Chauvinisme

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Le chauvinisme est une manifestation excessive du patriotisme, une admiration exagérée ou trop exclusive de son pays.

Le terme de social-chauvin a été utilisé pour dénoncer des dérives chauvines dans le mouvement socialiste.

1 Origine du terme chauvin[modifier | modifier le wikicode]

Le nom « chauvin » désignait un type de soldat enthousiaste. Le terme trouve précisément son origine dans une légende militaire datant effectivement du premier empire qui mettait en scène le soldat Nicolas Chauvin : la légende raconte qu'il aurait perdu trois doigts, se serait vu emporter un morceau de crâne et aurait malgré tout cela défendu son pays avec fierté (une légende similaire du temps des Romains peut y être rattachée : le soldat laboureur[1]). Le nom s'est répandu depuis la comédie La Cocarde tricolore des frères Cogniard dans laquelle un acteur interprétait le rôle de ce Nicolas Chauvin, plantant ici une égérie supplémentaire d'un patriotisme exagéré.

2 Social-chauvinisme[modifier | modifier le wikicode]

Dès la fin du 19e siècle, Rosa Luxemburg critiquait les socialistes polonais qui revendiquaient l'indépendance de la Pologne, les qualifiant de « social-patriotes ».[2]

Le terme de « social-chauvinisme » a été employé par les socialistes révolutionnaires (qui deviendront les communistes) ou les centristes lors du déclenchement de la Guerre de 1914-1918. A ce moment-là, la majorité des directions des partis de l'Internationale ouvrière ont appelé les ouvriers à se battre « pour la patrie », donc contre les ouvriers des autres pays. C'est ce qui a été appelé l'Union sacrée.

En France les principaux dirigeants du mouvement ouvrier basculent vers le social-chauvinisme : Renaudel, Guesde, Sembat, Vaillant, Hervé, Jouhaux... Le chanteur socialiste Montéhus se rallie aussi à l'Union sacrée.[3]

Cela touche les partis comme les syndicats, les « marxistes » comme les « libertaires » (Jouhaux dirigeait une CGT alors sur une ligne de syndicalisme révolutionnaire).

En Allemagne il en est de même. Trotski raconte que le dirigeant du SPD Hermann Molkenbuhr disait brutalement : « Dans les deux mois qui vont suivre, nous en finirons avec la France. Nous nous tournerons alors vers l'Est. Nous en finirons avec les troupes du tsar, et, alors, dans trois mois, dans quatre au plus, nous donnerons à l'Europe une paix solide ».[4]

A l'inverse, Angelica Balabanova, d'origine juive ukrainienne, témoigne :

« Les travailleurs de pays « arriérés » comme l'Italie et l'Espagne réagirent plus favorablement à l'épreuve de force engagée contre la guerre et le fascisme que ceux de pays hautement développés comme l'Allemagne. (...) Face à la guerre et au fascisme, on voulut mesurer la puissance du mouvement ouvrier au nombre d'adhérents de ses syndicats et de ses partis politiques. Bien que l'organisation constitue un des facteurs essentiels du développement d'un mouvement révolutionnaire, il n'est pas le seul, et son importance varie selon les milieux sociaux et les situations historiques. (...) Pas une fois je ne me suis sentie étrangère à ce pays. Il y avait peu de chauvinisme en Italie avant la guerre, et personne ne s'est jamais levé pour crier à l’« agitateur étranger ». »[5]

Les révolutionnaires (comme les bolchéviks) distinguaient aussi les socialistes « centristes », qui ne sombraient pas dans le chauvinisme ouvert et prônaient le pacifisme, mais sans oser aller jusqu'à prôner la révolution. Lénine écrivait :

« Par social-chauvinisme nous entendons la reconnaissance de l'idée de la défense de la patrie dans la guerre impérialiste actuelle, la justification de l'alliance des socialistes avec la bourgeoisie et les gouvernements de « leurs » pays respectifs dans cette guerre, le refus de préconiser et de soutenir les actions révolutionnaires prolétarienne contre « leur » bourgeoisie, etc.  »[6]

Lénine distinguait deux façons d'être pro-guerre :

  • le « chauvinisme grossier » comme celui de Plékhanov, qui désigne sans hésiter un camp ennemi qui aurait déclenché la guerre et contre lequel il faudrait défendre la patrie ;
  • le « chauvinisme plus subtil, conciliant et doucereux » comme celui de Kautsky, qui invoque le droit des peuples à se défendre pour justifier l'entre déchirement militaire.

Mais un des principaux problèmes des centristes est justement que la plupart du temps, ils minimisent les problèmes de principe (qui sont des problèmes concret en devenir) que posent les franges ouvertement chauvines du parti. C'est ainsi que les austromarxistes (centristes) se sont insurgés lorsque Trotski s'est aventuré à dénoncer le chauvinisme du parti autrichien à l'encontre des Serbes (dominés par l'Empire austro-hongrois).[7]

Plusieurs dirigeants anarchistes dont Kropotkine signent le Manifeste des Seize, prenant partie pour le camp des Alliés. La majorité des anarchistes restent cependant antimilitaristes.

3 Extension du terme[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1960 et 1970, le terme chauvinisme fut employé par le mouvement féministe pour taxer le système familial d'être patriarcal. Dans certaines langues, par exemple l'anglais et l'allemand, le terme a gardé cette signification (et désigne de manière générale toute forme de préférence d'un groupe par rapport à tous les autres).

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Soldat_laboureur
  2. Rosa Luxemburg, The Polish Question at the International Congress in London, July 1896
  3. Montéhus, Lettre d'un socialo, 1914
  4. Léon Trotski, Ma vie, 1930
  5. Angelica Balabanoff, Ma vie de rebelle, 1938 (publié en français en 1981)
  6. Lénine, La Faillite de la seconde Internationale, 1915
  7. Léon Trotski, Ma vie, 1930