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Etant donné que le gouvernement de collaboration de classe refuse les revendications populaires (la [[Paix|paix]], la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]], la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]), les bolchéviks mènent une agitation de plus en plus efficace avec les mots d'ordre ''« La paix, le pain et la terre »'' et ''« Tout le pouvoir aux Soviets »''. Ils progressent rapidement, mais surtout dans les milieux ouvriers urbains.
 
Etant donné que le gouvernement de collaboration de classe refuse les revendications populaires (la [[Paix|paix]], la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]], la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]), les bolchéviks mènent une agitation de plus en plus efficace avec les mots d'ordre ''« La paix, le pain et la terre »'' et ''« Tout le pouvoir aux Soviets »''. Ils progressent rapidement, mais surtout dans les milieux ouvriers urbains.
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Le 3 juin 1917 s'ouvre le premier [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] de Russie. Les bolcheviks n'y ont que 105 délégués contre 285 pour les [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] et 248 pour les [[Mencheviks|mencheviks]]<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=380|id=RP}}.</ref>, mais ils dénoncent vigoureusement l'entente avec la bourgeoisie, et [[Lénine|Lénine]] déclare que le Parti bolchevik est prêt à exercer le pouvoir<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=388|id=RP}}.</ref>. Dans le même temps, la tension monte parmi les soldats de Petrograd. Le Congrès des Soviets organise pour le 18 juin une manifestation de soutien aux [[Soviet|soviets]] qui prend un caractère pro-bolchevik.
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Le 3 juin 1917 s'ouvre le premier [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] de Russie. Les bolcheviks n'y ont que 105 délégués contre 285 pour les [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] et 248 pour les [[Mencheviks|mencheviks]]<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=380|id=RP}}.</ref>, mais ils dénoncent vigoureusement l'entente avec la bourgeoisie, et [[Lénine|Lénine]] déclare que le Parti bolchevik est prêt à exercer le pouvoir<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=388|id=RP}}.</ref>. Dans le même temps, la tension monte parmi les soldats de Petrograd. Le Congrès des Soviets organise pour le 18 juin une manifestation de soutien aux [[Soviet|soviets]] qui prend un caractère pro-bolchevik. Néanmoins, d<span>ès la manifestation du 18 juin, les bolcheviks mettent publique­ment en garde les ouvriers contre une action prématurée.</span>
    
[[Alexandre_Kerensky|Alexandre Kerensky]], alors ministre de la Guerre et de la Marine, persuadé que la démocratie russe ne pouvait survivre qu'avec une armée forte et disciplinée et que le moral de celle-ci avait besoin du prestige d'une victoire militaire, ordonne pour le 12 juin<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=386|id=RP}}.</ref> une vaste offensive contre les forces austro-hongroises, l'«&nbsp;[[Offensive_Kerensky|offensive Kerensky]]&nbsp;». Le 16 juin, l'armée déclenche d'intenses pilonnage d'artillerie contre les Autrichiens pendant deux jours<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=527|id=OF}}.</ref>, puis passe à l'attaque. D'abord avec succès. Puis les soldats se mutinent et refusent les ordres d'attaque. Refus qui se transforme bientôt en débandade<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=390|id=RP}}.</ref>.
 
[[Alexandre_Kerensky|Alexandre Kerensky]], alors ministre de la Guerre et de la Marine, persuadé que la démocratie russe ne pouvait survivre qu'avec une armée forte et disciplinée et que le moral de celle-ci avait besoin du prestige d'une victoire militaire, ordonne pour le 12 juin<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=386|id=RP}}.</ref> une vaste offensive contre les forces austro-hongroises, l'«&nbsp;[[Offensive_Kerensky|offensive Kerensky]]&nbsp;». Le 16 juin, l'armée déclenche d'intenses pilonnage d'artillerie contre les Autrichiens pendant deux jours<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=527|id=OF}}.</ref>, puis passe à l'attaque. D'abord avec succès. Puis les soldats se mutinent et refusent les ordres d'attaque. Refus qui se transforme bientôt en débandade<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=390|id=RP}}.</ref>.
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Après des rumeurs concernant un renforcement de la discipline dans l'armée, les soldats de la garnison de Petrograd craignent d'être envoyés au front<ref name="harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH">{{harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH}}.</ref>. La popularité de [[Kerensky|Kerensky]] se dégrade et les slogans réclamant le renversement du gouvernement provisoire trouvent un écho particulier.
 
Après des rumeurs concernant un renforcement de la discipline dans l'armée, les soldats de la garnison de Petrograd craignent d'être envoyés au front<ref name="harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH">{{harvsp|Heller|1985|p=25|id=MH}}.</ref>. La popularité de [[Kerensky|Kerensky]] se dégrade et les slogans réclamant le renversement du gouvernement provisoire trouvent un écho particulier.
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Les nouvelles de l'échec de l'offensive russe en Galicie déclenchent le 3 juillet à Petrograd une vague de protestations qui se prolongent pendant quatre jours. Les 3 et 4 juillet, les soldats stationnés dans la capitale refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers et les marins de [[Kronstadt|Kronstadt]], ils manifestent «&nbsp;dans le but de confier le pouvoir&nbsp;» au [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]]<ref>[[Marc Ferro]], ''La Révolution de 1917'', Albin Michel, Paris, 1997, p. 501.</ref>. Les protestations des travailleurs se sont rapidement transformées en de violentes [[Émeutes|émeutes]].
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Les nouvelles de l'échec de l'offensive russe en Galicie déclenchent le 3 juillet à Petrograd une vague de protestations qui se prolongent pendant quatre jours. Les soldats stationnés dans la capitale refusent de repartir au front.
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Le 3 juillet, ce sont d'abord des soldats qui se révoltent, et qui <span>entreprennent immédiatement de gagner les ouvriers à leur action. Aux ate­liers Poutilov, la plus grande concentration d'ouvriers en Russie, ils obtiennent un suc­cès décisif :</span>
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<span>«''Environ dix mille ouvriers s'assemblèrent devant les locaux de l'administration. Acclamés, les mitrailleurs racontèrent qu'ils avaient reçu l'ordre de partir le 4 juillet pour le front, mais qu'ils avaient résolu "de marcher non du côté du front allemand, contre le prolétariat allemand, mais bien contre leurs propres ministres capitalistes". L'état des esprits monta. "En avant ! En avant !" crièrent les ouvriers.'' »<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrrsomm.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref></span>
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<span>En quelques heures, le prolétariat de toute la ville, ainsi que </span>les marins de [[Kronstadt|Kronstadt]],<span>se soulève, s'arme et se rassemble au­tour du mot d'ordre « tout le pouvoir aux<span></span>soviets ». Ce sont d'abord des </span>anarchistes qui les soutiennent. Les protestations des travailleurs se sont rapidement transformées en de violentes [[Émeutes|émeutes]]. Un manifestant lance au [[Parti_SR|SR]] [[Victor_Tchernov|Victor Tchernov]] : ''«&nbsp;Prend le pouvoir fils de pute, puisqu'on te le donne !&nbsp;»<ref>[https://www.youtube.com/watch?v=f3ajJshCJ2A Lénine, une autre histoire de la révolution russe] - ARTE </ref><ref>https://fr.internationalism.org/rinte90/russe.htm</ref>''
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<span>L'après-midi du 3 juillet, les délégués des régiments de mitrailleurs parviennent à ga­gner le soutien de la conférence locale des bolcheviks et sont choqués d'apprendre que le parti s'est prononcé contre l'action. Les arguments donnés par le parti - selon les­quels la bourgeoisie veut provoquer le prolétariat de Petrograd pour lui faire porter la responsabilité du fiasco sur le front, que la situation n'est pas mûre pour l'insurrection armée et que le meilleur moment pour une action d'envergure arrivera quand l'effon­drement du front sera connu de tous - mon­tre que les bolcheviks ont immédiatement saisi la signification et le danger des événe­ments</span>.
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<span>La nuit du 3 au 4 juillet, le Comité central du parti et celui de Petrograd décident d'appuyer le mouvement et de se mettre à sa tète, dans le but d'assurer son « ''caractère pacifique et organisé'' ». Contrairement aux événements spontanés et chaotiques du jour précédent, les manifesta­tions gigantesques du 4 juillet traduisent « ''la main organisatrice du parti'' ».</span>
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<span>Au soir du 4 juillet, [[Zinoviev|Zinoviev]]&nbsp;s'adresse à des dizaines de milliers d'ouvriers, de Poutilov et d'ailleurs. Il en­tame son discours avec un ton de plaisante­rie pour détendre l'atmosphère et finit en appelant les ouvriers à rentrer chez eux pa­cifiquement. Ce que font les ouvriers. Il les a convaincu que l'heure de la révolution n'est pas encore là mais qu'elle arrive.</span>
    
En parallèle, la défaite en Galicie ouvre une crise ministérielle&nbsp;: le prince Lvov démissionne, et Kerensky se retrouve à la tête du gouvernement provisoire. C'est lui qui prendra des mesures répressives en juillet pour maintenir l'ordre.
 
En parallèle, la défaite en Galicie ouvre une crise ministérielle&nbsp;: le prince Lvov démissionne, et Kerensky se retrouve à la tête du gouvernement provisoire. C'est lui qui prendra des mesures répressives en juillet pour maintenir l'ordre.
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== Débats historiographiques ==
 
== Débats historiographiques ==
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Des historiens remettent en question la version défendue par les [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple l'histoire de droite Richard Pipes écrit&nbsp;:
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Des historiens remettent en question la version défendue par les [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple l'historien de droite Richard Pipes écrit&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;Nul événement en Russie n'a d'avantage fait l'objet de mensonges délibérés que l'insurrection de juillet 1917. La raison en est simple, ce fut la faute la plus lourde de Lénine, une erreur de jugement qui faillit anéantir le Parti bolchevique, comparable au putsch de Munich d'Hitler en 1923. Afin de nier leur responsabilité, les bolcheviks se portèrent à des extrémités peu communes, présentant le putsch comme une manifestation spontanée qu'ils se seraient évertués à rendre pacifique.&nbsp;»<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP}}.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;Nul événement en Russie n'a d'avantage fait l'objet de mensonges délibérés que l'insurrection de juillet 1917. La raison en est simple, ce fut la faute la plus lourde de Lénine, une erreur de jugement qui faillit anéantir le Parti bolchevique, comparable au putsch de Munich d'Hitler en 1923. Afin de nier leur responsabilité, les bolcheviks se portèrent à des extrémités peu communes, présentant le putsch comme une manifestation spontanée qu'ils se seraient évertués à rendre pacifique.&nbsp;»<ref>{{harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP}}.</ref></blockquote>  
 
Plus généralement les journées de juillet 1917 sont une question historiographique encore débattue. En particulier, la question du rôle exact des bolcheviks reste ouverte. Avaient-ils l'intention de renverser le Gouvernement provisoire<ref name="harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP">{{harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP}}.</ref>&nbsp;? En avaient-ils les moyens<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=530|id=OF}}.</ref><sup>,</sup><ref>{{harvsp|Figes|2007|p=539 et 541|id=OF}}.</ref>&nbsp;? Ont-ils essayé de le faire&nbsp;? Ou la crainte d'être débordés par un mouvement spontané les a-t-ils dissuadés d'y participer trop activement<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=535|id=OF}}.</ref>&nbsp;? Ont-ils - en particulier Lénine - manqué de résolution&nbsp;? Ont-ils délibérément joué l'apaisement pour attendre une heure plus propice&nbsp;?
 
Plus généralement les journées de juillet 1917 sont une question historiographique encore débattue. En particulier, la question du rôle exact des bolcheviks reste ouverte. Avaient-ils l'intention de renverser le Gouvernement provisoire<ref name="harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP">{{harvsp|Pipes|1993|p=391|id=RP}}.</ref>&nbsp;? En avaient-ils les moyens<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=530|id=OF}}.</ref><sup>,</sup><ref>{{harvsp|Figes|2007|p=539 et 541|id=OF}}.</ref>&nbsp;? Ont-ils essayé de le faire&nbsp;? Ou la crainte d'être débordés par un mouvement spontané les a-t-ils dissuadés d'y participer trop activement<ref>{{harvsp|Figes|2007|p=535|id=OF}}.</ref>&nbsp;? Ont-ils - en particulier Lénine - manqué de résolution&nbsp;? Ont-ils délibérément joué l'apaisement pour attendre une heure plus propice&nbsp;?

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