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'''Nadejda Konstantinovna «Nadia» Kroupskaïa''' (en russe Надежда Константиновна Крупская), née à Saint-Pétersbourg le 26 février 1869 et morte à Moscou le 27 février 1939, était l'épouse de [[Lénine|Lénine]]. Pédagogue de métier (docteur en éducation), elle est surtout connue en tant que militante [[Bolchéviks|bolchévique]] et collaboratrice politique de son époux.{{AjoutDates|26/02/1869|27/02/1939}}
 
'''Nadejda Konstantinovna «Nadia» Kroupskaïa''' (en russe Надежда Константиновна Крупская), née à Saint-Pétersbourg le 26 février 1869 et morte à Moscou le 27 février 1939, était l'épouse de [[Lénine|Lénine]]. Pédagogue de métier (docteur en éducation), elle est surtout connue en tant que militante [[Bolchéviks|bolchévique]] et collaboratrice politique de son époux.{{AjoutDates|26/02/1869|27/02/1939}}
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== Les premiers pas du militantisme marxiste ==
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==Les premiers pas du militantisme marxiste==
    
Nadejda Kroupskaïa naît au sein d’une famille de petite [[Noblesse|noblesse]]. Son père, Konstantin Krupski, est un officier dont la carrière militaire a été brisée par ses opinions politiques. Après sa mort, en 1883, sa mère, née Elizaveta Vassilievna Tistrova (1843-1915), ancienne gouvernante, l’élève en défendant elle aussi des idées libérales, celles d’une [[Intelligentsia|intelligentsia]] qui accepte de plus en plus mal les principes de l’[[Autocratie|autocratie]]. Cette éducation influence nettement la jeune fille qui démontre par ailleurs d’évidentes capacités scolaires ainsi qu’une insatiable curiosité intellectuelle.
 
Nadejda Kroupskaïa naît au sein d’une famille de petite [[Noblesse|noblesse]]. Son père, Konstantin Krupski, est un officier dont la carrière militaire a été brisée par ses opinions politiques. Après sa mort, en 1883, sa mère, née Elizaveta Vassilievna Tistrova (1843-1915), ancienne gouvernante, l’élève en défendant elle aussi des idées libérales, celles d’une [[Intelligentsia|intelligentsia]] qui accepte de plus en plus mal les principes de l’[[Autocratie|autocratie]]. Cette éducation influence nettement la jeune fille qui démontre par ailleurs d’évidentes capacités scolaires ainsi qu’une insatiable curiosité intellectuelle.
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Dès 1890, Kroupskaïa devient membre d’un cercle d’étudiants marxistes. Elle travaille dès lors vigoureusement à répandre les idées révolutionnaires parmi les travailleurs qu’elle côtoie lors de ses leçons d’alphabétisation. Ces cinq années d’activisme lient définitivement la jeune fille noble aux milieux [[Prolétaires|prolétaires]], puis, un peu plus tard, à [[Lénine|Vladimir Oulianov]]. Durant l’automne 1893, en effet, elle découvre ce ''« marxiste très savant »'' en lisant un de ses textes, une étude économique dans laquelle elle apprécie, en bonne pédagogue, la clarté d’expression et la netteté d’analyse.
 
Dès 1890, Kroupskaïa devient membre d’un cercle d’étudiants marxistes. Elle travaille dès lors vigoureusement à répandre les idées révolutionnaires parmi les travailleurs qu’elle côtoie lors de ses leçons d’alphabétisation. Ces cinq années d’activisme lient définitivement la jeune fille noble aux milieux [[Prolétaires|prolétaires]], puis, un peu plus tard, à [[Lénine|Vladimir Oulianov]]. Durant l’automne 1893, en effet, elle découvre ce ''« marxiste très savant »'' en lisant un de ses textes, une étude économique dans laquelle elle apprécie, en bonne pédagogue, la clarté d’expression et la netteté d’analyse.
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== Un premier exil au service du marxisme et de Lénine ==
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==Un premier exil au service du marxisme et de Lénine==
    
L’année suivante, elle rencontre Oulianov lors d’une conférence organisée à Saint-Pétersbourg. Elle remarque son énergie comme son sens très vif de la polémique, voire du sarcasme. En 1895, Kroupskaïa adhère à ''l’[[Union_de_lutte_pour_la_libération_de_la_classe_ouvrière|Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière]]'', fondée à Saint-Pétersbourg par Oulianov, avec [[Martov|Martov]] et [[Potressov|Potressov]]. Dès lors, les deux militant-e-s ne se quitteront plus. Collaboratrice attentive, Nadejda prépare les congrès et les conférences du mouvement mais ne se cantonne pas à ce rôle secondaire. Elle participe activement, entre arrestations et emprisonnements, aux débats du Parti et à la diffusion d’articles de [[Propagande|propagande]].
 
L’année suivante, elle rencontre Oulianov lors d’une conférence organisée à Saint-Pétersbourg. Elle remarque son énergie comme son sens très vif de la polémique, voire du sarcasme. En 1895, Kroupskaïa adhère à ''l’[[Union_de_lutte_pour_la_libération_de_la_classe_ouvrière|Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière]]'', fondée à Saint-Pétersbourg par Oulianov, avec [[Martov|Martov]] et [[Potressov|Potressov]]. Dès lors, les deux militant-e-s ne se quitteront plus. Collaboratrice attentive, Nadejda prépare les congrès et les conférences du mouvement mais ne se cantonne pas à ce rôle secondaire. Elle participe activement, entre arrestations et emprisonnements, aux débats du Parti et à la diffusion d’articles de [[Propagande|propagande]].
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En avril 1902, Kroupskaïa arrive à Londres, rejointe quelques mois plus tard par sa mère. Soucieux d'approfondir ses bases théoriques dans la ville où Karl Marx a vécu la dernière période de sa vie, Lénine travaille à la bibliothèque du British Museum au moment où les clivages au sein du [[POSDR|POSDR]] se font plus rudes. En octobre 1902, échappé de Sibérie, [[Trotski|Trotski]] rejoint l’Angleterre, émissaire de l’''Iskra'' à l’exemple de ses camarades qui recueillent des renseignements, alimentent les publications, nouent des liens entre la Russie et les milieux d’émigration, sélectionnant les militants d’envergure qui assurent la relève des camarades emprisonnés.
 
En avril 1902, Kroupskaïa arrive à Londres, rejointe quelques mois plus tard par sa mère. Soucieux d'approfondir ses bases théoriques dans la ville où Karl Marx a vécu la dernière période de sa vie, Lénine travaille à la bibliothèque du British Museum au moment où les clivages au sein du [[POSDR|POSDR]] se font plus rudes. En octobre 1902, échappé de Sibérie, [[Trotski|Trotski]] rejoint l’Angleterre, émissaire de l’''Iskra'' à l’exemple de ses camarades qui recueillent des renseignements, alimentent les publications, nouent des liens entre la Russie et les milieux d’émigration, sélectionnant les militants d’envergure qui assurent la relève des camarades emprisonnés.
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En avril 1903, le couple s’établit à Genève où s’édite ''[[Iskra|Iskra]]'' tandis que le congrès de Bruxelles/Londres de novembre 1903, marque la rupture au sein du Parti entre [[Menchevik|Menchéviques]] et [[Bolchéviques|Bolchéviques]]. Peu après, les premiers prennent le contrôle du journal ce qui oblige les seconds, menés par Lénine, [[Alexander_Bogdanov|Bogdanov]], [[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]], [[Stepanov|Stepanov]], [[Vladimir_Alexandrovich_Bazarov|Bazarov]], à lancer en décembre 1903 un nouveau titre, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''En avant'').
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Kroupskaïa a alors le pseudonyme de Sabline.
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== Une révolutionnaire professionnelle dévouée à la Révolution ==
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En avril 1903, le couple s’établit à Genève où s’édite ''[[Iskra|Iskra]]'' tandis que le [[Deuxième congrès du POSDR|congrès de Bruxelles/Londres de novembre 1903]], marque la rupture au sein du Parti entre [[Menchevik|Menchéviques]] et [[Bolchéviques|Bolchéviques]]. Peu après, les premiers prennent le contrôle du journal ce qui oblige les seconds, menés par Lénine, [[Alexander_Bogdanov|Bogdanov]], [[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]], [[Stepanov|Stepanov]], [[Vladimir_Alexandrovich_Bazarov|Bazarov]], à lancer en décembre 1903 un nouveau titre, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''En avant'').
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==Une révolutionnaire professionnelle dévouée à la Révolution==
    
En novembre 1905, elle retourne en Russie, à la suite de la [[Révolution_russe_de_1905|révolution]] qui oblige le tsar à libéraliser les institutions, ouverture politique fugace dont profitent toutefois tous les opposants au régime, [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|SR]], Menchéviques et surtout Bolchéviques. Pour des raisons de sécurité, elle ne partage pas la vie de Lénine durant ce séjour dans la capitale mais devient secrétaire du Comité Central. Peu après, en décembre, l’échec de l’insurrection oblige le couple à quitter la Russie. Dès lors, Kroupskaïa va connaître une période d’errance à travers l’Europe au gré des refuges que le couple obtient auprès de ses appuis extérieurs.
 
En novembre 1905, elle retourne en Russie, à la suite de la [[Révolution_russe_de_1905|révolution]] qui oblige le tsar à libéraliser les institutions, ouverture politique fugace dont profitent toutefois tous les opposants au régime, [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|SR]], Menchéviques et surtout Bolchéviques. Pour des raisons de sécurité, elle ne partage pas la vie de Lénine durant ce séjour dans la capitale mais devient secrétaire du Comité Central. Peu après, en décembre, l’échec de l’insurrection oblige le couple à quitter la Russie. Dès lors, Kroupskaïa va connaître une période d’errance à travers l’Europe au gré des refuges que le couple obtient auprès de ses appuis extérieurs.
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Kroupskaïa n'abandonne pas pour autant son propre domaine d'étude. Elle étudie attentivement les œuvres des grands pédagogues, [[Comenius|Comenius]], [[Jean-Jacques_Rousseau|Jean-Jacques Rousseau]], [[Johann_Heinrich_Pestalozzi|Johann Heinrich Pestalozzi]], [[Constantin_Ouchinsky|Constantin Ouchinsky]], [[Léon_Tolstoï|Tolstoï]], [[John_Dewey|John Dewey]], ainsi que les systèmes éducatifs appliqués. Au moment de la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]], elle a déjà écrit plus de quarante ouvrages sur le thème de l'éducation, dont le plus important, ''[[Instruction_publique_et_démocratie|Instruction publique et démocratie]]'' (rédigé en 1915, publié en 1917) structure l'évolution future de la pédagogie marxiste. On y trouve un éclairage nouveau sur les rapports de l’enseignement avec le travail productif, notion en forte évolution au début du 20<sup>e</sup> siècle, à l'heure de l'[[Industrialisation|industrialisation]] des sociétés occidentales. Une formule de Kroupskaïa résume sa pensée&nbsp;: ''«&nbsp;Seule la classe ouvrière peut faire de la formation au travail un instrument propre à transformer la société contemporaine.&nbsp;»''
 
Kroupskaïa n'abandonne pas pour autant son propre domaine d'étude. Elle étudie attentivement les œuvres des grands pédagogues, [[Comenius|Comenius]], [[Jean-Jacques_Rousseau|Jean-Jacques Rousseau]], [[Johann_Heinrich_Pestalozzi|Johann Heinrich Pestalozzi]], [[Constantin_Ouchinsky|Constantin Ouchinsky]], [[Léon_Tolstoï|Tolstoï]], [[John_Dewey|John Dewey]], ainsi que les systèmes éducatifs appliqués. Au moment de la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]], elle a déjà écrit plus de quarante ouvrages sur le thème de l'éducation, dont le plus important, ''[[Instruction_publique_et_démocratie|Instruction publique et démocratie]]'' (rédigé en 1915, publié en 1917) structure l'évolution future de la pédagogie marxiste. On y trouve un éclairage nouveau sur les rapports de l’enseignement avec le travail productif, notion en forte évolution au début du 20<sup>e</sup> siècle, à l'heure de l'[[Industrialisation|industrialisation]] des sociétés occidentales. Une formule de Kroupskaïa résume sa pensée&nbsp;: ''«&nbsp;Seule la classe ouvrière peut faire de la formation au travail un instrument propre à transformer la société contemporaine.&nbsp;»''
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== La libération par l'éducation populaire ==
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==La libération par l'éducation populaire==
    
Kroupskaïa regagne la Russie en mars 1917 après avoir traversé l’Allemagne dans un train protégé par l'immunité diplomatique, le «&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;», avec Lénine et d'autres révolutionnaires. Kroupskaïa apporte à Lénine tout son soutien durant les dix mois qui précèdent et préparent la [[Révolution_d’Octobre|révolution d’Octobre]]. La victoire des Bolchéviques lui ouvre un vaste champ d’action en matière d’éducation, sans qu'elle obtienne pour autant une position de premier plan, qu'auraient pu permettre ses liens particuliers avec Lénine mais qu'elle ne réclame pas.
 
Kroupskaïa regagne la Russie en mars 1917 après avoir traversé l’Allemagne dans un train protégé par l'immunité diplomatique, le «&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;», avec Lénine et d'autres révolutionnaires. Kroupskaïa apporte à Lénine tout son soutien durant les dix mois qui précèdent et préparent la [[Révolution_d’Octobre|révolution d’Octobre]]. La victoire des Bolchéviques lui ouvre un vaste champ d’action en matière d’éducation, sans qu'elle obtienne pour autant une position de premier plan, qu'auraient pu permettre ses liens particuliers avec Lénine mais qu'elle ne réclame pas.
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Enfin, au niveau de la pédagogie, l’effort est tout aussi important et c’est probablement cet aspect qui passionne le plus Kroupskaïa. Les disciplines et les méthodes didactiques sont totalement renouvelées par la notion essentielle d'«&nbsp;enseignement polytechnique&nbsp;» qui regroupe les mathématiques, les sciences naturelles et les sciences sociales. Plus encore, persuadée qu’une société socialiste doit donner une place éminente aux élèves eux-mêmes dans le système scolaire, elle considère que ''«&nbsp;l’autogestion scolaire doit [leur] donner (…) l’habitude de résoudre ensemble, par des efforts communs, les problèmes qui se posent à eux&nbsp;»''. L’expérience menée par [[Anton_Makarenko|Anton Makarenko]] dans sa célèbre [[Colonie_Gorki|colonie Gorki]] fondée en 1920 pour les mineurs grands délinquants près de Poltava, puis dans la [[Commune_Dzerjinski|commune Dzerjinski]] à partir de 1927, renvoie à ces idéaux, célébrés aujourd’hui dans le monde entier. <span class="reference-text">[[Célestin_Freinet|Célestin Freinet]], qui visite l’URSS en 1925, voyage qui influencera sa démarche pédagogique, raconte six ans plus tard, dans un numéro de ''[[L’École_émancipée|L’École émancipée]]'', sa rencontre avec l’éminente adjointe de [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]]&nbsp;:</span>
 
Enfin, au niveau de la pédagogie, l’effort est tout aussi important et c’est probablement cet aspect qui passionne le plus Kroupskaïa. Les disciplines et les méthodes didactiques sont totalement renouvelées par la notion essentielle d'«&nbsp;enseignement polytechnique&nbsp;» qui regroupe les mathématiques, les sciences naturelles et les sciences sociales. Plus encore, persuadée qu’une société socialiste doit donner une place éminente aux élèves eux-mêmes dans le système scolaire, elle considère que ''«&nbsp;l’autogestion scolaire doit [leur] donner (…) l’habitude de résoudre ensemble, par des efforts communs, les problèmes qui se posent à eux&nbsp;»''. L’expérience menée par [[Anton_Makarenko|Anton Makarenko]] dans sa célèbre [[Colonie_Gorki|colonie Gorki]] fondée en 1920 pour les mineurs grands délinquants près de Poltava, puis dans la [[Commune_Dzerjinski|commune Dzerjinski]] à partir de 1927, renvoie à ces idéaux, célébrés aujourd’hui dans le monde entier. <span class="reference-text">[[Célestin_Freinet|Célestin Freinet]], qui visite l’URSS en 1925, voyage qui influencera sa démarche pédagogique, raconte six ans plus tard, dans un numéro de ''[[L’École_émancipée|L’École émancipée]]'', sa rencontre avec l’éminente adjointe de [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]]&nbsp;:</span>
<blockquote><span class="reference-text">«&nbsp;Je pense (…) à la réception simple et cordiale que nous réserva Kroupskaïa à Moscou (…). La glorieuse compagne de Lénine vint s’asseoir au milieu de nous comme une vieille et bonne maman, et nous discutâmes longuement, sans le moindre apparat.&nbsp;»</span></blockquote>  
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== L’intouchable mémoire de Lénine ==
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<span class="reference-text">«&nbsp;Je pense (…) à la réception simple et cordiale que nous réserva Kroupskaïa à Moscou (…). La glorieuse compagne de Lénine vint s’asseoir au milieu de nous comme une vieille et bonne maman, et nous discutâmes longuement, sans le moindre apparat.&nbsp;»</span>
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==L’intouchable mémoire de Lénine==
    
Compagne de Lénine, responsable importante de l’éducation en URSS, Kroupskaïa est rapidement impliquée dans les conflits qui ont précédé, puis suivi, la mort du leader bolchévique. Toujours soucieuse de la santé d’Illitch grièvement blessé dans un attentat en août 1918, elle s’occupe de lui quand une première attaque cérébrale l’écarte provisoirement du pouvoir en mai 1922. À partir de cette date, Lénine ne reprend plus réellement les commandes du pays, alors même que ses inquiétudes quant à l’évolution du pouvoir soviétique sont de plus en plus vives.
 
Compagne de Lénine, responsable importante de l’éducation en URSS, Kroupskaïa est rapidement impliquée dans les conflits qui ont précédé, puis suivi, la mort du leader bolchévique. Toujours soucieuse de la santé d’Illitch grièvement blessé dans un attentat en août 1918, elle s’occupe de lui quand une première attaque cérébrale l’écarte provisoirement du pouvoir en mai 1922. À partir de cette date, Lénine ne reprend plus réellement les commandes du pays, alors même que ses inquiétudes quant à l’évolution du pouvoir soviétique sont de plus en plus vives.
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Le ''[[Testament_de_Lénine|testament politique]]'' qu’il rédige auprès de Kroupskaïa en décembre 1922 exprime beaucoup de réserves envers ses collaborateurs les plus proches, mais ses critiques les plus fermes sont dirigées contre [[Staline|Staline]]. Il faut, sans doute, pour expliquer ces remarques acerbes, datées de janvier 1923, considérer son récent manque de respect envers Nadejda, le secrétaire général ayant osé dire publiquement, par des mots aussi crus que violents, que le partage du lit de Lénine ne lui donne aucune légitimité politique. <span class="reference-text">Kroupskaïa écrit en <time class="nowrap" datetime="1923-12">décembre 1923</time> à [[Kamenev|Kamenev]] à cette époque chef du Politburo&nbsp;:</span>
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Le ''[[Testament_de_Lénine|testament politique]]'' qu’il rédige auprès de Kroupskaïa en décembre 1922 exprime beaucoup de réserves envers ses collaborateurs les plus proches, mais ses critiques les plus fermes sont dirigées contre [[Staline|Staline]]. Il faut, sans doute, pour expliquer ces remarques acerbes, datées de janvier 1923, considérer son récent manque de respect envers Nadejda, le secrétaire général ayant osé dire publiquement, par des mots aussi crus que violents, que le partage du lit de Lénine ne lui donne aucune légitimité politique. <span class="reference-text">Kroupskaïa écrit en <time datetime="1923-12" class="nowrap">décembre 1923</time> à [[Kamenev|Kamenev]] à cette époque chef du Politburo&nbsp;:</span>
<blockquote>«&nbsp;Léon Borisovitch&nbsp;! À la suite d'une courte lettre que m'a dictée, avec l'autorisation des médecins, Vladimir Ilitch, Staline est entré hier dans une violente et inhabituelle colère contre moi. Ce n'est pas d'hier que je suis au Parti. Au cours de ces trente années je n'ai jamais entendu d'aucun camarade un mot grossier. Les affaires du Parti et celles d'Ilitch me sont aussi chères qu'à Staline. J'ai besoin aujourd'hui d'un maximum de sang-froid. Ce que l'on peut —&nbsp;et ce que l'on ne peut pas&nbsp;— discuter avec Ilitch je le sais mieux que n'importe quel médecin, parce que je sais ce qui le rend ou ne le rend pas nerveux. En tout état de cause, je le sais mieux que Staline. Je m'adresse à vous et à Grigori (nda&nbsp;: Zinoviev) comme à de vieux camarades de Vladimir Ilitch, et vous supplie de me protéger contre des ingérences brutales dans ma vie privée, de viles invectives et de basses menaces. Je n'ai aucun doute quant à ce que sera la décision unanime de la Commission de contrôle, de laquelle Staline a jugé bon de me menacer. Quoi qu'il en soit, je n'ai ni force, ni temps à perdre dans cette stupide querelle. Je suis un être humain, et mes nerfs sont tendus à l'extrême. N. Kroupskaïa.&nbsp;»<ref>Cité par [[Khrouchtchev|Khrouchtchev]] au XXe congrès de 1956.</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Léon Borisovitch&nbsp;! À la suite d'une courte lettre que m'a dictée, avec l'autorisation des médecins, Vladimir Ilitch, Staline est entré hier dans une violente et inhabituelle colère contre moi. Ce n'est pas d'hier que je suis au Parti. Au cours de ces trente années je n'ai jamais entendu d'aucun camarade un mot grossier. Les affaires du Parti et celles d'Ilitch me sont aussi chères qu'à Staline. J'ai besoin aujourd'hui d'un maximum de sang-froid. Ce que l'on peut —&nbsp;et ce que l'on ne peut pas&nbsp;— discuter avec Ilitch je le sais mieux que n'importe quel médecin, parce que je sais ce qui le rend ou ne le rend pas nerveux. En tout état de cause, je le sais mieux que Staline. Je m'adresse à vous et à Grigori (nda&nbsp;: Zinoviev) comme à de vieux camarades de Vladimir Ilitch, et vous supplie de me protéger contre des ingérences brutales dans ma vie privée, de viles invectives et de basses menaces. Je n'ai aucun doute quant à ce que sera la décision unanime de la Commission de contrôle, de laquelle Staline a jugé bon de me menacer. Quoi qu'il en soit, je n'ai ni force, ni temps à perdre dans cette stupide querelle. Je suis un être humain, et mes nerfs sont tendus à l'extrême. N. Kroupskaïa.&nbsp;»<ref>Cité par [[Khrouchtchev|Khrouchtchev]] au XXe congrès de 1956.</ref>
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On ignore à quelle date précise Lénine découvre le comportement de Staline à l'égard de Kroupskaïa. Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois qu'il réagit explicitement à cet épisode&nbsp;: le 5 mars 1923, il envoie à Staline une lettre dans laquelle il lui reproche d'avoir insulté son épouse et lui réclame des excuses sous peine que toute relation soit rompue entre eux.<ref>''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1923/mar/05.htm Lettre de Lénine à Staline]'', 5 mars 1923</ref> Staline lui répond le 7 mars en s'excusant à moitié.
 
On ignore à quelle date précise Lénine découvre le comportement de Staline à l'égard de Kroupskaïa. Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois qu'il réagit explicitement à cet épisode&nbsp;: le 5 mars 1923, il envoie à Staline une lettre dans laquelle il lui reproche d'avoir insulté son épouse et lui réclame des excuses sous peine que toute relation soit rompue entre eux.<ref>''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1923/mar/05.htm Lettre de Lénine à Staline]'', 5 mars 1923</ref> Staline lui répond le 7 mars en s'excusant à moitié.
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Le partage des tâches au sein du couple était clair, y compris dans l'analyse politique, Nadejda n'ayant que très rarement exprimé une quelconque opposition envers son époux. Ses écrits -notamment ''Souvenirs sur Lénine'', publié sous sa forme définitive en 1933 mais où le récit s'interrompt en 1919- renseignent sur leur vie d'exil avec une abondance de détails.
 
Le partage des tâches au sein du couple était clair, y compris dans l'analyse politique, Nadejda n'ayant que très rarement exprimé une quelconque opposition envers son époux. Ses écrits -notamment ''Souvenirs sur Lénine'', publié sous sa forme définitive en 1933 mais où le récit s'interrompt en 1919- renseignent sur leur vie d'exil avec une abondance de détails.
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== Notes et références ==
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==Notes et références==
    
<references />
 
<references />
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== Annexes ==
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==Annexes==
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=== Citations ===
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===Citations===
    
Dans son autobiographie ''[[Ma_vie|Ma vie]]'' publiée en 1929, Trotski écrit sur la période de ''l'Iskra'' à Munich&nbsp;: ''«&nbsp;La liaison avec la Russie était toute entre les mains de Lénine. C'était sa femme, Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa, qui avait assumé le secrétariat de la rédaction. Elle était au centre de tout le travail d'organisation, recevait les camarades venus de loin, instruisait et accompagnait les partants, fixait les moyens de communication, les lieux de rendez-vous, écrivait les lettres, les chiffrait et les déchiffrait. Dans sa chambre, il y avait presque toujours une odeur de papier brûlé venant des lettres secrètes qu'elle chauffait au-dessus du poêle pour les lire. Et fréquemment elle se plaignait, avec sa douce insistance, de ne pas recevoir assez de lettres, ou de ce que l'on s'était trompé de chiffre, ou de ce que l'on avait écrit à l'encre sympathique de telle façon qu'une ligne grimpait sur l'autre... &nbsp;»''
 
Dans son autobiographie ''[[Ma_vie|Ma vie]]'' publiée en 1929, Trotski écrit sur la période de ''l'Iskra'' à Munich&nbsp;: ''«&nbsp;La liaison avec la Russie était toute entre les mains de Lénine. C'était sa femme, Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa, qui avait assumé le secrétariat de la rédaction. Elle était au centre de tout le travail d'organisation, recevait les camarades venus de loin, instruisait et accompagnait les partants, fixait les moyens de communication, les lieux de rendez-vous, écrivait les lettres, les chiffrait et les déchiffrait. Dans sa chambre, il y avait presque toujours une odeur de papier brûlé venant des lettres secrètes qu'elle chauffait au-dessus du poêle pour les lire. Et fréquemment elle se plaignait, avec sa douce insistance, de ne pas recevoir assez de lettres, ou de ce que l'on s'était trompé de chiffre, ou de ce que l'on avait écrit à l'encre sympathique de telle façon qu'une ligne grimpait sur l'autre... &nbsp;»''
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=== Sources ===
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===Sources===
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*''Encyclopaedia Universalis'', notices biographiques, édition de 1977.  
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*''Encyclopaedia Universalis'', notices biographiques, édition de 1977.
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=== Liens externes ===
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===Liens externes===
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*[http://www.lenine.ch/ Une présentation des séjours de Lénine et Kroupskaïa en Suisse]  
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*[http://www.lenine.ch/ Une présentation des séjours de Lénine et Kroupskaïa en Suisse]
*[http://publ.lib.ru/ARCHIVES/K/KRUPSKAYA_Nadejda_Konstantinovna/_Krupskaya_N.K..html Ecrits de Kroupskaïa en russe]  
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*[http://publ.lib.ru/ARCHIVES/K/KRUPSKAYA_Nadejda_Konstantinovna/_Krupskaya_N.K..html Ecrits de Kroupskaïa en russe]
*[http://www.marxists.org/francais/kroupskaia/index.htm Ecrits de Kroupskaïa en français]  
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*[http://www.marxists.org/francais/kroupskaia/index.htm Ecrits de Kroupskaïa en français]
 
*Biographie dans&nbsp;: ''Perspectives&nbsp;: revue trimestrielle d’éducation comparée'' (Paris, UNESCO&nbsp;: Bureau international d’éducation), vol. XXIV, n° 1-2, 1994, [http://www.ibe.unesco.org/fileadmin/user_upload/archive/publications/ThinkersPdf/kroupskf.pdf p. 51-63.]  
 
*Biographie dans&nbsp;: ''Perspectives&nbsp;: revue trimestrielle d’éducation comparée'' (Paris, UNESCO&nbsp;: Bureau international d’éducation), vol. XXIV, n° 1-2, 1994, [http://www.ibe.unesco.org/fileadmin/user_upload/archive/publications/ThinkersPdf/kroupskf.pdf p. 51-63.]  
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