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Les journaux, chaque jour, enregistraient de nouveaux et de nouveaux foyers de conflits et de révoltes. Les protestations venaient des ouvriers, des soldats, du petit peuple des villes. Beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, sans suivre les appels à la prudence des soviets, des syndicats, du parti. Mais les plus avancés, déjà passés par ces étapes de débrayes, de politisation, d'organisation, considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé. Ils comprenaient bien que des grèves ne pouvaient quasiment plus rien apporter dans le contexte actuel. Convaincus de la direction révolutionnaire proposée par le parti bolchévik, ils se rallient à l’objectif de l’insurrection. Paradoxalement, c'était Pétrograd qui restait le plus calme dans le mois qui précède l'insurrection.
 
Les journaux, chaque jour, enregistraient de nouveaux et de nouveaux foyers de conflits et de révoltes. Les protestations venaient des ouvriers, des soldats, du petit peuple des villes. Beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, sans suivre les appels à la prudence des soviets, des syndicats, du parti. Mais les plus avancés, déjà passés par ces étapes de débrayes, de politisation, d'organisation, considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé. Ils comprenaient bien que des grèves ne pouvaient quasiment plus rien apporter dans le contexte actuel. Convaincus de la direction révolutionnaire proposée par le parti bolchévik, ils se rallient à l’objectif de l’insurrection. Paradoxalement, c'était Pétrograd qui restait le plus calme dans le mois qui précède l'insurrection.
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Il ne fait aucun doute qu'un des camps, celui de la [[réaction|réaction]] ou de la [[Révolution_socialiste|révolution]], devait prendre l'initiative. La presse bourgeoise, avec en tête la ''Rietch'' des [[Parti_KD|KD]], répétait de jour en jour qu'il ne fallait pas laisser aux bolcheviks la possibilité ''« de choisir leur moment pour déclarer la guerre civile »''.
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Il ne fait aucun doute qu'un des camps, celui de la [[Réaction|réaction]] ou de la [[Révolution_socialiste|révolution]], devait prendre l'initiative. La presse bourgeoise, avec en tête la ''Rietch'' des [[Parti_KD|KD]], répétait de jour en jour qu'il ne fallait pas laisser aux bolcheviks la possibilité ''« de choisir leur moment pour déclarer la guerre civile »''.
    
=== Convaincre le parti ===
 
=== Convaincre le parti ===
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Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''« On réunira les cosaques pour le jour sottement « fixé » (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre »''.
 
Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''« On réunira les cosaques pour le jour sottement « fixé » (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre »''.
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Dans l'Organisation militaire du parti bolchévik, on débattait âprement des questions pratiques, qui prenaient une importance extrême : quel organe devait réaliser l'insurrection ? à quelle date ? Comment concilier la légitimité d'une émanation des soviets avec son pluralisme et les préparatifs nécessairement secrets ?
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Dans l'Organisation militaire du parti bolchévik, on débattait âprement des questions pratiques, qui prenaient une importance extrême : quel organe devait réaliser l'insurrection ? à quelle date ? Comment concilier la légitimité d'une émanation des soviets avec son pluralisme et les préparatifs nécessairement secrets ?
    
== Préparatifs de l'insurrection ==
 
== Préparatifs de l'insurrection ==
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=== Le Comité militaire révolutionnaire ===
 
=== Le Comité militaire révolutionnaire ===
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Le [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] restait prudent, insistait sur l'attitude défensive des soviets face à la [[contre-révolution|contre-révolution]], et affirmait qu'après l'expérience de Kornilov, il fallait que les soviets contrôlent eux-mêmes les besoins militaires. Ce fut une [[revendication_transitoire|revendication transitoire]] extrêmement efficace vers le pouvoir des soviets.
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Le [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] restait prudent, insistait sur l'attitude défensive des soviets face à la [[Contre-révolution|contre-révolution]], et affirmait qu'après l'expérience de Kornilov, il fallait que les soviets contrôlent eux-mêmes les besoins militaires. Ce fut une [[Revendication_transitoire|revendication transitoire]] extrêmement efficace vers le pouvoir des soviets.
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C'est dans ce but que l'idée du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (CMR) est actée par le bureau du Soviet le 9 octobre. C'était la pièce venant résoudre le dilemme des [[bolchéviks|bolchéviks]], qui cherchaient à créer un organe qui émane des soviets, donc composant avec les partis hostiles, mais qui soit capable de se préparer à l'insurrection.
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C'est dans ce but que l'idée du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (CMR) est actée par le bureau du Soviet le 9 octobre. C'était la pièce venant résoudre le dilemme des [[Bolchéviks|bolchéviks]], qui cherchaient à créer un organe qui émane des soviets, donc composant avec les partis hostiles, mais qui soit capable de se préparer à l'insurrection.
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Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks adopta dans une réunion secrète (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu) la motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines. Le parti adoptait dés lors une position de combat claire et impérative. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.  Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]] :
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Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks adopta dans une réunion secrète (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu) la motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines. Le parti adoptait dés lors une position de combat claire et impérative. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.  Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]] :
 
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
A la tête de la commission chargée d'élaborer les statuts fut placé un jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, [[Pavel_Lasimir|Lasimir]]. Les statuts restent généraux, et flirtent avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection : se mettre en liaison avec le front Nord et avec l'Etat-major de l'arrondissement de Petrograd, avec l'organisation centrale de la Baltique (Tsentrobalt) et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation de guerre et prendre les mesures indispensables; procéder au recensement du personnel de la garnison de Petrograd et de ses environs, ainsi qu'à l'inventaire des munitions et de l'approvisionnement ; prendre des mesures pour maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative :
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A la tête de la commission chargée d'élaborer les statuts fut placé un jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, [[Pavel_Lasimir|Lasimir]]. Les statuts restent généraux, et flirtent avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection&nbsp;: se mettre en liaison avec le front Nord et avec l'Etat-major de l'arrondissement de Petrograd, avec l'organisation centrale de la Baltique (Tsentrobalt) et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation de guerre et prendre les mesures indispensables; procéder au recensement du personnel de la garnison de Petrograd et de ses environs, ainsi qu'à l'inventaire des munitions et de l'approvisionnement&nbsp;; prendre des mesures pour maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Ces deux problèmes, qui s'excluaient jusqu'alors l'un l'autre, se rapprochaient maintenant en fait&nbsp;: ayant pris en main le pouvoir, le soviet devra se charger aussi de la défense militaire de Petrograd. L'élément du camouflage de la défense n'était point introduit par force du dehors, mais procédait jusqu'à un certain degré des conditions d'une veille d'insurrection. &nbsp;»''</blockquote>  
''« Ces deux problèmes, qui s'excluaient jusqu'alors l'un l'autre, se rapprochaient maintenant en fait : ayant pris en main le pouvoir, le soviet devra se charger aussi de la défense militaire de Petrograd. L'élément du camouflage de la défense n'était point introduit par force du dehors, mais procédait jusqu'à un certain degré des conditions d'une veille d'insurrection. &nbsp;»''
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Approuvé par le Comité exécutif, malgré les protestations de deux mencheviks, le projet actait comme composition du CMR&nbsp;: les bureaux du soviet et de la section des soldats, des représentants de la [[Flotte_de_la_Baltique|flotte]], du Comité régional de Finlande, du syndicat des cheminots, des [[Comités_d'usine|comités d'usine]], des [[Syndicats_en_Russie|syndicats]], des organisations militaires du parti, de la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]], etc.
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Approuvé par le Comité exécutif, malgré les protestations de deux mencheviks, le projet actait comme composition du CMR : les bureaux du soviet et de la section des soldats, des représentants de la [[Flotte_de_la_Baltique|flotte]], du Comité régional de Finlande, du syndicat des cheminots, des [[comités_d'usine|comités d'usine]], des [[Syndicats_en_Russie|syndicats]], des organisations militaires du parti, de la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]], etc.
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Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le but affiché était de relever les capacités combatives de la garnison. Comme le dit ironiquement [[Trotsky|Trotsky]] : ''«&nbsp;Il n'y avait là rien de faux. Mais la capacité combative pouvait être appliquée diversement&nbsp;»''.
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Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le but affiché était de relever les capacités combatives de la garnison. Comme le dit ironiquement [[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;: ''«&nbsp;Il n'y avait là rien de faux. Mais la capacité combative pouvait être appliquée diversement&nbsp;»''.
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Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Au grand soulagement des [[bolchéviks|bolchéviks]], les soldats montrèrent de l'enthousiasme. Dybenko démentit les ordres de l'Etat major :
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Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Au grand soulagement des [[Bolchéviks|bolchéviks]], les soldats montrèrent de l'enthousiasme. Dybenko démentit les ordres de l'Etat major&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;On parle de la nécessité de faire marcher la garnison de Petrograd pour la défense des approches de la capitale et, en partie, de Reval. N'y croyez pas. Nous défendrons Reval nous-mêmes. Restez ici et défendez les intérêts de la révolution... Quand nous aurons besoin de votre appui, nous vous le dirons nous-mêmes et je suis certain que vous nous soutiendrez.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;On parle de la nécessité de faire marcher la garnison de Petrograd pour la défense des approches de la capitale et, en partie, de Reval. N'y croyez pas. Nous défendrons Reval nous-mêmes. Restez ici et défendez les intérêts de la révolution... Quand nous aurons besoin de votre appui, nous vous le dirons nous-mêmes et je suis certain que vous nous soutiendrez.&nbsp;»''
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Dans l'enthousiasme général, on vote pour le projet avec 283 voix contre une, avec 23 abstentions. Ce même jour, le Comité exécutif annonce la création à ses côtés d'une section spéciale de la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]].
 
Dans l'enthousiasme général, on vote pour le projet avec 283 voix contre une, avec 23 abstentions. Ce même jour, le Comité exécutif annonce la création à ses côtés d'une section spéciale de la [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]].
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Le CMR est officiellement créé lors de la séance plénière du 16 octobre. Les conciliateurs interpellent les bolchéviks :
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Le CMR est officiellement créé lors de la séance plénière du 16 octobre. Les conciliateurs interpellent les bolchéviks&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Les bolcheviks ne donnent point de réponse à cette question directe&nbsp;: préparent-ils un soulèvement&nbsp;? C'est de la lâcheté ou bien un manque d'assurance en leurs propres forces.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;Les bolcheviks ne donnent point de réponse à cette question directe : préparent-ils un soulèvement ? C'est de la lâcheté ou bien un manque d'assurance en leurs propres forces.&nbsp;»''
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Dans l'assemblée on éclate de rire et on se moque de ces alliés du gouvernement qui voudraient qu'on leur dise tout. Dans sa réplique, [[Trotsky|Trotsky]] ne nie pas que le projet d'insurrection (''«&nbsp;Nous n'en faisons pas un secret.&nbsp;»''), mais ajoute qu'il ne s'agit pour l'instant que de répondre au gouvernement qui veut évacuer les troupes de Pétrograd. Le projet de [[Pavel_Lasimir|Lasimir]] est adopté par une écrasante majorité de voix. Les [[Menchéviks|menchéviks]] refusent de prendre part au CMR.
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Dans l'assemblée on éclate de rire et on se moque de ces alliés du gouvernement qui voudraient qu'on leur dise tout. Dans sa réplique, [[Trotsky|Trotsky]] ne nie pas que le projet d'insurrection (''«&nbsp;Nous n'en faisons pas un secret.&nbsp;»''), mais ajoute qu'il ne s'agit pour l'instant que de répondre au gouvernement qui veut évacuer les troupes de Pétrograd. Le projet de [[Pavel_Lasimir|Lasimir]] est adopté par une écrasante majorité de voix. Les [[menchéviks|menchéviks]] refusent de prendre part au CMR.
      
=== Armement du prolétariat ===
 
=== Armement du prolétariat ===
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Pour agrandir la [[Garde_rouge_(Russie)|garde rouge]] il fallait plus d'armes. En grande partie, l'initiative pour résoudre les questions pratique venait des masses. [[Trotsky|Trotsky]] raconte comment des ouvriers sont venus lui signaler qu'ils avaient pris contact avec les ouvriers de la fabrique d'armes de Sestroretsk, et qu'ils pouvaient en livrer sur demande du Soviet. ''«&nbsp;Je donnai l'ordre de livrer cinq mille fusils, et les ouvriers les reçurent le jour même. C'était une première expérience.&nbsp;»'' Une usine d'État livrait des armes sur ordre d'un individu qui était accusé de haute trahison et relaxé sous caution : la presse réactionnaire hurlait de rage.
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Pour agrandir la [[Garde_rouge_(Russie)|garde rouge]] il fallait plus d'armes. En grande partie, l'initiative pour résoudre les questions pratique venait des masses. [[Trotsky|Trotsky]] raconte comment des ouvriers sont venus lui signaler qu'ils avaient pris contact avec les ouvriers de la fabrique d'armes de Sestroretsk, et qu'ils pouvaient en livrer sur demande du Soviet. ''«&nbsp;Je donnai l'ordre de livrer cinq mille fusils, et les ouvriers les reçurent le jour même. C'était une première expérience.&nbsp;»'' Une usine d'État livrait des armes sur ordre d'un individu qui était accusé de haute trahison et relaxé sous caution&nbsp;: la presse réactionnaire hurlait de rage.
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Le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central pan-russe]] (toujours aux mains des [[conciliateurs|conciliateurs]] depuis le premier [[congrès_des_soviets|congrès des soviets]]) ordonna qu'on ne délivre des armes à personne sans son autorisation, court-circuitant le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement]], qui n'osait rien dire. Mais les masses de Pétrograd n'écoutaient plus le Comité exécutif central.
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Le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central pan-russe]] (toujours aux mains des [[Conciliateurs|conciliateurs]] depuis le premier [[Congrès_des_soviets|congrès des soviets]]) ordonna qu'on ne délivre des armes à personne sans son autorisation, court-circuitant le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement]], qui n'osait rien dire. Mais les masses de Pétrograd n'écoutaient plus le Comité exécutif central.
    
=== Tentatives de réaction ===
 
=== Tentatives de réaction ===
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Les peurs de la [[réaction|réaction]] et des [[conciliateurs|conciliateurs]] prenaient la formes de rumeurs grotesques. Le [[menchevik|menchevik]] [[Potressov|Potressov]], s'appuyant vraisemblablement sur les informations du contre-espionnage ou bien de la mission militaire française (qui n'hésitait pas à faire des faux), exposa dans la presse bourgeoise un ''«&nbsp;plan du soulèvement bolcheviste&nbsp;»'' censé avoir lieu dans la nuit du 16 au 17 octobre. Cela fit beaucoup rire les soldats et les gardes rouges. Les autorités menaient des enquêtes dans les quartiers ouvriers, et constataient beaucoup de [[propagande|propagande]] et de détermination, mais aussi un grand calme, et personne ne semblait savoir quand l'insurrection éclateraient.
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Les peurs de la [[Réaction|réaction]] et des [[Conciliateurs|conciliateurs]] prenaient la formes de rumeurs grotesques. Le [[Menchevik|menchevik]] [[Potressov|Potressov]], s'appuyant vraisemblablement sur les informations du contre-espionnage ou bien de la mission militaire française (qui n'hésitait pas à faire des faux), exposa dans la presse bourgeoise un ''«&nbsp;plan du soulèvement bolcheviste&nbsp;»'' censé avoir lieu dans la nuit du 16 au 17 octobre. Cela fit beaucoup rire les soldats et les gardes rouges. Les autorités menaient des enquêtes dans les quartiers ouvriers, et constataient beaucoup de [[Propagande|propagande]] et de détermination, mais aussi un grand calme, et personne ne semblait savoir quand l'insurrection éclateraient.
    
Le matin du 14 eut lieu, chez [[Kérensky|Kérensky]], une réunion des ministres qui approuva les mesures prises par l'Etat-major contre "la manifestation" qui se préparait. Ils se demandaient si bolchéviks se limiteraient à une manifestation armée comme [[Journées_de_juillet_1917|en juillet]] ou s'ils iraient jusqu'à une insurrection. Le commandant de l'arrondissement militaire déclarait aux représentants de la presse&nbsp;: ''«&nbsp;Dans tous les cas, nous sommes prêts&nbsp;»''.
 
Le matin du 14 eut lieu, chez [[Kérensky|Kérensky]], une réunion des ministres qui approuva les mesures prises par l'Etat-major contre "la manifestation" qui se préparait. Ils se demandaient si bolchéviks se limiteraient à une manifestation armée comme [[Journées_de_juillet_1917|en juillet]] ou s'ils iraient jusqu'à une insurrection. Le commandant de l'arrondissement militaire déclarait aux représentants de la presse&nbsp;: ''«&nbsp;Dans tous les cas, nous sommes prêts&nbsp;»''.
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Le 18, pour la première fois, fut convoquée la Conférence de la garnison. Sous l'effet des rumeurs omniprésentes, spontanément chaque délégué de régiment aborde la question du "soulèvement". Une majorité se déclara prête à répondre à l'appel du [[Soviet_de_Petrograd|Soviet]]. Une poignée de régiments est contre ou ne veulent obéir qu'au [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]], d'autres se disent neutres. D'autres encore disent qu'ils répondront au [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], ce qui convient aux bolchéviks, étant donné qu'ils sont sur le point d'y représenter la majorité.
 
Le 18, pour la première fois, fut convoquée la Conférence de la garnison. Sous l'effet des rumeurs omniprésentes, spontanément chaque délégué de régiment aborde la question du "soulèvement". Une majorité se déclara prête à répondre à l'appel du [[Soviet_de_Petrograd|Soviet]]. Une poignée de régiments est contre ou ne veulent obéir qu'au [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]], d'autres se disent neutres. D'autres encore disent qu'ils répondront au [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], ce qui convient aux bolchéviks, étant donné qu'ils sont sur le point d'y représenter la majorité.
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Mais la multiplication des rumeurs crée aussi du doute dans les quartiers ouvriers et les régiments. On se demande si quelque chose est effectivement programmé alors qu'ils ne sont pas au courant et que leurs délégués sont incapable de répondre sur la question de la date. La position contradictoire du soviet, en tant que parlement ouvert et qu'état-major révolutionnaire, créait, au dernier tournant, de grandes difficultés. A la fin de la séance du soir du soviet, [[Trotsky|Trotsky]] déclare :
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Mais la multiplication des rumeurs crée aussi du doute dans les quartiers ouvriers et les régiments. On se demande si quelque chose est effectivement programmé alors qu'ils ne sont pas au courant et que leurs délégués sont incapable de répondre sur la question de la date. La position contradictoire du soviet, en tant que parlement ouvert et qu'état-major révolutionnaire, créait, au dernier tournant, de grandes difficultés. A la fin de la séance du soir du soviet, [[Trotsky|Trotsky]] déclare&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Depuis quelques jours la presse est pleine d'informations, de bruits, d'articles au sujet du prochain soulèvement... Les résolutions du soviet de Petrograd sont portées à la connaissance de tous. Le soviet est une institution élective et ne peut prendre de résolutions qui ne seraient point connues des ouvriers et des soldats. Je déclare, au nom du Soviet&nbsp;: aucune manifestation armée n'a été fixée par nous. Mais si le Soviet, d'après la marche des choses, était forcé de faire appel à une manifestation, les ouvriers et les soldats marcheraient sur un signe de lui comme un seul homme... On dit que j'ai signé l'ordre de livrer cinq mille fusils... Oui, je l'ai signé... Le Soviet continuera à organiser et à armer la Garde ouvrière.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;Depuis quelques jours la presse est pleine d'informations, de bruits, d'articles au sujet du prochain soulèvement... Les résolutions du soviet de Petrograd sont portées à la connaissance de tous. Le soviet est une institution élective et ne peut prendre de résolutions qui ne seraient point connues des ouvriers et des soldats. Je déclare, au nom du Soviet : aucune manifestation armée n'a été fixée par nous. Mais si le Soviet, d'après la marche des choses, était forcé de faire appel à une manifestation, les ouvriers et les soldats marcheraient sur un signe de lui comme un seul homme... On dit que j'ai signé l'ordre de livrer cinq mille fusils... Oui, je l'ai signé... Le Soviet continuera à organiser et à armer la Garde ouvrière.&nbsp;»''
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Trotsky présente devant les masses de Petrograd la prise du pouvoir en lien étroit avec le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], prévu le 20, et se couvre l'insurrection d'une logique défensive&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;La bourgeoisie sait que le Soviet de Petrograd proposera au Congrès des soviets de prendre le pouvoir en main... Prévoyant la bataille inévitable, les classes bourgeoises s'efforcent de désarmer Petrograd. (...) A la première tentative de la contre-révolution pour supprimer le Congrès, nous répondrons par une contre-offensive qui sera implacable et que nous pousserons jusqu'au bout.&nbsp;»''</blockquote>  
Trotsky présente devant les masses de Petrograd la prise du pouvoir en lien étroit avec le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], prévu le 20, et se couvre l'insurrection d'une logique défensive :
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''«&nbsp;La bourgeoisie sait que le Soviet de Petrograd proposera au Congrès des soviets de prendre le pouvoir en main... Prévoyant la bataille inévitable, les classes bourgeoises s'efforcent de désarmer Petrograd. (...) A la première tentative de la contre-révolution pour supprimer le Congrès, nous répondrons par une contre-offensive qui sera implacable et que nous pousserons jusqu'au bout.&nbsp;»''
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Le Soviet est assez puissant pour proclamer ouvertement un programme d'insurrection dans l'Etat et même pour en fixer la date.
 
Le Soviet est assez puissant pour proclamer ouvertement un programme d'insurrection dans l'Etat et même pour en fixer la date.
    
Mais le pouvoir n'est pas encore entre ses mains. [[Lénine|Lénine]] est toujours caché, [[Kerensky|Kerensky]] est toujours au Palais d'Hiver, et à Smolny l'administration de la caisse, de l'expédition, des automobiles ou des téléphones se trouve encore entre les mains du [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif central]].
 
Mais le pouvoir n'est pas encore entre ses mains. [[Lénine|Lénine]] est toujours caché, [[Kerensky|Kerensky]] est toujours au Palais d'Hiver, et à Smolny l'administration de la caisse, de l'expédition, des automobiles ou des téléphones se trouve encore entre les mains du [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif central]].
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Le 19 matin, le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]] tente une opération : il convoque une assemblée "légale" de la garnison, y appelant même les comités arriérés, non renouvelés par élection depuis longtemps, qui n'ont pas été présents la veille. Mais la majorité bolchévique est confirmée. En revanche cela permet de constater que la forteresse Pierre-et-Paul et la division des autos blindées n'étaient pas prêtes à l'insurrection.
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Le 19 matin, le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]] tente une opération&nbsp;: il convoque une assemblée "légale" de la garnison, y appelant même les comités arriérés, non renouvelés par élection depuis longtemps, qui n'ont pas été présents la veille. Mais la majorité bolchévique est confirmée. En revanche cela permet de constater que la forteresse Pierre-et-Paul et la division des autos blindées n'étaient pas prêtes à l'insurrection.
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Etant donné que le Congrès des soviets était initialement prévu le 20, le gouvernement prend des mesures préventives : des patrouilles de Cosaques parcourent les quartiers ouvriers toute la nuit, la milice et des réserves de cavalerie se tiennent prêtes, et devant le palais d'Hiver sont disposées des autos blindées, de l'artillerie légère, des mitrailleuses... Le lendemain, n'ayant rien vu, certains se croient sauvés comme [[Fiodor_Dan|Dan]] qui écrit dans les [[_Izvestia|''Izvestia'']] : ''«&nbsp; Leur aventure au sujet d'une manifestation armée dans Petrograd est une affaire finie. (...) Ils se rendent déjà.&nbsp;»''
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Etant donné que le Congrès des soviets était initialement prévu le 20, le gouvernement prend des mesures préventives&nbsp;: des patrouilles de Cosaques parcourent les quartiers ouvriers toute la nuit, la milice et des réserves de cavalerie se tiennent prêtes, et devant le palais d'Hiver sont disposées des autos blindées, de l'artillerie légère, des mitrailleuses... Le lendemain, n'ayant rien vu, certains se croient sauvés comme [[Fiodor_Dan|Dan]] qui écrit dans les [[Izvestia|''Izvestia'']]&nbsp;: ''«&nbsp; Leur aventure au sujet d'une manifestation armée dans Petrograd est une affaire finie. (...) Ils se rendent déjà.&nbsp;»''
    
En fait, le CMR n'est mis sur pied que le 20. Mais il dispose d'emblée d'une forte influence et efficacité. Il place des commissaires auprès des régiments, et rapidement son contrôle s'étend à toujours plus de dépôts d'armes, même à des magasins privés d'armuriers. Il suffisait de s'adresser au comité de soldats, d'ouvriers ou d'employés pour briser la résistance de l'administration ou du patron.
 
En fait, le CMR n'est mis sur pied que le 20. Mais il dispose d'emblée d'une forte influence et efficacité. Il place des commissaires auprès des régiments, et rapidement son contrôle s'étend à toujours plus de dépôts d'armes, même à des magasins privés d'armuriers. Il suffisait de s'adresser au comité de soldats, d'ouvriers ou d'employés pour briser la résistance de l'administration ou du patron.
    
Le Soviet fixa ouvertement, le dimanche 22, une revue pacifique de ses forces sous forme de meetings.
 
Le Soviet fixa ouvertement, le dimanche 22, une revue pacifique de ses forces sous forme de meetings.
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<blockquote>''«&nbsp; Par l'unanimité de la multitude, il fallait forcer les ennemis à se cacher, à disparaître, à ne pas se montrer. Par la démonstration de l'impuissance de la bourgeoisie devant les formations de masse des ouvriers et des soldats, il fallait effacer dans la conscience de ceux-ci les derniers souvenirs rétenteurs des Journées de Juillet. Il fallait arriver à ceci que les masses, se voyant elles-mêmes, se disent&nbsp;: personne et rien ne pourra plus nous résister. &nbsp;» Trotsky''</blockquote>  
''«&nbsp; Par l'unanimité de la multitude, il fallait forcer les ennemis à se cacher, à disparaître, à ne pas se montrer. Par la démonstration de l'impuissance de la bourgeoisie devant les formations de masse des ouvriers et des soldats, il fallait effacer dans la conscience de ceux-ci les derniers souvenirs rétenteurs des Journées de Juillet. Il fallait arriver à ceci que les masses, se voyant elles-mêmes, se disent : personne et rien ne pourra plus nous résister. &nbsp;» Trotsky''
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Des religieux réactionnaires et des [[Cosaques|cosaques]] fixèrent le même jour une procession dans les rues, certains espérant sans doute créer une provocation. [[John_Reed|John Reed]] témoigne du renforcement de la sécurité au coeur de l'Etat-major de la révolution&nbsp;: ''«&nbsp;Il devint dès lors peu facile d'entrer à l'Institut Smolny, le système des laissez-passer était modifié à des intervalles de quelques heures, car des espions pénétraient constamment à l'intérieur&nbsp;»''.
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Des religieux réactionnaires et des [[cosaques|cosaques]] fixèrent le même jour une procession dans les rues, certains espérant sans doute créer une provocation. [[John_Reed|John Reed]] témoigne du renforcement de la sécurité au coeur de l'Etat-major de la révolution : ''«&nbsp;Il devint dès lors peu facile d'entrer à l'Institut Smolny, le système des laissez-passer était modifié à des intervalles de quelques heures, car des espions pénétraient constamment à l'intérieur&nbsp;»''.
      
La Conférence de la garnison du 21 discuta de la préparation du 22 et confirma l'hégémonie des révolutionnaires. Dans la journée on apprit que la procession était annulée sur pression des autorités.
 
La Conférence de la garnison du 21 discuta de la préparation du 22 et confirma l'hégémonie des révolutionnaires. Dans la journée on apprit que la procession était annulée sur pression des autorités.
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Le chef de l'Etat-major de l'arrondissement de Petrograd refuse de voir ses ordres validés par le CMR. Celui-ci déclare alors publiquement que l'Etat-major a rompu avec la garnison de Petrograd, et qu'il prend le contrôle de la garnison pour protéger la ville de la contre-révolution.
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Le chef de l'Etat-major de l'arrondissement de Petrograd refuse de voir ses ordres validés par le CMR. Celui-ci déclare alors publiquement&nbsp;: ''«&nbsp; Ayant rompu avec la garnison organisée de la capitale, l'Etat-major devient l'instrument direct des forces contre-révolutionnaires&nbsp;»''. Le CMR annonce qu'il a désormais le contrôle de la garnison pour protéger la ville de la contre-révolution.
    
Alors qu'une nouvelle fois les bourgeois et les conciliateurs redoutent l'insurrection, la journée se déroule pacifiquement et dans un immense enthousiasme, à l'exception des bourgeois qui se calfeutrent chez eux. Partout des foules immenses écoutent les orateurs, ressentent profondément que ce n'est plus un prêche lointain mais un ferme espoir en un changement imminent.
 
Alors qu'une nouvelle fois les bourgeois et les conciliateurs redoutent l'insurrection, la journée se déroule pacifiquement et dans un immense enthousiasme, à l'exception des bourgeois qui se calfeutrent chez eux. Partout des foules immenses écoutent les orateurs, ressentent profondément que ce n'est plus un prêche lointain mais un ferme espoir en un changement imminent.
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Le lendemain, 23 octobre, l'Etat-major de l'arrondissement était en telle position de faiblesse qu'il proposa d'accepter les commissaires du CMR, à condition qu'il annule sa déclaration dénonçant l'Etat-major comme contre-révolutionnaire. Il ne fut donné aucune réponse. [[Soukhanov|Soukhanov]] se demande&nbsp;: ''«&nbsp;Smolny fait-il des bêtises, ou bien joue-t-il avec le palais d'Hiver comme le chat avec la souris, provoquant une attaque&nbsp;?&nbsp;»''
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Le CMR s'efforçait de convaincre les derniers régiments. On se demandait notamment comment neutraliser la forteresse Pierre-et-Paul, et on envisagea de la prendre de force. Mais finalement, le 23, [[Trotsky|Trotsky]] s'y rend et parvient dans un discours à faire basculer les soldats, ou plutôt à les faire désavouer leurs délégués plus à droite qu'eux. La séance du soir du Soviet est particulièrement nombreuse et confiante. Les informations sur les troupes appelées par le gouvernement sont bonnes&nbsp;: elles refusent d'être appelées en "renfort".
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En ces jours-là, Kerensky est complètement illusionné sur ses forces, persuadé d'être capable de réprimer si nécessaire, sans réaliser à quel point sa chaîne de commandement était brisée et n'était plus reliée aux soldats. Mais la plupart des KD sont également dans cet état d'esprit. Ils espèrent même une offensive des bolchéviks qui permettrait de les éliminer une bonne fois pour toute. Leur journal écrit&nbsp;: ''«&nbsp; Il y a de l'orage dans l'air, mais peut-être purifiera-t-il l'atmosphère&nbsp;»''.
    
=== Prise de la capitale ===
 
=== Prise de la capitale ===

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