Cosaques
Cosaque, en russe kazak (казак), en ukrainien козак ou en polonais Kozak, est le nom donné à un groupe de populations en majorité slaves d’Europe orientale adjacente au Caucase et à l’Asie et autrefois au domaine ottoman.
L’origine du terme « cosaque » renvoie à une fonction, une catégorie d’individus, plutôt qu’à une ethnie ou un peuple. Son étymologie est la même que celui de Kazakhs (habitants du Kazakhstan), et dérive de la même racine turco-mongole signifiant « homme libre », ou « sans attache ».
1 Historique
1.1 Origine des Cosaques
Les Cosaques sont mentionnés pour la première fois dans le Codex Cumanicus, un document du 13e siècle. Le mot signifie alors, soit « garde de convois », soit « pillard des steppes ». Par la suite, la Chronique de Nikon (16e siècle) rapporte que des bandes cosaques apparurent dans les environs de Riazan, près de Moscou dès 1443. Selon la chronique, cette année-là le grand-prince de Riazan conclut un accord avec des renégats tatars venus piller le pays. Ils s'installèrent pour l'hiver et louèrent leurs services de mercenaires pour combattre les Tatars.
Ces premiers Cosaques, probablement d'origine turque ou mongole, aventuriers, pirates et mercenaires, descendirent la Volga et colonisèrent les rives du fleuve russe, ainsi que, progressivement, celles du Don et du Dniepr. Ils s'installèrent dans la steppe du sud de la Russie et de l'Ukraine actuelle, au nord de la mer Noire. Ils se slavisèrent rapidement, et à partir du 15e siècle des slaves deviennent cosaques. C'est d'ailleurs en 1468 qu'apparaît près de Moscou le premier chef cosaque à nom slave : Ivan Rouno.
Réunis en bandes (starchines) louant leurs services aux nations limitrophes de la steppe, ces premiers Cosaques se retrouvent bientôt aux côtés de Moscovites, de Lituaniens, de Polonais ou de Moldaves, intègrent des éléments des colonies italiennes de la mer Noire et même du khanat de Crimée. On les décrit alors comme étant surtout des mercenaires, des gardes-frontières, des guides de la steppe, des protecteurs de marchands ou de diplomates, mais aussi et surtout des pillards attaquant les villages et les caravanes de rencontre.
Par la suite, ces bandes d'aventuriers accueillent les nombreux fugitifs des États voisins, dont certains arrivaient par familles entières pour échapper au servage, aux lourds impôts ou aux guerres. Les bandes devinrent des établissements, puis de vraies communautés, formées de parias, de pauvres, de rebelles, d'esclaves, aussi bien nordiques et slaves qu'orientaux.
1.2 Les cosaques zaporogues
Les premiers Cosaques véritablement organisés apparaissent dans la région du Don, autour de 1520, et sur le Dniepr inférieur pour les Zaporogues, en 1550. Porohy signifie « rapides », « tourbillons », en référence à la géographie du grand fleuve. La steppe pontique où ils vivaient constituait une zone-tampon entre les monarchies chrétiennes du nord-ouest et les états musulmans du sud-est.
Les Cosaques zaporogues étaient ethniquement essentiellement des Ukrainiens et des Biélorusses orthodoxes, avec une importante minorité polonaise catholique (un dixième environ). Mais il y eut aussi des groupes arméniens (tcherkessogaïs), moldaves (razèches), et même un petit détachement juif (Karaïme) au début du 17e siècle. Il y eut aussi des aventuriers de toutes origines, y compris de France, car les cosaques accueillaient tous les hommes, quelle que soit leur origine, qui, abandonnant ce qu'ils étaient, voulaient vivre comme eux.
Ils étaient organisés en confréries militaires, vivant de chasse, de pêche et de rapines chez les Tatars (et réciproquement), lorsqu'ils ne résidaient pas dans leurs camps retranchés, les sitch. S'organisant en démocratie directe, les Cosaques élisent leurs chefs militaires (lors d'assemblées générales appelées Rada), dont le plus élevé dans la hiérarchie porte le nom de « otaman » ou hetman. Cependant, gare à l'otaman lorsque l'expédition échouait, ce qui était rare.
Certains cosaques se mettent au service du roi de Pologne contre les Tatars, mais la plupart restent libres.
Des Cosaques devinrent également navigateurs, organisant des expéditions de pillage jusqu’à Constantinople.
Au 16e siècle, le gouvernement polonais commence une politique d’enregistrement officiel, c’est-à-dire d’inscription sur les registres leur accordant la propriété de la terre des steppes, celle-ci appartenant en principe au roi, contre un service militaire, un statut ressemblant donc à celui de la noblesse. Au temps du roi de Pologne Sigismond II Auguste, il y avait au mieux 500 cosaques enregistrés, alors que les troupes cosaques pouvaient atteindre 10000 à la fin du siècle. Le nombre de cosaques enregistrés augmente à plusieurs reprises, mais est toujours largement inférieur au nombre réel de cosaques.
Les cosaques non enregistrés devaient en principe devenir serfs sur les domaines de nobles polonais, ce qui fut la cause des révoltes. Au début du 17e siècle, plusieurs milliers de cosaques sont enregistrés ; environ 6000 avant la révolte de 1648. Il y avait déjà entre 100000 et 200000 Ukrainiens qui se disaient cosaques, souvent des paysans qui ne voulaient plus être serfs. Le nombre de Cosaques ne dépassait pas en réalité 50000 hommes, y compris ceux qui ne parcouraient les steppes qu'occasionnellement. En 1648, c'est en fait toute l'Ukraine qui se révolte au nom des libertés cosaques.
1.3 Développement de la cosaquerie
Par la suite les cosaques formèrent d'autres communautés plus à l'est au fur à mesure que les nobles, russes et polonais, colonisaient leurs territoires. Du côté lituano-polonais (Ukraine actuelle), les cosaques, hormis les zaporogues, furent récupérés par l'État en tant que soldats, qui créa en 1581 un registre pour les recenser. On parla alors des « cosaques enregistrés », par opposition aux « libres » qui restaient hors du contrôle de l'État. Côté russe, les cosaques également se mirent sous la coupe du gouvernement du tsar. Bien qu'autonomes dans leurs régions, ils collaboraient avec les armées tsaristes contre une solde et des produits en nature (sel, alcool, tissus, poudre, etc.).
Les établissements cosaques se multiplièrent sur les frontières de l'Empire russe : le Caucase avec le Kouban et le Terek, puis toute la Sibérie, avec les conquêtes de Ermak Timofeïévitch au-delà de l'Oural pour le compte du tsar Ivan IV le Terrible.
1.4 Révoltes et soulèvements
Opprimés par les féodaux polonais qui colonisaient progressivement le pays, les cosaques se révoltent et l'État dut sans cesse batailler pour les contenir, tout en les contentant afin de pouvoir les utiliser. Le plus célèbre de ces soulèvements fut celui de 1648 conduit par Bogdan Khmelnitski. Il aboutira à la création de l'Hetmanat, un État cosaque sous la férule de la Pologne, et à la création des cosaques de la région « slobodienne » (slobodskaïa), des hommes positionnés à l'est de l'Ukraine dès 1620 et qui, hors de l'Hetmanat proprement dit, décidèrent de passer sous le contrôle du tsar. Plus tard, l'Hetmanat se scinda en rive Gauche et rive Droite (du Dniepr), respectivement contrôlées par la Russie et la Pologne. Le côté polonais fut rapidement dissous, tandis que le côté russe, qui garda seul le nom d'Hetmanat, fut supprimé par Catherine II en 1775.
En Russie aussi, les révoltes se succédèrent, dès 1606 avec Ivan Bolotnikov, puis Stenka Razine entre 1667 et 1671, Kondrati Boulavine) en 1707 et Iemelian Pougatchev à partir de 1773, pour ne prendre que celles qui eurent un retentissement national.
1.5 Les cosaques de Russie
À partir du début du XVIe siècle les cosaques russes partaient pour le service de guet et de patrouille, protégeaient les territoires frontaliers de la Moscovie contre les incursions des tatars de Crimée, de Kazan et d'Astrakhan et des hordes transvolgiennes. La région entre Donets et Don se peuple également de paysans qui y deviennent chasseurs, pêcheurs, quelquefois éleveurs, organisant des expéditions chez les tatars. Ces cosaques forment la communauté du Don.
Les cosaques russes ont joué un rôle important pendant l'expansion de la Russie en Sibérie (en particulier Ermak Timofeïévitch), au Caucase et en Asie centrale du Modèle:XVIe s au XIXe siècles. Ils ont également servi de guides pour la plupart des expéditions russes de géographes, de commerçants, d'explorateurs et d'arpenteurs civils.
À la fin du XVIe siècle, les cosaques russes de la Sibérie de l'ouest ont fondé les villes de Tobolsk, Beressov, Sourgout, Tara, Obdorsk et Narym. Au début du XVIIe siècle les cosaques russes ont atteint le fleuve Ienisseï.
À l'époque du règne de Mikhaïl Romanov, les cosaques russes de la Sibérie de l'est ont fondé les villes de Ienisseïsk, Krasnoïarsk et Iakoutsk et atteint l'océan Pacifique. Le cosaque Vassili Poïarkov a passé en 1645[1] le fleuve Amour et découvert la côte septentrionale de l'île Sakhaline. En 1648, un autre cosaque, Simon Dejnev a atteint l'embouchure du fleuve Anadyr (dans la péninsule de Tchoukotka) et découvert la route entre l'Asie et l'Amérique, tandis qu'entre 1697 et 1699, Vladimir Atlassov atteint quant à lui la péninsule du Kamtchatka[2].
1.6 Soldats du tsar
À la suite de la révolte de Pougatchev, puis à celle des haïdamaks, des zaporogues mélangés à des paysans rebelles (à ne pas confondre avec les haïdouks des Balkans), l'impératrice Catherine II décida la dissolution de l'Hetmanat et de la Sietch zaporogue, et la répression frappa toutes les autres communautés dès 1775. À partir de là, les cosaques, devenus inexistants côté ukrainien, intégrèrent les armées impériales du côté russe, à la manière de régiments de dragons ou de hussards. Passant entièrement à la solde du tsar, ils gardèrent néanmoins une forme d'autonomie, d'abord au sein de leurs établissements, que l'on appela voïsko, des armées territoriales dont certaines étaient endogènes et d'autres créées artificiellement par l'État pour défendre les frontières, puis en étant exemptés d'impôts.
Toujours en quête d'indépendance, les cosaques, en échange de leur statut spécial et des avantages concédés par le pouvoir, se muèrent donc en soldats de l'Empire, puis, en gendarmes du tsar, devenant le bras armé le plus efficace du gouvernement.
Cosaques dans l'armée impériale Russe : il existait des régiments de cavalerie cosaques dans l'armée russe, qui assuraient la garde rapprochée de la famille impériale et des princes. Ces régiments étaient composés de cosaques instruits : il était obligatoire de savoir lire, écrire et compter. La notion de titre nobiliaire était juste tolérée et comme le disait un proverbe cosaque « quand un cosaque est à cheval, seul Dieu est plus grand que lui ». La plus célèbre des divisions cosaques de l'armée russe était une division qui portait le nom de « Division Sauvage » et qui était redoutée pour la violence de ses charges. Elle était totalement indépendante et nommait ses officiers, qui étaient confirmés dans leur grade, par des écoles d'instruction ou des décrets impériaux. L'empereur et les princes de la famille étaient tous commandants d'une division de cosaques, qui, au combat, était fractionnée en groupes nommés sotnia, et qui pouvait rapidement se regrouper pour attaquer la cavalerie ennemie.
1.7 Les communautés de cosaques de la Russie à la veille de la première guerre mondiale
À la veille de 1914, une dizaine d' "armées" (voïsko) cosaques, c'est-à-dire de communautés territoriales militarisées, d'une population totale de 4,5 millions, familles incluses, s'échelonnaient d'ouest en est sur le territoire russe, dans un ordre décroissant en termes d'effectifs [3]
- Les cosaques du Don, apparus en 1520
- Les cosaques de l’Oural, 1571
- Les cosaques du Terek, 1577
Seules ces trois communautés sont de création essentiellement spontanée et endogène.
Les communautés suivantes sont des groupes de garde-frontières créés par les tsars.
- Les cosaques du Kouban (Descendants des Zaporogues), 1696
- Les cosaques d’Orenbourg, 1744
- Les cosaques d’Astrakhan, 1750
- Les cosaques de Sibérie, 1760
- Les cosaques du Danube, 1828
- Les cosaques de Transbaïkalie, 1851
- Les cosaques du fleuve Amour, 1858
- Les cosaques de Semiretchie, 1867
- Les cosaques de l’Oussouri, 1889
2 De 1917 à aujourd'hui
2.1 Les cosaques après la Révolution de 1917
À la révolution, les cosaques furent assimilés aux troupes blanches, bien qu'il y eut également des cosaques Rouges et même certains organisés en Soviets. Ces cosaques organisés en soviets libres combattirent à la fois contre les Rouges et les Blancs sous le nom de Makhnovchtchina, initiée par Nestor Ivanovitch Makhno (en ukrainien : Нестор Іванович Махно).
2.2 Les cosaques pendant la Seconde Guerre mondiale
Persécutés sous l'Union soviétique, ils furent un temps recomposés sous Staline pour aider à combattre durant la Seconde Guerre mondiale, puis amalgamés aux koulaks, la classe de paysans enrichis que Staline voulut anéantir. Une grande partie des cosaques, qu'on appela les cosaques de Pannwitz, préféra rejoindre les forces de Hitler, afin de se venger des persécutions communistes, espérant retrouver la liberté après le conflit.
2.3 Aujourd'hui
Les communautés cosaques avaient cessé d’exister comme entités officielles après la révolution russe. Depuis la chute de l’U.R.S.S. elles se sont en partie reformées, et bénéficient d’une reconnaissance officielle en tant que Cosaques enregistrés de la Fédération de Russie.
3 Notes et références
- ↑ (ru) Article Vassili Poïarkov dans le Encyclopédie Brockhaus et Efron.
- ↑ (ru) Atlassov, Vladimir Vassilievitch dans l’encyclopédie Brockhaus et Efron (1890-1907).
- ↑ Iaroslav Lebedynsky, Histoire des Cosaques, Terre Noire, 1995, p174
4 Bibliographie
- (pl) Maciej Franz, L’art militaire des Cosaques Zaporogues aux 16e – 17e siècles [« Wojskowość Kozaczyzny Zaporoskiej w XVI-XVII wieku »], édition Adam Marszalek,
- Iaroslav Lebedynsky, Histoire des Cosaques, Terre Noire, 1995, 269p: un survol historique de la formation des cosaques, avec une mise en valeur de leur composante ukrainienne.
- Iaroslav Lebedynsky, Les Cosaques, Une société guerrière entre libertés et pouvoirs - Ukraine - 1490-1790, Paris, Errance, « Civilisations et cultures », 2004. (ISBN 2 87772-272-4)
- Philip Longworth, Les Cosaques, Paris, Albin Michel, 1972.
- Mikhaïl W. Ramseier, Cosaques, Genève, Nemo, 2009. (ISBN 2-940038-39-2)
- Jean Savant, Les Cosaques, Paris, Éditions Balzac, 1948.
- Goudakov Vladimir, Caucasiens, Cosaques et empires : les relations interculturelles au Caucase du Nord-Ouest, 15e – 18e siècle, Édition : L'Harmattan (juin 2009) (ISBN 229609502X)
- Dmitri Nikolaïevitch Pechkov (Auteur), thomas Stevens (Auteur), Jean-Louis Gouraud (Préface), Carole Ferret (Traduction), La Russie à cheval : Récits croisés d'un cosaque et d'un reporter (1889-1890), Éditeur : Payot (mars 2002) (ISBN 2228895644)
- Jean-Benoit Scherer, Annales de la Petite-Russie, ou Histoire des Cosaques-Saporogues et des Cosaques de l'Ukraine, ou de la Petite-Russie depuis leur origine jusqu'à nos jours:… et de pièces justificatives. Tome 2, Éditeur : BookSurge Publishing (avril 2001) (ISBN 0543996883)
- Francis Moncaubeig, Sur les traces des Cosaques, Éditeur : Anovi (juin 2015) (ISBN 9782914818650)