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Après le congrès des conseils, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le social-démocrate [[Noske|Noske]], dont la profession de foi est "je hais la révolution comme la peste", s'acoquine avec les [[Corps Francs|Corps Francs]], des groupes [[Paramilitaires|paramilitaires]] d'[[Extrême-droite|extrême-droite]]. Ces troupes, supplétives à celles pour l’instant inutilisable de l’armée bourgeoise, doivent être lancées contre la révolution, contre les conseils, et d’abord dans la capitale politique de l’Allemagne, Berlin. Le prétexte trouvé pour ce faire ne tardera pas.  
 
Après le congrès des conseils, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le social-démocrate [[Noske|Noske]], dont la profession de foi est "je hais la révolution comme la peste", s'acoquine avec les [[Corps Francs|Corps Francs]], des groupes [[Paramilitaires|paramilitaires]] d'[[Extrême-droite|extrême-droite]]. Ces troupes, supplétives à celles pour l’instant inutilisable de l’armée bourgeoise, doivent être lancées contre la révolution, contre les conseils, et d’abord dans la capitale politique de l’Allemagne, Berlin. Le prétexte trouvé pour ce faire ne tardera pas.  
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Le préfet de Berlin, [[Robert Emil Eichhorn|Emil Eichhorn]] a été porté à son poste par la Révolution et jouit de la confiance des masses berlinoises. Quand le gouvernement décide de le révoquer, tout un mouvement de protestation des délégués révolutionnaires et des indépendants de gauche démarre, une grève générale et des manifestations de masse ont lieu pendant deux jours dans la capitale. Mais le KPD hésite et débat sans fin sur l'orientation : maintien inconditionnel de Eichhorn ou insurrection ? Et c'est quand les travailleurs, lassés, rentrent tous chez eux, que [[Karl Liebknecht|Liebknecht]] et d'autres leaders ouvriers proclament un "gouvernement révolutionnaire provisoire" à Berlin.
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Le préfet de Berlin, [[Robert Emil Eichhorn|Emil Eichhorn]] a été porté à son poste par la Révolution et jouit de la confiance des masses berlinoises. Quand le gouvernement décide de le révoquer, tout un mouvement de protestation des délégués révolutionnaires et des indépendants de gauche démarre, une grève générale et des manifestations de masse ont lieu pendant deux jours dans la capitale. Mais le KPD hésite et débat sans fin sur l'orientation : maintien inconditionnel de Eichhorn ou insurrection ? Et c'est quand les travailleurs, lassés, rentrent tous chez eux, que [[Karl Liebknecht|Liebknecht]] et d'autres leaders ouvriers proclament un "gouvernement révolutionnaire provisoire" à Berlin.  
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C’est la débandade : les [[corps-francs|corps-francs]] interviennent et balayent les maigres troupes de ce "gouvernement révolutionnaire". Une première "semaine sanglante" s’ensuit, des morts jonchent les rues de Berlin, Luxembourg et Liebknecht sont arrêtés, puis assassinés le 15 janvier, privant le KPD de ses deux plus éminents dirigeants. Durant tout le printemps, ce qui s’est passé à Berlin va se répéter dans toute l’Allemagne. Ici, les conseils ouvriers résistent, un moment, s'armant pour se défendre. Ailleurs, non. Les affrontements passent d’une région à une autre. En Bavière, en avril, les sociaux-démocrates proclament une "République des conseils", ensuite dirigée par les communistes, deux semaines durant, avant que la répression particulièrement sauvage fasse de la Bavière le bastion de la réaction en Allemagne. Partout, la classe ouvrière combat, cherche à s’emparer des moyens de production, à s’armer. A Berlin, une nouvelle grève générale en mars aboutit à une autre "semaine sanglante". Sans coordination, une à une, les régions insurgées tombent sous les coups des corps-francs. A la fin du printemps 1919, les conseils ouvriers issus de la révolution de novembre ont été liquidés. Sous la direction social-démocrate, la répression a tué des milliers de travailleurs.  
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C’est la débandade : les [[Corps-francs|corps-francs]] interviennent et balayent les maigres troupes de ce "gouvernement révolutionnaire". Une première "semaine sanglante" s’ensuit, des morts jonchent les rues de Berlin, Luxemburg et Liebknecht sont arrêtés, puis assassinés le 15 janvier, privant le KPD de ses deux plus éminents dirigeants. Durant tout le printemps, ce qui s’est passé à Berlin va se répéter dans toute l’Allemagne. Ici, les conseils ouvriers résistent, un moment, s'armant pour se défendre. Ailleurs, non. Les affrontements passent d’une région à une autre. En Bavière, en avril, les sociaux-démocrates proclament une "République des conseils", ensuite dirigée par les communistes, deux semaines durant, avant que la répression particulièrement sauvage fasse de la Bavière le bastion de la [[réaction|réaction]] en Allemagne. Partout, la classe ouvrière combat, cherche à s’emparer des [[moyens de production|moyens de production]], à s’armer. A Berlin, une nouvelle grève générale en mars aboutit à une autre "semaine sanglante". Sans coordination, une à une, les régions insurgées tombent sous les coups des corps-francs. A la fin du printemps 1919, les conseils ouvriers issus de la révolution de novembre ont été liquidés. Sous la direction social-démocrate, la répression a tué des milliers de travailleurs.  
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=== Constituer un réel Parti Communiste&nbsp;: le poids de la troisième Internationale <br>  ===
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=== Mars 1920&nbsp;: putsch militaire et "gouvernement ouvrier"<br>  ===
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C’est vers le parti "indépendant", et pas vers le KPD(s), que se tournent en masse les travailleurs allemands au fur et à mesure que l’abomination de la politique social-démocrate les prend à la gorge. Cet afflux provoque une radicalisation de ce parti, qui prend position en 1919 contre le régime parlementaire et pour le pouvoir des conseils&nbsp;; la gauche y grandit sans cesse. Et c’est vers Moscou, vers la Russie des Soviets, vers la Troisième Internationale que sont tournés les espoirs de ces centaines de milliers de militants. Au sein du PC(s), la direction, à l’initiative de Paul Levi, va procéder à l’exclusion en bloc des gauchistes à l’été 1919. Cette scission délibérée ampute le PC de la moitié de ses effectifs (50 000 militants qui vont fonder le parti communiste des ouvriers d’Allemagne – K.A.P.D.). Mais elle ouvre la voie à un rapprochement avec la gauche du parti indépendant. C’est en décembre 1920, après le deuxième congrès de l’Internationale Communiste, que la fusion s’opère&nbsp;: le Parti Communiste Unifié d’Allemagne (V.K.P.D.) voit le jour, avec 350 000 membres, dont 300 000 viennent du parti indépendant, c’est-à-dire d’une rupture avec la social-démocratie de gauche, une rupture d’un parti ouvrier de masse. La direction de l’Internationale communiste joue dans l'affaire un rôle décisif. Zinoviev en personne, président de l’Internationale, s’est rendu au congrès du parti indépendant pour obtenir son adhésion à l’IC. Mais c’est sur la base d'une élaboration politique que l’IC joue son rôle. Les thèses de Lénine "démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat" adoptées dès le premier congrès polémiquent durement avec les positions du parti social-démocrate indépendant – et sont diffusées dans le monde entier, avec toute l’autorité que leur confère leur signature. Le deuxième congrès (1920) – auquel, nous l’avons dit, ont été invités les indépendants, mais aussi les membres du parti "gauchiste" allemand - s’attaque directement au gauchisme que Lénine critiquera dans son ouvrage "La Maladie infantile". Les thèses sur le mouvement syndical, sur le parlementarisme, sont une condamnation du "gauchisme" allemand notamment, elles rejettent l’isolement sectaire qui interdirait de construire des partis à même de conquérir le pouvoir. Cela dit, les meilleures thèses du monde ne peuvent aboutir à constituer ipso facto une direction révolutionnaire. La fusion est un pas en avant colossal, elle ne règle pas tous les problèmes politiques, loin de .  
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En mars 1920, estimant que la répression conduite par Noske créé les bonnes conditions, des généraux lancent un [[Putsch_de_Kapp|putsch]] et portent Wolfgang Kapp au pouvoir. Le drapeau impérial est hissé, les journaux et libertés suspendus, l'état de siège proclamé. Le gouvernement, prévenu à l’avance, n’a rien fait: les ministres sociaux-démocrates prennent la fuite. Or, en l’absence de [[Paul Lévi|Lévi]], emprisonné, la direction du [[KPD|KPD]] publie un tract suicidaire qui appelle les travailleurs "à ne pas lever le petit doigt pour la défense de la République".  
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=== Mars 1920&nbsp;: face au putsch militaire <br> ===
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C'est l’appareil des syndicats qui va se dresser contre le [[putsch de Kapp|putsch de Kapp]]. Le dirigeant syndical Legien, pilier du [[SPD|SPD]], perçoit avec la menace de restauration celle de la perte de tous ses privilèges. Le lendemain, la centrale syndicale lance un appel à la grève générale, suivie des social-démocrates majoritaires qui n’ont pas pris la fuite et des indépendants ([[USPD|USPD]]). Dès le 14 mars, Berlin est paralysé par la grève, un comité central unitaire voit le jour, puis dans tout le pays les ouvriers se soulèvent, s’arment. Le 17, Kapp s’enfuit, balayé par la puissance de combat de la classe ouvrière. La grève générale ne va pas cependant s'arrêter là, d'autant que les dirigeants syndicaux n'appellent pas à la reprise car ils veulent des garanties. Comme lors de tout mouvement d’ampleur de la [[classe ouvrière|classe ouvrière]], c’est la question du pouvoir qui est posée.<br>
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En mars 1920, estimant que la répression conduite par Noske en laisse la possibilité, le nommé Kapp, assisté par des généraux, prend le pouvoir. Le drapeau impérial est hissé, les journaux et libertés suspendus, l'état de siège proclamé. Le gouvernement, prévenu à l’avance, n’a rien fait: les ministres sociaux-démocrates prennent la fuite. Or, en l’absence de Lévi, emprisonné, la direction du PC(s) publie un tract qui appelle les travailleurs "à ne pas lever le petit doigt pour la défense de la République". Le ressort de cette position est un doctrinarisme terrible&nbsp;: il s’agirait de ne pas défendre cette République née de la répression des conseils ouvriers, cette forme de domination bourgeoise, contre une autre. Ainsi posé, on mesurera l’actualité du problème: la question n’est pas doctrinaire (une forme de domination de classe ou une autre), elle est dans la défense des conditions de combat, des libertés démocratiques, de la classe ouvrière. En réalité, seul le prolétariat peut effectivement assurer la défense des libertés démocratiques par un combat sur son propre terrain de classe, et ainsi remporter des victoires politiques des plus fécondes. Le putsch de Kapp va permettre d’ailleurs d’en prendre la mesure. Ce n’est pas la seule fois que des Partis Communistes adopteront une telle politique catastrophique. Ainsi, en Italie, en 1922, face à la montée du fascisme, la direction du PC italien (Bordiga) ne verra dans les bandes armées fascistes qu’une variante de la domination du Capital, allant jusqu’à interdire aux militants communistes toute participation aux actions d’autodéfense ouvrière. En juin 1923, la même position abstentionniste sera celle du PC bulgare, parti de masse, qui restera passif face au coup d’Etat amenant au pouvoir un régime policier dictatorial, qui rapidement tournera ses coups contre le Parti. Tous ces dirigeants de Partis Communistes, comme le stigmatisera Lénine au troisième congrès de l’Internationale, "n’ont pas compris grand chose à la Révolution russe", et en particulier à l’épisode de la tentative de coup d’état militaire de Kornilov, lors duquel les bolcheviques, sans prendre la moindre responsabilité pour le gouvernement provisoire, avaient appelé les travailleurs à faire, inconditionnellement, échec au coup – lutte victorieuse, jalon essentiel vers la prise du pouvoir. En Allemagne, c’est en fait … l’appareil social-démocrate des syndicats qui va se dresser contre le putsch de Kapp. Le dirigeant syndical Legien, pilier de la social-démocratie majoritaire, perçoit avec la menace de restauration celle de la perte de tous ses privilèges d’appareil. Le lendemain, la centrale syndicale lance un appel à la grève générale, suivie des social-démocrates majoritaires qui n’ont pas pris la fuite. Le Parti Indépendant fait de même de son côté. Dès le 14 mars, Berlin est paralysé par la grève. Puis dans tout le pays, les ouvriers se soulèvent, s’arment. Le 17, Kapp s’enfuit, balayé par la puissance de combat de la classe ouvrière. La grève générale ne va pas cependant s'arrêter là, d'autant que les dirigeants syndicaux n'appellent pas à la reprise car ils veulent des garanties. Comme lors de tout mouvement d’ampleur de la classe ouvrière, c’est la question du pouvoir qui est posée. Et c’est dans ces circonstances que va surgir une réponse nouvelle qui ne tardera pas à devenir une partie constitutive du programme de l’Internationale Communiste.  
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Legien propose, pour s’assurer l’épuration des éléments contre-révolutionnaires – y compris les "socialistes" type Ebert - et garantir la place des syndicats, que soit constitué un "gouvernement ouvrier" regroupant l’ensemble des organisations ouvrières, partis, syndicats, et elles seules. Cette proposition prend de court les Indépendants qui s’y opposent dans l’ensemble, ne voyant là qu’une réédition du gouvernement sans ministres bourgeois ayant existé en Allemagne après la révolution de novembre. Le KPD lui la soutient après quelques hésitations, comprenant que la constitution d’un tel gouvernement, sans signifier la réalisation de la [[dictature du prolétariat|dictature du prolétariat]], constituerait un pas en avant effectif pour toute la classe ouvrière allemande. Sur le moment, le refus des Indépendants de siéger dans un gouvernement aux côtés des sociaux-démocrates allait permettre à ces derniers de refuser les conditions posées par la centrale syndicale – notamment l’épuration radicale et l’ébauche de l’armement du prolétariat. Dans le même temps, le PC n’a pas cherché à prendre l’initiative ni mené de combat sur la ligne du gouvernement d’unité des organisations ouvrières. Le gouvernement ouvrier ne verra pas le jour – dans la Ruhr et dans la Saxe, des comités d’action unitaires assureront néanmoins le pouvoir quelques temps.  
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=== Le "gouvernement ouvrier", gouvernement d’unité des organisations ouvrières <br>  ===
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Cette occasion manquée, ce sont à nouveau les forces de l’Etat bourgeois qui vont se lancer dans une nouvelle vague de répression des masses. Mais en Allemagne aura été posée, presque pour la première fois, la question du pouvoir de la classe ouvrière sous la forme d’une transition vers la dictature du prolétariat. Le "gouvernement ouvrier" est cette transition, qui permet de poser la question du pouvoir en des termes immédiatement saisissables par la majorité des travailleurs. C’est d’ailleurs pourquoi, bien entendu, le "gouvernement ouvrier" est une idée générale qui s’exprime sous une forme concrète, ici celle d’un gouvernement d’unité des organisations ouvrières (partis, syndicats), puisqu’il s’agit de formuler l’objectif politique susceptible de rassembler la majorité des travailleurs contre la bourgeoisie. Le Parti à la conquête des masses&nbsp;: la lutte pour le front unique sur les revendications transitoires Avec une stabilisation relative de la situation en Europe, les communistes dans tous les pays peuvent constater qu’ils ne regroupent qu’une minorité plus ou moins importante de la classe ouvrière. La tempête révolutionnaire qui a soufflé dans toute l’Europe est calmée, et il s’agit– une fois les PC délimités politiquement – de s’atteler à la construction de partis susceptibles de conquérir le pouvoir.
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Legien propose, pour s’assurer l’épuration des éléments contre-révolutionnaires – y compris les "socialistes" type Ebert - et garantir la place des syndicats, que soit constitué un "gouvernement ouvrier" regroupant l’ensemble des organisations ouvrières, partis, syndicats, et elles seules (il a déjà fait la même démarche unitaire pour constituer un comité central de la grève générale). Cette proposition prend de court les Indépendants qui s’y opposent dans l’ensemble, ne voyant là qu’une réédition du gouvernement sans ministres bourgeois ayant existé en Allemagne après la révolution de novembre. Le KPD(s) qui lui la soutient, après quelques hésitations, comprenant que la constitution d’un tel gouvernement, sans signifier la réalisation de la dictature du prolétariat, constituerait un pas en avant effectif pour toute la classe ouvrière allemande. Sur le moment, le refus des Indépendants de siéger dans un gouvernement aux côtés des sociaux-démocrates allait permettre à ces derniers de refuser les conditions posées par la centrale syndicale – notamment l’épuration radicale et l’ébauche de l’armement du prolétariat. Dans le même temps, le PC n’a pas cherché à prendre l’initiative ni mené de combat sur la ligne du gouvernement d’unité des organisations ouvrières. Le gouvernement ouvrier ne verra pas le jour – dans la Ruhr et dans la Saxe, des comités d’action unitaires assureront néanmoins le pouvoir quelques temps. Cette occasion manquée, ce sont à nouveau les forces de l’Etat bourgeois qui vont se lancer dans une nouvelle vague de répression des masses. Mais en Allemagne aura été posée, presque pour la première fois, la question du pouvoir de la classe ouvrière sous la forme d’une transition vers la dictature du prolétariat. Le "gouvernement ouvrier" est cette transition, qui permet de poser la question du pouvoir en des termes immédiatement saisissables par la majorité des travailleurs. C’est d’ailleurs pourquoi, bien entendu, le "gouvernement ouvrier" est une idée générale qui s’exprime sous une forme concrète, ici celle d’un gouvernement d’unité des organisations ouvrières (partis, syndicats), puisqu’il s’agit de formuler l’objectif politique susceptible de rassembler la majorité des travailleurs contre la bourgeoisie. Le Parti à la conquête des masses&nbsp;: la lutte pour le front unique sur les revendications transitoires Avec une stabilisation relative de la situation en Europe, les communistes dans tous les pays peuvent constater qu’ils ne regroupent qu’une minorité plus ou moins importante de la classe ouvrière. La tempête révolutionnaire qui a soufflé dans toute l’Europe est calmée, et il s’agit– une fois les PC délimités politiquement – de s’atteler à la construction de partis susceptibles de conquérir le pouvoir. C’est encore d’Allemagne que va surgir la politique susceptible de le permettre, politique dont la discussion va être au coeur des débats de toute l’Internationale. Début janvier 1921, une réunion unitaire de métallos de Stuttgart adopte à l’initiative des communistes un appel aux dirigeants des centrales syndicales réclamant d’eux qu’ils organisent le combat pour les revendications urgentes (baisse des prix, hausse des allocations chômage, baisse des impôts sur les salaires et imposition des grosses fortunes, contrôle ouvrier sur le ravitaillement, l’inventaire de la production, désarmement des bandes réactionnaires et armement du prolétariat contre elles). Le VKPD publie cette adresse et la reprend à son compte. Il envoie le 7 janvier à toutes les organisations ouvrières (partis et syndicats) une «lettre ouverte» proposant une action commune sur un certain nombre de revendications recoupant largement celle des métallos de Stuttgart. Aucun parti ou centrale syndicale ne répond positivement à cette lettre . Mais, en mettant en avant la nécessité d’une action unitaire sur des revendications "transitoires", c’est-à-dire tournées contre les capitalistes et leur politique sans faire un préalable de l’adoption de son programme, le VKPD va remporter des succès considérables et élargir son audience. Des assemblées ouvrières se tiennent dans tous les secteurs et adoptent la lettre ouverte. Un pont est ainsi lancé entre les travailleurs communistes et ceux qui suivent les sociaux-démocrates. Les dirigeants syndicaux sont contraints, par le succès de la lettre ouverte, de durcir le ton à l’égard du gouvernement et de lancer eux-mêmes des combats partiels. La "Lettre ouverte", les revendications transitoires, le front unique, sont attaqués au sein du parti par sa "gauche" mais aussi par Bela Kun, et derrière lui Zinoviev. Ils considèrent cette tactique comme de l’opportunisme. Bela Kun, émissaire arrogant de l’I.C. aux moeurs d’aventurier qui repoussent nombre de vieux dirigeants communistes, utilise le prestige de l’Internationale pour pousser le PC "à l’offensive", "théorie" qu’il oppose au combat pour gagner la majorité de la classe ouvrière. Lénine tranchera le débat en soutenant, par écrit, puis au troisième congrès de l’I.C., la "Lettre ouverte": "ceux qui n’ont pas compris que la tactique de la «lettre ouverte» était obligatoire doivent être exclu de l’Internationale dans un délai maximum d’un mois après le congrès". Mais entre-temps, "l'offensive" a fait de terribles dégâts. <br>  
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=== Vers un parti de masse : le poids de l'I.C.<br>  ===
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C’est vers l'[[USPD|USPD]], et non vers le [[KPD|KPD]], que se tournent en masse les travailleurs allemands au fur et à mesure que l’abomination de la politique social-démocrate les prend à la gorge. Cet afflux radicalise ce parti, qui prend position en 1919 contre le régime parlementaire et pour le pouvoir des conseils, et dont l'aile gauche fonde beaucoup d'espoirs sur la Russie des soviets et l'Internationale communiste.  
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La direction du KPD, soutenue par l'IC, va alors décider à l'été 1919 d'exclure les gauchistes pour pouvoir se rapprocher de la gauche de l'USPD. Cela représente la moitié des effectifs (50 000 militants qui vont fonder le [[KAPD|KAPD]]) mais conduira en décembre 1920 à la fusion dans le [[Vereinigte_Kommunistische_Partei_Deutschlands|Parti communiste unifié d'Allemagne (VKPD)]], avec 350 000 membres. [[Lénine|Lénine]] et l'Internationale auront joué un rôle fondamental en critiquant tant les positions de l'USPD que des gauchistes, et en offrant une ligne politique claire au prolétariat allemande.<br>
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Début janvier 1921, une réunion unitaire de métallos de Stuttgart adopte à l’initiative des communistes un appel aux dirigeants des centrales syndicales réclamant d’eux qu’ils organisent le combat pour les revendications urgentes (baisse des prix, hausse des allocations chômage, baisse des impôts sur les salaires et imposition des grosses fortunes, contrôle ouvrier sur le ravitaillement, l’inventaire de la production, désarmement des bandes réactionnaires et armement du prolétariat contre elles). Le VKPD publie cette adresse et la reprend à son compte. Il envoie le 7 janvier à toutes les organisations ouvrières (partis et syndicats) une «lettre ouverte» proposant une action commune sur un certain nombre de revendications recoupant largement celle des métallos de Stuttgart. Aucun parti ou centrale syndicale ne répond positivement à cette lettre . Mais, en mettant en avant la nécessité d’une action unitaire sur des revendications "transitoires", c’est-à-dire tournées contre les capitalistes et leur politique sans faire un préalable de l’adoption de son programme, le VKPD va remporter des succès considérables et élargir son audience. Des assemblées ouvrières se tiennent dans tous les secteurs et adoptent la lettre ouverte. Un pont est ainsi lancé entre les travailleurs communistes et ceux qui suivent les sociaux-démocrates. Les dirigeants syndicaux sont contraints, par le succès de la lettre ouverte, de durcir le ton à l’égard du gouvernement et de lancer eux-mêmes des combats partiels. La "Lettre ouverte", les revendications transitoires, le front unique, sont attaqués au sein du parti par sa "gauche" mais aussi par Bela Kun, et derrière lui Zinoviev. Ils considèrent cette tactique comme de l’opportunisme. Bela Kun, émissaire arrogant de l’I.C. aux moeurs d’aventurier qui repoussent nombre de vieux dirigeants communistes, utilise le prestige de l’Internationale pour pousser le PC "à l’offensive", "théorie" qu’il oppose au combat pour gagner la majorité de la classe ouvrière. Lénine tranchera le débat en soutenant, par écrit, puis au troisième congrès de l’I.C., la "Lettre ouverte": "ceux qui n’ont pas compris que la tactique de la «lettre ouverte» était obligatoire doivent être exclu de l’Internationale dans un délai maximum d’un mois après le congrès". Mais entre-temps, "l'offensive" a fait de terribles dégâts. <br>  
    
=== "L'action de mars 21"&nbsp;: le gauchisme manque de détruire le parti communiste <br>  ===
 
=== "L'action de mars 21"&nbsp;: le gauchisme manque de détruire le parti communiste <br>  ===
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== Les leçons pour les socialistes<br>  ==
 
== Les leçons pour les socialistes<br>  ==
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Au delà de la trahison de la social-démocratie, qui a surpris tous les socialistes sincères, Lénine le premier, les révolutionnaires allemands ont tardé à réagir.  
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Au delà de la [[Union_sacrée_(1914)|trahison de la social-démocratie]], qui a surpris tous les socialistes sincères, [[Lénine|Lénine]] le premier, les révolutionnaires allemands ont tardé à réagir.  
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Cette première erreur en a aggravé une autre&nbsp;: celle du gauchisme. Il est certain qu'organiser une fraction révolutionnaire centralisée dès 1914 aurait de beaucoup amoindri l'inexpérience et le manque d’homogénéité politique dans lequel se trouvait le KPD en 1919, au moment où ses actions allaient être décisives.  
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Cette première erreur en a aggravé une autre&nbsp;: celle du [[gauchisme|gauchisme]]. Il est certain qu'organiser une fraction révolutionnaire centralisée dès 1914 aurait de beaucoup amoindri l'inexpérience et le manque d’homogénéité politique dans lequel se trouvait le KPD en 1919, au moment où ses actions allaient être décisives.  
    
== Notes et sources<br>  ==
 
== Notes et sources<br>  ==

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