Matérialisme

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Diderot, un des grands penseurs matérialistes de l'époque des Lumières

Le matérialisme englobe toutes les philosophies dites matérialistes qui affirment que la substance du monde est de nature matérielle et immanente, c’est-à-dire que « rien ne se crée, rien ne se perd », les éléments de la nature et leurs phénomènes se suffisent à eux-mêmes, à leur formation, à leur mouvement et à leur développement. Il s'oppose aux philosophies de la transcendance qui sont le spiritualisme et l'idéalisme.

Le matérialisme philosophique compte peu de représentants au cours de l'histoire. Pourtant, ils sont importants et conséquents dans le développement de la pensée et de la science : dès l'Antiquité, Démocrite, Epicure ou Lucrèce ont développé des conceptions matérialistes. Au 19ème siècle, Feuerbach (bien qu'encore idéaliste) puis surtout Marx et Engels rompent avec l'idéalisme hégélien et élaborent une théorie matérialiste.

1 Matérialisme antique[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Matérialisme antique.
Démocrite, un des premiers penseurs matérialistes

Dans l'Antiquité européenne, les philosophes présocratiques étaient matérialistes : Héraclite, Démocrite, Leucippe, Diogène, Épicure, Lucrèce.

Ils faisaient partir leurs questionnements de sujets de physique sur la continuité de la matière (y a-t-il des grains de matière ? Les atomes évoluent-ils dans le vide ? etc.) Pour eux la matière et le réel étaient la base fondamentale pour expliquer les phénomènes, philosopher et produire le savoir.

Cependant leur motivation est profondément morale et politique : « on ne peut pas vivre libre devant les hommes si on tremble devant la nature » déclare Epicure qui pense que l’homme est un enfant perdu dans la nature et que celle-ci ne se soucie pas de lui. La philosophie de Lucrèce signifie une revendication pour l’homme d’une liberté absolue devant les choses. Il n’est pas étonnant que Marx ait été fasciné par cette pensée aux accents étonnamment moderne. Il fit sa thèse de doctorat sur Démocrite et Epicure.[1]

Ce matérialisme antique sera ensuite supplanté progressivement par l'idéalisme, avec Parménide, Platon, les stoïciens, puis les pères de l'Église chrétienne.

2 Matérialisme moderne[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Matérialisme mécaniste[modifier | modifier le wikicode]

Au 17e siècle, puis au 18e, principalement en France, le matérialisme mécaniste connaît une forte ascension. Il est porté essentiellement par une bourgeoisie offensive face à l'obscurantisme féodal, qui exalte par là même ses valeurs et la supériorité du mode de production dont elle est porteuse.

Mais la plupart de ces philosophes appliquent le matérialisme à des objets d'étude concrets, tout en continuant à raisonner en idéalistes dans tout ce qui touche à l'esprit humain et aux sociétés (l'histoire en particulier).

À partir du Manuel de philosophie moderne de Charles Renouvier, Marx note deux bifurcations de la pensée matérialiste du monde moderne :[réf. nécessaire]

  • l’une émergeant de la physique newtonienne conduisant à la pensée de Descartes (« Je pense donc Je suis ») et à son matérialisme méthodologique.
  • l’autre émergeant des sciences de la nature conduisant au naturalisme immanent de Spinoza jusqu’à la formation du matérialisme au 18e siècle (mécaniste) et sa division au 19e siècle entre les évolutionnistes renforçant l'empirisme ( « Je suis » ) par la mesure a priori de l'Être, et les dialecticiens renouant avec Descartes tout en dépassant les contradictions entre le réel et la pensée par la dialectique d'Hegel (« Je suis donc je pense »).

2.2 Dialectique et matérialisme historique[modifier | modifier le wikicode]

En Allemagne, la philosophie idéaliste s'est beaucoup développée jusqu'au 19e siècle, aboutissant à son summum, l'hégélianisme. Le philosophe Hegel développe une interprétation téléologique de l'histoire : l'histoire humaine est conçue comme se développant au travers d'évolutions et de révolutions vers un accomplissement de l'Esprit absolu (que Hegel voyait dans la société bourgeoise). Le concept qu'utilise Hegel pour décrire la façon dont évolue l'histoire est la « dialectique ».

Parmi les intellectuels progressistes d'alors, les "jeunes hégéliens de gauche", la critique est féconde. Ludwig Feueurbach rejette d'abord l'idéalisme et porte le flambeau du matérialisme. Mais son matérialisme est encore mécaniste.

Comme Hegel, Marx va d'abord étudier l'histoire de l'humanité pour comprendre quelles sont les forces qui régissent le changement social. Mais contrairement à Hegel, Marx va cesser de se concentrer sur les idées que proclamaient les sociétés au cours du temps, mais fonder ses explications sur les contradictions bien matérielles, entre les hommes et la nature, puis entre les groupes d'hommes aux intérêts divergents. Marx, bientôt aidé par son ami Engels, va ainsi développer et affiner cette conception matérialisme de l'histoire, ou "matérialisme historique". Ils vont notamment reprendre et généraliser la notion de lutte de classe qu'avaient déjà découvert des historiens français, ils vont étudier l'économie capitaliste, sa dynamique et ses crises, et vont tâtonner sur le terrain politique jusqu'à arriver à une compréhension du rôle de l'Etat au service de la classe dominante, et de la nécessité d'une politique révolutionnaire du prolétariat.

C'est à la fois une méthode rigoureuse, et un outil résolument tourné vers la transformation du monde, un matérialisme militant. C'est pourquoi on dit que Marx et Engels ont posé les bases du socialisme scientifique, par opposition aux premiers socialismes utopiques.

2.3 Dialectique matérialiste ? Matérialisme dialectique ?[modifier | modifier le wikicode]

Karl Marx et Friedrich Engels se revendiquaient de la dialectique de Hegel, débarrassée de son idéalisme. Et à l'inverse, ils reprenaient les acquis des matérialistes, tout en affirmant avoir dépassé leur matérialisme mécaniste grâce à la dialectique.

Marx et Engels ont peu écrit sur le sujet, et cela a donné lieu à de nombreuses interprétations différentes. C'est en particulier la nature de la dialectique qui fait le moins consensus.

Certains nomment "matérialisme dialectique" le matérialisme de Marx et Engels, d'autres "dialectique matérialiste". Certains enfin considèrent la dialectique comme une scorie bourgeoise dans la théorie communiste.

2.4 Défense du matérialisme[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes ont souvent eu à combattre l'influence des conceptions idéalistes à la mode.

Par exemple au début du 20e siècle, des philosophes comme Avenarius et même des scientifiques comme Mach développent un courant nommé « empiriocriticisme ». Il s'agit, au nom de l'empirisme, d'une critique du matérialisme. Or ce courant eut une grande influence dans le mouvement socialiste, particulièrement en Russie.

Lénine polémiqua frontalement contre ce courant, en particulier dans son livre Matérialisme et empiriocriticisme. À cette occasion, voici comment il pouvait résumer la différence entre matérialistes et idéalistes sur le sujet de la causalité et du déterminisme :

« La question vraiment importante de la théorie de la connaissance, qui divise les courants philosophiques, n'est pas de savoir quel degré de précision ont atteint nos descriptions des rapports de causalité, ni si ces descriptions peuvent être exprimées dans une formule mathématique précise, mais si la source de notre connaissance de ces rapports est dans les lois objectives de la nature ou dans les propriétés de notre esprit, dans sa faculté de connaître certaines vérités a priori, etc. C'est bien là ce qui sépare à jamais les matérialistes Feuerbach, Marx et Engels des agnostiques Avenarius et Mach (disciples de Hume).  »

3 Matérialisme et matérialisme historique[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes estiment qu'il y a objectivement une cohérence entre ces deux éléments. Cependant ils ont toujours considéré qu'il n'y avait de rapport automatique entre le fait d'étudier de façon matérialiste le monde physique et le matérialisme historique. De nombreux scientifiques, convaincus du matérialisme dans leur discipline, sont soit idéalistes dans le domaine de l'histoire, ou alors s'abstiennent de prendre position par rapport au marxisme ou soutenant que l'histoire est trop complexe.

« Avoir une conception matérialiste de la nature ne signifie pas nécessairement qu'on possède une conception matérialiste de l'histoire. Les matérialistes du [18e siècle] considéraient celle-ci avec des yeux d'idéalistes, et d'idéalistes fort naïfs. » Pour eux « le cours des choses, dans la société, est déterminé par le cours des idées, et celui-ci par on ne sait quoi : les règles de la logique formelle, ou l'accumulation des connaissances, par exemple. »[2]

A l'inverse, certains penseurs ont critiqué la conception marxiste de l'histoire tout en défendant un matérialisme philosophique. Par exemple Bertrand Russel (qui assimilait le marxisme à un réductionnisme économique) :

« Le matérialisme philosophique ne prouve pas que les causes économiques soient fondamentales en politique. L’opinion de Buckle, par exemple, selon laquelle le climat est un des facteurs décisifs, est également compatible avec le matérialisme. Il en est de même de l’opinion de Freud, qui attribue tout à la sexualité. Il y a d’innombrables façons d’envisager l’histoire, qui sont matérialistes au sens philosophique du mot sans être économiques ou se rapporter à la formule de Marx. » [3]

4 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]