Contre-révolution

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Blason du gouvernement que le général Blanc Koltchak projettait d'installer.

La contre-révolution désigne le camp opposé à un processus révolutionnaire (qu'il soit démocratique-bourgeois ou socialiste-ouvrier) Cela désigne aussi, sur le plus long terme, les courants politiques opposés à un héritage révolutionnaire, qui tentent d’en annuler ou d'en limiter les effets. La victoire du camp contre-révolutionnaire n'engendre jamais un simple retour à l'état antérieur, mais un durcissement autoritaire, au moins temporairement, et des représailles contre les révolutionnaires. C'est la pointe extrême du mouvement réactionnaire, et à ce titre, les contre-révolutionnaires sont généralement d'extrême droite.

La contre-révolution peut agir dans les domaines théorique (Joseph de Maistre), politique (le cordon sanitaire), militaire (armée des émigrés, vendéens et chouans, armées blanches russes...), économique (le blocus)…

Au cours d'une révolution, il est fréquent que le mouvement révolutionnaire se divise et qu'une partie qualifie un autre courant de contre-révolutionnaire, ou l'accuse de faire le jeu de la contre-révolution, etc.

1 Révolutions bourgeoises et contre-révolution[modifier | modifier le wikicode]

2 Contre la Révolution française de 1789[modifier | modifier le wikicode]

La révolution française de 1789 a eu un impact politique et idéologique profond (y compris sur les mouvements ouvriers), et a en retour engendré un vaste mouvement politique se définissant en réaction à cet héritage, en visant une restauration de la monarchie. (Cependant il est important de noter que plus le temps a passé, plus nombreux ont été les courants réactionnaires se revendiquant de 1789 et l'opposant aux socialistes.)

2.1 Pendant la révolution[modifier | modifier le wikicode]

La Révolution fait face à plusieurs menaces armées : Armée des émigrés, Vendéens, Chouans, Barbets Niçois, Guerre des Paysans (1798)...

En face des théories révolutionnaires, une pensée contre-révolutionnaire se développe très vite, avec Jacques Mallet du Pan, Joseph de Maistre, ou avec les « aristocrates noirs »[1] comme Montlosier, Louis de Bonald ou l'abbé Maury. Ce mouvement en France compte plus de 300 députés (sur 1200) dans l'Assemblée constituante de 1789, ils s'y expriment peu (excepté l'excellent orateur Jacques Antoine Marie de Cazalès car ce sont essentiellement des militaires peu habitués à cet exercice) mais ont laissé de nombreux comptes rendus à leurs commettants (électeurs), conformément au mandat impératif : majoritairement ils veulent réformer la monarchie absolue au profit d'une monarchie parlementaire. Impuissante à s'exprimer pacifiquement, sa presse étant baillonnée (par exemple Les Actes des Apôtres supprimés en 1791), ses partisans exécutés à partir du 10 août 1792, la contre-révolution est affaiblie par l'émigration qui la prive d'une partie de ses soutiens à l'intérieur du pays. On estime à 150 000 au moins le nombre des émigrés, dont un grand nombre d'officiers qui auraient pu encadrer une paysannerie peu favorable aux excès des révolutionnaires parisiens[2].

Parmi les « contre-révolutionnaires » de cette époque, on peut aussi citer Augustin Barruel, Antoine Blanc de Saint-Bonnet et Pierre-Paul Royer-Collard, Étienne Henri d'Escayrac Lauture, Antoine de Rivarol ou encore François-René de Chateaubriand.

La pensée contre-révolutionnaire se développe aussi dans d'autres pays, comme avec Edmund Burke en Angleterre dès 1790, et Juan Donoso Cortés en Espagne. On peut les répartir en deux grandes catégories : les uns, comme Burke et Royer-Collard, s'inscrivent dans une grande mesure au sein de la tradition libérale, d'autres se font les défenseurs d'un traditionalisme antilibéral — comme Blanc de Saint-Bonnet — ou d'un autoritarisme radical — comme Donoso Cortés.

2.2 Bonapartisme et Restauration[modifier | modifier le wikicode]

La promulgation de l'Empire par Napoléon Ier n'est généralement pas considéré comme un tournant contre-révolutionnaire. En effet, Bonaparte maintient la plupart des réformes bourgeoises issues de la révolution, même s'il canalise les aspirations du « peuple » vers un régime autoritaire centré sur sa personne. Ce phénomène sera appelé bonapartisme par les marxistes et appliqué à d'autres situations.

En revanche la Restauration de la monarchie à partir de 1814 représente plus clairement une victoire partielle de la contre-révolution. Il s'agit cependant seulement d'une contre-révolution politique (partielle, car si elle revient sur les aspects les plus démocratiques de 1789, elle ne rétablit pas une monarchie absolue), qui n'annule pas la révolution sociale. C'est par exemple sous le règne de Charles X qu'est votée la Loi du milliard aux émigrés, qui dédommage les Blancs qui ont émigré lors de la Révolution.

2.3 « L'école antilibérale » (19e siècle)[modifier | modifier le wikicode]

Beaucoup de clercs de l'Église catholique romaine sous le conseil de Papes (Pie IX, syllabus) et dans la conduite des Cardinal Pie, abbé Augustin Barruel, Jean-Joseph Gaume, Louis-Gaston de Ségur, Ernest Jouin et la Revue internationale des sociétés secrètes vont prêcher une doctrine en opposition avec les principes révolutionnaires de 1789.

2.4 L'école « légitimiste »[modifier | modifier le wikicode]

Par la suite, sont contre-révolutionnaires les mouvements politiques qui nient toute légitimité à la Révolution de 1789. L’historien René Rémond les appelle les légitimistes. C’est ainsi que la plupart des monarchistes post-révolutionnaires (Carlisme, Miguelisme), en tant que partisans d’un retour partiel ou complet à l’Ancien Régime, sont contre-révolutionnaires.

Certains hommes vantent l'Ancien Régime et le catholicisme traditionnel contre le libéralisme, tout en ayant des modes de vie marqués par la modernité, comme les écrivains Charles Baudelaire et Jules Barbey d'Aurevilly.

Le parti légitimiste disparaît en 1902 à la suite du ralliement à la République de la majorité de ses députés à la demande du pape. Ils rejoignent alors le parti conservateur. Le mouvement contre-révolutionnaire des légitimistes est aujourd'hui anecdotique en France, même s'il existe sous la forme de l'Union des cercles légitimistes de France, le bimestriel le Lien légitimiste et l'Institut de la maison de Bourbon.

2.5 L'école « nationaliste » et « maurrassienne »[modifier | modifier le wikicode]

Au 20e siècle, la contre-révolution prend une nouvelle forme avec le nationalisme contre-révolutionnaire actif notamment sous le Régime de Vichy, qui selon René Rémond est plus un régime contre-révolutionnaire (malgré le nom de sa politique, dite de Révolution nationale), qu’un régime fasciste : la devise Travail, Famille, Patrie remplace la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité.

Maurras, par le biais de son mouvement l'Action française, construit une nouvelle forme de nationalisme, cette fois de tendance contre-révolutionnaire, en réaction face au catholicisme libéral de Marc Sangnier et au jacobinisme de la IIIe République. C'est ce qu'il appelle le « nationalisme intégral », qui n'est autre que la monarchie qu'il souhaite restaurer. 

On peut aussi rattacher à ce courant Marthe Borély, qui admire l'Ancien régime (et qui se définit comme « contreféministe »), même si elle s'éloigne de Maurras lorsque celui-ci se dit en faveur du suffrage féminin.

Aujourd'hui le groupe Renouveau français se définit comme « nationaliste français et contre-révolutionnaire » et catholique.

2.6 Le « catholicisme traditionnel »[modifier | modifier le wikicode]

Le sacré-cœur, symbole des traditionalistes catholiques

Les thèses contre-révolutionnaires et anti-libérales vont revivre par le biais de l'action politique et spirituelle du catholicisme traditionnel de Mgr Lefebvre et de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (ou FSSPX). Les fidèles de la Tradition catholique militent en effet activement pour restaurer les principes politiques qui ont façonné la « chrétienté » (religion d'État, doctrine et règne du Christ Roi, Syllabus…) et s'opposent à ceux de la Révolution française (de 1789), du libéralisme, du modernisme et du progressisme dans l'Église.

Pour beaucoup de ces catholiques le sceau et l'emblème de la contre-révolution est la dévotion au Sacré-Cœur qu'ils arborent sur le drapeau tricolore avec la devise « Espoir et salut de la France ».

Parmi les traditionalistes catholiques, on peut citer le militaire Pierre Chateau-Jobert .

Parmi les maisons d'édition les plus connues de ce courant on peut citer les Éditions de Chiré.

3 Contre la révolution russe de 1905[modifier | modifier le wikicode]

Après la vague révolutionnaire de 1905-1906, qui n'aboutit qu'à des concessions temporaires du tsarisme (Douma), les années 1907-1911 sont des années de profonde réaction.

Pendant la dictature de Stolypine, plus de 5.000 condamnations à mort furent prononcées et environ 3.500 personnes réellement exécutées – c’était au moins trois fois le nombre de toute la période du mouvement de masse (sans compter , bien sûr, les exécutions sans procès après la défaite de l’insurrection armée).[3]

Le parti s'effondra. Les intellectuels furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation.[4]

A la fin janvier 1909, Lénine commentait l'était du mouvement de la façon suivante :

Le parti vient de passer une année de malaise, une année de désarroi politique et idéologique, une année de cheminements incertains. Les effectifs de toutes les organisations ont baissé ; certaines, celles qui comprenaient le moins de prolétaires, se sont désagrégées.

La cause principale de la crise du parti (…) réside dans le fait que le parti ouvrier s’épure des éléments hésitants, intellectuels et petits-bourgeois, qui s’étaient ralliés au mouvement ouvrier surtout dans l’espoir de voir triompher rapidement la révolution démocratique bourgeoise et qui ne pouvaient tenir ferme pendant la période de réaction. L’instabilité s’est manifestée aussi dans le domaine de la théorie (« les déviations par rapport au marxisme révolutionnaire »…), dans le domaine de la tactique (« amputer les mots d’ordre »), aussi bien que dans le domaine de la politique d’organisation.[5]

4 Contre la Révolution russe de 1917[modifier | modifier le wikicode]

La révolution russe a été un long processus de février à octobre, suivi d'une guerre civile très violente. Les camp de la révolution et de la contre-révolution ont évolué tout au long de ce processus, et la victoire des rouges a eu un impact majeur sur les références politiques des contre-révolutionnaires au 20e siècle.

La révolution de février fait chuter en quelques jours l'Ancien régime tsariste, que l'immense majorité du peuple (paysans, ouvriers, petite-bourgeois...) en était venu à détester. La contre-révolution (nobles, officiers et junkers, cosaques...) fait globalement profil bas pendant des mois. Mais elle existe toujours, et n'a pas réellement été désarmée. La plupart des gradés de l'armée sont des monarchistes qui enragent de leur impuissance face à des soldats qui se sont organisés en comités et ont aboli l'ancienne discipline et les mauvais traitements. Le gouvernement provisoire, soutenu par les socialistes réformistes, ne prend aucune mesure sérieuse pour enraciner la démocratie (pas de purge des institutions, pas de proclamation de la République, report de l'Assemblée constituante...). La bourgeoisie libérale (parti KD essentiellement) fait bloc avec les monarchistes contre les revendications radicales des ouvriers, de soldats et des paysans. Les socialistes conciliateurs (menchéviks et SR) soutiennent le gouvernement provisoire, et les socialistes révolutionnaires (bolchéviks) forment l'opposition révolutionnaire à sa gauche.

Accueil triomphal de l'Union des officiers au général Kornilov

Au fur et à mesure du discrédit du gouvernement provisoire, qui ne règle aucune question centrale, l'opposition bolchévique se renforce, et le gouvernement s'appuie de plus en plus sur les forces réactionnaires pour la réprimer (notamment lors des journées de juillet). Cela permet de plus en plus à la contre-révolution (non seulement anti-socialiste, mais anti-démocrate) de relever la tête. Trotski décrit ainsi les forces de la contre-révolution en juin :

« La contre-révolution se mobilisait tout à fait ouvertement, inspirée par le comité central du parti cadet, par l'état-major politique de tous ceux qui avaient quelque chose à perdre. Le comité principal de l'union des officiers, au Grand Quartier Général, à Mohilev, représentant environ cent mille officiers mécontents et le soviet de l'union des troupes cosaques à Petrograd constituaient les deux leviers militaires de la contre-révolution. La Douma d'Etat, malgré la décision prise en juin par le congrès des soviets, décida de continuer ses " séances privées ". Son comité provisoire couvrait légalement l'activité contre-révolutionnaire que finançaient largement les banques et les ambassades de l'Entente.  »[6]

La contre-révolution prend une forme ouverte avec la tentative de putsch de Kornilov, mais celui-ci subit une défaite. Les bolchéviks et les SR de gauche reprennent alors l'initiative, parvenant à devenir majoritaires. Mais les forces réactionnaires étaient toujours là. Par exemple lorsque les bolchéviks obtiennent la majorité au Soviet de Kalouga, aussitôt la Douma municipale, avec l'assentiment du commissaire du gouvernement, fait venir des troupes de Minsk et bombarde avec de l'artillerie le siège des Soviets. Au moment où les bolchéviksabandonnaient le bâtiment, des Cosaques les attaquèrent en criant :« Voilà ce qui arrivera à tous les Soviets bolcheviks, y compris ceux de Moscou et Petrograd ! »[7]

Dans cette situation il fallait que l'un des camps prennent une initiative. Ce fut le camp révolutionnaire, débouchant sur une nouvelle révolution, celle d'Octobre.

Le tournant socialiste de la révolution va alors provoquer un conflit ouvert avec la contre-révolution, et des forces révolutionnaires d'hier basculent rapidement vers la réaction tout en voyant leur base populaire s'effondrer (menchéviks, SR...). La contre-révolution va être incarnée par les armées blanches, soutenues par les interventions impérialistes. Les maîtres d'hier étaient scandalisés du grand renversement, comme le montre la citation d'un général russe (Zalesky) outré :

« Qui donc croira qu'un garçon de cour ou bien un gardien du Palais de Justice aient pu devenir tout à coup présidents du congrès des juges de paix ? Ou bien un infirmier devenant directeur d'ambulance ? Un coiffeur devient un haut fonctionnaire ? Un sous-lieutenant d'hier passe généralissime ? Un laquais d'hier ou bien un manœuvre est nommé préfet ! Celui qui hier encore graissait les roues des wagons devient chef d'une section du réseau ou bien chef de gare… Un serrurier est placé à la tête d'un atelier ! »[8]

L'article 58 du code pénal de la RSFSR

5 Autres mouvements contre-révolutionnaires[modifier | modifier le wikicode]

6 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Thomas Molnar, La Contre-révolution (The Counter-Revolution). Traduit de l'anglais par Olivier Postal Vinay. Paris, Coll. « 10/18 », Union générale d'éditions, 1972.
  • Jacques Godechot, La contre-révolution (1789-1804), 2e ed. Paris : Presses universitaires de France, 1984. 426 p. (Quadrige). (ISBN 2-13-038554-0)
  • Jean Tulard, La Contre-Révolution: origines, histoire, postérité, Perrin 1990
  • Jean-Clément Martin, Contre-Révolution, Révolution et Nation en France, 1789-1799, éditions du Seuil, collection Points, 1998
  • Jean-Clément Martin, sous la direction, Dictionnaire de la Contre-Révolution, Paris, Perrin, 2011, 551 pages.
  • Dominique Ancelle, Galerie contre-révolutionnaire, Éditions Clovis, 2008
  • Jérôme Besnard, La Contre-Révolution , Le Monde, 2012. (ISBN 978-2-36156-076-8).

7 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Journal politique ou gazette des gazettes, Bouillon, (lire en ligne), p. 49
  2. Jacques de Saint Victor, La première contre-révolution (1789-1791) : la coterie des Aristocrates Noirs, PUF,
  3. M. Pokrovsky, Brief History of Russia, 1933
  4. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire, 1975
  5. Lenin, On the Road, Sotsial-Demokrat, No. 2, February 10 (n.s), 1909
  6. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
  7. John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, 1919
  8. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 49. Conclusion, 1930