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[[File:Frauentag1914.jpg|right|300x455px|Frauentag1914.jpg]]Cette page traite des '''courants [[Féministes|féministes]] qui s'inscrivent dans la perspective [[Socialiste|socialiste]]''' - quelles que soient les dénominations que l'on peut retrouver : '''féminisme socialiste''', '''féminisme marxiste, féminisme lutte de classe'''... - par opposition au ''« [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]] »''.
 
[[File:Frauentag1914.jpg|right|300x455px|Frauentag1914.jpg]]Cette page traite des '''courants [[Féministes|féministes]] qui s'inscrivent dans la perspective [[Socialiste|socialiste]]''' - quelles que soient les dénominations que l'on peut retrouver : '''féminisme socialiste''', '''féminisme marxiste, féminisme lutte de classe'''... - par opposition au ''« [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]] »''.
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== 100 000 000 de morts en 100 ans reveillez vous !!!  ==
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== Historique ==
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=== Premiers socialistes ===
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Certains [[Socialistes_utopiques|socialistes utopiques]] développaient non seulement des projets pour la fin de la pauvreté ouvrière, mais également pour mettre fin à la [[Patriarcat|domination des femmes par les hommes]].
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En 1830 sous la Restauration, un féminisme militant se développe chez les [[Saint-Simon|saint-simoniens]] et les [[Charles_Fourier|fouriéristes]]. Les féministes participent à l'abondante littérature de l'époque, favorisée par la levée de la censure sur la presse. ''La Femme Libre'' et ''La Tribune des femmes'' paraissent en 1832 ; ''Le Conseiller des femmes'', édité à Lyon par [[Eugénie_Niboyet|Eugénie Niboyet]], est le premier journal féministe de province. Certaines femmes comme [[Claire_Démar|Claire Démar]] revendiquent le droit à l’amour libre, au scandale de l'opinion publique.
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Les femmes participent activement à la [[Révolution_de_1848_(France)|révolution de 1848]]. À la suite d'un regain de luttes féministes, elles se voient accorder le [[Droit_au_travail|droit au travail]] dans les ateliers nationaux. En 1849, [[Jeanne_Deroin|Jeanne Deroin]] tente de se présenter aux élections législatives.
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[[File:FloraTristan.jpg|frame|right|152x196px|FloraTristan.jpg]][[Flora_Tristan|Flora Tristan]] (1803-1844) fut une des premières socialistes à tenter de mener de front la lutte ouvrière avec la lutte des femmes. Elle fit un tour de france des filatures et imprimeries et s'investit dans l'organisation des ouvriers et ouvrières. Elle disait :
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<blockquote>«&nbsp;L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même.&nbsp;»</blockquote>
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[[Charles_Fourier|Charles Fourier]] prônait la construction de crèches pour "libérer la femme", espérer atteindre une harmonie des sexes dans les [[Phalanstères|phalanstères]], et considérait que la condition féminine réflète le [[Progrès_social|progrès social]]&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;''Les progrès sociaux'' ''s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes.''&nbsp;»<ref>Charles Fourier, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106139k Théorie des quatre mouvements], 1808</ref></blockquote>
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=== Marx et Engels ===
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Les tout premiers articles de [[Marx|Marx]], avant même qu'il soit [[Socialiste|socialiste]], révèle une vision conservatrice et [[Idéaliste|idéaliste]] du mariage<ref>Hal Draper, [https://www.marxists.org/archive/draper/1970/07/women.htm Marx and Engels on Women’s Liberation], 1970</ref>. Dans ses [[Manuscrits_de_1844|''Manuscrits de 1844'']], puis dans [[La_sainte_famille|''La sainte famille'']], il reprend l'idée de [[Fourier|Fourier]] selon laquelle le niveau de développement d'une société se reflète dans les rapports hommes-femmes, dans les rapports "du fort envers le faible". Dans ''La condition de la classe laborieuse en Angleterre'' (1844), [[Engels|Engels]] décrit comment l'emploi massif de femmes et d'enfants détruit la famille traditionnelle chez les ouvriers, et comment des hommes se retrouvent entretenus par des femmes, ce qui "''émascule les hommes et retire toute féminité à la femme''". Toutefois Engels précise que "''le règne primitif du mari sur l'épouse était inhumain aussi''".
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La division sexuelle du travail est décrite comme une des tout premières [[Division_du_travail|divisions du travail]] dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'' (1845), mais avec une vision basée basée sur l'idée d'une origine naturelle (Engels rompra plus tard avec cette idée, notamment dans ''[[L'origine_de_la_famille,_de_la_propriété_privée_et_de_l'Etat|L'origine de la famille]]''). Dans ce livre l'idée que la [[Famille|famille]] dépend des conditions sociales est posée. Les auteurs dénoncent l'appropriation des femmes par les maris, qu'elle soit cachée ou ouverte&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Dans la loi prussienne, les liens sacrés du mariage sont censés être imposés à la fois aux hommes et aux femmes&nbsp;», mais c'est une fiction juridique. La relation réelle est codifiée en France, «&nbsp;où la femme est considérée comme la propriété privée de son mari, et seule la femme peut être punie pour adultère.&nbsp;»</blockquote>
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Toujours dans l'''Idéologie allemande'', il est indiqué que l'abolition de la propriété privée entraînera l'abolition de la famille et du mariage. Mais il n'y a pas d'indication de ce qui pourrait les remplacer. Les descriptions de l'[[Amour_libre|amour libre]] imagnées par Fourier sont qualifiées de "fantaisies". Marx et Engels écrivaient même que la famille était déjà dissolue, n'existant plus dans le prolétariat, et n'existant plus que formellement comme rapport de propriété dans la bourgeoisie (avec l'argument que les bourgeois trompaient leurs femmes). Ces idées, largement extrapolées, n'étaient pas vraiment étayées sur des faits.
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Concernant la violence des maris jaloux, Marx notait dans un article de 1846 que «&nbsp;''le jaloux est avant tout un propriétaire''&nbsp;»<ref>Karl Marx, [http://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/marxsuicide.html Peuchet : Au sujet du suicide], 1846</ref>.
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Le [[Manifeste_communiste|Manifeste communiste]] (1847) reprend ces thèses. Il se moque aussi des bourgeois qui accusent les communistes de vouloir la "collectivisation des femmes". Il répond que ce sont les bourgeois qui collectivisent les femmes par la [[Prostitution|prostitution]], et que le communisme y mettra fin<ref>Voir aussi : Engels, [https://www.marxists.org/francais/marx/47-pdc.htm Principes du communisme], 1847</ref>.
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En 1850, Marx critiquait le [[Naturalisme|naturalisme]] [[Réactionnaire|réactionnaire]] d'un certain Daumer qui prétendait défendre la cause des femmes en les "divinisant" et les essentialisant au passage dans un rôle de mère nourricière<ref>Dans un article de 1850 paru dans La Nouvelle Gazette Rhénane. Voir à ce sujet [http://danielbensaid.org/Marx-productivisme-et-ecologie cet article].</ref>. On trouve cependant des expressions imagées réflétant les conceptions sexistes omniprésentes, comme ce passage du Capital associant père-actif-fécondeur et mère-passive-féconde&nbsp;: ''«&nbsp;Le travail n'est donc pas l'unique source des valeurs d'usage qu'il produit, de la richesse matérielle. Il en est le père, et la terre, la mère&nbsp;»<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-2.htm Le Capital - Livre premier]'', 1867</ref>''
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Marx défendait aussi une législation spéficique du travail pour protéger les "femmes et les enfants", par exemple dans [[Le_Capital|''Le Capital'']], ou au sein de la [[Première_internationale|Première internationale]] (voir ci-dessous). Le programme de Gotha du Parti ouvrier allemand (1875)<ref>[https://www.marxists.org/francais/inter_soc/spd/18750500.htm Programme de Gotha du parti social-démocrate allemand], 1875</ref> réclamait l'interdiction "''du travail des enfants, ainsi que du travail des femmes, qui porte préjudice à la santé et à la moralité.''" Dans la critique que Marx fait de ce programme<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500d.htm Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand], 1875</ref>, il évoque la limitation de la journée de travail pour les femmes, voire des interdictions pour "''branches d'industrie qui sont particulièrement préjudiciables à leur santé physique où contraires à la morale au point de vue du sexe''", mais indique que les femmes doivent être intégrées à la production.
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Dans [[L'origine_de_la_famille|L'origine de la famille]] (1884), Engels fait une analyse historique des rapports familiaux sur la base des connaissances de l'époque (aujourd'hui largement dépassées). Une de ses idées est que l'oppression des femmes est une conséquence de l'apparition de la [[Propriété_privée|propriété privée]]. Concernant la lutte présente des femmes, il rappelle que l'égalité des droits ne suffira pas à établir l'égalité réelle, tant qu'il y aura une inégalité économique (hommes salariés, femmes au foyer). Ce qui inspire à Engels une analogie célèbre&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Dans la famille, l'homme est le bourgeois&nbsp;; la femme joue le rôle du prolétariat.&nbsp;»</blockquote>
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Concernant l'avenir de la famille, Engels reste prudent, mais envisage deux possibilités&nbsp;: soit la monogamie disaparaît, soit "''elle devient enfin réalité, en s'appliquant aussi à l'homme''". Engels disait aussi que l'égalité femmes-hommes implique d'en finir avec la gallanterie<ref>Voir Engels, Lettre à Sorge, 12 janvier 1889</ref>.
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Engels fut également marqué par la pièce ''Une maison de poupée'' du norvégien Henrik Ibsen, qui montrait l'attitude infantilisante d'un mari envers sa femme, qui à la fin de l'oeuvre claque la porte. Engels commença même à apprendre le norvégien à plus de 70 ans pour lire le texte original<ref>F. Lessner, in Reminiscences of Marx and Engels</ref>. Certains intellectuels de l'époque parlait utilisaient le terme ''ibsenisme'' pour parler de la question des femmes. [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] fut une des premières traductrices des oeuvres d'Ibsen.
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=== Première Internationale (1864-1871) ===
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Lorsque le Conseil général de l'[[Association_Internationale_des_Travailleurs|Association Internationale des Travailleurs]] (AIT) est formé le 5 octobre 1864, il n'est composé que d'hommes. La question de la présence de femmes, outre qu'elle ne s'était pas encore posée, ne semblait pas aller de soi. Le compte-rendu de la session du 25 avril 1865 indique que "''Une question ayant été posée sur la possibilité pour des femmes d'être membres, le citoyen Wheeler proposa, appuyé par le citoyen Bordage, que les femmes puissent être admises. Accepté à l'unanimité.''"
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En 1866, le congrès de l’AIT se prononce contre le droit des femmes au travail. C'est particulièrement la position des [[Proudhoniens|proudhoniens]], pour qui «&nbsp;''le travail des femmes doit être énergiquement condamné comme principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste''&nbsp;» et ''«&nbsp;La femme n'est point faite pour travailler&nbsp;; sa place est au foyer de la famille, elle est l'éducatrice naturelle de l'enfant, elle seule peut le préparer à l'existence civique, mâle et libre&nbsp;»''. La position de Marx et des délégués londoniens, rejetée, se positionnait pour le travail des femmes, mais disait&nbsp;: ''«&nbsp;les femmes doivent être rigoureusement exclues de n'importe quel travail de nuit, et de toute sorte de travail qui serait nuisible à l'organisme féminin si sensible&nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc054.htm Le parti de classe, Programme des délégués londoniens au congrès de Genève]''</ref>.''
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Le droit de vote n'est pas non plus une évidence pour les premiers socialistes. Certains avancent des arguments réactionnaires, d'autres craignent que le vote des femmes serait majoritairement conservateur en raison de leur moindre [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] (les femmes étant moins intégrées au marché du travail, moins syndiquées...).
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Lors de la réunion du Conseil général de l'AIT du 16 avril 1867, une lettre de [[Harriet_Law|Harriet Law]] concernant les droits des femmes a été lue, et il a été convenu de lui demander si elle serait prête à assister aux réunions du conseil. Le 25 juin 1867 elle est ainsi la première femme siégeant au Conseil général. Elle est souvent restée silencieuse, mais est intervenue dans un certain nombre de discussions. En 1868, Marx dit que "l'oratrice bien connue Harriet Law représente le mouvement athée populaire dans le Conseil général". C'est peut-être sous son influence que Marx a commencé à parler des femmes travailleuses dans ses déclarations et adresses.<ref>Christine Fauré, [http://books.google.fr/books?id=Qfq4_2xF8uUC&pg=PA345&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false Political and Historical Encyclopedia of Women], 2003</ref>
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A partir de février 1868, une deuxième femme est présente au Conseil général, Mme Morgan (peut-être l'épouse de [[William_Morgan|William Morgan]], membre du Conseil général depuis octobre 1864 et membre de la [[Reform_League|Reform League]]).
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Le 28 Juillet 1868, Marx parle au Conseil général de l'effet néfaste du [[Machinisme|machinisme]] aux mains des capitalistes sur "les enfants et les femmes". Il précise qu'il n'est pas contre l'intégration à la production des femmes et des enfants à partir de 9 ans, mais que dans les conditions actuelles l'effet est "abominable". Le débat se poursuivant le 4 août, [[Harriet_Law|Harriet Law]] dit que les machines ont rendu les femmes moins dépendantes aux hommes qu'auparavant, et qu'elles finiraient par les émanciper de l'esclavage domestique. Le 11 août, Marx met en avant la nécessité de la réduction du [[Temps_de_travail|temps de travail]] pour "les femmes et les enfants", ajoutant que dans la plupart des cas cela conduirait à la réduction du temps de travail pour les hommes.
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Marx proposa également une résolution au Conseil général appelant à la «&nbsp;''formation de branches de travailleuses''&nbsp;», de «&nbsp;''branches féminines au sein de la classe ouvrière''&nbsp;», sans interférer toutefois «&nbsp;''avec les branches mixtes existantes ou en formation''&nbsp;». Lors de la Conférence de 1871 de l'AIT, Marx propose cela au nom du Conseil général, en soulignant «&nbsp;''la nécessité de fonder des sections féminines dans les pays dont les industries emploient beaucoup de femmes''&nbsp;».
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Par ailleurs, Marx a dénoncé les tendances de la Section 12 aux États-Unis, dirigée par [[Victoria_Woodhull|Victoria Woodhull]], qui se cantonnait à un milieu [[Petit-bourgeois|petit-bourgeois]] et se centrait sur la spiritualité, l'[[Amour_libre|amour libre]], des monnaies alternatives...<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/archive/marx/works/1872/09/splits.htm Notes on the “American split”], 28/05/1872</ref>
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=== Socialisme et féminisme en France ===
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[[File:LouiseMichel.jpg|frame|right|137x174px|LouiseMichel.jpg]]Durant la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]], les femmes ont pris une part massive aux mobilisations et se sont organisées en comités de quartier. Parmi elles, il y eut des militantes comme [[Louise_Michel|Louise Michel]] ou encore [[Elisabeth_Dimitrieff|Elisabeth Dimitrieff]], qui a créé la première Union des femmes. Plus de mille d'entre elles passeront en conseil de guerre et les "[[Pétroleuses|Pétroleuses]]", accusées d'avoir incendié les maisons bourgeoises. La réaction se déchaînera sur elles, par exemple Alexandre Dumas fils (l'auteur de ''La Dame aux Camélias'') qui disait&nbsp;: «&nbsp;''Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent - quand elles sont mortes.&nbsp;»''
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Concernant les indemnités reçues par les proches des gardes nationaux, la Commune a donné la consigne aux mairies de ne faire aucune distinction entre femmes dites "illégitimes", mères et veuves.
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Après l'écrasement de la Commune de Paris, le mouvement ouvrier entame en France une traversée du désert. Les ex-Communardes, souvent renommées et adulées, n’apporteront aucun appui, se désintéressant du féminisme organisé (Louise Michel) ou ne le découvrant que tardivement ([[Paule_Mink|Paule Mink]]).
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Le premier congrès ouvrier à se réunir, à Paris en 1876, est dominé par les conceptions très modérées des positivistes et des proudhoniens. Il affirmait notamment que l’homme devait pouvoir travailler pour pourvoir aux besoins de son foyer, ''«&nbsp;la femme ayant pour devoir d’élever ses enfants, de pourvoir à l’éducation de la famille&nbsp;»''. Le congrès de Lyon (1878) sera sensiblement sur le même ton. Au congrès du [[Parti_Ouvrier_Français|Parti Ouvrier Français]] de 1877, des travailleurs proposent de voter pour l’interdiction du travail des femmes, demande rejetée.
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En 1876, [[Hubertine_Auclert|Hubertine Auclert]], qui est sans doute la première militante à se proclamer "[[Féministe|féministe]]", écrit que ''«&nbsp;Malgré les bienfaits de notre Révolution de 1789, deux sortes d’individus sont encore asservis&nbsp;: les prolétaires et les femmes. [...] Unissons nos efforts, associons-nous&nbsp;; l’exemple des prolétaires nous sollicite&nbsp;; sachons nous émanciper comme eux&nbsp;!&nbsp;»'' <ref>Hubertine Auclert, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=47&auteurid=43 Aux femmes], 1876</ref>A ce moment là, le mouvement féministe "officiel", naissant, refuse la revendication du droit de vote qu'elle défend. Elle espère alors beaucoup du [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]].
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Au congrès ouvrier de Marseille en 1879, [[Hubertine_Auclert|Hubertine Auclert]] tient un discours éloquent en faveur de la cause des femmes. Malgré la prégnance des mentalités conservatrices, elle parvient à faire voter une motion très avancée.<ref>Alternative libertaire, [http://www.alternativelibertaire.org/?1879-L-egalite-hommes-femmes-votee 1879 : L’égalité hommes-femmes votée par le congrès ouvrier], 2009</ref> Elle remercie d'emblée le congrès de la laisser parler ''«&nbsp;non parce qu’elle est ouvrière&nbsp;»,'' mais en tant que femme, ''«&nbsp;c’est-à-dire exploitée&nbsp;»''. Elle propose explicitement au prolétariat&nbsp;''«&nbsp;un pacte d’alliance défensif et offensif contre nos communs oppresseurs&nbsp;»''. Après 1880, année de divisions dans le mouvement ouvrier, Auclert ne remettra plus les pieds dans le mouvement socialiste et se consacrera exclusivement au droit de vote, avec son journal ''La Citoyenne''.
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Le programme du [[Parti_ouvrier_français|Parti ouvrier]] (1880) revendique la suppression ''«&nbsp;de tous les articles du Code [civil] établissant l'infériorité de la femme vis-à-vis de l'homme&nbsp;»''.<ref>[https://www.marxists.org/francais/inter_soc/pof/18800700.htm Programme du Parti ouvrier français], 1880</ref> Au sein du parti, [[Léonie_Rouzade|Léonie Rouzade]] créé l’Union des femmes, un groupe de femmes à Paris qui poussera pour une prise en compte des revendications féministes. Quand les revendications féministes auront finalement été intégrées au programme du parti, en 1885, l’Union des femmes aura périclité.
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[[File:MadeleinePelletier.jpg|frame|right|MadeleinePelletier.jpg]]Les grandes associations féministes qui naissent alors sont de fait des organisations bourgeoises, dont les rapports réciproques avec le mouvement ouvrier seront tendus. Les quelques militantes désireuses d’associer [[Féminisme|féminisme]] et mouvement ouvrier – [[Marie_Guillot|Marie Guillot]], [[Marie_Bonnevial|Marie Bonnevial]], [[Maria_Vérone|Maria Vérone]], [[Marianne_Rauze|Marianne Rauze]], [[Madeleine_Pelletier|Madeleine Pelletier]], [[Hélène_Brion|Hélène Brion]] ou encore [[Élisabeth_Renaud|Élisabeth Renaud]] – se retrouveront généralement isolées.
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Au Congrès syndical de Rennes de 1898, il est voté&nbsp;: ''«&nbsp;Dans tous les milieux, nous devons nous efforcer de propager cette idée que l'homme doit nourrir la femme.&nbsp;»'' Ce que critiquera nettement [[Jules_Guesde|Jules Guesde]].<ref>Jules Guesde, ''[https://www.marxists.org/francais/guesde/works/1898/10/guesde_18981009.htm La femme et son droit au travail]'', 9 octobre 1898</ref>
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En 1899, le premier socialiste à [[Ministérialisme|devenir ministre]] (du travail), [[Millerand|Millerand]], maintient des bas salaires pour de nombreuses employées de l'administration, ce qui alimentera la méfiance des féministes envers le socialisme<ref>Maria Pognon, [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=234&themeid=57 Les femmes et le parti socialiste], La Fronde, 03/11/1899</ref>.
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Dans une conférence en 1909, [[Léon_Jouhaux|Léon Jouhaux]] déplore que les [[CGT|cégétistes]] ne parviennent pas à mieux considérer leurs femmes et à en faire des camarades de lutte&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Les camarades'', ''même ceux qui sont conscients, même les militants, ne voient pas dans leur femme une amie, une compagne s’intéressant aux mêmes choses qu’eux&nbsp;; ils voient en elle un être inférieur dont la besogne consiste à faire bouillir la marmité, à raccommoder les chaussettes et à laver la vaisselle… Tant que les syndicalistes envisageront les choses de cette manière, ils en éprouveront les conséquences&nbsp;»''<ref>Léon Jouhaux, Conférence sur ''La femme et le Syndicalisme'', 19 décembre 1909 (cité dans E. Culot Marfurt, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=192 Droit au travail], 1910)</ref></blockquote>
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En 1913, suite à une agression très violente d'un mari sur sa femme qui faisait grève, le meeting de la CGT du lendemain condamne les violences des ouvriers&nbsp;: ''«&nbsp;On boit pour oublier sa misère, on cogne sur la femme parce qu'on n'a pas le courage de s'en prendre au patron.»''<ref>Marie-Victoire Louis , [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=584 Le droit de cuissage, France 1860-1930, Ch IX], 1994</ref> En septembre 1917 encore, le Comité fédéral national des Métaux adopte à l'unanimité une motion qui veut renvoyer les femmes au foyer.
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La décennie 1910 verra une nouvelle poussée de la question féministe au sein du mouvement ouvrier, principalement sous l'effet du [[Syndicalisme|syndicalisme]] des institutrices. En 1920 le syndicat se désignera comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''". [[Hélène_Brion|Hélène Brion]], institutrice syndicaliste, mit en avant la nécessité d'une [[Auto-organisation|auto-organisation]] des femmes&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;''Je ne fais pas du syndicalisme, même uni au socialisme, une panacée universelle pour guérir tous les maux [...] De même que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes,&nbsp;de même, l’émancipation des femmes ne doit et en peut être que l’oeuvre des féministes eux-mêmes.''&nbsp;»<ref name="Brion1918">Hélène Brion, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=182 Les partis d’avant-garde et le féminisme], La voie féministe, 01/11/1918</ref></blockquote>
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Elle reprochait au mouvement ouvrier son mépris des femmes, mais soulevait également le fait que le syndicalisme n'agit en rien sur l'[[Exploitation|exploitation]] que subissent les femmes à domicile. Elle dresse également une liste de projets de loi en faveur des droits des femmes, et conclut&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Parmi tous ces noms, camarades socialistes, pas un seul des vôtres&nbsp;! Parmi toutes ces réformes ou bribes de réformes arrachées par le constant travail et l’effort acharné du féminisme, pas une seule dont l’initiative vous revienne&nbsp;!&nbsp;»</blockquote>
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=== Au sein du socialisme allemand ===
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En Allemagne, les [[Lassaliens|lassaliens]] s'opposaient à l'agitation socialiste pour l'émancipation des femmes et à l'entrée croissante des femmes dans l'industrie. Lors du congrès d'unification de Gotha en 1875, l'aile marxisante (dirigée par Bebel) propose de défendre l'égalité des droits pour les femmes, ce que les lassaliens refusent au motif que les femmes ne seraient "pas prêtes".
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[[August_Bebel|August Bebel]], qui fut un théoricien majeur de la social-démocratie allemande, écrivit en 1879 ''La femme dans le passé, le présent et l'avenir'', qui eut une grande influence.<ref>Livre remanié en 1891 sous le titre [http://www.marxists.org/francais/bebel/bebel_fs.htm ''La femme et le socialisme'']</ref> Il y dénonce la [[Prostitution|prostitution]], le [[Mariage|mariage]] bourgeois (mariage d'intérêt), l'hypocrisie de l'Église et de l'État, mais aussi les préjugés des travailleurs masculins. Il défend fermement le droit de vote des femmes, le droit au divorce, le libre accès à tous les métiers... tout en affirmant que le socialisme est nécessaire pour l'émancipation des femmes (les progrès techniques feront diminuer les tâches domestiques, le mariage d'intérêt n'aura plus de raison d'être...). Bebel ne prenait pas non plus comme évidence la répartition genrée du travail d'élevage des enfants&nbsp;: «&nbsp;''la femme voudra jouir de son indépendance et non passer la moitié ou les trois quarts de ses belles années en état de grossesse ou avec un enfant au sein''&nbsp;». Bebel critique aussi la théorie des inégalités provenant d'une "faiblesse" innée des femmes.
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Lors du congrès fondateur de la II<sup>ème</sup> Internationale, en 1889, [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] fait l'un de ses premiers discours publics<ref name="Zetkin1889">Clara Zetkin, [http://www.particommuniste.be/index.php/notre-parti/29-acjj/124-la-lutte-pour-la-liberation-des-femmes ''La lutte pour la libération des femmes''], 1889</ref> où elle polémique contre les socialistes qui veulent interdire le travail des femmes. Elle y affirme aussi que ''«&nbsp;Sans l'aide des hommes et, il faut bien le dire, souvent même contre leur volonté, les femmes ont rejoint le camp socialiste.&nbsp;» ''Zetkin recrute un grand nombre de femmes à la social-démocratie et organise une structure féminine socialiste puissante mais clandestine, l'appartenance des femmes à un parti politique étant interdite à l'époque en Allemagne.
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Au congrès d'Erfurt du SPD (1891), qui adopte un programme marxiste formel, une majorité se dégage pour l'exigence d'égalité juridique.
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[[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] lance un journal "féministe" en 1891, appelé ''Gleichheit'' (égalité), qui atteindre les 100 000 exemplaires diffusés. A partir de janvier 1892 sera aussi publié à Vienne un ''Arbeiterinnenzeitung'' (journal des travailleuses). Ces journaux, dans lesquels écrivaient [[Louise_Kautsky|Louise Kautsky]], [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] ou [[Laura_Lafargue|Laura Lafargue]], se voulaient aborder la question des femmes d'un point de vue [[Marxiste|marxiste]]. Il n'y eut pas d'équivalent de ces journaux de masse en France.
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Les militant-e-s socialistes allemand-e-s rejetaient le terme de ''féminisme'', qu'elles associaient au [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]]. Les féministes bourgeoises qui centraient leur combat sur l'égalité des droits, appelées ''Frauenrechtlerinnen'' (littéralement les "droit-des-femmistes") étaient vertement critiquées.
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Une minorité parmi les femmes socialistes, notamment derrière [[Lilly_Braun|Lilly Braun]], prônait un rapprochement avec les organisations féministes bourgeoises. [[Gertrude_Guillaume-Shack|Gertrude Guillaume-Shack]], qui fut une dirigeante féministe, rejoignit le SPD en 1885, puis dut s'exiler en Angleterre en 1886 où elle rencontre Engels. Après quelques échanges, elle rompt avec les socialistes en 1887.
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=== Deuxième Internationale (1889-1914) ===
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[[File:Zetkin Luxemburg 1910.jpg|right|250x337px|Zetkin Luxemburg 1910.jpg]]La plupart des socialistes parlent encore de «&nbsp;double tâche sociale de la femme&nbsp;»&nbsp;: production et reproduction (celle-ci reposant sur une spécificité biologique des femmes). Cela les conduit à stigmatiser les revendications égalitaristes de certaines féministes.
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En Angleterre, [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] fait un travail d'organisation exceptionnel (qui est resté largement occulté par son statut de "fille de Karl Marx"), non seulement parmi les quartiers pauvres de l'Est londonien, mais aussi parmi les femmes travailleuses. Elle organise les premiers syndicats féminins du pays. En 1886, elle co-rédige un pamphlet, ''La question féminine<ref name="ElMarxQF">Eleanor Marx, [http://classiques.uqac.ca/classiques/marx_aveling_eleanor/question_feminine/question_feminine.html La question féminine], 1886</ref>''.
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Lors du deuxième Congrès international (1891), le leader de la social-démocratie belge, [[Emile_Vandervelde|Emile Vandervelde]] s'oppose aux revendications d'égalité des droits.
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L'[[Internationale_socialiste_des_femmes|Internationale socialiste des femmes]] (ISF) a été créée en 1907 comme organisation sœur de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]]. Sa première conférence eut lieu du 17 au 19 août 1907 à Stuttgart (Allemagne). Elle établit un secrétariat international sous la direction de [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]], et adopta une résolution pour le droit de vote des femmes, qui fut le départ d'une campagne active des organisations socialistes de femmes, dans la société, mais aussi au sein de leurs propres partis. Parmi les 7 femmes déléguées par la SFIO, [[Madeleine_Pelletier|Madeleine Pelletier]] vota contre la résolution affirmant qu'il fallait maintenir strictement une indépendance par rapport au féminisme bourgeois<ref>L’association IHOVAM, [http://ihovam.free.fr/spip.php?article141 PELLETIER Madeleine]</ref>.
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Leur combat dépassait cependant largement celui de l'égalité des droits&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Le droit de vote ou l'égalité civile de la femme, une fois inscrits dans les lois et les codes, l'exploitation économique des femmes n'en sera pas supprimée pour autant.&nbsp;»<br/> «&nbsp;La femme est l'esclave de l'usine et du foyer, sur elle pèse le fardeau de la double journée de travail.&nbsp;» Clara Zetkin</blockquote>
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En 1910, la deuxième conférence de l'ISF, à Copenhague en 1910 adopta la résolution d'une [[Journée_internationale_des_Femmes|Journée internationale des Femmes]] fixée au 8 mars de chaque année. Elle adopta aussi une résolution pour la Paix. Lors de la conférence de Bâle de l'Internationale ouvrière de 1912, Clara Zetkin prononça un discours enflammé pour la Paix et la nécessité des femmes socialistes de lutter contre la guerre qui touche principalement les «&nbsp;fils du prolétariat&nbsp;».
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Avec la [[Première_Guerre_mondiale|Première Guerre mondiale]], les activités de l'ISF connurent un temps d'arrêt. Cependant, une conférence se tint à Berne en mars 1915&nbsp;; ce fut d'ailleurs la première conférence socialiste internationale depuis le début de la guerre (avant la [[Conférence_de_Zimmerwald|conférence de Zimmerwald]]). Les femmes internationalistes menaient une propagande anti-guerre avec des tracts intitulés "''Où sont vos fils&nbsp;? Où sont vos maris&nbsp;?''".
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=== Révolution bolchévique de 1917 ===
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[[File:ConferenceLiberationFemmesKollontai.jpg|right|170x259px|ConferenceLiberationFemmesKollontai.jpg]]Le 8 mars 1917, les ouvrières et ménagères manifestatent à Petrograd pour réclamer du pain, la paix et le retour de leurs maris partis au front. En ce sens, on peut dire qu'elles ont été l'étincelle de la [[Révolution_russe_(1917)|Révolution Russe]].
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Les premières mesures des [[Bolchéviks|bolchéviks]] ont visé&nbsp;:
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*l'égalité des droits et de nouveaux droits spécifiques&nbsp;: droit au divorce, droit à l'avortement...
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*la tentative d'instaurer des services publics visant à socialiser les tâches réalisées dans les foyers principalement par les femmes,
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Des femmes furent mises en avant, comme [[Alexandra_Kollontaï|Alexandra Kollontaï]] qui fut nommée commissaire du peuple à l'Assistance publique [Santé] de novembre 1917 à mars 1918.
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Les tentatives d'émancipation sociale se sont heurtées à la misère de la jeune URSS, et rapidement, la bureaucratisation du pays a conduit y compris à des reculs en termes de droits.
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{{Voir|Condition des femmes en URSS}}
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=== Troisième Internationale (1919-1943) ===
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L'[[Internationale_Communiste|Internationale Communiste]] relança l'activité en direction des femmes, avec par exemple la création en 1920 d'un secrétariat international femmes avec représentation permanente au Comité Exécutif. [[File:AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg|right|385x299px|AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg]]L'IC insiste sur la nécessité d'accentuer la propagande envers les femmes prolétaires<ref name="3eCongres">III° Congrès de l'Internationale communiste, [https://www.marxists.org/francais/inter_com/1921/ic3_13.htm La propagande parmi les femmes], 1921</ref>.
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L'IC revendique alors des droits égaux, et est à l'origine de la [[Journée_internationales_des_femmes|journée internationales des femmes]] le 8 mars. La propagande mettait aussi l'accent sur la libération des femmes de l'esclavage des [[Tâches_domestiques|tâches domestiques]], notamment par l'accroissement de la socialisation (cantines, crèches...).
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L'IC réaffirme cependant une nette opposition à toute collaboration avec le féminisme non prolétarien, et donc a fortiori à des "organisations autonomes de femmes". Et dans la continuité du féminisme de la Deuxième internationale, on retrouve une tendance à l'[[Féminisme_différentialiste|essentialisation des femmes]] comme mères.
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Après la [[Seconde_guerre_mondiale|seconde guerre mondiale]], les partis staliniens créent la [[Fédération_démocratique_internationale_des_femmes|Fédération démocratique internationale des femmes]] (FDIF), en même temps que d'autres organisations satellites "larges" (la [[Fédération_syndicale_mondiale|FSM]], la [[Fédération_mondiale_de_la_jeunesse_démocratique|FMJD]]...). La FDIF sera centrée sur la paix et l'antifascisme, utilisés pour défendre les intérêts de l'[[URSS|URSS]].
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A partir des années 1930, le PC français assume des positions ouvertement anti-avortement et en défense de "la famille". En 1949, lorsqu’apparaît le livre ''Le Deuxième sexe'' de [[Simone_de_Beauvoir|Simone de Beauvoir]], le PCF réagit en déclarant qu’il s’agit d’un scandale et Jean Kanapa, un des intellectuels les plus en vue du parti, qualifie l’ouvrage «&nbsp;d’immondice&nbsp;».Le PCF a dénoncé les partisanes de l'avortement. Elles sont qualifiées d'alliées de la bourgeoisie dont le but serait d'affaiblir les rangs de la classe ouvrière en les privant d'enfants et en la détournant de la vraie lutte pour le pain et le socialisme. (Thorez, 1956) Les femmes sont seulement fêtées en tant que mères. Ainsi le PCF ne soutiendra pas le MLF, malgré la participation de femmes militantes du parti.
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=== Partis socialistes ===
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Dans la [[SFIO|SFIO]], jusqu’à la [[Seconde_Guerre_mondiale|Seconde Guerre mondiale]], il n'y avait qu'autour de 2 à 3&nbsp;% de femmes.
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Trois femmes ([[Cécile_Brunschvicg|Cécile Brunschvicg]], [[Irène_Joliot-Curie|Irène Joliot-Curie]], [[Suzanne_Lacore|Suzanne Lacore]]) particient au gouvernement du [[Front_populaire_(France)|Front populaire]] (1936) comme sous-secrétaires d’État. [[Léon_Blum|Léon Blum]] avait aussi proposé à la féministe [[Maria_Vérone|Maria Vérone]] d'être ministre. Néanmoins les féministes sont alors déçues par le gouvernement qui ne mobilise pas pour le droit de vote des femmes.
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Au sein du PS, la "nouvelle gauche" des années 1960 est plus ouverte au féminisme, notamment sous la pression du Mouvement démocratique féminin (MDF), qui comprendra des militantes comme [[Marie-Thérèse_Eyquem|Marie-Thérèse Eyquem]] ou [[Colette_Audry|Colette Audry]]. Audry milita activement dans les années 1970 pour l’instauration de quotas de femmes au sein des instances du PS. Une jonction s'opère dans les années 1970-1980 entre le [[Parti_socialiste_(France)|PS]] et le Mouvement français pour le Planning familial.
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Le PS au pouvoir créé en 1981 un ministère des Droits de la femme dirigé par [[Yvette_Roudy|Yvette Roudy]], qui happera vers les institutions de nombreuses féministes des années 1970.
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=== Mouvement anarchiste ===
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[[File:MujeresLibres.jpg|right|174x227px|MujeresLibres.jpg]]Les [[Anarchistes|anarchistes]] sont traversés de clivages semblables à celles des autres socialistes. Par exemple, [[Proudhon|Proudhon]] défendait le rôle traditionnel des femmes, [[Bakounine|Bakounine]] défendait que l'oppression des femmes provenait du capitalisme, tandis que des militantes anarchistes développèrent le combat féministe ([[Louise_Michel|Louise Michel]], [[Emma_Goldman|Emma Goldman]], [[Lucy_Parsons|Lucy Parsons]], [[Voltairine_de_Cleyre|Voltairine de Cleyre]]...). Certains syndicalistes anarchistes comme [[Georges_Yvetot|Georges Yvetot]] prirent clairement position contre les préjugés sexistes et réactionnaires de son milieu<ref>George Yvetot, [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=247&themeid=117 Que les femmes soient avec nous], Le Libertaire, 20/04/1912</ref>.
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[[Virginia_Bolten|Virginia Bolten]] anima le journal ''La voz de la mujer'' en Argentine en 1896, qui appelait les femmes à se rebeller contre l'oppression masculine tout en s'inscrivant dans la lutte prolétarienne. Sa devise était «&nbsp;Ni dieu ni maître, ni mari&nbsp;».
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En 1912, [[Madeleine_Pelletier|Madeleine Pelletier]], féministe proche des libertaires, écrivit un article intitulé ''Les anarchistes viennent au vote des femmes''.<ref>Madeleine Pelletier, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=281&auteurid=251 Les anarchistes viennent au vote des femmes], La Suffragiste, Octobre 1912</ref>
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En 1936, le «&nbsp;mouvement des femmes libres&nbsp;» participant à la [[Guerre_civile_espagnole|guerre civile espagnole]] fut un exemple fort de critique en armes.
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On parle aujourd'hui d'anarcha-féminisme.
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=== Courant féministe lutte de classe dans le MLF ===
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L’Alliance marxiste révolutionnaire (AMR) lance le 1<sup>er</sup> manifeste «&nbsp;féministe-luttes de classe&nbsp;»&nbsp;: Sortir de l’ombre&nbsp;: pour un féminisme autogestionnaire.<ref>http://www.autogestion.asso.fr/wp-content/uploads/2011/09/pourunfeminismeautogestionnaire.pdf</ref> Après des débats houleux, la [[Ligue_communiste_révolutionnaire_(France)|Ligue communiste révolutionnaire]] (LCR) apporte son soutien au mouvement féministe «&nbsp;autonome&nbsp;», en 1971-1972.<ref>Josette Trat, [http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article&id_article=16642 L’Histoire oubliée du courant « féministe luttes de classe »], 2009</ref> Elle participera à l’animation du courant féministe «&nbsp;luttes de classe&nbsp;», à des revues comme ''Les Pétroleuses'', ou encore en s'investissant dans le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC). Son orientation sera d'essayer de tourner les groupes femmes vers les campagnes de masse, tout en participant aux débats théoriques. Elle s'est opposé au séparatisme et à une conception systématique de la non mixité. En 1977, des féministes de la LCR créent la revue ''Les Cahiers du féminisme'' (1977-1998), qui sera progressivement considérée par la direction de l’organisation comme une revue de la LCR. [[Lutte_ouvrière|Lutte ouvrière]] participa aussi au MLAC, mais elle critiqua l'idée de mouvement autonome des femmes mis en avant par la LCR<ref name="LO_LDC21">Lutte ouvrière, [http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1972-1977-bilingue/article/feminisme-et-communisme Féminisme et communisme], Lutte de Classe n°21, septembre 1974</ref>.
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En 1982, sous l’impulsion du courant «&nbsp;féministe lutte de classes&nbsp;» ont lieu des ''Assises sur les femmes au travail et le droit au travail des femmes'', qui rassemblent 2000 personnes à la Sorbonne (des féministes du Planning familial, des syndicalistes, différentes associations...). Le but est d'interpeller le gouvernement PS sur sa politique. Cette initiative est boycottée par une partie des féministes, sous prétexte que cette initiative est mixte... Après cela, il y a plusieurs années d’atomisation et de repli du mouvement féministe dans des associations spécialisées par thème ou locales.
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Néanmoins, face à des évènements graves (plusieurs viols de femmes dans les transports en commun sans réaction du public) et l’offensive des commandos d’extrême droite à l’entrée des hôpitaux ou des cliniques pour tenter d’empêcher les femmes d’avorter, des militantes «&nbsp;féministes lutte de classe&nbsp;» créent différentes associations pour relancer l’activité féministe unitaire&nbsp;:
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*1985&nbsp;: création, avec des militantes du Planning, du Collectif féministe contre le viol. Leur action, conjointement à celle d’autres associations comme l’AVFT (Association contre les violences faites au femmes au travail), aboutira à une série de circulaires et de lois sur la question des violences&nbsp;: contre les abus sexuels sur les enfants (1989)&nbsp;; contre le harcèlement sexuel (1992), contre les violences domestiques.
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*1989&nbsp;: création de l’association «&nbsp;Elles sont pour&nbsp;», à l’occasion de la célébration du quarantenaire de la publication du livre de Simone de Beauvoir&nbsp;: ''Le deuxième sexe''.
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*1990&nbsp;: création de la CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception) qui réunira le Planning Familial, l’Association nationale des centres d’orthogénie, etc. Cette association, grâce à son travail de vigilance et de mobilisation contre les commandos d’extrême droite, obtiendra en 1993 une loi créant un délit d’entrave à l’IVG. Et surtout une amélioration de la loi sur l’avortement (2001)&nbsp;: délai pour l’IVG de 14 semaines au lieu de 12&nbsp;; possibilité pour les mineures d’avorter sans l’autorisation des parents à condition d’avoir un autre adulte comme référent etc.
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En 1997, 2000 personnes (une majorité de femmes) participent aux ''Assises pour les droits des femmes'', qui lance la création du [[Collectif_national_pour_les_droits_des_femmes|Collectif national pour les droits des femmes]] (CNDF). Des féministes lutte de classe en France sont aussi investies dans la Marche mondiale des femmes. Le CNDF a cependant perdu beaucoup de forces depuis.
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=== Luttes syndicales ===
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A plusieurs périodes, on retrouve dans les syndicats des pratiques et des réflexions qui s'inscrivent de fait dans le féminisme socialiste&nbsp;:
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*parmi les institutrices à partir de 1910, dont le syndicat se désignera en 1920 comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''"
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*le magazine féminin "Antoinette" de la CGT (1955-1989)<ref>[http://www.monde-diplomatique.fr/2012/03/LAMBERT/47541 Les Féministes de la CGT. Histoire du magazine « Antoinette » (1955-1989)]</ref>
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*parmi les femmes syndicalistes qui créeront la CFDT en 1964
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*la conférence des femmes travailleuses de 1977 de la CGT
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*1998&nbsp;: premières journées féministes de formation intersyndicale qui rassemblent de 3 à 400 personnes, chaque année.
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En 2004, 43% des syndiqué-e-s au Royaume-Uni étaient des femmes.<ref>TUC, 2009, Women and Recession, www.tuc.org.uk/extras/womenandrecession.pdf</ref>
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=== Féminisme marxiste actuel ===
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Aujourd'hui, celles et ceux qui se revendiquent du ''«&nbsp;féminisme marxiste&nbsp;»'' sont de fait une minorité parmi les courants féministes. Par ailleurs, beaucoup de militant-e-s se revendiquent ''«&nbsp;marxistes&nbsp;»'' et ''«&nbsp;féministes&nbsp;»'', mais ne considèrent pas que leur féminisme relève du ''«&nbsp;féminisme marxiste&nbsp;»''. Par ailleurs, il ne se dégage pas à l'heure actuelle une définition nette et hégémonique de ce que serait la définition du féminisme marxiste.
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Parmi les exemples d'organisations, de courants ou d'auteures se revendiquant du féminisme marxiste, on peut citer&nbsp;:
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*[[Radical_Women|Radical Women]] (organisation féministe marxiste aux Etats-Unis et en Australie)<ref>https://en.wikipedia.org/wiki/Radical_Women</ref>
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*"Féminisme marxiste [[Mouvement_autonome|autonome]]"&nbsp;:&nbsp;[[Mariarosa_Dalla_Costa|Mariarosa Dalla Costa]], [[Leopoldina_Fortunati|Leopoldina Fortunati]], [[Silvia_Federici|Silvia Federici]]...
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*Revue Incendo&nbsp;: [http://incendo.noblogs.org/ http://incendo.noblogs.org/]
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Le féminisme marxiste cherche généralement à intégrer l'analyse de l'oppression des femmes dans l'analyse marxiste traditionnelle du capitalisme&nbsp;:
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*Le travail des femmes ([[Travail_domestique|domestique]] en particulier) est généralement interprété dans le cadre de la notion de reproduction de la [[Force_de_travail|force de travail]], évoquée mais peu développée par [[Marx|Marx]]. C'est notamment le point central de l'analyse de [[Lise_Vogel|Lise Vogel]]<ref>Lise Vogel, ''Marxism and the Oppression of Women'', 1983</ref>, de [[Mariarosa_Dalla_Costa|Mariarosa Dalla Costa]], [[Tithi_Bhattacharya|Tithi Bhattacharya]], et de nombreu-se-x militant-e-s au Canada<ref>Sue Ferguson, David McNally, [https://viewpointmag.com/2015/10/31/social-reproduction-beyond-intersectionality-an-interview-with-sue-ferguson-and-david-mcnally/ ''Social Reproduction Beyond Intersectionality: An Interview''], 2015</ref>...
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*[[Silvia_Federici|Silvia Federici]] étend la notion d'[[Accumulation_primitive_du_capital|accumulation primitive du capital]], en soutenant que les femmes ont été et continuent à être une source d'accumulation de capital, à côté du travail salarié, et nécessaire au fonctionnement de l'ensemble.
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*Des marxistes (comme Hester Eisenstein dans ''Feminism Seduced'') ont dénoncé l'utilisation de réthorique féministe par les capitalistes pour justifier une surexploitation.
    
== Débats particuliers ==
 
== Débats particuliers ==

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