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A la recherche d'une stratégie pour changer le monde, Lénine découvre les écrits de [[Karl_Marx|Karl Marx]] et prend conscience à la fois du fonctionnement du [[Capitalisme|capitalisme]] et de la centralité stratégique de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] dans le processus révolutionnaire. Au début des années 1890, Lénine fait valoir que les révolutionnaires doivent être là où se trouve la classe ouvrière (dans les usines) et s'engager dans des luttes, aussi modestes soient-elles, pour les salaires et les conditions de travail.
 
A la recherche d'une stratégie pour changer le monde, Lénine découvre les écrits de [[Karl_Marx|Karl Marx]] et prend conscience à la fois du fonctionnement du [[Capitalisme|capitalisme]] et de la centralité stratégique de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] dans le processus révolutionnaire. Au début des années 1890, Lénine fait valoir que les révolutionnaires doivent être là où se trouve la classe ouvrière (dans les usines) et s'engager dans des luttes, aussi modestes soient-elles, pour les salaires et les conditions de travail.
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Militant du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, il s'emploie dans ses écrits à appliquer la théorie marxiste à au contexte russe, et à déterminer la manière la plus adaptée de faire triompher la révolution dans ce pays essentiellement rural, gouverné de manière autocratique. Lénine juge que la Russie, pays européen dans son modèle économique, demeure plongée dans l'« [[Mode_de_production_asiatique|asiatisme]] » sur le plan politique. Le développement du capitalisme est dès lors entravé en Russie par les structures sociales, qui s'apparentent à un système de castes : il appartient aux révolutionnaires de donner l'impulsion historique décisive qui anéantira les « institutions surannées qui entravent le développement du capitalisme », la Russie devant rattraper son retard en la matière avant de passer au [[Socialisme|socialisme]]. Du fait du contexte particulier du pays, l'évolution ne saurait être spontanée : dans la brochure ''[[Que_Faire_?|Que faire ?]]'', qu'il publie en 1902, Lénine plaide pour une révolution qui serait organisée par des « professionnels » qui constitueraient l'« [[Avant-garde|avant-garde]] » de la classe ouvrière et seraient, en Russie, les porteurs de la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] et de la théorie révolutionnaire, dont les ouvriers n'ont pas un sens inné. Le contexte social et politique de l'Empire russe empêchant le développement de la [[Lutte_des_classes|lutte des classes]], il appartient dès lors au Parti de la créer : la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] n'existant pas en Russie au sens occidental du terme, il appartient au Parti des « révolutionnaires professionnels » de se substituer à elle pour tenir un [[Conception_matérialiste_de_l'histoire|rôle d'accélérateur de l'Histoire]]. Dès lors, le Parti n'est plus un produit de la lutte des classes : c'est lui, au contraire, qui la produit, en permettant aux intellectuels porteurs de la conscience de fusionner avec le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] et de lui apporter le savoir. Lénine s'efforce également d'adapter les schémas historiques marxistes à la situation sociale de la Russie. La pensée marxiste envisage traditionnellement l'éclatement de la révolution dans des pays industrialisés et développés, et néglige par conséquent le potentiel d'un pays majoritairement agricole comme la Russie ; elle privilégie également le rôle historique de la classe ouvrière, identifiant la [[Paysannerie|paysannerie]] à la [[Petite-bourgeoisie|petite bourgeoisie]]. Lénine souligne au contraire le rôle des paysans dont il juge que, convenablement encadrés par le prolétariat et son Parti, ils peuvent devenir une force révolutionnaire.
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Militant du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]], il s'emploie dans ses écrits à appliquer la théorie marxiste à au contexte russe, et à déterminer la manière la plus adaptée de faire triompher la révolution dans ce pays essentiellement rural, gouverné de manière autocratique. Lénine juge que la Russie, pays européen dans son modèle économique, demeure plongée dans l'« [[Mode_de_production_asiatique|asiatisme]] » sur le plan politique. Le développement du capitalisme est dès lors entravé en Russie par les structures sociales, qui s'apparentent à un système de castes : il appartient aux révolutionnaires de donner l'impulsion historique décisive qui anéantira les « institutions surannées qui entravent le développement du capitalisme », la Russie devant rattraper son retard en la matière avant de passer au [[Socialisme|socialisme]]. Du fait du contexte particulier du pays, l'évolution ne saurait être spontanée : dans la brochure ''[[Que_Faire_?|Que faire ?]]'', qu'il publie en 1902, Lénine plaide pour une révolution qui serait organisée par des « professionnels » qui constitueraient l'« [[Avant-garde|avant-garde]] » de la classe ouvrière et seraient, en Russie, les porteurs de la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] et de la théorie révolutionnaire, dont les ouvriers n'ont pas un sens inné. Le contexte social et politique de l'Empire russe empêchant le développement de la [[Lutte_des_classes|lutte des classes]], il appartient dès lors au Parti de la créer : la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] n'existant pas en Russie au sens occidental du terme, il appartient au Parti des « révolutionnaires professionnels » de se substituer à elle pour tenir un [[Conception_matérialiste_de_l'histoire|rôle d'accélérateur de l'Histoire]]. Dès lors, le Parti n'est plus un produit de la lutte des classes : c'est lui, au contraire, qui la produit, en permettant aux intellectuels porteurs de la conscience de fusionner avec le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] et de lui apporter le savoir. Lénine s'efforce également d'adapter les schémas historiques marxistes à la situation sociale de la Russie. La pensée marxiste envisage traditionnellement l'éclatement de la révolution dans des pays industrialisés et développés, et néglige par conséquent le potentiel d'un pays majoritairement agricole comme la Russie ; elle privilégie également le rôle historique de la classe ouvrière, identifiant la [[Paysannerie|paysannerie]] à la [[Petite-bourgeoisie|petite bourgeoisie]]. Lénine souligne au contraire le rôle des paysans dont il juge que, convenablement encadrés par le prolétariat et son Parti, ils peuvent devenir une force révolutionnaire.
    
En matière d'organisation du Parti, Lénine plaide pour l'« unité de la volonté », soit l'acquisition par l'avant-garde révolutionnaire d'une volonté unique qui devient dès lors « la volonté de la classe », les volontés individuelles disparaissant au profit de la volonté du Parti. Lénine multiplie ainsi les métaphores comparant le Parti à une usine, à une armée, à une machine ou à un orchestre. Le Parti tel que le conçoit Lénine est avant tout une organisation de professionnels, fonctionnant selon une stricte division du travail : Lénine prône à ce titre l'adoption du principe du [[Centralisme_démocratique|centralisme démocratique]], soit la « liberté de discussion » alliée à l'« unité d'action ». Lénine élabore cette formule au moment où le POSDR est divisé entre bolcheviks et mencheviks : le concept de centralisme démocratique est donc censé permettre la cohabitation de groupes rivaux au sein d'un même parti. Cependant, Lénine n'envisage nullement d'organiser le Parti selon un modèle parlementaire, la cohabitation avec les mencheviks lui étant imposée. La notion de centralisme démocratique implique dès lors que les militants observent de manière stricte les consignes d'action, une fois celles-ci décidées au sein des organes de direction du Parti. L'existence du terme léninisme est attestée dès 1903, époque de la rupture entre bolcheviks et mencheviks : le mot est alors employé de manière péjorative par les adversaires de Lénine, pour désigner le courant animé par ce dernier.
 
En matière d'organisation du Parti, Lénine plaide pour l'« unité de la volonté », soit l'acquisition par l'avant-garde révolutionnaire d'une volonté unique qui devient dès lors « la volonté de la classe », les volontés individuelles disparaissant au profit de la volonté du Parti. Lénine multiplie ainsi les métaphores comparant le Parti à une usine, à une armée, à une machine ou à un orchestre. Le Parti tel que le conçoit Lénine est avant tout une organisation de professionnels, fonctionnant selon une stricte division du travail : Lénine prône à ce titre l'adoption du principe du [[Centralisme_démocratique|centralisme démocratique]], soit la « liberté de discussion » alliée à l'« unité d'action ». Lénine élabore cette formule au moment où le POSDR est divisé entre bolcheviks et mencheviks : le concept de centralisme démocratique est donc censé permettre la cohabitation de groupes rivaux au sein d'un même parti. Cependant, Lénine n'envisage nullement d'organiser le Parti selon un modèle parlementaire, la cohabitation avec les mencheviks lui étant imposée. La notion de centralisme démocratique implique dès lors que les militants observent de manière stricte les consignes d'action, une fois celles-ci décidées au sein des organes de direction du Parti. L'existence du terme léninisme est attestée dès 1903, époque de la rupture entre bolcheviks et mencheviks : le mot est alors employé de manière péjorative par les adversaires de Lénine, pour désigner le courant animé par ce dernier.
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En 1909, alors qu'il polémique, à l'intérieur du courant bolchevik, avec le courant de la Construction de Dieu animé par Bogdanov, Lénine engage le combat sur le terrain philosophique en publiant l'ouvrage ''[[Matérialisme_et_empiriocriticisme|Matérialisme_et_empiriocriticisme]]''. Il y expose sa définition du [[Matérialisme_dialectique|matérialisme dialectique]] et présente sa propre théorie de la connaissance : il dénonce toute compromission du marxisme, nécessairement athée, avec la sensibilité religieuse, et s'en prend au passage au positivisme scientifique d'Ernst Mach dont Bogdanov se réclame. Lénine affirme la nécessité de « l'esprit de parti en philosophie », ce qui implique de choisir forcément son camp entre « droite » et « gauche ». L'idée fondamentale de Lénine est que, par le biais du matérialisme dialectique, la représentation en général devient un reflet de la réalité objective, la pensée humaine étant par conséquent capable d'atteindre « ''la vérité absolue qui n'est qu'une somme de vérités relatives'' ». Dans cette optique, le développement des sciences ne peut que confirmer le matérialisme, Lénine concevant la pensée marxiste comme étant elle-même d'essence scientifique. En prônant une philosophie marxiste « ''coulée dans un seul bloc d'acier'' », Lénine transpose sur le terrain philosophique sa conception de l'organisation politique, dont les fondements sont la séparation en deux camps radicalement opposés et une stricte discipline du camp révolutionnaire.
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En 1909, alors qu'il polémique, à l'intérieur du courant bolchevik, avec [[Otzovisme|le courant]] animé par [[Bogdanov|Bogdanov]], Lénine engage le combat sur le terrain philosophique en publiant l'ouvrage ''[[Matérialisme_et_empiriocriticisme|Matérialisme et empiriocriticisme]]''. Il y expose sa définition du [[Matérialisme_dialectique|matérialisme dialectique]] et présente sa propre théorie de la connaissance : il dénonce toute compromission du marxisme, nécessairement athée, avec la sensibilité religieuse, et s'en prend au passage au positivisme scientifique d'Ernst Mach dont Bogdanov se réclame. Lénine affirme la nécessité de « l'esprit de parti en philosophie », ce qui implique de choisir forcément son camp entre « droite » et « gauche ». L'idée fondamentale de Lénine est que, par le biais du matérialisme dialectique, la représentation en général devient un reflet de la réalité objective, la pensée humaine étant par conséquent capable d'atteindre « ''la vérité absolue qui n'est qu'une somme de vérités relatives'' ». Dans cette optique, le développement des sciences ne peut que confirmer le matérialisme, Lénine concevant la pensée marxiste comme étant elle-même d'essence scientifique. En prônant une philosophie marxiste « ''coulée dans un seul bloc d'acier'' », Lénine transpose sur le terrain philosophique sa conception de l'organisation politique, dont les fondements sont la séparation en deux camps radicalement opposés et une stricte discipline du camp révolutionnaire.
    
Dans l'ouvrage [[L'impérialisme,_stade_suprême_du_capitalisme|''L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme'']], rédigé durant la [[Première_Guerre_mondiale|Première Guerre mondiale]], Lénine analyse l'impérialisme comme un capitalisme « ''parasitaire ou pourrissant ''» marqué par la domination du capital financier sur le capital industriel : il voit dans le conflit en cours une lutte entre impérialismes rivaux pour le partage du monde, et pronostique la transformation de la guerre entre nations en une guerre entre bourgeois et prolétaires. Plus largement, il voit analyse la guerre mondiale comme l'expression du début du pourrissement du régime capitaliste. À la vision traditionnelle de Marx, chez qui la révolution socialiste consiste en une expropriation des grands capitalistes, Lénine substitue une vision apocalyptique de l'agonie du capitaliste, dans le cadre de conflits gigantesques.
 
Dans l'ouvrage [[L'impérialisme,_stade_suprême_du_capitalisme|''L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme'']], rédigé durant la [[Première_Guerre_mondiale|Première Guerre mondiale]], Lénine analyse l'impérialisme comme un capitalisme « ''parasitaire ou pourrissant ''» marqué par la domination du capital financier sur le capital industriel : il voit dans le conflit en cours une lutte entre impérialismes rivaux pour le partage du monde, et pronostique la transformation de la guerre entre nations en une guerre entre bourgeois et prolétaires. Plus largement, il voit analyse la guerre mondiale comme l'expression du début du pourrissement du régime capitaliste. À la vision traditionnelle de Marx, chez qui la révolution socialiste consiste en une expropriation des grands capitalistes, Lénine substitue une vision apocalyptique de l'agonie du capitaliste, dans le cadre de conflits gigantesques.
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Exilé, après avoir tenté avec ses partisans de redresser l'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]], il fonda la [[Quatrième_internationale|Quatrième internationale]].
 
Exilé, après avoir tenté avec ses partisans de redresser l'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]], il fonda la [[Quatrième_internationale|Quatrième internationale]].
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== Le terme de ''« léninisme »'' du vivant de Lénine ==
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Du vivant de Lénine, le terme de léninisme a surtout été employé par ses adversaires. En particulier, lors du 2<sup>e</sup> congrès du POSDR (1903), on parle réciproquement de ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' et de ''«&nbsp;léninistes&nbsp;»''. Les partisans de Lénine, eux, se désignent comme ''«&nbsp;la majorité&nbsp;»'', puis les ''«&nbsp;majoritaires&nbsp;»'' ([[bolchéviks|bolchéviks]]) à partir de fin 1904. Terme qui va rester, avec son opposé [[menchévik|''menchévik'']].
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Lorsque des tensions ont eu lieu au sein des bolchéviks, chacun va se revendiquer du bolchévisme, et en particulier Lénine. A ses adversaires (surout [[otzovistes|otzovistes]]) qui parlent de « bolchevisme officiel » et de « bolcheviks léninistes », il rétorque : ''« Je reconnais parfaitement ma responsabilité dans le 'bolchevisme ofticiel', mais en ce qui concerne l'expression de 'léninistes', ce n'est qu'un attentat manqué de causticité pour dire qu'il n'est question ici que des partisans d'une seule personne ! En fait, ils savent tous très bien qu'il n'est pas question, et de loin, de ceux qui partagent mes vues personnelles sur tel ou tel aspect du bolchevisme. » (1909)''
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[[Kautsky|Kautsky]] utilise aussi le terme de ''«&nbsp;léninistes&nbsp;»'' à partir de 1905. [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] utilisera aussi ce terme dans ses critiques des bolchéviks.
    
== Léninisme et anti-léninisme ==
 
== Léninisme et anti-léninisme ==
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Par exemple l’ouvrage officiel du Kremlin, ''L’Histoire du Parti Communiste de l’Union Soviétique'', se base sur [[Que_Faire_?|''Que Faire'']] pour exposer un principe général de la ''«&nbsp;conception léniniste du parti&nbsp;»''&nbsp;:
 
Par exemple l’ouvrage officiel du Kremlin, ''L’Histoire du Parti Communiste de l’Union Soviétique'', se base sur [[Que_Faire_?|''Que Faire'']] pour exposer un principe général de la ''«&nbsp;conception léniniste du parti&nbsp;»''&nbsp;:
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#un parti prolétarien dirigé par des intellectuels bourgeois révolutionnaires, les ouvriers étant incapables de s’élever par eux-mêmes à la conscience socialiste ;  
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#un parti prolétarien dirigé par des intellectuels bourgeois révolutionnaires, les ouvriers étant incapables de s’élever par eux-mêmes à la conscience socialiste&nbsp;;  
#un parti de quelques «&nbsp;révolutionnaires professionnels&nbsp;» par opposition à un parti de masse large et ouvert ;  
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#un parti de quelques «&nbsp;révolutionnaires professionnels&nbsp;» par opposition à un parti de masse large et ouvert&nbsp;;  
#un parti préparant une révolution forcément planifiée, à l'opposé de toute idée de spontanéité dans le mouvement ;  
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#un parti préparant une révolution forcément planifiée, à l'opposé de toute idée de spontanéité dans le mouvement&nbsp;;  
 
#un parti bâti autour d'un appareil bureaucratique voire semi militaire.  
 
#un parti bâti autour d'un appareil bureaucratique voire semi militaire.  
  

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