Protectionnisme

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Le protectionnisme est une politique économique visant à favoriser les entreprises nationales vis à vis des étrangères.

1 Principe et leviers du protectionnisme

L'idée du protectionnisme est simple : rendre les marchandises provenant de l'étranger plus chères sur le marché intérieur que les marchandises produites nationalement, afin de protéger la bourgeoisie nationale.

Cela peut être fait de différentes manières :

Un certains nombre d'autres mesures reviennent à du protectionnisme et sont appelées "néoprotectionnisme". Il s'agit surtout de "barrières non tarifaires", c'est-à-dire ne jouant pas sur la taxation mais sur la réglementation, sur des aides indirectes favorisant les entreprises locales, etc. Même les mesures fixant des règles sur l'étiquettage des produits sont dénoncées par les multinationales comme du protectionnisme, parce qu'elles peuvent servir à influer sur les consommateurs.

Cette solution a cependant des inconvénients pour les capitalistes :

  • chaque pays va réagir à des mesures protectionnistes de ses voisins par de nouvelles mesures, ce qui tend à annuler les effets bénéfiques (le pays qui a pris les mesures a fait diminuer les importations concurrentes, mais les mesures en réaction font diminuer ses exportations),
  • pour conserver l'avantage, il faut se lancer dans une course incessante à de nouvelles mesures protectionnistes, ce qui a pour effet de créer de l'instabilité / imprévisibilité, qui nuit aux investissements.

2 Historique

L'augmentation des forces productives dans le cadre capitaliste a créé une tendance à l'essor du commerce mondial, puis à la circulation des capitaux. C'est-à-dire une tendance à la mondialisation économique. Les rythmes de l'industrialisation et du développement des moyens de transports déterminent fortement cette mondialisation.

2.1 Années 1840 : le débat sur les Corn Laws

Les Corn Laws étaient une série de lois protectionnistes adoptées au Royaume-Uni entre 1773 et 1815 pour encadrer le commerce des céréales avec l'étranger. Le Corn Law Act de 1815 interdisait toute importation de céréales lorsque les cours passaient en dessous d'un certain seuil. L'essor de la révolution industrielle en Angleterre va favoriser le courant en faveur du libre-échange. Les industriels voulaient que l'Angleterre développe un avantage comparatif dans l'industrie : l'importation de céréales moins chers pouvait faire baisser le prix de l'alimentation des ouvriers, donc faire baisser le « coût du travail » et améliorer la compétitivité des industriels. Réunis dans une Ligue pour l'abolition des lois sur le blé (Anti-Corn Law League), ils lancèrent dès 1838, en utilisant des techniques de diffusion novatrices, une vaste campagne pour faire pression sur le pouvoir politique. Face à eux, les grands propriétaires terriens (souvent des aristocrates) défendaient les lois protectionnistes, pour ne pas que la concurrence étrangère rogne sur leurs marges et menace l'agriculture anglaise. Le Premier ministre Robert Peel abolit finalement les Corn Laws en 1846.

Dans son Discours sur la question du libre-échange[1] prononcé en janvier 1848, Marx prend position pour l’abolition des lois sur les céréales, donc pour le camp du libre-échange, tout en dénonçant ouvertement l'hypocrisie des libre-échangistes. Il précisait qu'il s'agissait pour lui d'accélérer la destruction de l'ancienne société pré-capitaliste, et d'accentuer la lutte des classes bourgeoisie/prolétariat.

« En général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange ».

Certains ont souligné que Marx n'est pas encore marxiste lorsqu'il prend cette position (c'est avant l'écriture du Manifeste communiste). D'autres ont sougliné que le contexte (conflit entre aristocratie et bourgeoisie) n'est plus celui du 20e et du 21e siècle et que cela n'aurait pas de sens de transposer cette position de Marx aux débats contemporains.

2.2 Fin 19e , début 20e siècle : protectionnisme généralisé

A la fin du 19e siècle, dans le contexte de la « longue dépression » (1873-1896) et de nouvelles concurrences internationales, les principaux pays capitalistes multiplient les mesures protectionnistes: le tarif allemand de 1879, le tarif McKinley de 1880 aux États-Unis et le tarif japonais de 1899... Le recours aux mesures protectionnistes est alors très lié aux conflits politiques entre puissances impérialistes. Pour plusieurs marxistes (Kautsky, Hilferding, Lénine...), ce tournant protectionniste est décrit comme une des caractéristiques du « stade impérialiste ».

En France elles visent à protéger à la fois les agriculteurs et les industriels. Une des mesures phare est le tarif Méline de 1892. L'impact de ces mesures sont alors controversées : le coût de la vie augmente, en particulier pour les ouvriers des villes, le protectionnisme est accusé de freiner la modernisation économique... Les motivations sont aussi politiques : les politiciens cherchent à s'attirer le soutien des agriculteurs et donc doivent limiter les effets de l'industrialisation et de la concurrence internationale qui les ruine. Le maintien de productions agricoles locales (plus que pour d'autres secteurs) s'explique aussi par la recherche d'une sécurité alimentaire.

Par une loi spéciale du 6 février 1880, le ministère français des Finances a été habilité à interdire des émissions de titres vers l'étranger et à refuser la cotation de prêts étrangers à la bourse française, ce qui a été utilisé contre l'Allemagne. En 1909, le gouvernement français a refusé un prêt à l'Argentine parce qu'en 1908 ce dernier avait passé une commande avec l'allemand Krupp et non avec le site Schneider du Creusot. En 1909, le même gouvernement refuse d'accorder un prêt à la Bulgarie pour « manque de garanties suffisantes », le prêt était garanti par une banque austro-allemande. En septembre 1910, un prêt est refusé à la Hongrie, et un prêt est accordé à la Serbie sous la condition de passer des commandes avec Schneider.. Le gouvernement russe a fait construire des croiseurs en France en échange de prêts, etc.[2] En 1909, les États-Unis prennent des mesures protectionnistes contre le vin, la soie et les automobiles français (loi Payne), et la France réagit en refusant la cotation à la Bourse de Paris de la United States Steel Corporation.

Des accords commerciaux bilatéraux sont aussi passés, même si le paysage général reste alors celui de la guerre économique : le traité franco-russe de septembre 1905, les traités de 1908 entre la Suède et la France et entre la Suède et le Danemark; le traité douanier franco-japonais d'août 1911...

2.3 La position de Jaurès

Les socialistes sont divisés à cette époque sur la question du protectionnisme.

Jaurès constate début 1887 un conflit entre intérêts des ouvriers et des paysans : « La question est redoutable, car elle met aux prises, au moins en apparence, l'intérêt des villes et l'intérêt des campagnes : les ouvriers ne veulent pas payer leur pain plus cher, et les producteurs de blé, qui bien souvent sont eux aussi des travailleurs, levés avant le jour, veulent vivre. »

Jaurès adopte une position, qui sera constante dans les débats répétés sur les tarifs du blé : il demande un sacrifice aux ouvriers des villes, mais à la condition que cet effort soit bien au profit des travailleurs agricoles. Il ne s'oppose pas à des mesures protectionnistes, mais les lie étroitement à d'autres mesures sociales comme la mise en place d'un impôt sur le revenu progressif. En 1890, il dit de façon synthétique : « la politique douanière unie à des réformes démocratiques d’impôt est bonne ; sans ces réformes elle n’est qu’une exploitation scandaleuse des pauvres. »

Son argumentation met en avant un souci de justice sociale mais aussi une justification économique de type sous-consommationniste. En 1897, il dit par exemple :

« Monsieur le président du Conseil, là est la contradiction essentielle de votre politique protectionniste. Pendant que, par des tarifs de douane, vous favorisez les producteurs, c'est-à-dire, dans une large mesure, les possédants, vous n'avez pas la force, vous n'avez pas le courage, vous n'avez peut-être pas la possibilité politique et sociale de demander aux classes possédantes, aux classes les plus riches, les sacrifices d'impôts qui seraient nécessaires, précisément pour accroître la consommation populaire dans la mesure où se développe la production nationale. »

Il déplore aussi la confusion politique et « la fusion qui s’est faite, dans un groupe incolore, des éléments protectionnistes de gauche et des éléments protectionnistes de droite ».

Jaurès souligne en juillet 1897 les limites des solutions protectionnistes :« on parle surtout de la concurrence étrangère et on néglige les autres causes du mal, même celles sur lesquelles on pourrait agir ; c’est que la question la plus facile à résoudre semble la question douanière». Quant à la position de fond des socialistes, il énonce :

« Du principe même du protectionnisme, je n’ai pas à discuter en ce moment. Les socialistes ne sont pas protectionnistes comme M. Méline, mais ils ne sont pas davantage libre-échangistes comme M. Léon Say ou comme M. Aynard4 (…) Le socialisme, c’est-à-dire l’organisation sociale de la production et de l’échange exclut, à la fois, et la protection qui ne peut guère profiter aujourd’hui qu’à la minorité des grands possédants, et le libre-échange, qui est la forme internationale de l’anarchie économique. »

Enfin le protectionnisme était aussi utilisé par des politiciens opposant des discours nationalistes aux travailleurs immigrés. Face à la mise en concurrence des travailleurs, Jaurès revendique « un salaire minimum pour les travailleurs, étrangers ou français, de façon à prévenir l’effet déprimant de la concurrence ».[3]

2.4 Entre-deux-guerres

Dans les années 1930, à la suite de la crise de 1929, le protectionnisme atteint des sommets.

2.5 Trente glorieuses (1945-1975)

🔍 Voir : Trente Glorieuses.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, les pays impérialistes se mettent d'accord, sous le patronage des États-Unis, pour remettre en place un minimum d'échanges commerciaux.

Pendant les Trente glorieuses, période de forte croissance, le libre-échange progresse et revient progressivement au niveau qu'il avait atteint au début du 20e siècle. Cela n'empêchait pas certaines barrières tarifaires ou non tarifaires de rester très importantes. La limitation des échanges passait parfois directement par des négociations.

Dans l'agriculture par exemple, l'immédiat après-guerre est marqué par un fort protectionnisme. Les agriculteurs ont bénéficié de prix suffisants pour vivre mais aussi pour investir. Une fois son agriculture devenue forte, la France a commencé à ouvrir progressivement les marchés, pas pour s’ouvrir aux importations mais pour réaliser enfin « notre vocation exportatrice ». En 1962, un marché commun agricole est mis en place entre 6 pays (France, Italie, Allemagne fédérale, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), qui présentaient des profils "complémentaires", davantage de productions végétales au sud, de productions animales au nord, et globalement un volume d’importations alimentaires jugé trop important. La « préférence communautaire » devait développer des échanges mutuellement profitables. Ce marché commun était doté d'un protectionnisme offensif : des "prélèvements" sur les produits entrants servaient à financer des "restitutions" (subventions) aux produits sortants.

En 1967, les États-Unis ont commencé à limiter leurs importations d’acier en imposant des restrictions « volontaires » à la CEE et au Japon.

Le Japon, malgré ses tarifs douaniers moyens inférieurs à ceux de la CEE (3 % au lieu de 5 % en 1974), protégeait son marché par une multitude de quotas et règlements de toutes sortes, particulièrement dans les secteurs que l'Etat japonais voulait protéger et développer. Par exemple, il donnait des délais d’homologation extrêmement longs aux produits chimiques ou pharmaceutiques étrangers.

Par ailleurs, la monnaie a également été utilisée comme arme protectionniste, surtout après la suppression par les États-Unis de la parité du dollar par rapport à l'or en 1971. Cela permit une dévaluation de près de 8 % du dollar, et donc un fort coup de pouce à la balance commerciale américaine au détriment des autres pays capitalistes.

En 1974, la France contrôlait 32,8 % de ses échanges, les États-Unis 36,2 %, l’Allemagne 37,3 %, la Grande-Bretagne 38,5 %, l’Italie 44,1 %, le Japon 56,1 %.

2.6 Crise des années 1970

🔍 Voir : Tournant néolibéral.

Pendant la crise des années 1970, une tentation protectionniste apparaît, si bien que certains marxistes se demandent jusqu'où elle peut aller[4]. Pour les produits manufacturés, on est passé au sein de l’OCDE, de 4 % de la production contrôlée nationalement en 1974 à 17,4 % en 1980. En 1979 la France plaça sous « surveillance » ses importations de certains textiles en provenance d’autres pays de la CEE, de l’Italie notamment. Début 1980, la Grande-Bretagne introduisit des restrictions sur certaines fibres synthétiques importées des États-Unis mais les abrogea à la fin de cette même année par crainte de représailles sous forme de droits accrus sur ses exportations de laine vers les USA. Les États-Unis demandent en 1981 au Japon une auto-limitation de ses exportations d'automobiles jusqu’en 1984.

2.7 Tournant néolibéral (années 1980)

Toutefois à partir des années 1980, les puissances impérialistes vont globalement accélérer la libéralisation, et le niveau d'ouverture des économie atteint des niveaux sans précédent. Le recours au protectionnisme est de plus en plus encadré, et les tarifs douaniers sont progressivement abaissés. Les accords bilatéraux et multilatéraux se sont multipliés.

Le multilatéralisme a alors pris un essor sans précédent dans l’histoire, avec les négociations de l’OMC, longues et houleuses (Kennedy Round en 1967, Tokyo Round en 1973-1979, Uruguay Round en 1986-1992…), mais qui semblent faire tendre le monde vers un libre-marché total. De plus en plus de règles ont interdit le recours à des armes protectionnistes (comme la dévaluation au sein de la zone euro), ou les ont encadré (seuils maximums autorisés pour les tarifs douaniers).

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Mais l’intégration s’est surtout faite par blocs, les intérêts étant souvent plus convergents :

  • Amérique du Nord : accord de libre échange entre le Canada et les Etats-Unis en 1988, devient ALENA en 1994 avec l’arrivée du Mexique.
  • Europe de l’Ouest : une union douanière est en place en 1968, mais de nombreuses barrières non tarifaires perdurent, et la crise des années 1970 freine l’intégration, qui est vraiment relancée à partir de l’Acte unique de 1986.
  • Asie du Sud-Est : (1967) commence à vraiment faire des pas en 1991 vers sa zone de libre-échange (AFTA), qui voit le jour un 2002, après avoir été retardée par la crise de 1997
  • Amérique latine : une première tentative a lieu en 1960 avec l’ALALE, puis ALADI (1980)
  • Afrique : SACU (1910, 1969), CEDEAO (1975), COMESA (1981-1994)…

2.8 Situation actuelle

Les rivalités économiques sont loin d’avoir été surmontées, et s’expriment sous différentes formes de protectionnisme :

  • Tarifs douaniers : les États-Unis taxent fortement un certain nombre de produits européens, le Japon bloque le riz étranger par des taxes à 800%...
  • Quotas : jusqu’en 2008, l’UE fixait des quotas d’importation d’acier ukrainien ; jusqu’en 2005, elle limitait l’importation de textiles hors-UE…
  • Subventions : Au moment de la crise de 2008, la France et les États-Unis aident largement leurs constructeurs automobile ; en 2009, les autorités françaises débloquent 5 milliards d'euros pour les acheteurs d'Airbus, etc.
  • Subventions déguisées : Elles sont de toutes sortes. Par exemple Boeing bénéficie d’importants transferts de technologies gratuits une fois des techniques financées et mises au point par l’armée états-unienne ; la France donne un coup de pouce à ses constructeurs automobiles par le biais de primes à la casse à vocation soi-disant écologistes...
  • Marchés publics : pour ce type de marchés (1000 milliards d'euros par an), le taux d'ouverture européen est de 90 %, alors qu'il n'est que de 32 % aux États-Unis, de 28 % au Japon, et de 0 % dans les « pays émergeants »
  • Interdiction ou limitation des investissements : les États ont voté des lois empêchant la prise de possession par des étrangers d’entreprises dans un certain nombre de secteurs « stratégiques » (France, États-Unis, Allemagne, Russie…).
  • Guerre des monnaies : les États-Unis laissent baisser le cours du dollar baisser afin de le favoriser au détriment de l'euro ; la Chine maintient le yuan à un niveau artificiellement bas, le Brésil conteste[5]
  • Normes : fixation de normes sanitaires ou de sécurité sur les produits. C’est notamment une façon pour l’UE d’annuler le dumping environnemental des États-Unis (conflit sur le bœuf aux hormones depuis 1988 par exemple). Ces derniers avaient aussi utilisé des normes sur le bruit pour bloquer le développement du Concorde. La Chine a interdit à Zara de vendre ses produits sur son territoire chinois pour des raisons « techniques », mais parce que Zara est aussi une des rares marques à ne pas faire fabriquer ses produits en Chine.
  • Autres freins administratifs : un pays peut poser des obstacles administratifs, qui se traduisent directement ou indirectement en coût (longues procédures de dédouanement…)

Il existe des mesures protectionnistes à l'échelle européenne (vis-à-vis de produits chinois par exemple), mais elles sont limitées parce que les différents Etats-membres, et les différentes entreprises au sein de chaque Etat, n'ont pas les mêmes intérêts. Les céréaliers veulent une protection, mais les élevages hors sol préfèrent importer du soja d'Amérique (moins cher que les céréales européennes). De plus, la concurrence est aussi très forte entre pays d'Europe : dans le secteur de la viande, français, allemands, espagnols, danois se battent... Les tomates françaises sont concurrencées par l’Espagne et les Pays-Bas (intra UE), bien plus que par le Maroc (hors UE).

Les projets d'accord comme le TAFTA et le CETA ne visent pas tellement à abaisser les droits de douane, déjà très bas, mais surtout à abaisser le "protectionnisme non tarifaire", qui passe par les normes (environnementales, sanitaires...).

3 Protectionnisme et impérialisme

3.1 Entre pays impérialistes

Les pays impérialistes, qui disposent de puissantes multinationales, ont un certain intérêt au libre-échange mondial. En effet, non seulement ils ont moins à craindre les capitaux étrangers, mais ils peuvent espérer bénéficier partiellement des marchés voisins, et des effets de l'accroissement du commerce et de l'investissement à l'international. C'est ce qui explique par exemple que l'Angleterre, qui devenait la première puissance industrielle au cours du 19e siècle, se mit à prôner le libre-échange au monde entier.

Bien sûr, dans certains secteurs d'autres pays développés sont plus compétitifs et menacent la production nationale. Mais c'est aussi l'inverse dans d'autres secteurs. Par conséquent, les dirigeants de la bourgeoisie refusent en général de prendre des mesures protectionnistes trop drastiques. Par exemple la France, fortement exportatrice de produits agricoles de base ou transformés par l’industrie agroalimentaire, aurait beaucoup à perdre si ses voisins fermaient leurs frontières. Même si elle perd du terrain face aux melons et tomates d'Espagne, elle veut continuer à pouvoir vendre massivement du blé et du vin.[6]

3.2 Entre pays impérialistes et pays dominés

Les multinationales impérialistes prônent le libre-échange aux pays dominés. Celles-ci peuvent facilement y acquérir des oligopoles / monopoles en écrasant la concurrence locale. C'est pourquoi les seuls pays qui ont assuré un développement auto-centré l'ont fait avec une certaine dose de protectionnisme et d'interventionnisme, voire d'étatisme. C'est pourquoi aussi les bourgeoisies impérialistes exercent une pression plus ou moins forte sur ces pays pour "ouvrir leur économie" (négociation par la dette, Plans d'Ajustement Structurel, soutien de coups d'Etat pour instaurer des régimes "amis"). Malgré l'échange inégal par nature, les impérialistes n'accordent même pas une égalité formelle.

Le résultat est que les productions des pays du Nord inondent les marchés du Sud. Elles font concurrence à des produits identiques comme le maïs, le lait ou la volaille, voire imposent de nouvelles habitudes alimentaires : faute d’avoir bénéficié de la recherche agronomique, le manioc a de faibles rendements et cède la place au blé importé.

En 1982, les pays de la CEE ne contrôlaient que 20 % de leurs importations en provenance des autres pays industrialisés, alors qu'ils contrôlaient 63 % des importations provenant du Tiers-Monde.

En 1996, un accord de l'OMC réduit les taxes des "pays du Sud" sur les importations de 38%, et celles du "Nord" sur leurs exportations de seulement 19%. Le PNUD estimait alors qu'au total le protectionnisme du Nord coûte 500 milliards de dollars par an à l'Afrique.

4 « Protectionnisme socialiste »

L'objectif des communistes révolutionnaires est une révolution socialiste mondiale. La plupart, notamment les trotskistes, considèrent de plus que le « socialisme dans un seul pays » est impossible.

Cependant, la révolution mondiale est un processus qui n'est pas instantané, et qui doit nécessairement commencer par un ou plusieurs pays, pour s'étendre. Dans la situation où un nouvel Etat ouvrier tente de mettre en place une économie socialiste sur son territoire, il devra nécessairement rompre le libre-échange avec les pays capitalistes qui l'entourent. Il ne pourra pas rompre tout échange, en raison du besoin de matières premières, de technologies (notamment s'il s'agit d'un pays moins développé)... mais il ne pourra pas laisser faire le marché : les économies capitalistes centrées sur la compétitivité l'emporteraient sur l'économie socialiste balbutiante. Cela nécessite des mesures de protection, que les bolchéviks appelaient du « protectionnisme socialiste ». Une des premières de ces mesures est le monopole du commerce extérieur.

Trotsky disait ainsi :

« Le monopole du commerce extérieur, condition vitale de la dictature du prolétariat nous impose ici la nationalisation, le plan unique. On ne peut vendre et acheter au hasard. Notre commerce extérieur doit s'accorder avec le développement de notre économie rurale et tenir compte des possibilités croissantes d'exportation de blé, comme de la nécessité de défendre notre industrie. Car nous sommes résolument partisans du protectionnisme socialiste, sans lequel le capital étranger pillerait notre industrie.  »[7]

Il disait encore : «  Mendeleïev, protectionniste convaincu, a accepté un rôle dirigeant dans l'élaboration de la politique douanière et a écrit "le tarif sensé", dont on peut retenir maintes suggestions valables du point de vue du protectionnisme socialiste.  »[8]

5 Notes et sources