Pravda

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
800px-Prawda.16.3.1917.png

La  Pravda (la Vérité) était le journal du Parti bolchévik crée par Lénine le 5 mai (22 avril a.s.) 1912, il était destiné à influencer avec les idées marxistes de grandes masses d’ouvriers et de paysans, dont la conscience de classe commençait à s’éveiller.

1 Origines

Au début du 20e siècle, le mouvement révolutionnaire était trop restreint pour avoir une influence sur la réalité politique russe. Des cercles social-démocrates, d'intellectuels ou d'ouvriers, se forment un peu partout dans l'Empire russe, mais avec une certaine hétérogénéité et sans coordination. Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) avait tenu un premier congrès en 1898, mais sans parvenir à surmonter cet état de fait. La répression du régime tsariste obligeait à la clandestinité.

Un petit groupe de marxistes qui se retrouve dans le milieu des exilés russes en Europe cherche à fonder un véritable parti, autour d'un organe central, un journal. Ce groupe est composé d'anciens, comme Plekhanov, et de jeunes, comme Martov, et Lénine, qui est particulièrement convaincu et investi dans ce projet, qui débouche sur la création de l'Iskra (L’Étincelle) en décembre 1900.

Suite au Second congrès du POSDR (1903), la rédaction de l'Iskra se divise et passe aux mains des menchéviks. Deux ans plus tard, Lénine et ses partisans (les bolchéviks) décident de doter leur fraction de leur propre journal, nommé Vperiod. A dater de mai 1905, Vperiod est remplacé par le Prolétari, au Troisième congrès du POSDR.

Après l’échec de l’insurrection de 1905, une tentative de réunification des menchéviks et des bolchéviks a lieu mais échoue. Les différences stratégiques se creusent encore plus. Dans cette situation de reflux et de répression, le POSDR rétrécit et des tendances liquidationnistes de droite et de gauche apparaissent.

2 La Pravda et les années de préparation

La décennie 1910 commença avec un nouveau départ des luttes ouvrières et la radicalisation des étudiants : « Il y aura 100000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400000 le I° mai. La fusillade de la Léna, en avril 1912 - 150 morts, 250 blessés -, marque le nouveau départ de la lutte ouvrière ». Les bolcheviques se décidèrent à agir et, pendant le Congrès du parti qui se tenait pendant la première quinzaine de janvier 1912, la scission entre les fractions s’approfondit ; la Pravda changea de statut et devint son organe de publication officiel. Ce journal avait été publié pour la première fois en 1905 puis il fut édité par Trotsky en 1908 et, peu de temps après, Kamenev se chargea de sa publication. Il faut ici noter que la présence des bolcheviques à la direction correspondit au moment où il atteignit son plein essor. Le journal se délocalisa de Vienne à Saint-Pétersbourg et son premier numéro fut publié sous la direction de Lénine le 5 mai 1912 (22 avril de l’ancien calendrier). Avant son lancement, une grande compagne d’agitation s’était tenue dans les usines pour encourager les souscriptions publiques.

C’était la première fois que la Pravda (la Vérité) était publiée en tant que journal légal. Il coûtait deux kopecks (soit 4,8 centimes) et se présentait sous la forme d’un quatre pages où se mélangeaient des articles économiques, des sujets sur le mouvement ouvrier et les grèves et deux poèmes prolétariens.

Entre la patience et l’audace, Lénine parvint à contribuer énormément à l’organisation de la classe ouvrière et pas seulement du parti. La Pravda dénonçait le véritable caractère d’exploitation du système capitaliste, l’autoritarisme du Tsar et, en même temps, éduquait la conscience de classe de milliers d’ouvriers. À la différence de l’Iskra, qui parvenait à quelques centaines de lecteurs, la Pravda de 1912 touchait des dizaines de milliers d’ouvriers d’avant-garde. Des correspondants de toute la Russie envoyaient 40 dénonciations par jour des différentes usines : elles étaient compilées dans la fameuse rubrique « rapports de correspondants » ; 327 groupes se formèrent pour soutenir financièrement la parution de la Pravda par l’intermédiaire de collectes en groupe. Les correspondants avaient une importance fondamentale parce qu’ils agissaient comme des antennes transmetteuses de l’état d’âme du prolétariat et leurs rapports renforçaient la conscience commune. Entre-temps, les numéros étaient réimprimés dans des imprimeries clandestines pour être diffusés dans d’autres villes plus lointaines.

Les travailleurs russes firent leur le journal bolchevique et l’identifièrent comme « leur journal », ce qui permit d’augmenter sa diffusion : si le premier numéro tira à 25 000 exemplaires, les semaines suivantes il dépassa les 60 000. Les ouvrières russes dénonçaient aussi les conditions d’exploitation et d’oppression auxquelles elles étaient soumises quotidiennement. La rubrique spéciale intitulée « Travail et vie des ouvrières » informait sur les manifestations et les préparatifs de la commémoration de la « Journée internationale des femmes » et encourageait la création d’organisations syndicales et politiques de femmes. Le journal parvint à se faire publier entre 1912 et 1914 malgré les actions en justice, les démantèlements, les détentions de militants, les amendes et les procès. Les poursuites policières et la forte campagne anti-guerre en gestation dans les pages de la Pravda conduisirent finalement le Tsar à démanteler la publication en juillet 1914. Suite au démantèlement, l’organisation ouvrière et du parti connut un reflux puisque la majorité des militants furent arrêtés, envoyés en exil ou enrôlés pour aller à la guerre.

Lorsque le mouvement ouvrier commença à reprendre de la vigueur en 1916, le parti comptait à peine 5000 militants dans ses rangs, tous très jeunes (entre 18 et 30 ans). Ces hommes et ces femmes étaient l’avant-garde ouvrière révolutionnaire que Lénine aspirait à construire et qui, tout au long de 1917, organisèrent des centaines de milliers d’ouvriers dans les usines et les soviets, en préparation de l’insurrection. La Pravda se transforma en « tribun du peuple » et en organisateur collectif durant tout le processus révolutionnaire, ce même après 1917.

3 Notes et sources

Fabien Granjon, Vladimir Ilitch Lénine : parti, presse, culture & révolution, Revue Contretemps, 16 mars 2015