prison vis-à-vis de personnes avec lesquelles, certes, il n'était pas toujours d'accord, mais qui restaient pour lui, toutefois, des gens de son milieu.
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Rodzianko frémissait d'indignation impuissante à voir que des soldats inconnus, ''«&nbsp;obéissant à des ordres donnés on ne savait par qui&nbsp;»'', procédaient à l'arrestation de hauts dignitaires de l'ancien régime et les amenaient à la Douma. Le chambellan se trouvait ainsi, en quelque sorte, chef de prison vis-à-vis de personnes avec lesquelles, certes, il n'était pas toujours d'accord, mais qui restaient pour lui, toutefois, des gens de son milieu.
    
Le menchévik [[Nicolas_Soukhanov|Soukhanov]], qui avait un rôle dirigeant avec Tchkhéidzé, pense que ''«&nbsp;le pouvoir qui vient remplacer le tsarisme ne doit être que bourgeois&nbsp;»'' et fait tout pour. Pourtant, il raconte lui-même&nbsp;: ''«&nbsp;Le peuple n'était nullement porté vers la Douma, il ne s'intéressait pas à elle et ne songeait pas du tout à faire d'elle – à titre politique ou technique – le centre du mouvement.&nbsp;»''
 
Le menchévik [[Nicolas_Soukhanov|Soukhanov]], qui avait un rôle dirigeant avec Tchkhéidzé, pense que ''«&nbsp;le pouvoir qui vient remplacer le tsarisme ne doit être que bourgeois&nbsp;»'' et fait tout pour. Pourtant, il raconte lui-même&nbsp;: ''«&nbsp;Le peuple n'était nullement porté vers la Douma, il ne s'intéressait pas à elle et ne songeait pas du tout à faire d'elle – à titre politique ou technique – le centre du mouvement.&nbsp;»''
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Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]], ont tout fait pour donner le pouvoir au [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] dirigé par les libéraux bourgeois. Leur premier argument était un argument doctrinaire selon lequel la révolution ne pouvait être que bourgeoise, et que seule la bourgeoisie devait donc avoir la responsabilité de la politique menée. En réalité cet argument d'une apparente intransigeance masquait la soumission traditionnelle de leurs milieux petits-bourgeois envers la grande bourgeoisie. Ils avançaient aussi un argument d'ordre plus "pratique"&nbsp;: les forces social-démocrates seraient trop "éparpillées" pour avoir un rôle dirigeant (contrairement aux pays d'Europe de l'Ouest, il n'y avait pas de puissant parti ouvrier ou syndicat de masse...). Ils ne voulaient pas voir que les soviets d'ouvriers avaient donné des structures bien plus organiques que les syndicats à la classe ouvrière, et que via les soviets de soldats, la paysannerie avait un degré d'organisation parmi les plus exceptionnels qui soient.
 
Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]], ont tout fait pour donner le pouvoir au [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] dirigé par les libéraux bourgeois. Leur premier argument était un argument doctrinaire selon lequel la révolution ne pouvait être que bourgeoise, et que seule la bourgeoisie devait donc avoir la responsabilité de la politique menée. En réalité cet argument d'une apparente intransigeance masquait la soumission traditionnelle de leurs milieux petits-bourgeois envers la grande bourgeoisie. Ils avançaient aussi un argument d'ordre plus "pratique"&nbsp;: les forces social-démocrates seraient trop "éparpillées" pour avoir un rôle dirigeant (contrairement aux pays d'Europe de l'Ouest, il n'y avait pas de puissant parti ouvrier ou syndicat de masse...). Ils ne voulaient pas voir que les soviets d'ouvriers avaient donné des structures bien plus organiques que les syndicats à la classe ouvrière, et que via les soviets de soldats, la paysannerie avait un degré d'organisation parmi les plus exceptionnels qui soient.
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Sur le plan pratique, les militants bolchéviks étaient plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la [[Journée_de_huit_heures|journée de huit heures]]; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une [[Garde_rouge_(Russie)|milice ouvrière]], les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.
    
La direction bolchévique est assurée par un « bureau russe du comité central » composé de [[Chliapnikov|Chliapnikov]], [[Viatcheslav_Mikhaïlovitch_Molotov|Molotov]] et [[Zaloutsky|Zaloutsky]]. Elle n’a pas de ligne claire, mais maintient une politique indépendante de la bourgeoisie. La [[Pravda|''Pravda'']] dénonce le ''«&nbsp;gouvernement de capitalistes et de propriétaires fonciers&nbsp;»'', en réclamant un vrai ''«&nbsp;gouvernement révolutionnaire provisoire&nbsp;»'' et en appelant le soviet à convoquer une assemblée constituante afin d’instaurer ''« une république démocratique »''. (Cependant [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]] est mis en minorité au comité de Pétrograd quand il propose de qualifier de «&nbsp;contre-révolutionnaire&nbsp;» le gouvernement provisoire) Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Si tous étaient convaincus que la révolution à venir serait une [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]], ils divergaient sur la stratégie&nbsp;:
 
La direction bolchévique est assurée par un « bureau russe du comité central » composé de [[Chliapnikov|Chliapnikov]], [[Viatcheslav_Mikhaïlovitch_Molotov|Molotov]] et [[Zaloutsky|Zaloutsky]]. Elle n’a pas de ligne claire, mais maintient une politique indépendante de la bourgeoisie. La [[Pravda|''Pravda'']] dénonce le ''«&nbsp;gouvernement de capitalistes et de propriétaires fonciers&nbsp;»'', en réclamant un vrai ''«&nbsp;gouvernement révolutionnaire provisoire&nbsp;»'' et en appelant le soviet à convoquer une assemblée constituante afin d’instaurer ''« une république démocratique »''. (Cependant [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]] est mis en minorité au comité de Pétrograd quand il propose de qualifier de «&nbsp;contre-révolutionnaire&nbsp;» le gouvernement provisoire) Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Si tous étaient convaincus que la révolution à venir serait une [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]], ils divergaient sur la stratégie&nbsp;:
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*les <span class="mw-redirect">bolchéviks</span> soutenaient que la révolution bourgeoise pouvait être accomplie même sans les libéraux bourgeois, partie hésitante de la bourgeoisie, par la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''.  
 
*les <span class="mw-redirect">bolchéviks</span> soutenaient que la révolution bourgeoise pouvait être accomplie même sans les libéraux bourgeois, partie hésitante de la bourgeoisie, par la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''.  
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Mais la ligne change le 12 mars lorsque [[Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]] reviennent de leur exil en Sibérie et prennent la direction. La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raillera [[Lénine|Lénine]]. Selon Chliapnikov, ce revirement est accueilli avec jubilation au gouvernement provisoire et à la direction du soviet, tandis qu’une opposition de gauche se lève au sein du parti, notamment dans son bastion ouvrier de la capitale, le district de Vyborg, dont le comité ''« demande même l’exclusion du parti de Staline et de Kamenev »''.
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Mais la ligne change le 12 mars lorsque [[Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]] reviennent de leur exil en Sibérie et prennent la direction. La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars écrit que les bolcheviks soutiendront résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raillera [[Lénine|Lénine]]. Selon Chliapnikov, ce revirement est accueilli avec jubilation au gouvernement provisoire et à la direction du soviet, tandis qu’une opposition de gauche se lève au sein du parti, notamment dans son bastion ouvrier de la capitale, le [[district_de_Vyborg|district de Vyborg]], dont le comité ''« demande même l’exclusion du parti de Staline et de Kamenev »''.
    
Le 29&nbsp;mars s’ouvre à Pétrograd la première conférence nationale bolchévique depuis la révolution, divisée entre la droite défensiste et la gauche révolutionnaire. Pour cette dernière, ''« la révolution russe ne peut obtenir un maximum de libertés démocratiques et de réformes sociales que si elle devient le point de départ d’un mouvement révolutionnaire du prolétariat occidental »'', pour cela ''« il faut préparer la lutte contre le gouvernement provisoire »'', le soviet étant ''« un embryon de pouvoir révolutionnaire »'' et la ''« garde rouge ouvrière »'' un outil central afin de l’imposer.
 
Le 29&nbsp;mars s’ouvre à Pétrograd la première conférence nationale bolchévique depuis la révolution, divisée entre la droite défensiste et la gauche révolutionnaire. Pour cette dernière, ''« la révolution russe ne peut obtenir un maximum de libertés démocratiques et de réformes sociales que si elle devient le point de départ d’un mouvement révolutionnaire du prolétariat occidental »'', pour cela ''« il faut préparer la lutte contre le gouvernement provisoire »'', le soviet étant ''« un embryon de pouvoir révolutionnaire »'' et la ''« garde rouge ouvrière »'' un outil central afin de l’imposer.
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Les positions politiques des socialistes sur la guerre furent fortement liées à leur position plus générale sur la révolution. Les menchéviks et les SR se convertissent massivement à un soutien à la guerre, prétextant qu'il s'agit à présent, pour défendre la révolution, de mener la guerre jusqu'au bout. Une position appelée ''«&nbsp;jusqu'auboutisme révolutionnaire&nbsp;»'' ou ''«&nbsp;défensisme&nbsp;»''. Seule une minorité de menchéviks (derrière [[Martov|Martov]]) et de SR restent fermement internationalistes.
 
Les positions politiques des socialistes sur la guerre furent fortement liées à leur position plus générale sur la révolution. Les menchéviks et les SR se convertissent massivement à un soutien à la guerre, prétextant qu'il s'agit à présent, pour défendre la révolution, de mener la guerre jusqu'au bout. Une position appelée ''«&nbsp;jusqu'auboutisme révolutionnaire&nbsp;»'' ou ''«&nbsp;défensisme&nbsp;»''. Seule une minorité de menchéviks (derrière [[Martov|Martov]]) et de SR restent fermement internationalistes.
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Le 10 mars, la [[Pravda|''Pravda'']] appelle à transformer la guerre interimpérialiste en une guerre civile qui libérera les peuples du joug des classes dominantes, maintenant l'ancienne [[Défaitisme_révolutionnaire|ligne léniniste]].
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Le 10 mars, la [[Pravda|''Pravda'']] appelle à transformer la guerre impérialiste en une guerre civile qui libérera les peuples du joug des classes dominantes, maintenant l'ancienne [[Défaitisme_révolutionnaire|ligne léniniste]].
    
Cela change avec le retour de [[Staline|Staline]] et [[Kamenev|Kamenev]] le 12 mars. Dans la ''Pravda'' du 15&nbsp;mars, Kamenev se rallie à la position de « défense nationale » partagée, avec des nuances, par le gouvernement provisoire et par la direction réformiste du soviet de Pétrograd : ''« quand une armée affronte une autre armée, ce serait une proposition inepte que de proposer à l’une d’elles de déposer les armes et de rentrer chez elle. Ce ne serait pas une politique de paix, mais une politique d’esclavage qu’un peuple libre rejetterait avec dégoût »''&nbsp;; il faut ''« répondre à une balle par la balle, à un obus par l'obus. »'' Staline, de son côté, approuve le manifeste que le soviet vient d’adopter ''« pour une paix sans annexions ni compensations »''. Cela suppose une politique de pression ''« pacifique »'' sur les bourgeoisies et gouvernements impérialistes qui sont en train de s’affronter au prix de millions de morts :''« notre slogan est le suivant : faire pression sur le gouvernement provisoire en vue de le contraindre (…) à amener tous les pays belligérants à entamer des pourparlers de paix immédiats (…) Et que chaque homme, jusqu’à cette échéance, reste à son poste de combat. »'' Et il précise le 16&nbsp;mars : ''« le mot d’ordre "à bas la guerre" est inutile. »''
 
Cela change avec le retour de [[Staline|Staline]] et [[Kamenev|Kamenev]] le 12 mars. Dans la ''Pravda'' du 15&nbsp;mars, Kamenev se rallie à la position de « défense nationale » partagée, avec des nuances, par le gouvernement provisoire et par la direction réformiste du soviet de Pétrograd : ''« quand une armée affronte une autre armée, ce serait une proposition inepte que de proposer à l’une d’elles de déposer les armes et de rentrer chez elle. Ce ne serait pas une politique de paix, mais une politique d’esclavage qu’un peuple libre rejetterait avec dégoût »''&nbsp;; il faut ''« répondre à une balle par la balle, à un obus par l'obus. »'' Staline, de son côté, approuve le manifeste que le soviet vient d’adopter ''« pour une paix sans annexions ni compensations »''. Cela suppose une politique de pression ''« pacifique »'' sur les bourgeoisies et gouvernements impérialistes qui sont en train de s’affronter au prix de millions de morts :''« notre slogan est le suivant : faire pression sur le gouvernement provisoire en vue de le contraindre (…) à amener tous les pays belligérants à entamer des pourparlers de paix immédiats (…) Et que chaque homme, jusqu’à cette échéance, reste à son poste de combat. »'' Et il précise le 16&nbsp;mars : ''« le mot d’ordre "à bas la guerre" est inutile. »''

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