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D'abord, au pouvoir royal, appuyé sur les classes privilégiées ou les sommets des classes, aristocrates et évêques, s'opposent la bourgeoisie et les couches proches d'elle des hobereaux. Le gouvernement de la bourgeoisie est le Parlement presbytérien qui s'appuie sur la City londonienne. La lutte prolongée de ces deux régimes se résout par une guerre civile ouverte. Deux centres gouvernementaux, Londres et Oxford, créent leurs armées, la dualité des pouvoirs prend forme territorialement, quoique, comme toujours dans une guerre civile, les limitations territoriales soient extrêmement instables. Le parlement l'emporte. Le roi, fait prisonnier, attend son sort.
 
D'abord, au pouvoir royal, appuyé sur les classes privilégiées ou les sommets des classes, aristocrates et évêques, s'opposent la bourgeoisie et les couches proches d'elle des hobereaux. Le gouvernement de la bourgeoisie est le Parlement presbytérien qui s'appuie sur la City londonienne. La lutte prolongée de ces deux régimes se résout par une guerre civile ouverte. Deux centres gouvernementaux, Londres et Oxford, créent leurs armées, la dualité des pouvoirs prend forme territorialement, quoique, comme toujours dans une guerre civile, les limitations territoriales soient extrêmement instables. Le parlement l'emporte. Le roi, fait prisonnier, attend son sort.
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Il semblerait que se constituent les conditions du pouvoir unique de la bourgeoisie presbytérienne. Mais, avant encore que soit brisé le pouvoir royal, l'armée du parlement se transforme en une force politique autonome. Elle rassemble dans ses rangs les indépendants, les petits bourgeois, artisans, agriculteurs, dévots et résolus. L'armée se mêle autoritairement à la vie sociale, non simplement en tant que force d'armée, non comme garde prétorienne, mais comme représentation politique d'une nouvelle classe opposée à la bourgeoisie aisée et riche. En conséquence, l'armée crée un nouvel organe d'État qui se dresse au-dessus des chefs militaires : un conseil de députés soldats et officiers ("agitateurs").
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Il semblerait que se constituent les conditions du pouvoir unique de la bourgeoisie presbytérienne. Mais, avant encore que soit brisé le pouvoir royal, l'armée du parlement se transforme en une force politique autonome. Elle rassemble dans ses rangs les indépendants, les petits bourgeois, artisans, agriculteurs, dévots et résolus. L'armée se mêle autoritairement à la vie sociale, non simplement en tant que force d'armée, non comme garde prétorienne, mais comme représentation politique d'une nouvelle classe opposée à la bourgeoisie aisée et riche. En conséquence, l'armée crée un nouvel organe d'État qui se dresse au-dessus des chefs militaires : un conseil de députés soldats et officiers ("agitateurs").
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Vient alors une nouvelle période de double pouvoir : ici, le parlement presbytérien, là, l'armée indépendante. La dualité du pouvoir conduit au conflit déclaré. La bourgeoisie se trouve impuissante à dresser contre la [[New_model_army|New model army]] de [[Oliver_Cromwell|Cromwell]] - c'est-à-dire la [[plèbe|plèbe]] en armes - ses propres troupes. Le conflit se termine par l'épuration du parlement presbytérien à l'aide du sabre de l'indépendance. Du parlement reste une séquelle, la dictature de Cromwell s'établit. Les couches inférieures de l'armée, sous la direction des "[[levellers|levellers]]" (niveleurs), aile extrême-gauche de la révolution, tentent d'opposer à la domination des hautes sphères militaires, des grands de l'armée, leur propre régime, authentiquement plébéien. Mais le nouveau double pouvoir ne parvient pas à se développer : les "levellers", les basses couches de la petite bourgeoisie, n'ont pas encore et ne peuvent avoir de voie indépendante dans l'histoire, Cromwell a tôt fait de régler leur compte à ses adversaires. Un nouvel équilibre politique, d'ailleurs loin de la stabilité, s'instaure pour un certain nombre d'années.
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Vient alors une nouvelle période de double pouvoir : ici, le parlement presbytérien, là, l'armée indépendante. La dualité du pouvoir conduit au conflit déclaré. La bourgeoisie se trouve impuissante à dresser contre la [[New_model_army|New model army]] de [[Oliver_Cromwell|Cromwell]] - c'est-à-dire la [[Plèbe|plèbe]] en armes - ses propres troupes. Le conflit se termine par l'épuration du parlement presbytérien à l'aide du sabre de l'indépendance. Du parlement reste une séquelle, la dictature de Cromwell s'établit. Les couches inférieures de l'armée, sous la direction des "[[Levellers|levellers]]" (niveleurs), aile extrême-gauche de la révolution, tentent d'opposer à la domination des hautes sphères militaires, des grands de l'armée, leur propre régime, authentiquement plébéien. Mais le nouveau double pouvoir ne parvient pas à se développer : les "levellers", les basses couches de la petite bourgeoisie, n'ont pas encore et ne peuvent avoir de voie indépendante dans l'histoire, Cromwell a tôt fait de régler leur compte à ses adversaires. Un nouvel équilibre politique, d'ailleurs loin de la stabilité, s'instaure pour un certain nombre d'années.
    
=== Révolution française ===
 
=== Révolution française ===
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L'Assemblée constituante, basée sur l'élite du Tiers-État, concentrait en ses mains le pouvoir sans supprimer en totalité les prérogatives du roi. Cette période d'une critique dualité de pouvoirs s'achève par la fuite du roi jusqu'à Varennes et n'est formellement liquidée qu'avec la proclamation de la République.
 
L'Assemblée constituante, basée sur l'élite du Tiers-État, concentrait en ses mains le pouvoir sans supprimer en totalité les prérogatives du roi. Cette période d'une critique dualité de pouvoirs s'achève par la fuite du roi jusqu'à Varennes et n'est formellement liquidée qu'avec la proclamation de la République.
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La première Constitution française (1791), construite sur la fiction de l'absolue indépendance des pouvoirs législatifs et exécutifs vis-à-vis l'un de l'autre, dissimulait en fait, ou essayait de cacher au peuple une réelle dualité de pouvoirs : celui de la bourgeoisie, définitivement retranchée dans l'Assemblée nationale après la prise de la Bastille par le peuple, et celui de la vieille monarchie, encore étayée par la haute noblesse, le clergé, la bureaucratie et la caste militaire, sans parler d'espérances fondées sur une intervention étrangère. Il n'y avait d'issue possible que dans l'anéantissement de la représentation bourgeoise par les forces de la réaction européenne, ou bien dans la guillotine pour le roi et la monarchie. Paris et Coblence devaient se mesurer.
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La première Constitution française (1791), construite sur la fiction de l'absolue indépendance des pouvoirs législatifs et exécutifs vis-à-vis l'un de l'autre, dissimulait en fait, ou essayait de cacher au peuple une réelle dualité de pouvoirs : celui de la bourgeoisie, définitivement retranchée dans l'Assemblée nationale après la prise de la Bastille par le peuple, et celui de la vieille monarchie, encore étayée par la haute noblesse, le clergé, la bureaucratie et la caste militaire, sans parler d'espérances fondées sur une intervention étrangère. Il n'y avait d'issue possible que dans l'anéantissement de la représentation bourgeoise par les forces de la réaction européenne, ou bien dans la guillotine pour le roi et la monarchie. Paris et Coblence devaient se mesurer.
    
Mais une nouvelle dualité de pouvoirs s'institue bientôt, dès les premières manifestations dès 1790, lorsque les couches inférieures du Tiers-État de la capitale (les [[Sans-culottes|sans-culottes]]) s'affirment. Elles s'animent d'abord dans les [[Commune_de_Paris_(1789-1795)|sections parisiennes]] en opposition à la Commune encore tenue par la bourgeoisie, grande et moyenne. Puis elle s'empare de la [[Commune_de_Paris_(1789-1795)|Commune]] le 10 août 1792. Si les sans-culottes ont globalement été alliés de l'Etat [[Jacobins|jacobin]], ce dernier a tout fait pour limiter leur autonomie et réprimer leurs franges les plus radicales, jusqu'à finir par les démoraliser, faciliant par là-même la réaction [[Thermidor|thermidorienne]].
 
Mais une nouvelle dualité de pouvoirs s'institue bientôt, dès les premières manifestations dès 1790, lorsque les couches inférieures du Tiers-État de la capitale (les [[Sans-culottes|sans-culottes]]) s'affirment. Elles s'animent d'abord dans les [[Commune_de_Paris_(1789-1795)|sections parisiennes]] en opposition à la Commune encore tenue par la bourgeoisie, grande et moyenne. Puis elle s'empare de la [[Commune_de_Paris_(1789-1795)|Commune]] le 10 août 1792. Si les sans-culottes ont globalement été alliés de l'Etat [[Jacobins|jacobin]], ce dernier a tout fait pour limiter leur autonomie et réprimer leurs franges les plus radicales, jusqu'à finir par les démoraliser, faciliant par là-même la réaction [[Thermidor|thermidorienne]].
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Les soviets sont initialement majoritairement dominés par les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui font confiance au gouvernement provisoire et présentent donc les soviets comme des forces d'appoint, minimisant leur rôle.
 
Les soviets sont initialement majoritairement dominés par les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui font confiance au gouvernement provisoire et présentent donc les soviets comme des forces d'appoint, minimisant leur rôle.
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Le double pouvoir se déclinait sur tous les plans. La [[Police_et_milice_en_1917|milice]] du gouvernement d'un côté, les [[Garde_rouge_(Russie)|gardes rouges]] de l'autre. Les [[patrons|patrons]] face aux [[comités_d'usine|comités d'usine]]. Les propriétaires fonciers face aux [[Mouvement_paysan_en_1917|comités agraires]].
    
Suites aux [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']] de [[Lénine|Lénine]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] reconnaît une situation inédite<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref> de double pouvoir, et décide de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir au soviet&nbsp;»''.
 
Suites aux [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']] de [[Lénine|Lénine]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] reconnaît une situation inédite<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref> de double pouvoir, et décide de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir au soviet&nbsp;»''.

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