Ligne 35 :
Ligne 35 :
== L'Union sacrée dans les différents pays ==
== L'Union sacrée dans les différents pays ==
−
Dans tous les pays d'Europe il y eut une pression à l'Union nationale. Presque toutes les sections de l'Internationale ouvrière se rangèrent derrière leur bourgeoisie. Les seuls députés socialistes à voter contre les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] furent les Russes ([[Bolchéviks|bolchéviks]] et [[Menchéviks|menchéviks]]), les Serbes, et les minoritaires Anglais de l'Independant Labour Party.
+
Dans tous les pays d'Europe il y eut une pression à l'Union nationale. Presque toutes les sections de l'Internationale ouvrière se rangèrent derrière leur bourgeoisie. Les seuls députés socialistes à voter contre les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] furent les Russes ([[Bolchéviks|bolchéviks]] et [[Menchéviks|menchéviks]]), les Serbes, et les minoritaires Anglais de l'[[Independant_Labour_Party|Independant Labour Party]].
=== France ===
=== France ===
Ligne 43 :
Ligne 43 :
''« On s’est mis à la remorque du gouvernement et de sir Edward Grey et on continue »'' déplorait [[Rosmer|Rosmer]] fin juillet.
''« On s’est mis à la remorque du gouvernement et de sir Edward Grey et on continue »'' déplorait [[Rosmer|Rosmer]] fin juillet.
−
Pendant les derniers jours de juillet 1914 et les premiers jours d'août, le mot d'ordre « ''Non à la guerre'' » se transforme en celui de « ''Défense nationale d'abord'' ». Après l'assassinat de Jean Jaurès le <span class="date-lien nowrap datasortkey" data-sort-value="1914-07-31">31 juillet 1914</span>, [[Miguel_Almereyda|Miguel Almereyda]] écrit dans ''[[Le_Bonnet_rouge|Le Bonnet rouge]]'' du 1<sup>er</sup> a<span class="date-lien nowrap datasortkey" data-sort-value="1914-08-01">oût 1914</span> : « ''Bloc autour de la France menacée ! Le bloc que nous réclamions, il y a quatre mois, pour le salut de la république, nous l'appelons de tout notre cœur pour le salut de la patrie'' ». Le <span class="date-lien nowrap datasortkey" data-sort-value="1914-08-04">4 août 1914</span>, [[Léon_Jouhaux|Léon Jouhaux]], secrétaire général de la CGT, sur la tombe de Jean Jaurès, prétend exprimer le sentiment de « ''la classe ouvrière au cœur meurtri'' » en rejetant la responsabilité de la guerre sur les empereurs et les aristocraties d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Les ouvriers deviennent des « ''soldats de la liberté'' » appelés à défendre la patrie où naquit l'idéal <span class="mw-redirect">révolutionnaire</span>. La chanteur socialiste [[Montéhus|Montéhus]] se rallie aussi à l'Union sacrée.<ref>Montéhus, [https://www.youtube.com/watch?v=C_Rg5iadkMg ''Lettre d'un socialo''], 1914 </ref>
+
Pendant les derniers jours de juillet 1914 et les premiers jours d'août, le mot d'ordre « ''Non à la guerre'' » se transforme en celui de « ''Défense nationale d'abord'' ». Après l'assassinat de Jean Jaurès le <span data-sort-value="1914-07-31" class="date-lien nowrap datasortkey">31 juillet 1914</span>, [[Miguel_Almereyda|Miguel Almereyda]] écrit dans ''[[Le_Bonnet_rouge|Le Bonnet rouge]]'' du 1<sup>er</sup> a<span data-sort-value="1914-08-01" class="date-lien nowrap datasortkey">oût 1914</span> : « ''Bloc autour de la France menacée ! Le bloc que nous réclamions, il y a quatre mois, pour le salut de la république, nous l'appelons de tout notre cœur pour le salut de la patrie'' ». Le <span data-sort-value="1914-08-04" class="date-lien nowrap datasortkey">4 août 1914</span>, [[Léon_Jouhaux|Léon Jouhaux]], secrétaire général de la CGT, sur la tombe de Jean Jaurès, prétend exprimer le sentiment de « ''la classe ouvrière au cœur meurtri'' » en rejetant la responsabilité de la guerre sur les empereurs et les aristocraties d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Les ouvriers deviennent des « ''soldats de la liberté'' » appelés à défendre la patrie où naquit l'idéal <span class="mw-redirect">révolutionnaire</span>. La chanteur socialiste [[Montéhus|Montéhus]] se rallie aussi à l'Union sacrée.<ref>Montéhus, [https://www.youtube.com/watch?v=C_Rg5iadkMg ''Lettre d'un socialo''], 1914 </ref>
Le terme d'union sacrée fut utilisé pour la première fois par le Président Raymond Poincaré dans son message à la Chambre des députés le 4 août 1914 :
Le terme d'union sacrée fut utilisé pour la première fois par le Président Raymond Poincaré dans son message à la Chambre des députés le 4 août 1914 :
<blockquote>« Dans la guerre qui s'engage, la France [...] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'''union sacrée'' et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique »</blockquote> <!--cke_bookmark_96S--><!--cke_bookmark_96E-->
<blockquote>« Dans la guerre qui s'engage, la France [...] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'''union sacrée'' et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique »</blockquote> <!--cke_bookmark_96S--><!--cke_bookmark_96E-->
−
Et effectivement, l’ensemble des organisations syndicales et politiques de gauches ([[Confédération_Générale_du_Travail|CGT]] et [[Section_Française_de_l'Internationale_Ouvrière|SFIO]] en tête) proclamèrent le soutien à l'unité de la Nation. Cette unanimité nationale persista, mis à part quelques dissidences de gauche, jusqu’à la fin du conflit. Les principaux dirigeants basculent vers le [[Social-chauvinisme|social-chauvinisme]] : [[Renaudel|Renaudel]], [[Guesde|Guesde]], [[Marcel_Sembat|Sembat]], [[Gustave_Hervé|Hervé]]...
+
Et effectivement, l’ensemble des organisations syndicales et politiques de gauches ([[Confédération_Générale_du_Travail|CGT]] et [[Section_Française_de_l'Internationale_Ouvrière|SFIO]] en tête) proclamèrent le soutien à l'unité de la Nation. Cette unanimité nationale persista, mis à part quelques dissidences de gauche, jusqu’à la fin du conflit. Les principaux dirigeants basculent vers le [[Social-chauvinisme|social-chauvinisme]] : [[Renaudel|Renaudel]], [[Guesde|Guesde]], [[Marcel_Sembat|Sembat]], [[Édouard_Vaillant|Vaillant]], [[Gustave_Hervé|Hervé]]...
Un courant [[Centriste|centriste]] se dessina autour de Longuet (les longuettistes) et Pressmane et autour de Bourderon et Merrheim.
Un courant [[Centriste|centriste]] se dessina autour de Longuet (les longuettistes) et Pressmane et autour de Bourderon et Merrheim.
Ligne 93 :
Ligne 93 :
L’Union Sacrée se forme en Russie lorsque la Douma vote des [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]], mais la gauche est nettement plus divisée qu'ailleurs. Les [[POSDR|social-démocrates russes]] étaient déjà divisés entre [[Bolchéviks|bolchéviks]] et [[Menchéviks|menchéviks]] depuis 1903, et la scission est formelle depuis 1912 : les bolchéviks se regroupent autour du Comité central, tandis que les menchéviks sont autour du Comité d'organisation.
L’Union Sacrée se forme en Russie lorsque la Douma vote des [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]], mais la gauche est nettement plus divisée qu'ailleurs. Les [[POSDR|social-démocrates russes]] étaient déjà divisés entre [[Bolchéviks|bolchéviks]] et [[Menchéviks|menchéviks]] depuis 1903, et la scission est formelle depuis 1912 : les bolchéviks se regroupent autour du Comité central, tandis que les menchéviks sont autour du Comité d'organisation.
−
La plupart des bolchéviks refusent l'Union sacrée. Les 5 représentants bolchéviks à la Douma (Mouranov, Pétrovski, Chagov, Badaïev, Samoïlov) sont déportés en Sibérie. De plus, les ouvriers bolchéviks à Pétrograd votent ''contre la ''participation aux comités des industries de guerre. Lénine prône ouvertement le ''« [[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme révolutionnaire]] »''.
+
La plupart des bolchéviks refusent l'Union sacrée. Les 5 représentants bolchéviks à la Douma (Mouranov, Pétrovski, Chagov, Badaïev, Samoïlov) sont déportés en Sibérie. De plus, les ouvriers bolchéviks à Pétrograd votent ''contre la ''participation aux comités des industries de guerre. Lénine prône ouvertement le ''« [[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme révolutionnaire]] »'', même si certains bolchéviks ne sont pas à l'aise avec cette ligne.
Les menchéviks et leurs représentants à la Douma sont divisés. Certains sont ouvertement sur une ligne de ''« [[Défense_de_la_patrie|défense de la patrie]] »'', comme [[Plékhanov|Plékhanov]], [[Zassoulitch|Zassoulitch]], [[Vladimir_Osipovich_Tsederbaum|Lévitski]], voire ouvertement social-chauvins comme [[Alexandre_Potressov|Potressov]]. Mais la plupart, même ceux qui sont opposés à la ligne de ''« défense de la patrie »'' ([[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], [[Tsérétéli_(1914)|Tsérétéli]]...), appellent à voter néanmoins pour les comités des industries de guerre, afin de ne pas nuire à l'effort de guerre. Seule une minorité ''« internationaliste »'' autour de [[Martov|Martov]] et [[Axelrod|Axelrod]] s'oppose à cette ligne, mais ne veut pas rompre avec le reste des menchéviks (ligne [[Centriste|centriste]]).
Les menchéviks et leurs représentants à la Douma sont divisés. Certains sont ouvertement sur une ligne de ''« [[Défense_de_la_patrie|défense de la patrie]] »'', comme [[Plékhanov|Plékhanov]], [[Zassoulitch|Zassoulitch]], [[Vladimir_Osipovich_Tsederbaum|Lévitski]], voire ouvertement social-chauvins comme [[Alexandre_Potressov|Potressov]]. Mais la plupart, même ceux qui sont opposés à la ligne de ''« défense de la patrie »'' ([[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], [[Tsérétéli_(1914)|Tsérétéli]]...), appellent à voter néanmoins pour les comités des industries de guerre, afin de ne pas nuire à l'effort de guerre. Seule une minorité ''« internationaliste »'' autour de [[Martov|Martov]] et [[Axelrod|Axelrod]] s'oppose à cette ligne, mais ne veut pas rompre avec le reste des menchéviks (ligne [[Centriste|centriste]]).
−
[[Trotsky|Trotsky]] a rompu avec les menchéviks en 1914, et évolue vers la gauche. Il s'est opposée à la guerre sur une ligne révolutionnaire, mais continue à reprocher aux bolchéviks d'être des scissionistes sectaires. Lénine le considère comme un [[Centriste|centriste]] pendant la guerre, tout en notant cette évolution.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/12/vil19161200.htm Lettre ouverte à B. Souvarine]'', 1916</ref>
+
[[Trotsky|Trotsky]] a rompu avec les menchéviks en 1914, et évolue vers la gauche. Il participe au groupe des [[Interrayons]]. Il est fermement ''internationaliste'', mais pas sur la ligne du ''« [[défaitisme|défaitisme]] »'' de [[Lénine|Lénine]]. Il s'est opposée à la guerre sur une ligne révolutionnaire, mais continue à reprocher aux bolchéviks d'être des scissionistes sectaires. Lénine le considère comme un [[Centriste|centriste]] pendant la guerre, tout en notant cette évolution.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/12/vil19161200.htm Lettre ouverte à B. Souvarine]'', 1916</ref>
+
+
Les [[Socialistes-révolutionnaires|Socialistes-révolutionnaires]] sont également divisés. Certains comme [[Catherine_Breshkovski|Catherine Breshkovski]] et [[Vadim_Roudnev|Vadim Roudnev]] sont social-chauvins.
+
+
Il est à noter que la [[révolution_de_février_1917|révolution de février 1917]] change l'attitude de beaucoup de socialistes : même si la guerre continue, le [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] révolutionnaire est jugé digne d'être défendu. Ainsi la majorité des [[Parti_SR|SR]] ([[Kerensky|Kerensky]], [[Viktor_Tchernov|Tchernov]], [[Avram_Gots|Gots]], [[Avksentiev|Avksentiev]], Zenzinov...) et des [[menchéviks|menchéviks]] ([[Fiodor_Dan|Dan]], [[Irakli_Tsereteli|Tsereteli]], [[Raphael_Abramovich|Abramovich]], [[Mikhail_Liber|Liber]]...) prennent après Février une position de ''« défensisme révolutionnaire »''. Ce sont eux qui domineront parmi les socialistes jusqu'à la [[révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]]. Martov maintient la ligne ''internationaliste''. Certains comme [[Fiodor_Dan|Dan]] et [[Raphael_Abramovich|Abramovich]] le rejoignent à nouveau. [[Kerensky|Kerensky]] évoluera rapidement vers un soutien actif à la guerre, en y jouant un rôle actif à la tête du gouvernement provisoire. Les [[SR_de_gauche|SR de gauche]] (comme [[Mark_Natanson|Mark Natanson]]), en général plus jeunes, étaient plus internationalistes.
=== Autriche ===
=== Autriche ===
Ligne 111 :
Ligne 115 :
=== Angleterre ===
=== Angleterre ===
−
La majorité du [[Travaillisme|mouvement travailliste]] (Hyndman, les [[Fabiens|fabiens]]...) et la centrale syndicale [[Trade_Union_Congress|Trade Union Congress]] soutiennent la guerre. Seul s'y oppose l'[[Independent_Labour_Party|Independent Labour Party]] (Philip Snowden, Ramsay MacDonald...) un parti [[Centrisme|centriste]].
+
La majorité du [[Travaillisme|mouvement travailliste]] ([[Henry_Hyndman|Hyndman]], les [[Fabiens|fabiens]]...) et la centrale syndicale [[Trade_Union_Congress|Trade Union Congress]] soutiennent la guerre. Seul s'y oppose l'[[Independent_Labour_Party|Independent Labour Party]] ([[Philip_Snowden|Philip Snowden]], [[Ramsay_MacDonald|Ramsay MacDonald]]...), un parti [[Centrisme|centriste]].
−
Internationalistes : le journal ''The Trade‑Unionist'' et ''une partie'' des membres du [[Parti_socialiste_britannique|Parti socialiste britannique]] et de l'Independent Labour Party (William Russel, par exemple, qui a appelé ouvertement à rompre avec les chefs ''traîtres'' au socialisme)
+
Internationalistes : le journal ''The Trade‑Unionist'' et ''une partie'' des membres du [[Parti_socialiste_britannique|Parti socialiste britannique]] et de l'Independent Labour Party ([[William_Russel|William Russel]], par exemple, qui a appelé ouvertement à rompre avec les chefs ''traîtres'' au socialisme).
−
En Ecosse, le leader ouvrier [[John_MacLean|John MacLean]] refuse le ralliement à la guerre. Condamné aux ''travaux forcés'' pour sa lutte révolutionnaire contre la guerre
+
En Ecosse, le leader ouvrier [[John_MacLean|John MacLean]] refuse le ralliement à la guerre. Condamné aux ''travaux forcés'' pour sa lutte révolutionnaire contre la guerre.
=== Suède ===
=== Suède ===
Ligne 169 :
Ligne 173 :
=== Serbie ===
=== Serbie ===
−
La majorité du parti social-démocrate conserva des positions internationalistes.
+
Presque tout le parti social-démocrate conserva des positions internationalistes.
=== Bulgarie ===
=== Bulgarie ===