Précariat

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Jeune manifestant contre le Contrat première embauche, Soissons (Aisne), 28 mars 2006.

Le précariat désigne la couche de travailleurs soumis au travail précaire.

Depuis les années 1980 et le tournant néolibéral, la classe dominante a cherché partout à lutter contre la dégradation des taux de profit en augmentant les taux d'exploitation, en particulier en précarisant le travail.

Beaucoup de penseurs ont écrit au sujet d'une supposée disparition du « salariat », inexorablement remplacé par le « précariat ».

1 Nouvelle classe sociale ?[modifier | modifier le wikicode]

À la fin des années 1980, un certain nombre de sociologues français commençaient à parler de travail précaire. Dans le monde anglophone, l’ouvrage qui a tenté de systématiser cette idée, c’est The Precariat, de Guy Standing. Il y affirme que le précariat forme une classe sociale à part entière, distincte de la classe ouvrière. Selon cette lecture, la classe ouvrière, c’est la classe ouvrière syndiquée du monde industrialisé des années 1950 et 1960 : les personnes qui avaient un emploi à temps plein, stable, qui restaient dans la même boîte pendant 20 ou 30 ans, qu’on ne pouvait pas embaucher ou licencier en claquant des doigts, etc.

Selon Guy Standing, le précariat recouvre un nombre croissant de travailleurs, en particulier parmi les jeunes et les minorités ethniques, embauchés dans des entreprises où les syndicats sont absents, qui sont employés à temps partiel, et surtout – c’est pour lui le plus important – qui exercent un travail précaire et de courte durée : ce sont des travailleurs qui changent constamment de boulot. L’argument de Standing est donc que cette couche sociale, le précariat, possède un potentiel plus radical que la classe ouvrière. Cette idée d'une époque fondamentalement nouvelle s'accompagne souvent de l'idée que la désindustrialisation a connu un saut qualitatif.

S'il ne fait aucun doute que la précarité a augmenté par rapport à la génération précédente, ce discours pose un certain nombre de problèmes.

Premièrement, au niveau des faits, l'emploi stable reste la forme dominante de l'économie. S'il y a bien eu une nette augmentation de la précarité au moment du tournant néolibéral, avec passage d'une période de précarité faible à une période de précarité élevée, celle-ci tend plutôt à plafonner depuis quelques décennies. Aux États-Unis, le sous-emploi dans la période 1974-2019 a augmenté de 30 % par rapport à la période 1948-1973, mais il n’a presque pas augmenté entre 1978 et 2008, passant de 15,2 % à 15,5 %. Au Royaume-Uni, les emplois temporaires ne représentent que 6 % de l’ensemble, et l’ancienneté moyenne dans les entreprises est restée plus ou moins constante entre 1975 et 2015. En France, 84,7 % des salariés sont toujours employés en CDI.[1]

Il y a une augmentation réelle du travail à temps partiel, dans le secteur de la santé ou de la grande distribution. Mais dans de nombreux cas, si les employeurs recourent davantage à du travail partiel afin de ne pas payer de cotisations sociales, les travailleurs restent néanmoins 10 ou 15 ans dans la même entreprise, tout en n'obtenant jamais un contrat à temps plein. Ce sont surtout les défaites accumulées depuis le tournant néolibéral et le démantèlement de la protection sociale qui ont aggravé les conséquences du chômage pour les travailleurs d’aujourd’hui.

Deuxièmement, il s'agit d'un curieux emploi du terme « salariat ». Par exemple lorsque Marx emploie ce terme au 19e siècle, la précarité est courante et les contrats de travail quasi inexistants. Suite aux nombreux acquis sociaux des années d'après-guerre ("Trente glorieuses"), de nombreuses personnes se sont mises à associer le terme de salariat aux contrats relativement protecteurs comme le CDI, et en viennent donc à théoriser que les formes de travail qui se développent en dehors (CDI, contrats divers pour les jeunes, auto-entrepreneurs...) sont radicalement différents et nouveaux. Ce serait une nouvelle phase du capitalisme. En réalité, historiquement, c'est plutôt la parenthèse des Trente glorieuses qui a connu une précarité plus basse que la moyenne, et nous sommes de retour à ce qui est la tendance intrinsèque du capitalisme.

Par ailleurs, sur le plan de la reproduction sociale, il n'y a pas de frontière nette entre travailleurs "protégés" et précaires.

2 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Existe-t-il une classe de précaires ? Interview de Charles Post, Version complète en anglais

  1. Juan Sebastian Carbonell, Le travail a-t-il un avenir ?, Le Grand Continent, novembre 2020