Féodalisme

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Le féodalisme désigne pour les marxistes le mode de production qui se situe entre l'esclavagisme antique et le capitalisme.

Quand il est utilisé comme synonyme de "féodalité", il a une signification plus restreinte.

1 Origine du terme et de l'analyse

Comme féodalité, le terme féodalisme vient du latin feudum (fief), mais il est plus récent. Il apparaît pour la première fois au 19ème siècle.

Dès le début du 19ème siècle, des penseurs commencent à prendre du recul et étudier ce qu'ils considèrent comme un passage du féodalisme à l'« âge industriel ». Ce seront notamment Augustin Thierry et Saint-Simon dont les recherches mèneront, d'une manière encore totalement idéaliste, Auguste Comte à énoncer sa loi des trois états (théologique, métaphysique, positiviste), et plus tard Marx et Engels à la distinction des modes de production et l'étude de leur évolution via le matérialisme historique.

La féodalité est un système politique délimité spatialement et temporellement, qui décrit l'Europe occidentale du 9ème au 13ème siècle. La définition marxiste du féodalisme est certes historiquement marquée par ce contexte européen, mais renvoit en fait à un mode de production, et non pas à une forme politique précise. A ce titre, il est plus large (et volontairement plus imprécis) que la notion de féodalité. Le féodalisme est né de façon progressive en remplaçant l'esclavagisme antique dans une bonne partie de l'Europe, mais il ne prend pas fin avec le Moyen-Âge, bien que ses formes évoluent beaucoup.

 « L’agriculture à base d’assolement triennal créé les fondements de la société féodale. » Ernest Mandel[1]

2 Caractéristiques du féodalisme

2.1 Une société bâtie sur la paysannerie

La société féodale est principalement divisée en deux classes sociales :

  • la noblesse, qui représente quelques pour-cents de la population et possède les terres,
  • les paysans dominés (serfs ou vilains) qui représentent la base de la production matérielle.

Le féodalisme est comme l'esclavagisme un mode de production essentiellement agricole, et la paysannerie en est la colonne vertébrale.

2.2 De multiples formes

La forme "canonique" qu'a connu l'Europe a d'abord été le servage : les paysans travaillent sur les terres des nobles et leur doivent parts de récolte et services en travail (corvées). 

Mais le servage a rapidement laissé place a d'autres formes. Pour autant c'était toujours la même domination de classe. Aux 15ème et 16ème siècles, les rapports sociaux se sont monétisés : les paysans sont devenus des tenanciers "libres" payant en argent le "cens" au seigneur.

Très souvent la domination par la force du seigneur est jointe à une domination idéologique, assurée directement par la noblesse ou déléguée, le plus souvent à une caste religieuse.

Le féodalisme, de même qu’aucun autre mode de production, n’a jamais existé à l'état pur. Au contraire il lui suffisait pour exister de ne subir de contestation sur la possession des terres, et il pouvait s'accomoder de façon assez large de rapports de productions différents. Il s’est donc combiné aux rapports sociaux pré-existants tout en les marginalisant : marchands, esclavagistes, tribaux...

2.3 Un repli local et un État affaibli

Que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique du Nord, le féodalisme génère une superstructure politique originale. A la limite, elle implique la disparition de l’Etat souverain. L’autorité s’exerce de personne à personne. Le fait essentiel à ce point de vue, est que la justice est rendue par le suzerain sur ses vassaux et par le "seigneur" sur les paysans. L’exploitation des prélèvements économiques et l’appareil juridico-politique sont donc très étroitement liés.

Le féodalisme s’installe et se perpétue dans des périodes où l’Etat :

  • n’est plus capable de collecter suffisamment d’impôt pour assurer ses fonctions d’où son éclatement et une insécurité permanente poussant les populations locales à accepter la domination personnelle d’un chef ;
  • n’est plus capable d’organiser l’approvisionnement en eau, en vivres... des grandes villes d’où un exode vers les campagnes, chacun se repliant sur son jardin pour manger ;
  • laisse des riches ou une institution comme l’Eglise accaparer une grande part de la valeur ajoutée produite par la société ce qui entraîne une privatisation de celle-ci.

Cet éclatement produit :

  • un remplacement des instances politiques par des liens hiérarchiques de personne à personne ;
  • des micro-sociétés (seigneuries, paroisses, bourgs...) vivant repliées sur elles-mêmes avec des caractéristiques extrêmement diverses ;
  • des pouvoirs et structures territoriales (châtellenie, abbaye, comté, abbaye...) faibles, enchevêtrés et mouvants y compris au niveau des royaumes.

2.4 Les "bourgs" dans les interstices

L’Ancien Régime était une société très parcellisée, où le pouvoir était fragmenté en une myriade d’entités territoriales, seigneuries, elles-mêmes subdivisées (villes, couvents...) avec un enchevêtrement juridique de titres de propriété, de chartes de privilèges, de traités d’alliances particulières. C’est dans les interstices nombreux de cet ordre social, jouant souvent les uns contre les autres, se laissant souvent jouer aussi, que la bourgeoisie a pu faire des villes et commercer.

Dans les villes médiévales, l'immense majorité des "bourgeois" est propriétaire. Au sommet de la pyramide sont les patriciens, un petit nombre de familles, d’origine marchande ou financière le plus souvent, définies par un accès privilégié, officiellement inscrit, au gouvernement municipal. Les patriciens vivent noblement, certains sont anoblis, ils ont acquis des seigneuries à la campagne, parmi eux il y a des féodaux d’origine établis en ville, ils sont alliés par mariage à des nobles. Après vient la grande majorité de la population urbaine formée par la réunion des corporations de métiers (bouchers, marchands, maçons, drapiers, orfèvres, tanneurs, boulangers, brasseurs, bateliers, verriers, etc). Les maitres artisans sont riches et emploient parfois un grand nombre de compagnons, dont une partie voit ses chances d'accéder à la maitrise diminuer et se transforme en salariat. Enfin tout en bas se trouve le petit peuple qui réunit les petits métiers artisanaux non organisés en corporations (petits marchands ambulants, porteurs d’eau...), les serviteurs et les servantes; les ouvriers journaliers du bâtiment ou du port, les ouvriers des manufactures, ou les mendiants.

Voici comment Marx décrit la tendance de ces corporations à s’opposer au développement de la production :

« Sous le système des corporations, par exemple, où la réglementation prescrit le nombre de métiers à tisser qu’un artisan peut utiliser, etc., l’argent qui n’est pas lui même d’origine corporative, qui n’est pas l’argent du maître, ne peut acheter les métiers pour les faire travailler. » (Principes d’une critique de l'économie politique)

Or le capital, pour se réaliser et se développer, doit trouver en face de lui d’une part des travailleurs libres, d’autre part des richesses, des matériaux, etc.. Le seul capital se formant au Moyen Age est le capital marchand, qui n'est pas un élément moteur de la production.

3 Historique

3.1 Europe

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La société féodale est issue de la décomposition de l'Empire romain d'Occident. Après une période assez longue et mouvementée de mutation à partir du 5ème siècle, elle s’est stabilisée en Europe vers l’an mil. Dans les divers royaumes d'Europe, le schéma de la féodalité est assez similaire, avec une noblesse, des serfs et une Eglise forte. Quelques pour-cent de la population sont des nobles qui reçoivent d’un suzerain des terres, des fiefs, à condition de le servir militairement. Au sommet de la pyramide de la noblesse, il y a les rois. L’Eglise, institution plus ancienne que le féodalisme, constitue une vaste bureaucratie; elle est le plus grand propriétaire terrien. Sa hiérarchie est ouverte de façon privilégiée (mais non exclusive) aux nobles. L’Eglise fournit au féodalisme des justifications religieuses — une idéologie — et les intellectuels dont il a besoin.

Dans le Sud, l'esclavagisme de type antique se maintiendra encore un certain temps, tandis que dans l’Est (Oural, Volga...) et le Nord (Ecosse, Frise...), des rapports de type tribaux ou nomades restaient vivaces. De plus, un peu partout se trouvaient des paysans libres, "allodiaux", et notamment dans les régions de montagne. Dans des régions marquées par la civilisation romaine antique (par exemple dans le Midi occitan), le droit reste écrit et les paysans généralement propriétaires à 100% des terres.

Le poids des villes en Europe est alors très faible, à l'exception des villes d'Italie du Nord, comme Venise qui est déjà une république marchande. Dès les 11ème, 12ème et 13ème siècles, le commerce connaît un nouvel essor et des villes républicaines, se gouvernant elles-mêmes, jouissant d’une certaine indépendance vis à vis des pouvoirs centraux.

Dès la fin du Moyen-Age, aux 15ème et 16ème siècles, le féodalisme a perdu certains de ses caractères initiaux de par les transformations suivantes qu’a connues l’Europe occidentale :

  • dans leur majorité, les paysans ne sont plus des serfs. Personnellement affranchis, leurs redevances commutées en argent, ils sont devenus des tenanciers libres travaillant une terre qui appartient à un seigneur auquel ils paient des “cens annuels”. Ces paysans “censiers” sont dits également “emphytéotes” parce que leur droit à leur terre est éternel et héréditaire mais relatif, chargé de “servitudes” ou de “droits féodaux” que sont les paiements au seigneur des “cens”, des droits de mariage, de succession, etc. ;
  • la paysannerie est un ensemble très hétérogène : vrais serfs (il en reste même au XVIIIème siècle), censiers, mais aussi métayers, fermiers, petits propriétaires, domestiques, salariés agricoles, chômeurs et vagabonds ruraux. Souvent, à l’issue de cycles de révoltes_paysannes et avec le renforcement de l’appareil d’Etat royal, l’absolutisme, et la tendance à la disparition des suzerains intermédiaires, les seigneurs féodaux acquièrent de facto, puis parfois de jure, un droit de propriété absolu de leurs terres qui cessent donc à proprement parler d’être des fiefs puisque le fief était une espèce de prêt héréditaire en échange du service militaire. Avec le développement de l’économie marchande, cette évolution entraîne que les liens féodaux de vassalage cessent en général d’être des obligations entre personnes pour devenir des obligations attachées à la terre. Se vendent et s’achètent des seigneuries avec les droits féodaux qui en font les revenus, mais se vend ou s’achète également la tenure d’un paysan censier. La terre devient marchandise, ce qu’elle n’était pas dans le féodalisme au sens strict du terme. La tenure censière tend égalemént à faire place à des contrats courts de fermage ou de métayage.

4 Transition du féodalisme au capitalisme

5 Voir aussi

6 Notes et sources

  1. Ernest Mandel, Introduction au marxisme