Nationalisme

De Wikirouge
(Redirigé depuis Patriotisme)
Aller à la navigation Aller à la recherche
En haut : meeting du FN (à gauche) et du National Party (à droite) ; en bas : jeune palestinien brandissant son drapeau (à gauche) ; la Révolution guidant le peuple (à droite).

Le nationalisme est un ensemble d'idéologies et de mouvements politiques qui peuvent être très diverses.

Le patriotisme a un sens très proche.

1 Les différents types de nationalisme[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Le patriotisme[modifier | modifier le wikicode]

Pendant la Révolution française de 1789, les députés se répartissent entre gauche et droite (ce qui est souvent considéré comme l'origine de ce clivage) : les conservateurs défendant le roi et la prépondérance de la religion se placent à droite, et les partisans plus ou moins radicaux de la révolution se placent à gauche. Ces derniers se disent « patriotes » et qualifient leurs opposants d'«aristocrates ».[1]

Il est souvent considéré que le patriotisme est alors « de gauche » (volonté de protéger « la Nation » par opposition à la monarchie de l'intérieur et de l'étranger), jusqu'à environ la fin du 19e siècle. Le sentiment patriotique est encore très fort par exemple pendant la Commune de 1871. La réalité est sans doute cependant plus contradictoire.

1.2 La naissance des États-nations[modifier | modifier le wikicode]

Le nationalisme a d'abord été la tendance émergente à revendiquer un État-nation pour chaque « peuple ». Cette revendication s'appuie sur des bases diffuses, notamment une langue et des traits culturels communs, qui se mettent en place progressivement au cours de l'histoire.

Par exemple l'impression de la Bible de Gutenberg (premier ouvrage imprimé en Europe, en 1455) a joué un très grand rôle pour unifier la langue et la nation allemande. Plus généralement le développement technique a eu tendance à agrandir l'échelle sur laquelle les populations ont des échanges, et donc à favoriser des sentiments communautaires plus larges.

Par conséquent c'est avec la révolution industrielle que les jeunes nationalismes se généralisent en Europe, à partir de la fin du 18e siècle et tout au long du 19e siècle. Il y avait de plus en plus d'échanges, de marchandises, de voyageurs, d'idées. Au lieu d'une écrasante majorité de paysans avec une vision très locale, il y avait de plus en plus de couches de bourgeois, petits-bourgeois et d'ouvriers de plus en plus informés. Les populations étaient donc de plus en plus décidées à ne plus subir la politique. Forcément, pour défendre leurs intérêts, elles avaient tendance à se fédérer à de plus larges échelles. Assez logiquement, ces idées, via des journaux notamment, se diffusaient plus facilement dans une langue donnée, et ne collaient pas aux frontières des monarchies. Car les différentes dynasties royales avaient l'habitude depuis des siècles de s'échanger telle ou telle possession au grès des guerres ou de leurs intrigues familiales, sans le moindre lien avec les populations concernées. La montée des sentiments démocratiques coïncidait donc avec la montée de sentiments nationaux, tous deux opposées aux vieilles monarchies, en particulier les empires multi-nationaux et absolutistes comme l'Autriche-Hongrie ou la Russie.

Si ces aspirations conduisent dans beaucoup de cas à faire éclater des ensembles multinationaux, cela n'est la plupart du temps pas dirigé contre les peuples voisins, qui au contraire sont souvent vus comme des alliés faisant « leur révolution » simultanément. Les révolutionnaires s'opposent par ailleurs souvent aux interventions militaires de « leurs » nobles contre les révolutionnaires des territoires dominés (Vienne contre la répression des Hongrois, Berlin contre la répression des Polonais...). Enfin, beaucoup de révolutionnaires aspirent à l'unification en des États-nations qui fusionnent de nombreux États (dans la Confédération germanique, la péninsule italienne...). Pendant toute une période, c'était cette tendance unificatrice qui l'emportait : en Europe on est passé de plus de 300 États en 1789 à 20 en 1871.[2]

Les vieilles monarchies sont parfois parvenues à instrumentaliser la lutte des classes pour contrer les aspirations nationales, comme lors du soulèvement de la noblesse polonaise en 1846, que l'Autriche a réussi à contrer en montant les paysans ukrainiens contre eux.

Depuis, le droit à un État-nation est resté un principe officiellement admis par le libéralisme bourgeois, notamment sous la forme du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, inscrit dans la Charte des Nations-Unis de 1945.

En 1916, Lénine estime que dans « les pays avancés de l’Europe de l’Ouest (et de l’Amérique) » le mouvement national appartient au passé, en Europe de l’Est il appartient au présent, pour les semi-colonies et les colonies il appartient dans une large mesure à l’avenir.[3]

1.3 Le chauvinisme[modifier | modifier le wikicode]

Nationalism-impasse.png

A partir des années 1870, le nationalisme est aussi une tendance et un ensemble de courants politiques qui exaltent une nation sous toutes ses formes (État, culture, religion, traditions, préférence nationale pour l'emploi...), par opposition aux autres nations et populations. Chauvine et xénophobe, elle trouvait alors ses militants principalement dans la petite bourgeoisie.

En 1914, l'union nationale est réalisée dans chaque pays, sur la base d'un discours nationaliste (même si les réformistes invoquent des références progressistes) qui sert à défendre les intérêts impérialistes de chaque bourgeoisie.

Les fascismes, mais aussi les racismes et les nombreuses épurations ethniques qu'a connu le 20e siècle sont des formes de ce nationalisme réactionnaire.

1.4 La libération nationale[modifier | modifier le wikicode]

Pour la plupart des marxistes, lorsqu'un peuple lutte contre la domination par un ou plusieurs autres peuples, son "nationalisme" est souvent une lutte progressiste de libération. En revanche la plupart des anarchistes et des « communistes de gauche » refusent de faire ce type de distinction, rejetant invariablement tout nationalisme. Ces débats dans le mouvement ouvrier étaient regroupés sous le terme de question nationale, et aujourd'hui on parle davantage d'anti-impérialisme.

1.5 Nationalisme et interventionnisme[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Interventionnisme.

Les États peuvent être poussés à intervenir sur le marché au nom du nationalisme. C'est le cas par exemple en cas de soutien aux « champions nationaux », à des investissements dans l'armement, à la limitation de la concurrence dans des secteurs jugés « stratégiques », etc.

Les États impérialistes les plus puissants, ayant davantage d'intérêts à contrôler, tendent généralement à vouloir davantage de contrôle. Par exemple, ils veulent contrôler un minimum le fonctionnement d'internet (localisation de certains serveurs, maîtrise logicielle...) pour prévenir l'espionnage. Certaines nationalisations peuvent être faites uniquement dans cet objectif, sans lien avec une motivation socialiste.

Il est souvent arrivé que des leaders dans les pays dominés aient recours à des mesures interventionnistes, pour assurer un développement plus indépendant des impérialistes. Dans ces conditions, la bourgeoisie nationale (développementiste) a souvent dû s'appuyer davantage sur le mouvement ouvrier et paysan (bonapartisme sui generis), face à la bourgeoisie comprador défendant le libre-échange.

2 Nationalité et classe[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Mouvement du peuple ou des classes dirigeantes ?[modifier | modifier le wikicode]

Le sentiment national est puissamment mobilisateur, comme l'avaient compris dès le printemps des peuples de 1848 certains conseillers de dynasties européennes et ottomane[4][5].

Marx remarquait que les bourgeoisie nationales ont eu tendance à exalter le nationalisme comme étendard de leur solidarité face aux autres bourgeoisies, pour y rallier le peuple tout entier :

« Pris individuellement, le bourgeois lutte contre les autres, mais en tant que classe, les bourgeois ont un intérêt commun, et cette solidarité, que l'on voit se tourner au-dedans contre le prolétariat, se tourne au-dehors contre les bourgeois des autres nations. C'est ce que le bourgeois appelle sa nationalité. »[6]

Étant donné que dans un peuple, il y a des classes en lutte, et que les socialistes prennent le parti du prolétariat, il y a une certaine méfiance parmi eux à utiliser le terme de "peuple" et à reprendre des revendications démocratiques.

Cependant, Lénine ne réduisait pas le programme du parti ouvrier à un programme ne concernant que les ouvriers :

« Seuls les "économistes" de triste mémoire pensaient que les "mots d’ordre d’un parti ouvrier" étaient proclamés exclusivement à l’intention des ouvriers. Non, ces mots d’ordre sont proclamés pour l’ensemble de la population laborieuse, pour le peuple tout entier. Dans la partie démocratique de notre programme [...] nous nous adressons spécialement au peuple tout entier, et c’est pourquoi nous y parlons du "peuple".»[7]

2.2 Internationalisme prolétarien[modifier | modifier le wikicode]

Marx pensait que la condition du prolétariat s'uniformisait et rendait cette classe mondiale, lui donnant partout les mêmes intérêts. En 1845, il écrivait déjà :

« La nationalité du travailleur n'est pas française, anglaise, allemande, elle est le travail, le libre esclavage, le trafic de soi-même. Son gouvernement n'est pas français, anglais, allemand, c'est le capital. L'air qu'il respire chez lui n'est pas l'air français, anglais, allemand, c'est l'air des usines. »[6]

Ou encore dans l'Idéologie allemande : « Tandis que la bourgeoisie de chaque nation conserve encore des intérêts nationaux particuliers, la grande industrie créa une classe dont les intérêts sont les mêmes dans toutes les nations et pour laquelle la nationalité est déjà abolie »[8]

Le Manifeste communiste de 1848 disait : « Les ouvriers n'ont pas de patrie. (...) Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus » (sous l'effet de ce que l'on appelle aujourd'hui la mondialisation), et que « le prolétariat au pouvoir les fera disparaître plus encore ». Il se concluait par la célèbre formule : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Marx et Engels pensaient que l'internationalisme a besoin du socialisme pour se développer pleinement. Dans la phase de transition, le prolétariat doit « prendre la tête de la nation » (expression qui a été utilisée pour décrire l'hégémonie de la bourgeoisie au moment de la révolution française) :

« Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot. »

Cette analyse s'est avérée trop optimiste, car la mondialisation n'engendre pas un internationalisme qui serait seulement insuffisant, elle produit des tendances contradictoires, dont parfois de violents affrontements nationalistes. De la même façon que le prolétariat ne subit pas unilatéralement une paupérisation absolue, il n'est pas absolument égalisé dans ses conditions entre pays, et il est affecté par les différents nationalismes bourgeois. A cette confusion idéologique il faut ajouter le pacifisme bourgeois, qui est porté par des secteurs de la bourgeoisie qui prônent plus ou moins sincèrement le pacifisme, mais qui de façon objective cautionnent la plupart du temps leur propre impérialisme.

Les marxistes révolutionnaires tiennent de façon intransigeante au principe internationaliste. Mais ils essaient de dialoguer avec les sentiments présents dans les masses.

« Le pacifisme et le patriotisme bourgeois sont des mensonges complets. Dans le pacifisme et même dans le patriotisme des opprimés, il y a un noyau progressiste qu'il faut savoir saisir pour en tirer les conclusions révolutionnaires nécessaires. Il faut savoir dresser l'une contre l'autre ces deux formes de pacifisme et de patriotisme. »[9]

Certains socialistes ont déclaré que l'idée d'internationalisme prolétarien était caduque. Par exemple en 1917, le leader socialiste belge Vandervelde écrit :

« Oui, dans le Manifeste du parti communiste, il est dit que "les travailleurs n'ont pas de patrie". Mais cela date de 1848 - la situation était alors loin de ce qu'elle est aujourd'hui. Certes, je comprends que le prolétaire russe n'a pas de patrie. Mais qui oserait prétendre que, dans un pays démocratique comme la Suisse, par exemple, la classe ouvrière n'a pas de patrie ? »[10]

Le philosophe Benedetto Croce écrivait à cette époque (1915) : « Dans notre société, le socialisme est un idéal, un raisonnement. La patrie est un instinct. »[11]

2.3 Anti-impérialisme[modifier | modifier le wikicode]

Plus tard, Lénine insistera sur la nécessité de « revendiquer la liberté de séparation politique pour les colonies et les nations opprimées par "sa" nation. Sinon, l'internationalisme du prolétariat demeure vide de sens et verbal ; ni la confiance, ni la solidarité de classe entre les ouvriers de la nation opprimée et de celle qui opprime ne sont possibles »[3]

Lors de la guerre sino-japonaise (1937), Trotski plaidait pour la lutte militaire interclassiste contre l'envahisseur japonais. Il disait : «Les organisations ouvrieres du Japon n'ont pas le droit d'être patriotes, mais celles de Chine l'ont. »[12]

3 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Nationalisme en France[modifier | modifier le wikicode]

🚧 Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !
Affiche anti-communiste de 1927

En France, au 19e siècle, ce mouvement politique s'est vite répandu dans certaines couches de la population ouvrière (les ouvriers de la génération de l'artisanat, en bref, pas tellement celle de la grande industrie qui s'en est démarqué explicitement en 1888 au 3e Congrès des syndicats ouvriers de France), sous l'impulsion de partis de gauche : le patriotisme/nationalisme est alors opposé au capitalisme.[13]

L'Union sacrée de 1914 révèle à quel point l'idéologie nationaliste imprègne les milieux dirigeants des syndicats et « partis ouvriers bourgeois », de la SFIO jusqu'aux pseudo-anarchistes comme Jouhaux. Il y a alors un lien étroit entre refus du nationalisme réactionnaire et refus du réformisme : la minorité révolutionnaire scissionne et forme la SFIC (futur PCF).

Les sentiments chauvins de 1914, même s'ils ont été affaiblis sous l'effet du carnage et du désastre social, ont été longtemps utilisés dans la rhétorique anti-communiste. D'autant plus que les positions anti-impérialistes du PC des années 1920 (contre l'occupation de la Ruhr, contre la guerre au Maroc...) insupportent la bourgeoisie.

Le 22 avril 1927, le ministre de l’Intérieur radical Albert Sarrault prononce un violent réquisitoire contre ce parti, que résume sa formule « le communisme, voilà l’ennemi ».

En mai 1935 fut signé le pacte d’assistance mutuelle franco-soviétique entre Staline et Laval, Ministre des Affaires Etrangères. A cette occasion, Staline déclara qu’il approuvait la politique de défense nationale menée par le gouvernement réactionnaire de Flandin. Le PC cesse alors de critiquer l'impérialisme français. Afin de "défendre l’URSS", le PC se fait nationaliste, ses élus portent l’écharpe tricolore, ses militants se mettent à chanter la Marseillaise, et à défiler avec des drapeaux tricolores le 14 juillet... Le PC se met à parler souvent de « peuple français », alors que jusque là on employait surtout ce terme pour parler des peuples opprimés. Avec la menace fasciste, l’anticolonialisme fut abandonné car il était perçu comme une possibilité d’affaiblir la France. Le parti connaît alors une vague d'adhésions sur cette base. Il n'y a plus que de rares figures comme André Morel qui défendent l’idée que les communistes devaient s’allier aux mouvements nationalistes des colonies afin de lutter à la fois contre le fascisme et le colonialisme.

En 1937, le PC devient "PCF".[14] A partir de 1943, date à laquelle Staline dissout le Komintern, le PCF ne sera plus jamais appelé SFIC.

Néanmoins à cette époque, malgré le nationalisme très fort du PCF, on trouve encore dans les rangs communistes un grand nombre d'internationalistes convaincu·es. Par exemple de 1936 à 1939, le dévouement des militants communistes s'exprime dans un fort soutien aux républicains espagnols : de nombreux volontaires partent se battre dans les Brigades internationales et le soutien matériel est très fort.

Autre élément important à signaler, malgré le nationalisme abondamment utilisé par la direction du PCF, ce dernier reste un outil de la bureaucratie stalinienne. Ainsi lorsque l'URSS signe un accord de non-agression avec l'Allemagne nazie en août 1939, le PCF défend la ligne dictée, malgré le tollé nationaliste que cela déclenche en France contre « l'ennemi intérieur ». L'humanité est aussitôt suspendue et le parti bientôt interdit, malgré l'allégeance patriotique de dirigeants comme Cachin.

A partir de juin 1941, lorsque les troupes d'Hitler envahissent l'URSS, le PC s'investit vraiment dans la Résistance. Les différentes organisations rattachées de près ou de loin au PC attirent alors beaucoup d'hommes et de femmes désirant lutter contre l'occupant (en particulier les Francs-tireurs et partisans). Les relais du PC deviennent une force prédominante dans le Conseil national de la Résistance (CNR).

De par son rôle dans la Résistance, le PCF apparut comme une force nationale crédible au point de faire oublier très vite le pacte germano-soviétique, et était le premier parti de France à la Libération. Mais au lieu de pousser à fond les possibilités révolutionnaires de cette époque où l'État bourgeois était en morceaux, il participa activement à l'union nationale avec les gaullistes, pour sauver le capitalisme français. Le PCF participera à tous les gouvernements bourgeois de 1945 à 1947.

A partir de 1947, le début de la guerre froide le fait à nouveau apparaître comme un ennemi intérieur, les anti-communistes n'hésitant pas à utiliser l'épouvantail de Moscou prêt à envoyer l'Armée rouge. Ce qui était totalement fanstasmé : même si le PCF se faisait le relais de toute la propagande de Moscou, ce dernier n'avait aucune intention de propagager la révolution socialiste.

A la fin des années 1970, le PCF a un discours très protectionniste. il produit toute une série d'affiches « Produisons français ! » et d'autocollants à coller sur les produits importés.

Face aux difficultés mises par les autorités de New York pour l'aterrissage du Concorde, le PCF, organise une manifestation le 12  juillet 1977 avec les slogans : "Boeing go home", "Avec le PCF défendons l'industrie aéronautique. Il y va de l'intérêt national", "Ils veulent briser les ailes du Concorde, défendons-le !", "Giscard, Chirac assez d'abandons ! Pas de Concorde à New York, pas de Boeing à Paris !", "Ils ferment nos usines. Ils investissent à l'étranger : Fabriquons français !".[15]

Au début des années 1990, alors que le PCF s'est largement effondré, la conscience de classe a nettement reculé et il ne reste plus qu'une lente montée des réactions nationalistes, sur le terreau qu'avait déjà entretenu les staliniens. Le Front national, qui lui est en plein essor, n'hésite pas à faire des variantes des anciennes affiches communistes, simplement un peu plus ouvertement chauvines.

Affiche-FN-Produisons-français.jpg

3.2 La question nationale en Russie[modifier | modifier le wikicode]

La question nationale en Russie a toujours été importante du fait de la présence de nombreuses minorités ethniques au sein de la Russie et au sein de l'ancien Empire tsariste et de l'URSS. Les social-démocrates russes ont essayé d'y apporter chacun leurs réponses, et les luttes des minorités nationales en 1917 ont joué un rôle dans la révolution d'Octobre. Lénine a toujours argumenté résolument pour le "droit des nations à disposer d'elles-mêmes"[16]. Trotski dira plus tard : « la politique nationale de Lénine entrera pour toujours dans le solide matériel de l’humanité. »[17] Avec la bureaucratisation, la politique soviétique envers les minorités est très redevenue réactionnaire.

3.3 Le nationalisme en (ex-)Yougoslavie[modifier | modifier le wikicode]

L'histoire a fait que les Balkans ont connu un brassage important de populations, celles-ci formant une mosaïque complexe. Au 19e siècle, cette région est dominée par des monarchies étrangères (Empire autrichien, Empire ottoman). Dans le sillage du Printemps des peuples, divers mouvements populaires émergent, qui sont alors comme dans le reste de l'Europe tournés vers les revendications démocratiques en même temps que nationales. Cependant la plupart de ces mouvements ont alors conscience de l'hétérogénéité ethnique et ne cherchent pas à plaquer une vision trop réductrice de l'État nation. On met alors en avant l'idée d'une Fédération balkanique. En particulier, les social-démocrates qui s'organisent à la fin du 19e siècle sont porteurs de cette idée.

Mais les mouvements nationalistes réactionnaires prennent aussi leur essor, et les grandes puissances environnantes les attisent largement pour tirer la couverture à eux : l'Empire russe encourage le nationalisme serbe contre l'Empire autrichien, etc. Les guerres des Balkans (1912-1913) sont un avant goût des fièvres nationalistes qui vont éclater à grande échelle avec la Première guerre mondiale. A la fin de la guerre, les grandes puissances redécoupent l'Europe selon leurs intérêts, sans se soucier des volontés des populations des Balkans, ce qui ne va faire qu'alimenter les rancœurs nationalistes.

Pendant la Seconde guerre mondiale, les communistes menés par Tito dirigent le mouvement de résistance aux nazis, et lorsque ces derniers sont vaincus, ils se retrouvent en position de force, ce qui conduit à la révolution yougoslave. Une République fédérative socialiste de Yougoslavie est mise en place. Même si les rapports de force entre différentes entités fédérées sont des enjeux permanents, pendant des décennies le nationalisme sera au second plan, face à l'aspiration au développement socio-économique dans un cadre commun, qui était celui d'un parti unique, mais avec des éléments d'autogestion inédits par rapport aux autres régimes bureaucratiques.

Déjà les difficultés économiques à partir des années 1970 tendaient à renforcer les tensions nationales. Les entités les plus riches comme la Slovénie réclamaient plus d'autonomie pour avoir moins à mutualiser avec les entités plus pauvres.

Lors de l'effondrement du Bloc de l'Est (1991), le pays entre en crise aigüe et ces tensions latentes éclatent en conflits ouverts. Dans un sauve-qui-peut général, des leaders bourgeois unifient autour d'eux des populations sur la base de nationalismes agressifs, en même temps qu'ils mettent fin à ce qu'il pouvait y avoir d'acquis « socialistes ». L'entité serbe, plus nombreuse et militairement plus forte, dirigeait de fait l'armée yougoslave et utilisait la force pour tenter de maintenir l'unité. Mais la République yougoslave éclate (1992) malgré toutes une série de guerres meurtrières (1991-2001). Dans une fuite en avant nationaliste, des populations qui vivaient côte-à-côte depuis des siècles se retrouvent divisées, obligées de fuir, voire victimes d'épuration ethnique.

Au travers de ces guerres et massacres, les nouveaux États qui ont émergé sont de fait plus homogènes ethniquement. Mais il existe encore de nombreux conflits sur les frontières, et de fortes mixités ethniques, en particulier en Bosnie-Herzégovine. Là encore, cela peut déboucher sur plusieurs issues : les mouvements de lutte de classe sont porteurs de solidarités au delà des nationalités contre les exploiteurs, tandis que les nationalistes bourgeois attisent en permanence les ressentiments.[18]

4 Nationalisme et matérialisme[modifier | modifier le wikicode]

Le nationalisme est souvent décrit par ses critiques comme un sentiment irrationnel. Certains considèrent même que le nationalisme contredit la conception matérialiste de l'histoire, parce qu'il introduit un fort élément d’irrationalité non explicable en termes d'intérêts économiques.

Par exemple, dans un livre écrit en 1920 pour critiquer le bolchévisme, Bertrand Russel écrit :

« Le facteur non économique le plus évident, celui dont la méconnaissance a le plus égaré les socialistes, c’est le nationalisme. Certes une nation, une fois constituée, a des intérêts économiques qui déterminent pour une large part sa politique ; mais ce ne sont pas, en règle générale, les motifs économiques qui décident quel groupe d’êtres humains doit former une nation. Trieste, avant la guerre, s’est considérée comme une ville italienne, bien que toute sa prospérité comme port ait dépendu du fait qu’elle appartenait à l’Autriche. Aucune raison économique n’entre dans l’opposition de l’Ulster avec le reste de l’Irlande. En Europe orientale, la balkanisation produite par l’auto-détermination des peuples a été évidemment désastreuse du point de vue économique, mais a été commandée par des raisons qui étaient essentiellement d’ordre sentimental. » [19]

Russel, comme beaucoup d'autres, soutient par ailleurs que la Première guerre mondiale a été irrationnelle du point de vue des profits capitalistes, et donc qu'elle ne cadre pas avec le matérialisme historique.

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Herodote.net, Naissance de la droite
  2. Wikipédia, Évolution du nombre d'États dans le monde
  3. 3,0 et 3,1 Lénine, La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, 1916
  4. Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales : Europe XVIIIe ‑ XIXe siècle, éditions du Seuil,‎ 1999
  5. Benedict Anderson, L'imaginaire national : Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme,1983
  6. 6,0 et 6,1 Karl Marx, A propos du Système national de l'économie politique de Friedrich List, 1845
  7. Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste », 1916
  8. K. Marx - F. Engels, L'idéologie allemande, 1845
  9. Léon Trotski, Le programme de transition, 1938
  10. Emile Vandervelde, La Belgique envahie et le socialisme international, 1917
  11. Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, Paris, Gallimard/Julliard, 1980, 264 p. (coll. Archives)
  12. Trotski/Li Furen, Discussion sur la question chinoise, 11 août 1937
  13. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France : (XIXe ‑ XXe siècle) Discours publics, humiliations privées, éditions Hachette,‎ 2009
  14. Voir la Une de L'Humanité du 22 octobre et celle du 23 octobre 1937.
  15. Film de Théo Robichet, 1977
  16. Lénine, La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916
  17. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 40. La question nationale, 1932
  18. Les nationalistes poussent la logique du pire en Bosnie-Herzégovine, L'Anticapitaliste, janvier 2022
  19. Bertrand Russell, Pratique et théorie du bolchevisme, 1920