Différences entre les versions de « Nature de l'Etat russe »

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[[Trotsky|Trotsky]] à a plusieurs reprises réfuté la notion de Capitalisme d’État à propos de l'[[Union_Soviétique|Union Soviétique]], pour plusieurs raisons : d'abord, l'expropriation de la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] ainsi que la planification de l'économie à été réalisée par le [[Prolétariat|prolétariat]] lui-même par le biais de son État né lors de la [[Révolution_d'Octobre|Révolution d'Octobre]] et non pas par la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] au moyens de monopoles nationalisés. Il en ait de même pour l'économie planifiée.
  
Si on suit la dialectique. La Russie soviétique d'Octobre 1917 n'avait ni expropriée ou nationalisée les entreprises, encore moins planifiée son économie. Pourtant, le prolétariat s'est organisée autour des [[Soviets|soviets]] et, sous l’impulsion des [[Bolcheviks|bolcheviks]], il a pris le pouvoir et à crée un État d'une nature différent. C'est [[Staline|Staline]] qui lancera le premier plan quinquennal, et donnera à l'État la maîtrise incontestée de la production industrielle.
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Les conquêtes sociales sont l'oeuvre de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], c'est-à-dire de la révolution ouvrière. Quant la bureaucratie émerga, la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] été déjà durablement et totalement expropriée et l'économie planifiée. C'est la bureaucratie qui compléta les conquêtes sociales ouvrières mais de manière à crée une couche parasitaire au sommet de l'Etat Ouvrier.
 
Les conquêtes sociales sont l'oeuvre de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], c'est-à-dire de la révolution ouvrière. Quant la bureaucratie émerga, la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] été déjà durablement et totalement expropriée et l'économie planifiée. C'est la bureaucratie qui compléta les conquêtes sociales ouvrières mais de manière à crée une couche parasitaire au sommet de l'Etat Ouvrier.
<blockquote>l'entraînement dialectique demande d'aborder tous les problèmes en tant que PROCESSUS et non pas en tant que CATÉGORIES INANIMÉES. - Trotsky, «&nbsp;Une opposition petite-bourgeoise au sein du SWP&nbsp;»</blockquote>
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Version du 21 février 2016 à 14:55

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La question de la nature de l'Etat en Russie après la Révolution d'Octobre a été au cours de l'Histoire et est encore aujourd'hui l'objet de polémiques au sein du mouvement ouvrier. Elle a conduit à de nombreuses ruptures au sein du mouvement trotskyste. Le point de vue de Trotsky était que l'URSS était un État ouvrier dégénéré.

1 L'URSS : État Ouvrier ou Capitalisme d’État ?

Beaucoup d'analyses de communistes révolutionnaires (notamment et surtout chez les trotskystes) ont des conclusions relativement différents sur la nature de l’État Ouvrier Russe, de même que sur les états nés des révolutions du tiers-mondes au cours du XXème siècle.

Trotsky à a plusieurs reprises réfuté la notion de Capitalisme d’État à propos de l'Union Soviétique, pour plusieurs raisons : d'abord, l'expropriation de la bourgeoisie ainsi que la planification de l'économie à été réalisée par le prolétariat lui-même par le biais de son État né lors de la Révolution d'Octobre et non pas par la bourgeoisie au moyens de monopoles nationalisés. Il en ait de même pour l'économie planifiée.

Si on fait à peu de dialectique. La Russie soviétique d'Octobre 1917 n'avait ni expropriée ou nationalisée les entreprises, encore moins planifiée son économie. Pourtant, le prolétariat s'est organisée autour des soviets et, sous l’impulsion des bolcheviks, il a pris le pouvoir et à crée un État d'une nature différent. C'est Staline qui lancera le premier plan quinquennal, et donnera à l'État la maîtrise incontestée de la production industrielle.

Les conquêtes sociales sont l'oeuvre de la révolution socialiste, c'est-à-dire de la révolution ouvrière. Quant la bureaucratie émerga, la bourgeoisie été déjà durablement et totalement expropriée et l'économie planifiée. C'est la bureaucratie qui compléta les conquêtes sociales ouvrières mais de manière à crée une couche parasitaire au sommet de l'Etat Ouvrier.

l'entraînement dialectique demande d'aborder tous les problèmes en tant que processus et non pas en tant que catégories inanimées.

- Trotsky, « Une opposition petite-bourgeoise au sein du SWP »

2 Historique des débats

2.1 Avant la révolution d'octobre

Dans L'Etat et la Révolution[1] (1917), Lénine, rompt avec la conception de la deuxième internationale qui défendait une conquête de l'État par la social-démocratie. Il rappelle les conclusions de Marx et Engels qui avaient été passées sous silence, et qui parlaient clairement de la nécessité de détruire l'État bourgeois, et d'édifier un État ouvrier (la dictature du prolétariat), dont une forme possible avait été trouvée par la Commune de Paris.

2.2 Débats au sein du parti bolchevik

En 1919 s'ouvre une discussion au sein du parti bolchevik sur le droit de grève. Certains comme Trotsky déclarent que puisque l'URSS est unÉtat ouvrier, il estabsurde que les ouvriers puissent faire grève contre eux-mêmes. Lénine défendra au contrôle le rôle des syndicats, en disant "on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique."[2][3]

Mais il parlait également de "capitalisme d'État".

2.3 Critiques de la gauche communiste

Dès le vivant de Lénine, plusieurs militants dont notamment Anton Pannekoek ont dénoncé l'URSS comme un nouveau régime exploiteur, un régime capitaliste particulier, où l'Etat est directement propriétaire de la majorité des moyens de production. Le courant de Pannekoek sera exclu de l'Internationale communiste en 1921. Le Parti socialiste de Grande-Bretagne a considéré la Russie comme un capitalisme d'État dès 1918. La grande majorité des communistes dont les trotskistes considère ces courants comme gauchistes. La vision trotskiste orthodoxe est que la bureaucratisation devient vraiment un problème vers 1923-1924 (fondation de l'Opposition de gauche trotskiste).

2.4 Centrisme bureaucratique

De 1929 à 1932, Trotsky parlait de bonapartisme au sujet de la bureaucratie stalinienne, et il développait l'analogie avec Thermidor.

Au sujet de la politique menée par la bureaucratie, aussi bien en URSS que sur le plan international, il parlait de "centrisme bureaucratique".

« Sous le fouet de l'opposition, l'appareil stalinien saute d'un côté et d'autre (...) Staline combat actuellement les droitiers parce qu'il subit le fouet de l'Opposition. Il le fait en centriste obligé de protéger sa position intermédiaire. En ce sens fort limité, l'appareil, contraint de réaliser la collectivisation et l'industrialisation, joue un rôle de despote éclairé au-dessus des classes. »[4]

2.5 État ouvrier dégénéré

Trotsky a par la suite conclu que le centrisme avait laissé place à une politique ouvertement contre-révolutionnaire. Le qualificatif d'« État ouvrier bureaucratiquement dégénéré » figure dans les onze points de l'Opposition de gauche trotskiste tels qu'ils sont définis en 1933.

En 1939, il admettra implicitement que l'on peut difficilement donner une date à la "contre-révolution" :

« Nous avons longtemps affirmé que Thermidor ne faisait que se préparer en U.R.S.S et ne s'était pas encore accompli. Puis, donnant à l'analogie avec Thermidor un caractère plus précis et plus réfléchi, nous en sommes arrivés à la conclusion que Thermidor était déjà derrière nous. » [5]

Cependant, pour lui, la bureaucratie n'a pas changé la "nature sociale de l'État". L'URSS est un Etat ouvrier dégénéré, dans ce sens qu'il est issu d'une révolution prolétarienne, mais qu'il est de fait déformé bureaucratiquement. Cette analyse est à la base de sa politique de défense de l'URSS.

En particulier, Trotsky exprime cette idée dans La révolution trahie (1936), et polémique contre la notion de capitalisme d'État, et contre ceux qui voient dans la bureaucratie une nouvelle classe.

Trotsky parlait de société "intermédiaire entre le socialisme et le capitalisme".

2.6 Années 1930

Le durcissement de la répression en URSS, qui culmine avec les procès de Moscou (1936-1938) vont commencer à faire douter de plus en plus de trotskistes de la caractérisation d'Etat ouvrier dégénéré.

Le communiste Ante Ciliga, qui fut emprisonné pour trotskisme en 1931-1932, a raconté les discussions sur l'URSS qui avaient lieu à ce moment-là parmi les oppositionnels. Il en fera le récit dans son livre Au pays du mensonge déconcertant, publié en 1939 :

« La première question discutée fut celle du caractère de l'Etat soviétique. Est-ce un Etat ouvrier et socialiste ? Sinon quelle classe représente-t-il ? La discussion dura plus de six mois. Nous avions encore une arrière-pensée qui nous déconseillait toute hâte: nous espérions qu'entre temps Trotsky passerait le Rubicon et nierait le caractère ouvrier de l'Etat stalinien. Beaucoup d'entre nous étaient déjà persuadés qu'il n'y avait pas trace de "dictature du prolétariat" en U.R.S.S. »[6]

Ciliga rompt avec Trotsky et lui reprocha durement de ne pas avoir reconsidéré la question :

« Trotsky et ses partisans sont trop intimement liés au régime bureaucratique en U.R.S.S. pour pouvoir mener la lutte contre ce régime jusqu'à ses conséquences extrêmes. »[6]

En lisant La révolution trahie (1936), Yvan Craipeau, qui était le secrétaire de Trotski, tomba en désaccord avec lui sur cette question, et présenta un contre-rapport en 1937, au IIe Congrès du POI français[7], auquel Trotski répondit immédiatement[8]. Craipeau considérait qu'une nouvelle forme de classe sociale exploiteuse avait émergé. Mais il ne précisait pas en positif quelle nature avait l'URSS selon lui - ce que Trotski lui reprochait d'ailleurs. Craipeau prenait surtout position contre la "défense inconditionnelle de l'URSS". Lui et ses partisans considéraient que le débat sur l'URSS méritait une étude approfondie, sans précipitation, mais qu'il est secondaire par rapport aux choix d'orientations.

Presque au même moment aux États-Unis, James Burnham et Joseph Carter présentèrent un texte pour le congrès de fondation du Socialist workers party (fin 1937), auquel Trotsky répondit également[9].

2.7 1939-1945

La signature du pacte de non agression entre Hitler et Staline, puis l'invasion par l'armée rouge de la Pologne et de la Finlande, va crisper les désaccords sur l'attitude à avoir par rapport à l'URSS. Etant donné la situation en Europe, les débats vont surtout avoir lieu en Amérique.

« Peut-on, après la signature du pacte germano-soviétique, reconnaître en l'U.R.S.S un Etat ouvrier ? La nature de l'Etat soviétique suscite à nouveau la discussion dans notre milieu. Ce n'est pas étonnant. Nous avons sous nos yeux la première expérience d'un Etat ouvrier dans l'histoire. »[5]

Même si la majorité du SWP, derrière Cannon, reste alignée sur Trotsky, de fortes oppositions progressent. Certains vont théoriser que l'URSS est un capitalisme d'État (comme la tendance Johnson-Forest), d'autres qu'il s'agit d'un collectivisme bureaucratique, comme le courant autour de Max Shachtman, James Burnham et Joseph Carter. Ce courant s'inspirera plutôt d'Yvan Craipeau. En avril 1940, ils furent exclus du SWP avec 40% de ses membres et la majorité des membres de l'organisation de jeunesse, et fondent le Workers Party (WP, Parti des travailleurs). Au sein du WP, la division se poursuit, puisque la tendance Johnson-Forest retournera au SWP en 1947.

2.8 Après 1945

La stabilisation du régime de l'URSS et son véritable pillage des pays de l'Est pendant et après la Seconde guerre mondiale va accentuer les remises en question.

Les débats se poursuivent donc sur la nature de l'URSS, mais aussi sur celle des pays du "glacis" d'Europe de l'Est. Jusqu'en 1951, la QI a affirmé qu'ils étaient restés capitalistes, tout en maintenant la position que la Russie était un État ouvrier dégénéré. A cette époque, les débats sur le capitalisme d'État n'étaient pas aussi iconoclastes qu'ils ont pu le paraître par la suite.

Un leader de la QI, Ernest Mandel (sous le pseudonyme de «Germain») a déclaré que l'idée que la Russie et les glacis étaient capitalistes, ou l'idée que la Russie et les glacis étaient des États ouvriers, étaient toutes les deux évidemment fausses et n'avaient aucune place dans l'Internationale. Cependant, quelques mois plus tard il se rallia à la position que les pays d'Europe de l'Est étaient devenus des États ouvriers déformés.

Grandizo Munis rompt avec la IVe Internationale en 1948. Il se rallie à la thèse du capitalisme d'État et considère comme Max Shachtman que la IV a choisi un camp impérialiste dans la Deuxième Guerre mondiale, en s'alignant sur l'URSS.

Les trotskistes anglais sont majoritairement sceptiques vis-à-vis de la notion d'État ouvrier dégénéré. Parmi eux, Tony Cliff a caractérisé l'URSS comme capitalisme d'État et refusé la ligne de la défense de l'URSS dans les années 1940[10] Il développera ensuite sa théorie[11], et la précisera en parlant de "révolution permanente déviée"[12].

Charles Bettelheim écrivit également sur l'URSS à partir des années 1940.

La position de Socialisme ou Barbarie (Castoriadis)...

Natalia Sedova (qui était la deuxième épouse de Trotski), est convaincue par la thèse de Munis, et quitte la Quatrième internationale en 1951[13].

En 1953, Ignacio Iglesias quitte le POUM car il considère que l'URSS est un capitalisme d'État[14][15].

Le courant d'Amadeo Bordiga développe une analyse de l'URSS et des États du bloc de l'Est comme des capitalismes d'Etat. Selon ce courant, la modification des rapports de production en URSS a bel et bien commencé mais a rapidement tourné court du fait que la révolution ne s'est pas développée au niveau international. Ils voyaient dans l'étatisme stalinien le creuset où se formait une deuxième bourgeoisie russe beaucoup plus vigoureuse que celle qui avait existé avant 1917, et se dégageant progressive­ment de la gangue du système stalinien, cette deuxième bourgeoisie modèlerait fina­lement un nouveau capitalisme russe qui serait à l'image du capitalisme avancé de l'Occident.

2.9 Années 1970

Dans son Introduction au marxisme (1974), Ernest Mandel reprend fidèlement la thèse de Trotsky. Dans sa préface en 2007, Daniel Bensaid considère que c'est « la partie la plus datée de l’Introduction de 74, celle qui subit le plus mal l’épreuve des ans ».[16] Par ailleursMandel pensait dans ces années que l’économie soviétique étant en essor (symbolisée par le Spoutnik) et qu'avec la remontée de la révolution mondiale (dans les pays coloniaux, mais aussi en Europe après Mai 68), l’heure de la révolution politique allait sonner en URSS et en Europe de l’Est.

2.10 Années 1980

Dans son livre Où va l’URSS de Gobartchev ? (1989) Mandel surestime beaucoup la dynamique de révolution politique et sous-estime les forces de restauration capitaliste.

Mansoor Hekmat, marxiste iranien fondateur du courant "communiste-ouvrier", considérait que les bolchéviks ont échoué à rompre suffisamment avec le schéma de la Deuxième internationale sur la question de la transformation économique des rapports de production.

« L’accent constamment mis par les dirigeants du parti dans la période post-révolutionnaire sur le fait que « nous devons apprendre de la bourgeoisie » témoigne du fait que la question de la transformation économique s’identifiait pour eux à l’aspect quantitatif de la production et à l’amélioration des moyens de production, non avec le fait de révolutionner les rapports de production [...] Par exemple, si l’on considère la conception économique du socialisme et du capitalisme tant de Staline que de Trotsky, c’est-à-dire la conception selon laquelle plus ou moins de capitalisme d’État et la propriété d’État des moyens de production équivalent à la propriété commune socialiste, alors on mesure l’étendue révélatrice de l’influence intellectuelle de la IIe Internationale. »[17]

Ansi, si l'insistance sur l'indépendance de classe a permis la prise du pouvoir, la puissance de la bourgeoisie s'est maintenue à travers la voie de développement choisie (industrialisation par la planification centralisée...). Hekmat insistait sur la continuité de la lutte de classe prolétariat-bourgeoisie avant et après la révolution de 1917. Il considère donc que l'URSS était un capitalisme d'État.

2.11 La fin de l'URSS

L'analyse de la Perestroïka...

L'analyse de la Dissolution de l'URSS...

2.12 Après 1991

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Dans un texte de 1992, le groupe OCML-VP critique la position trotskiste classique, estimant qu'elle est superficielle. Il défend l'idée que l'URSS était un capitaliste d'Etat :

« Nous parlons, nous, de "Capitalisme d’État". Car il ne suffit pas de dire qu’une bureaucratie a monopolisé le pouvoir ; il faut comprendre qu’elle s’est appuyée sur des rapports sociaux semblables à ceux du capitalisme, c’est-à-dire la division du travail intellectuels (les dirigeants du Parti, de l’État et des entreprises) -manuels, l’autorité des cadres, la priorité économique à l’accumulation de moyens de production. C’est ça qui est important et non pas l’enveloppe étatique ; que ce soit nationalisé ou pas, planifié ou pas, il y a exploitation du travail. Il n’y avait donc pas une bureaucratie en opposition avec des acquis socialistes dans la société, mais une bureaucratie appuyée sur des rapports capitalistes, donc une nouvelle bourgeoisie. »[18]

En 2007, Daniel Bensaïd écrit que la bureaucratie au pouvoir a « démontré qu’elle n’était pas en tant que telle un "adversaire" déterminé du rétablissement du capitalisme.  »[16]

3 Conséquences

3.1 Défense de l'URSS

L'analyse de la nature de l'URSS avait un enjeu politique lorsque ce pays existait encore : la politique de défense de l'URSS ou pas. C'est principalement en lien direct avec cette question que le débat sur l'URSS a été mené, surtout après le pacte germano-soviétique et le déclenchement de la Seconde guerre mondiale.

Trotsky justifiait par le fait qu'il subsistait des "rapports sociaux ouvriers" le fait de défendre l'URSS contre tout État capitaliste. Il précisait que ce devait être une "défense inconditionnelle", dans le sens où cela ne dépendait pas d'une exigence que les staliniens changent de politique. Pour cette raison, Trotsky était réticent à employer le terme d'impérialisme pour caractériser l'expansionnisme de la bureaucratie soviétique, même s'il reconnaissait que c'était une forme d'impérialisme au sens général.

Au début de la Seconde guerre mondiale, Max Shachtman plaide pour passer à une "défense conditionnelle de l'URSS". Il voulait que les trotskistes différencient selon la sitution militaire concrète. Dans le cas de l'invasion par l'armée rouge de la Pologne et de la Finlande, il estimait que les Alliés comme l'Axe étaient deux camps impérialistes, et qu'il fallait donc appliquer le défaitisme révolutionnaire. Dans le cas d'une invasion de l'URSS par des États capitalistes, il disait maintenir la défense de l'URSS.[19]

Le courant autour du SWP anglais a rompu avec cette ligne, et a défendu une ligne « Ni Moscou ni Washington » pendant la guerre froide.

3.2 Régime stabilisé ou menacé ?

Trotsky considérait que l'URSS était une société instable, prenant même l'exemple d'une boule en équilibre instable au sommet d'une pyramide, devant nécessairement finir par tomber d'un côté (capitaliste) ou de l'autre (socialiste). Il considérait qu'à tout moment, la bureaucratie risquait soit d'être renversée par les travailleurs soviétiques (ce qu'il souhaitait), soit par les capitalistes impérialistes (ce contre quoi il fallait faire front avec elle). Ce raisonnement servait surtout à soutenir la politique de défense de l'URSS. Ce raisonnement était aussi en lien direct avec l'idée que la bureaucratie n'était pas une classe :

« Ne nous trouverions-nous pas dans une situation ridicule si nous donnions à l'oligarchie bonapartiste le nom de nouvelle classe dirigeante quelques années ou même quelques mois avant sa chute honteuse?»[5]

Dans La révolution trahie (1936), il écrivait que "la question du caractère social de l'URSS n'est pas encore tranchée par l'histoire". En septembre 1939, il disait encore que ce régime était « un état de crise aiguë et non un régime stable »[5].

3.3 Révolution politique ou révolution sociale

Trotsky appelait à une révolution des ouvriers soviétiques contre la bureaucratie. Cette révolution était qualifiée de révolution politique, pour la distinguer d'une révolution sociale. Les principaux moyens de production ayant déjà étés "socialisés", la révolution ne consisterait qu'à prendre le pouvoir politique.

Ante Ciliga rapporte que ce débat existait déjà parmi les trotskistes prisonniers de Staline en 1931-1932 :

« Les uns trouvaient qu'il n'y avait plus de dictature prolétarienne en U.R.S.S., mais que les "fondements économiques de la Révolution d'Octobre subsistaient". Ils en concluaient qu'il fallait faire une "révolution politique" doublée d'une "profonde réforme de l'économie". Les autres "négateurs" dont j'étais croyaient que non seulement l'ordre politique, mais aussi l'ordre social et économique étaient étrangers et hostiles au prolétariat. Aussi envisagions-nous une révolution non seulement politique, mais aussi sociale qui ouvrirait la voie au développement du socialisme. Selon nous la bureaucratie était une vraie classe et une classe hostile au prolétariat »[6]

Au sein de la Quatrième internationale, lors de son contre-rapport sur l'URSS en 1937, Yvan Craipeau a critiqué cette notion, en disant que « dénier à cette révolution prolétarienne le nom de révolution sociale, reste du domaine de la casuistique »[7]. Il reconnaissait que la révolution « sera facilitée par la structure économique de l'U.R.S.S., progressive par rapport aux pays capitalistes », mais disait que ce ne serait pas moins une révolution sociale que lors de la saisie par les travailleurs d'un trust déjà nationalisé comme les chemins de fers.

3.4 Contre-révolution

Pour Trotsky, seule une « contre-révolution sociale » (par des bourgeois de l'intérieur ou des impérialistes) pouvait défaire ce qu'avait fait la révolution d'Octobre. Daniel Bensaïd écrit en 2007 :

« L’hypothèse d’une restauration du capitalisme comme « contre-révolution sociale » évoque en effet une symétrie événementielle entre la révolution d’octobre et cette contre-révolution. Or, et c’est l’intérêt de la notion analogique de Thermidor, une contre révolution n’est pas une révolution en sens contraire (une révolution inversée), mais le contraire d’une révolution, non pas un événement symétrique à l’événement révolutionnaire, mais un processus. »[16]

4 Les autres "pays communistes"

Des controverses similaires touchent la nature des démocraties populaires, de la nature de l'Etat Chinois, de la nature de l'Etat Cubain, etc. Le cas de l'URSS est cependant généralement considéré à part, ne serait-ce que parce la révolution de 1917 est considérée par les communistes dans leur ensemble comme une authentique révolution socialiste.

Certains courants ont utilisé la notion d'État ouvrier déformé pour ces pays.

Enfin, il est à noter que ces divergences d'analyse ont conduit à des politiques différentes, notamment sur le sujet également polémique de la défense de l'URSS.

5 Notes

  1. Lénine, L'Etat et la Révolution, 1917
  2. Lénine, Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotsky, 30 décembre 1920
  3. Lénine, Discours sur les syndicats, 14 mars 1921
  4. 24 avril 1929, in Trotsky, Ecrits, T 1, M. Rivière, Paris 1955, p. 70.
  5. 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Trotsky, L'U.R.S.S. dans la guerre, 25 septembre 1939 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « DMA3 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « DMA3 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « DMA3 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 Ante Ciliga, Au pays du mensonge déconcertant, 1939 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Ciliga » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Ciliga » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  7. 7,0 et 7,1 Yvan Craipeau, Contre-rapport au IIe Congrès du POI, novembre 1937 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Craipeau » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  8. Trotsky, Une fois de plus: l'U.R.S.S. et sa défense, 4 novembre 1937
  9. Trotsky, Un Etat non ouvrier et non bourgeois ?, 25 novembre 1937
  10. Tony Cliff, The Nature of Stalinist Russia, 1948
  11. Tony Cliff, Le Capitalisme d'Etat en Russie, 1955
  12. Tony Cliff, La révolution permanente déviée, 1963
  13. Natalia Sedova-Trotsky, Déclaration de rupture avec la IV° Internationale, 1951
  14. Ignacio Iglesias, Bureaucratie et capitalisme d’Etat, 1951
  15. Ignacio Iglesias, L’URSS: de la révolution socialiste au capitalisme d’Etat, 1952
  16. 16,0 16,1 et 16,2 Daniel Bensaïd, Trente ans après : introduction critique à l’Introduction au marxisme d’Ernest Mandel , 2007 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « IntroMandel » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « IntroMandel » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  17. Mansoor Hekmat, L’expérience de la révolution ouvrière en Union soviétique, 1986
  18. OCML-VP, Le socialisme : une question d’actualité, avril 1992
  19. Max Shachtman, The Soviet Union and the World War, 1940