Léninisme

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Le léninisme est un thème, a priori, après la mort de Lénine pour désigner, du moins pour les communistes révolutionnaires, la continuation du socialisme scientifique suite aux apports de Marx et d'Engels. Mais de la façon dont il est souvent employé, il renvoie à un ensemble de principes attribués par certains courants politiques à Lénine, pas toujours avec le souci de la vérité historique.

Bien des choses se sont passées depuis l'époque de Lénine. Mais trois thématiques de base qui traversent l’œuvre de nos jours restent valables aujourd'hui pour quiconque est préoccupé de s'orienter correctement dans la lutte révolutionnaire : l'indépendance de la classe ouvrière, l'impossibilité de s'emparer des institutions de l'Etat bourgeois et la nécessité d'une organisation centralisée.

Face au stalinisme, fossoyeur de nombreuses révolutions socialistes, du léninisme et probablement un des responsables principaux du recul du mouvement ouvrier pendant la seconde moitié du XXème siècle. Le trotskysme reste la seule continuité contemporaine du mouvement communiste révolutionnaire suite aux apports de Trotsky et de Lénine.

1 Origines

A la recherche d'une stratégie pour changer le monde, Lénine découvre les écrits de Karl Marx et prend conscience à la fois du fonctionnement du capitalisme et de la centralité stratégique de la classe ouvrière dans le processus révolutionnaire. Au début des années 1890, Lénine fait valoir que les révolutionnaires doivent être là où se trouve la classe ouvrière (dans les usines) et s'engager dans des luttes, aussi modestes soient-elles, pour les salaires et les conditions de travail.

En 1902, Lénine écrit Que_Faire_?, consacré aux questions d'organisation. Il plaide dans ce traité politique pour la création d'un parti ouvrier avant-gardiste matérialisé par la conscience de classe et la théorie révolutionnaire. Lénine argumente de la façon suivante : La conscience de classe, puis, la conscience révolutionnaire ne se développent pas de façon inné et peuvent rapidement disparaître. C'est pour cette raison qu'ils doivent être cristaillées dans un parti politique, et, dans son journal. L'objectif ne serait pas uniquement de rassembler la fraction du prolétariat sensible au programme révolutionnaire mais de constituer un noyau de militants, de révolutionnaires professionnels, c'est-à-dire la fraction la plus consciencieuse et la plus politisée du prolétariat, organisée de façon centralisée et disciplinée. C'est dans ce même traité que Lénine pose les bases du centralisme démocratique, qu'il résume par la « liberté totale dans la discussion, l'unité totale dans l'action ». Que Faire ? constitue un des fondements du parti léniniste. Il fut l'une des œuvres-clés qui provoquèrent quelques mois plus tard la division entre les mencheviks et les bolcheviks.

En 1909, dans un contexte où il doit rivaliser, à l'intérieur du courant bolchevik, avec la tendance de Bogdanov et avec les « gauchistes » partisans du boycott de la Douma, Lénine publie l'ouvrage philosophique Matérialisme et empiriocriticisme. Lénine réaffirme que l'énergie est inséparable de la matière car l'énergie est matérielle et que l’existence d'un mouvement est dû à la matière. Lénine combat dans ce pamphlet l'idéalisme qui est une sorte de négation de l'objectivité scientifique (en particulier la religion) propre au marxisme. Bogdanov concluait qu'il fallait réconcilier religion et marxisme pour relancer l'élan révolutionnaire de la masse, affaibli par la révolution de 1905. Cette première pourtant ignorait la matière quand les découvertes scientifiques étaient mises en évidence car ils affirment que la matière n'existait pas. Lénine transpose sur le terrain philosophique sa conception de l'organisation politique, dont les fondements sont la séparation en deux camps radicalement opposés et une stricte discipline du camp révolutionnaire.

Dans le contexte de la Première Guerre Mondiale, Lénine écrit en 1916 L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme où Lénine multiplie le recours aux statistiques et aux citations d'économistes pour en arriver à la définition suivante de l'impérialisme :

L'impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l'exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes.

Il oppose sa définition à celle de Karl Kautsky, pour qui l'impérialisme est une tendance aux annexions, une politique que mènent les grandes puissances capitalistes mais qu'elles pourraient choisir de ne pas mener. Pour Lénine, l'expansionnisme et le colonialisme sont intrinsèquement liés à la nouvelle phase du développement capitaliste. Lénine dénonce le caractère illusoire de l'opposition à l'impérialisme de ceux qui souhaiteraient mettre fin à la domination des trusts par le retour à la libre concurrence, caractéristique d'un stade antérieur du capitalisme, celui du XIXe siècle. Il dénonce aussi l'opportunisme de ceux qui défendent la paix sans lutter pour le socialisme. La guerre étant pour lui une conséquence inévitable des rivalités entre impérialismes pour le repartage du monde, il s'ensuit que le seul moyen d'en finir avec la guerre, c'est d'œuvrer à la révolution socialiste. Lénine voit dans le développement de ce qu'il appelle l'opportunisme un sous-produit de l'impérialisme : les profits élevés des monopoles leur permettent de corrompre une partie de la classe ouvrière (l'aristocratie ouvrière) et de la rallier à la bourgeoisie, dont elle épouse désormais les antagonismes. Lénine pense à la guerre en cours même si, censure oblige, il ne l'écrit pas ouvertement.

Durant la révolution russe, en 1917, Lénine rédige son ouvrage le plus important, L'Etat_et_la_révolution. Où il affirme que l’État est un instrument de classe, au service des classes dominantes et oppressant les classes exploitées. Il réaffirme également un des acquis du socialisme scientifique, déformée par le révisionnisme et le réformisme : le renverser de l'Etat par une révolution violente. Polémiquant avec les anarchistes, Lénine affirme qu'une société sans classe et sans Etat ne naîtra pas directement après la révolution et, au contraire, organiser le pouvoir ouvrier surgi dans la révolution en État Ouvrier, radicalement différent et plus démocratique que les anciens États, et d'établir une dictature révolutionnaire contre les anciennes classes possédantes - la dictature du prolétariat. Puis, les classes disparaissant, l'Etat deviendrait inutile et s'effacerait.

Après la Révolution d'Octobre de 1917, Lénine rédige l'ouvrage La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), dans ce pamphlet, Lénine critique durement la stratégie suivie par une partie des communistes, notamment allemands et italiens, car le stratégie au nom de la « pureté » de leurs idées, refusent de participer au parlementarisme, de front unique, d'adhérer à des syndicats non révolutionnaires, etc..., les coupent des masses. Il insiste à nouveau sur l'importance de la discipline militante et sur l'association entre le travail politique légal - notamment via les parlements et les syndicats - et illégal.

2 Lénine dirigeant de l'Etat ouvrier

L'Etat Ouvrier Russe est le première, et la seule à ce jour, où le prolétariat s'est constituée de façon durable en classe dominante par le biais de la révolution russe et des soviets afin de collectivisée les moyens de production. Mais dans le contexte de la guerre civile russe, guerre mené par les anciens dirigeants russes évincés par la révolution contre la jeune Russie des soviets, appuyés par les armées d'une vingtaine de pays capitalistes, les bolcheviques (plus particulièrement Trotsky) mettent sur pied l'Armée rouge. Mais la révolution échoue en Allemagne, et la révolution russe demeure isolée. Les bolchéviks gagnent la guerre civile, mais au prix d'une ruine économique et d'une destruction massive de la classe ouvrière. En 1921, celle-ci ne représente numériquement que le tiers de ce qu'elle était en 1917. Certains ouvriers, en effet, sont morts à la guerre ; d'autres confrontés au chômage et à la famine, sont rentrés à la campagne où ils pouvaient obtenir de quoi manger. Face à l'état piteux de l'économie russe, Lénine introduit la NEP ("nouvelle politique économique"), qui comporte une incitation financière à la productivité pour les paysans, la restauration d'une certaine forme de propriété privée, et la favorisation du commerce privé. Le Xe Congrès du Parti communiste russe prend la décision d'interdire les fractions. Le dernier combat de Lénine est dirigé contre la bureaucratie montante. Il ne voit de remèdes que dans un combat patient pour une véritable démocratie des travailleurs, et pour l'introduction de plus de travailleurs dans la machine d'Etat. Lénine est également obligé de réfléchir à qui devrait être appelé à lui succéder comme principal dirigeant de la jeune Union soviétique. Il écrit un petit document, connu comme son "Testament", où il passe en revue les principaux dirigeants du Parti bolchévik. Il est critique envers chacun d'eux, mais c'est à Staline qu'il réserve ses flèches les plus acérées.

Beaucoup d'intellectuels affirment, paresseusement, que les méthodes et les actions de Lénine ont mené directement aux atrocités de Staline. En réalité, on ne peut évidemment pas réduire le destin de l'Union soviétique après Lénine à la question de la psychologie de tel ou tel dirigeant. En réalité, la principale explication historique du stalinisme réside dans le fait que la révolution russe a échoué à s'étendre à d'autres pays. La faute en revient aux dirigeants occidentaux comme Winston Churchill qui lancèrent leurs armées contre le jeune Etat ouvrier, et aux dirigeants révolutionnaires qui tergiversèrent à défendre la révolution russe. Après la mort de Lénine, la politique de Staline consista à décourager les mouvements révolutionnaires qui éclataient à certains endroits du monde. Il ordonna aux communistes chinois de se ranger derrière Tchang Kai-chek, un dirigeant bourgeois qui les utilisa puis les massacra. Cette pratique, théorisée sous la forme du "socialisme dans un seul pays", n'a rien à voir avec l'internationalisme de Lénine. Sous Staline, beaucoup de gains révolutionnaires furent perdus. La démocratie ouvrière s'atrophia puis disparut. La dure répression parfois mise en oeuvre lors des premières années de la révolution n'a rien à voir avec la sauvagerie des crimes staliniens et les procès truqués. l'avortement et l'homosexualité redevinrent des crimes. La créativité artistique fut remplacée par les canons du "réalisme socialiste". La politique de collectivisation forcée des terres menée par Staline est à l'opposé de l'alliance entre prolétariat urbain et paysannerie recherchée constamment par Lénine. Sous Staline, une nouvelle classe de bureaucrates émergea. Le parti bolchévik devint une organisation de l'élite, préoccupée de ses propres intérêts.

3 Le léninisme après Lénine

Le stalinisme s'est construit en même temps que la jeune révolution bolchévique dégénérait. C'est la bureaucratie réactionnaire qui constituait la base sociale de cette régression, car elle confisquait le pouvoir des mains des soviets et donc des ouvriers. C'est elle qui s'est reconnue dans Staline et a donné du poids à son "argumentation" et à sa propagande. C'est ce poids croissant qui a permis au stalinisme de se présenter de grès ou de force comme la continuateur de Lénine, en calomniant tout opposant comme Trotsky et l'Opposition de gauche. Le stalinisme a cherché à théoriser ses politiques d'abandon de la révolution internationale, voire contre-révolutionnaires. L'exemple le plus frappant en est la théorie du "socialisme dans un seul pays".

La stalinisation de l'Internationale Communiste a rapidement eu l'effet inverse : l'IC a conduit à l'échec ou a directement étouffé des révolutions ouvrières prometteuses : Révolution chinoise, Révolution espagnole... Il est à noter que les textes de 1928 de l'Internationale communiste contiennent des passages évoquant les mesures contre la bureaucratisation en URSS, alors que celle-ci était déjà très avancée[1].

La société sous Staline était profondément inégalitaire. La particularité par rapport aux sociétés capitalistes, c'était que cette inégalité ne se basait pas vraiment sur des différences de revenus, car les écarts sont restés relativement faibles depuis la révolution, même s'ils ont grandi. En revanche, les dirigeants de la production étatisée, c'est à dire la bureaucratie politique, s'est arrogée de grands privilèges dans l'accès aux biens.

Staline justifiait cet état de fait par une des formules lapidaires et pseudo-léninistes dont il avait le secret :

« Tout léniniste sait (s’il est un véritable léniniste) que l’égalisation dans le domaine des nécessités et de la vie individuelle est une absurdité réactionnaire petite-bourgeoise. » Staline, 1934[2]

Les travailleurs d'URSS n'étaient pas dupes, et voyaient bien la contradiction avec le dogme officiel. On peut en voir un exemple dans cette blague qui circulait sur Leonid Brejnev (chef de l'URSS de 1964 à 1982) :

Brejnev tenait [démontrer à sa mère] sa réussite. Il la fait venir de Dniéprodzerjinsk, en Ukraine, pour lui montrer son vaste appartement, mais elle reste muette, même un peu gênée. Alors il téléphone au Kremlin, ordonne qu’on lui amène sa Zil, et il conduit sa mère à sa datcha d’Ousovo, où ont résidé Staline et Khrouchtchev. Il lui fait tout visiter, lui montre les magnifiques jardins, mais elle ne dit toujours rien. Alors il commande son hélicoptère personnel et l’emmène droit à son pavillon de chasse de Zavidovo. Là, il la fait entrer dans la salle de banquet, lui fait admirer l’énorme cheminée, ses fusils, tout le luxe et, incapable de se retenir plus longtemps, il supplie : « Dis-moi, maman, qu’est-ce que tu en penses ? » Elle hésite, et puis hasarde : « Ma foi, c’est bien beau. Leonid… Mais si les Rouges reviennent ? »[2]

Le terme de trotskisme est d'abord apparu comme insulte de la part des staliniens. Il servait alors à calomnier lui et ses partisans, qui défendaient la Révolution russe et le marxisme face à la bureaucratie et au révisionnisme. Les staliniens n'hésitaient pas à employer l'amalgame "hitléro-trotskiste", ignoble quand on sait comment Trotsky s'est battu contre le nazisme, et combien les staliniens sont responsables de son succès.

Trotsky a beaucoup contribué à faire vivre le socialisme scientifique face aux immenses problèmes du XXème siècle. Les positions politiques qu'il défendait en Russie avec l'Opposition de gauche à Staline (lutte contre la bureaucratisation du parti bolchévik, pour l'industrialisation rapide, pour l'internationalisme, etc...), se sont avérées tragiquement pertinentes. Mais plus généralement qu'en URSS, les débats stratégiques fondamentaux avec le centrisme stalinien l'ont conduit à élaborer la théorie de la Révolution permanente, et à étudier dans un grand nombre de cas les modalités du front unique. Il a également proposé une theorie de la dégénérescence bureaucratique de l'URSS, devenue selon lui un État ouvrier dégénéré.

Exilé, après avoir tenté avec ses partisans de redresser l'Internationale communiste, il fonda la Quatrième internationale.

4 Notes et sources

http://www.avanti4.be/debats-theorie-histoire/article/lenine-leninisme-et-anti-leninisme

  1. Internationale Communiste, VI° Congrès, Programme, 1928
  2. 2,0 et 2,1 Hedrick Smith, Les Russes, 1976 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Hedrick » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.