Lobbying

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Les patrons du Sénat. Caricature de 1889 aux États-Unis

Le lobbying est le fait pour un groupe de pression d'essayer d'influencer les politiciens dans le sens de leurs intérêts.

Dans le sens général, cela désigne n'importe quel groupe d'intérêt : une association écologiste, un groupe de représentants d'une ville impactée par un projet, des délégués syndicaux demandant du soutien pour leur cause, une petite entreprise...

Mais le terme est souvent utilisé pour parler du lobbying des bourgeois : représentant du patronat ou de telle ou telle branche du patronat, des financiers, de professions libérales... Car ceux-ci ont souvent plus de poids auprès des politiciens.

Du point de vue légal, le lobbying est souvent borderline : il est légal de discuter avec les politiciens, mais les lobbyistes font parfois des cadeaux ou autres promesses monnayées, c'est-à-dire de la corruption. Selon les pays, quelques dispositifs officiels existent pour combattre cela, avec une efficacité très limitée. Le lobbying des capitalistes est un des mécanismes qui permet d'expliquer en quoi l'État moderne n'est pas une institution neutre, mais est un État bourgeois.

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Un mécanisme structurel[modifier | modifier le wikicode]

Le lobby de la Chambre des communes du Royaume-Uni, multi-portrait du caricaturiste Prosperi pour le journal satirique Vanity Fair, 1886.

Le lobbying est inscrit dans le fonctionnement même de la démocratie bourgeoise, avec ses élections et élus dits "représentatifs" : puisque les "représentants de la Nation" sont coupés du peuple (socialement plutôt bourgeois, et puis se réunissant régulièrement sans rendre de comptes entre deux élections), il est nécessaire pour les atteindre d'aller faire du lobbying auprès de ces représentants.

Et bien évidemment, il sera toujours plus facile pour des bourgeois de pratiquer le lobbying : ils sont socialement du même monde et ont des intérêts communs avec les politiciens à maintenir l'ordre établi, et peuvent embaucher des professionnels du lobbying pour les représenter. Un certain nombre de personnes passent même directement d'un monde à l'autre (pantouflage et rétro-pantouflage). En conséquence, les conflits d'intérêts sont partout.

Même sans corruption active, les représentants du patronat parviennent facilement à convaincre les politiciens qu'il est nécessaire de prendre des mesures allant dans leurs intérêts. Toute l'idéologie dominante et ses relais (économistes[1], grands médias...) sont la pour expliquer que cela coïncide avec l'intérêt général : baisse du « coût du travail » pour favoriser la compétitivité et la croissance...

Bien évidemment des cas de corruption éclatent régulièrement, car la tentation est trop forte pour de nombreux patrons et politiciens, et les socialistes doivent s'en saisir pour leur agitation. Mais il ne faut pas focaliser toute la critique sur les cas de corruption, ce qui revient à laisser entendre que tout fonctionne normalement quand il n'y a aucune corruption et aucune loi enfreinte. Paradoxalement, cela conforte l'idéologie dominante , car les mécanismes structurels de l'État bourgeois peuvent tout à fait opérer, théoriquement, sans corruption.

1.2 Lobbies sectoriels et intérêts de classe[modifier | modifier le wikicode]

Comme au niveau de la concurrence sur le marché, les différents secteurs du patronat peuvent faire du lobbying pour leurs intérêts particuliers, parfois en contradiction avec tel autre secteur du patronat.

« Le processus politique est une extension du champ de bataille du marché. » Lauren Madox, lobbyiste[2]

Par exemple, quand les politiciens se laissent convaincre d'ubériser certains secteurs, cela nuit à d'autres secteurs patronaux, souvent moins puissants : des professions réglementées comme des entreprises de taxis, la SNCF pour les « cars Macron »...

Mais la résultante des efforts de lobbying des capitalistes ont aussi pour effet de faire pencher la balance de la lutte des classes en leur faveur : baisse des impôts sur les entreprises, exonérations de « charges », réformes du droit du travail en leur faveur... Toutes mesures qui retombent ensuite sur les salarié·es (facilitations des licenciements, baisse des recettes fiscales signifiant soit impôts retombant sur les pauvres - impôts indirects - soit coupes dans les services publics...).

Le « cour normal de la vie politique », en temps de « paix sociale », tend à décaler le rapport de force vers le patronat. Il n'y a que lors de grandes luttes sociales (une sorte de vaste lobbying extra-parlementaire), que les politiciens peuvent être forcés à faire des concessions notables aux travailleur·ses.

1.3 Lobbyistes professionnels[modifier | modifier le wikicode]

Le lobbying peut aller d'une simple invitation à prendre un café pour discuter, à des lobbyistes professionnels qui passent leur temps à rencontrer à la chaîne des députés, des sénateurs ou autres hauts fonctionnaires. Les grandes entreprises ont toutes de tels lobbyistes engagés à temps plein. Les techniques peuvent être diverses :

  • payer des cafés et des repas (ce qui tend à créer une complicité) ;
  • proposer aux députés des amendements ou projets de lois sur mesure, déjà rédigés, qui n'ont plus qu'à être proposés au vote à l'Assemblée ;
  • envoyer des cadeaux, soit en remerciement plus ou moins explicite, soit simplement pour créer du lien, en misant sur un futur service rendu.
  • les laboratoires pharmaceutiques embauchent des visiteurs médicaux pour faire la tournée des différents médecins, et leur vanter les mérites de leurs médicaments.

Un autre des grands leviers de lobbying consiste à déformer le paysage scientifique, en produisant une abondance d'études scientifiques biaisées, détournant l'attention ou faisant apparaître un semblant de controverse au lieu de laisser s'établir un consensus. Ce pouvoir de fabriquer du doute est devenu l'objet d'un champ de recherche (agnotologie). Cela a été le cas pour l'amiante, le tabac, le sucre, le climat...

1.4 Lobbying et complots[modifier | modifier le wikicode]

C'est un fait que l'on peut parler de conspirations pour certaines activités de lobbying. Les industriels du tabac ont conspiré pour minimiser des faits scientifiques concernant la nocivité du tabac.[3] Certains mercenaires et idéologues conspirent pour semer le doute sur le changement climatique.[4]

Il faut cependant avoir à l'esprit que ces méthodes n'ont fait que retarder le consensus scientifique, et que c'est en s'appuyant sur de la bonne science que les lobbyistes peuvent être efficacement combattus. Il faut aussi souligner que presque toujours, il ne s'agit de pure manipulation des faits, mais de création de biais (attirer l'attention sur d'autres faits, questionner l'interprétation des faits...).

La dénonciation de ce genre de complots de taille relativement modeste n'est donc pas de même nature que s'imaginer un vaste complot en refusant tout appui sur les sciences ou les médias (qui seraient intégralement manipulateurs).

On peut souligner aussi que les idéologues au services des lobbies n'hésitent pas à faire appel au complotisme. Par exemple l'un d'eux, niant le risque du tabagisme passif, a voulu discréditer ceux qui en parlaient comme servant « un complot gouvernemental visant à étendre son contrôle sur la vie des gens ».[5]

1.5 Évolutions récentes[modifier | modifier le wikicode]

Avec l'accélération de la mondialisation à partir des années 1970, les grandes multinationales ont pu démultiplier les activités de lobbying. Ainsi, selon les chiffres du Congressional Budget Office, entre 1983 et 2005, le nombre de lobbyistes enregistrés à Washington est passé d’à peine 6 000 à presque 33 000 tandis que les sommes dépensées dans ce type d’activité croissaient de 100 millions de dollars (à leur valeur de 2005) à 2,2 milliards de dollars.

Dans le Vieux continent, ce sont environ 10 000 lobbyistes qui travaillent auprès des institutions européennes.[6]

Les personnels des services étatiques chargés (notamment chargé de la régulation des banques) sont très souvent eux-mêmes issus des banques privées.[7]

Un autre phénomène récent est celui des entreprises spécialisées dans l'influence de l'opinion publique. Certaines paient ainsi des journalistes freelance pour rédiger des articles sur des sujets donnés, avec pour consigne de mettre en avant telle opinion.[8]

2 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Amiante[modifier | modifier le wikicode]

Nombre de maladies professionnelles liées à l'amiante officiellement reconnues en France.

L'amiante est un matériau isolant et ignifuge qui a beaucoup été utilisé dans le bâtiment. Dès les années 1900, des études ont commencé à établir un lien entre l'exposition à l'amiante et des maladies graves comme des cancers du poumon.

Malgré cela, pendant la plus grande partie du 20e siècle, les industriels ont fait un lobbying intense pour minimiser les risques, financer des études biaisées, corrompre des politiciens, pour faire en sorte qu'aucune mesure contraignante ne soit prise.

Ce n'est qu'à partir des années 1970 que le rapport de force de celles et ceux voulant protéger la santé des travailleur·ses commence emporter des victoires. Les preuves scientifiques deviennent trop claires pour pouvoir être écartées, et l'OMS déclaré l'amiante cancérigène en 1977.

De nombreux pays ont ensuite adopté des mesures pour limiter l'utilisation de l'amiante, comme l'interdiction de certains types d'amiante ou l'imposition de réglementations strictes sur son utilisation dans le secteur du bâtiment. Cependant, certains pays qui ont interdit l'amiante sur leur propre sol ne se gênent pas pour en exporter vers des pays sans réglementation (Canada, Russie, Brésil...).

2.2 Tabac[modifier | modifier le wikicode]

Cadeaux offerts par le lobby du tabac à la politicienne néerlandaise Kartika Liotard (2013)

Les effets nocifs du tabac commencent à être connus dès les années 1950, mais le lobby du tabac va activement contribuer à retarder la prise de conscience publique (avec de la communications retorse) et le consensus scientifique (avec une production abondante d'études biaisées ou détournant l'attention). Ils ont ainsi gagné 40 ans, et fait perdre d'innombrables années de vie et d'années de bonne santé.

C'est un cas pour lequel on peut véritablement d'un complot de ces industriels et de leurs communicants pour déformer la vérité.[3]

En 2013, le lobby du tabac envoie des cadeaux à des députés néerlandais avant un vote sur les dangers du tabac. L'une d'elle dénonce publiquement la pratique.

2.3 Sucre[modifier | modifier le wikicode]

En 2016, des études de la littérature scientifique montrent que pendant des décennies, le lobby du sucre est parvenu à dévier l'attention des risques d'une alimentation trop sucrée en focalisant exagérément l'attention sur les risques du gras.[9]

2.4 Retardateurs de flammes[modifier | modifier le wikicode]

Depuis les années 1960, au nom de la lutte contre les incendies, les industriels ont incorporé dans beaucoup d'objets, dont des objets du quotidien (canapés...) des composés ralentissant la propagation des flammes.

Les premiers de ces composés ont été les PCB, avant d'être interdits lorsque l'on a découvert leur effet toxique. Les produits qui les ont remplacés (PBDE) ont à leur tour été interdits pour leur toxicité. Les organophosphates qui les ont remplacés suivront-ils le même cycle ?[10][11]

Les lobbies des producteurs de retardateurs de flamme tendent à chaque fois à ralentir l'établissement du consensus scientifique sur la toxicité. Ceci est d'autant plus problématique que les pollutions passées s'accumulent plus vite que nous ne dépolluons (la gestion des PCB est encore un problème écologique et sanitaire au 21e siècle). Par ailleurs, ces lobbies prônent activement l'usage des retardateurs de flammes (allant jusqu'à utiliser des organisations de façade pro-pompiers), alors que leur efficacité est assez modeste, donc le bilan coût-avantage est, pour le moins questionnable.[4]

2.5 Changement climatique[modifier | modifier le wikicode]

Le lobby des énergies fossiles (compagnies pétrolières et gazières) a financé de nombreuses études sur le climat dans le but de fabriquer du doute, et a retardé l'émergence du consensus scientifique sur la question. Encore aujourd'hui, aux États-Unis, le lobby de ce secteur s'active contre toute mesure contraignante. Il a massivement soutenu l'élection de Donald Trump, qui une fois arrivé au pouvoir a retiré les États-Unis de l'accord de Paris et a ordonné à l'agence environnementale fédérale (EPA) de cesser toute mention du changement climatique.

Mais comme le rejet des gaz à effet de serre est causé par tout un ensemble d'industries, ce n'est pas seulement le lobby des énergies fossiles mais toute une série de secteurs de l'industrie (aciéries, papèteries, viande...) et des transports (routier, aéronautique, naval...) qui se retrouvent à freiner les mesures contre le changement climatique.[4]

Par exemple en 2022, il y eut un lobbying intense des grandes entreprises lors des négociations sur le paquet climat au Parlement européen.[12]

2.6 Autres[modifier | modifier le wikicode]

Des méthodes de fabrique du doute similaires à celles employées par le lobby du tabac ont été utilisées pour nier le problème posé par le plomb dans les peintures ou les carburants, pour nier que le chlorure de vinyle est cancérigène, ou dans le secteur minier pour nier le problème de la silicose,[13] ou encore pour nier la toxicité du bisphénol A[14].

  • La Table ronde des industriels européens, qui regroupe environ 45 patrons de multinationales européennes, est un des artisans de la création du marché unique et de l’euro
  • 1993 : Mouvements de fonds occultes entre la Lyonnaise des eaux et le RPR (Juppé...)
  • 1994 : Le marché des HLM de Paris fait scandale, impliquant la SAR, le RPR, la Générale des Eaux... Justice corrompue aussi (affaire du beau père du juge Halphen...)
  • 1995 : Encore des affaires avec les HLM (des Hauts de Seine), toujours des financements du RPR (Pasqua, Balkany...) et l'UDF' contre attribution de marché.
  • 1997 : La Chambre régionale des comptes dénonce les "cadeaux" dont ont bénéfcié les grands du BTP. La corruption touche aussi les "écolos" (AED).
  • 1999 : Entente découverte entre au moins sept sociétés du BTP (Bouygues, Fougerolles, Dumez...).
  • 2000 : Éclaboussures sur le PS (Dominique Strauss-Khan...)
  • 2004 : L'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) obtient du Sénat une réduction de 5 à 1,5% de la taxe sur les pub qui va à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).
  • 2005 : Le lobby pharmaceutique LEEM grappille une réduction de 1,96 à 1,5% de la taxe sur leur chiffre d'affaire, au détriment donc de la sécurité sociale.
  • 2005 : Durant les débats sur le numérique (DADVSI...) les représentants de Virgin et de la Fnac proposaient des cartes prépayées de téléchargement musical aux députés.
  • 2006 : Pendant la coupe du monde de football (et aussi pendant l'affaire de la privatisation d'EDF et de la fusion EDF-Suez) Suez offrait des places... aux députés.
  • 2006 : Le parlement européen passe la directive "Télévision sans frontière" qui autorise à faire de la pub pour des marques dans les films et les séries, qui augmente la pub à la télé de 9 min à 12 min par heure, et rabaisse de 45 à 30 minutes la durée minimale entre deux séquences pub dans une émission d'infos ou pour enfants.
  • 2006 : Pour vendre 72 avions de combat Eurofighter Typhoon, le groupe anglais BAE Systems verse des commissions à la famille royale saoudienne. Enquête judiciaire abandonnée au nom de « l’intérêt national » sur décision du gouvernement britannique.
  • 2007 : Les lobbies neutralisent - sans surprise - le "grenelle de l'environnement"
  • 2012 : 59 voyages à l'invitation de tiers et 12 cadeaux de plus de 150 euros (dont un robot-mixeur culinaire et une cravate de luxe) ont été déclarés par les députés à la déontologue de l'Assemblée
  • 2012 : Des journalistes d'investigation anglais révèlent que les grandes banques de la City ont dépensé en 2011 environ 117 millions d'euros en lobbying auprès des dirigeants politiques (pour réduire l'impôt sur les sociétés, faire échouer un projet de caisse de retraite non lucratif, faire abandonner un projet de régulation gouvernementale des sociétés côtés en bourses...). 16% des pairs de la Chambre des lords ont des liens directs avec des sociétés financières.
  • 2013 : Deux députées postent sur Twitter des photos des colis reçus de la part de Mondelez, géant de l'industrie agroalimentaire[15].
  • 2013 : La Fédération des industries mécaniques (FIM) est satisfaite d'un certain nombre d'assouplissements de la réglementation sur les installations classées publiés au Journal officiel du 24 décembre 2013. « C’est l’aboutissement d’un long travail de lobbying de la FIM », rappelle France de Baillenx, directrice de l’environnement de la FIM.[16]
  • 2014 : Emmanuel Macron, ancien banquier d'affaires chez Rothschild, devient ministre de l'économie du gouvernement PS[17]
  • 2013-2017 : Ubert Files. Macron noue des relations resserrées avec Uber et Amazon, les aidant face à la justice, assouplissant la réglementation pour leur permettre de mieux s'implanter en France, en échange probablement d'un soutien pour sa campagne de 2017 et d'investissements lui permettant de se présenter comme pourvoyeur d'emplois.[18]
  • 2015 : Le système des garanties financières, qui a laborieusement commencé à être appliqué suite au scandale de Metaleurop, est largement allégé[19].
  • 2015 : François Villeroy de Galhau, ex-directeur général délégué de BNP Paribas, va devenir président de la Banque de France[17]
  • 2022 : Scandale de corruption par le Qatar au Parlement européen
  • 2024 : Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée nationale, a été mandaté par la multinationale Accenture pour affaiblir la loi sur l’encadrement des activités des cabinets de conseil, deux ans après l’affaire McKinsey.[20]

3 Le droit et le lobbying[modifier | modifier le wikicode]

Face à la suspicion populaire, le lobbying est la plupart temps encadré par le droit. Mais cet « encadrement » varie beaucoup selon les pays.

3.1 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Caricature de 1891 sur le lobbying aux États-Unis.
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La va-et-vient (revolving doors) entre personnel politique et cadres dirigeants du patronat est massif aux États-Unis.

« Dans la loi actuelle, les responsables gouvernementaux qui prennent des décisions engageant des contrats doivent soit attendre une année avant de rejoindre un contractant militaire, soit, s'ils veulent changer immédiatement d'employeur, commencer d'abord dans une branche non liée à leur travail gouvernemental. Une grande échappatoire est que ces restrictions ne s'appliquent pas à de nombreux décideurs de haut niveau..., qui peuvent rejoindre des entreprises ou leurs conseils d'administration sans attendre. »[21]

3.2 Union européenne[modifier | modifier le wikicode]

Cet "arbre des lobbies" a été planté devant le Parlement européen à l'initiative de la SEAP, organisation des lobbyistes européens.
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Les données déclarées par les lobbyistes sont disponibles en ligne, et même si elles sous-estiment forcément, elles montrent déjà une ampleur impressionnante du lobbying.[22]

Comme ailleurs, le pantouflage entre hauts fonctionnaires européens et multinationales régulées par ces mêmes fonctionnaires est un phénomène important.[23] Par exemple en février 2011, Thomas Lönngren, directeur exécutif de l’Agence Européenne du Médicament, devient conseiller de l’industrie pharmaceutique. Ou encore en 2014, la commissaire européenne Connie Hedegaard, devient lobbyiste chez Volkswagen (l'affaire Volkswagen allait bientôt éclater).

3.3 France[modifier | modifier le wikicode]

Depuis 2011, les députés doivent déclarer "tout don ou avantage d'une valeur supérieure à 150 euros" (et "tout voyage accompli à l'invitation, totale ou partielle, d'une personne physique ou morale"). Un certain nombre de lobbyistes professionnels, ou "représentant d'intérêts", sont alors enregistrés officiellement auprès de l'Assemblée nationale[24].

La loi Sapin II, entrée en vigueur en septembre 2017, oblige tous les lobbyistes à s'inscrire auprès de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). Chaque année, ils doivent lister leurs activités de lobbying.

Par exemple, la société Uber s'est déclarée auprès de la Haute autorité fin 2017, après l'entrée en vigueur de loi. Sur sa page, qu'on trouve facilement sur le site de l'autorité[25], se trouve a une liste de tous les débats, les sujets sur lesquels Uber déclare être intervenu. Des rencontres avec le cabinet du président Emmanuel Macron, avec des députés, des sénateurs et le ministère des Transports. Au total, plus de 3 millions d'euros dépensés en lobbying. Mais tout cela seulement depuis 2017 et l'entrée en vigueur de la loi (donc rien sur les Uber Files).

Cette réglementation laisse encore beaucoup de zones d'ombre :

  • il n'y a aucune obligation d'indiquer la nature du lobbying (repas, cafés, projets de lois sur mesure ?) ;
  • aucune obligation de préciser quel député ou sénateur a été rencontré ;
  • lorsque ce sont les politiques qui sollicitent les lobbies, qui leur demandent conseil, il n'y a aucune obligation de déclaration.

La HATVP pointe, elle-même, un manque de transparence dans un rapport publié en 2021. Pour illustrer à quel point son rôle est dérisoire :

  • en 2022, Eléanore Leprettre, cheffe de cabinet de Marc Fresneau (ministre chargé des relations avec le parlement), rejoint le lobby des pesticides Phyteis en tant que dircom ;
  • la HATVP rend un avis : elle « devra s'abstenir de toute démarche auprès de Marc Fresneau tant que celui-ci sera membre du gouvernement » ;
  • Mais celui-ci est devenu entre-temps ministre de l'Agriculture. Il est strictement impossible qu'une lobbyiste d'une grande entreprise du secteur agricole n'interagisse jamais avec le ministre de l'Agriculture.

L'ONG Transparency France demande que les membres du gouvernement, les députés et sénateurs présidents de commission parlementaire, les présidents de groupes parlementaires, publient leur agenda précis, toutes les rencontres qu'ils ont avec les lobbyistes. Elle alerte également sur les moyens de la Haute autorité pour contrôler toutes les activités de lobbying. Ils sont une petite vingtaine d'employés, pour des milliers d'actions déclarées des lobbies.[26]

Le lobby de l'alcool est régulièrement accusé de faire pression pour limiter les campagnes de prévention sanitaire.[27]

4 Think tanks[modifier | modifier le wikicode]

Les « think tank » sont des structures qui se veulent des laboratoires d'idées, des groupes de réflexions durables.

Il y a des think tanks sur différentes lignes politiques. Dans un sens général, n'importe quelle revue politique un peu influente peut être vue comme un think tank. Mais le terme désigne souvent des structures assez modérées (avec l'image d'une production centrée sur les idées et donc avec plus recul que des batailles électorales immédiates et autres batailles journalistiques comme celles qu'on trouve dans un quotidien), et avec des financements assez importants.

Existant depuis 1884, la Fabian Society, groupe socialiste modéré lié au Parti travailliste britannique, est considérée comme un des premiers thinks tanks.

Les thinks tanks ont gagné en importante au fil du 20e siècle dans les démocraties des vieux pays impérialistes, surtout dans les dernières décennies. Par exemple à partir de 1973 il y a eu une montée en puissance de think tanks néolibéraux dans les pays anglo-saxons (Heritage Foundation, Cato Institute, Adam Smith Institute...), qui ont produit et accompagné l'affaiblissement du paradigme keynésien.

Le financement de think tank par des riches donateurs est une autre façon d'influencer le débat public, sur des sujets plus ou moins spécifiques. On peut voir ça comme une forme plus diffuse de lobbying.

Aux États-Unis, les thinks tanks ont un rôle majeur, surtout à Washington, se spécialisant surtout sur leur cible que sont les politiciens. Ces dernières années, des milliardaires réactionnaires comme les frères Koch ont déversé des milliards dans la production de climato-scepticisme.[28]

Le mouvement ouvrier ayant connu un certain recul, il n'est plus en mesure de rivaliser avec ces machines à propagandes abondamment financées. La remontée d'une forme de socialisme réformiste en France avec la France insoumise s'est accompagnée de la création en 2020 d'un think tank lié, l'Institut La Boétie.

5 Preuves scientifiques[modifier | modifier le wikicode]

De nombreuses études de politologues et de sociologues démontrent que le lobbying (entre autre) a une efficacité sur l'influence de la politique.

Deux auteurs ont ainsi analysé toute une série de propositions politiques, en comparant leur popularité au sein des différents groupes sociaux, puis en les comparant aux politiques effectivement mises en œuvre, et en concluent :

« Aux États-Unis, nos résultats indiquent que la majorité ne gouverne pas, du moins pas dans le sens causal où elle détermine les résultats politiques. »[29]

Ces résultats sont confirmés par d'autres études sur les États-Unis[30][31][32], mais aussi sur l'Allemagne[33], les Pays-Bas[34], la Norvège et la Suède[35], et des comparatives internationales.[36][37]

Dépenses de lobbying des capitalistes et des ONG auprès de la Commission européenne en 2021

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Sophie Coignard et Romain Gubert, « Quand les économistes perdent le sens commun : Les forts en chiffres ne sont pas aussi indépendants qu’ils le disent… », Le Point, (consulté le 24 février 2017).
  2. Kate PHILLIPS, « Once a Maverick, Google Joins the Lobbying Herd », New York Times, 28 mars 2006.
  3. 3,0 et 3,1 Afis Science, Golden holocaust. La conspiration des industriels du tabac, janvier 2015
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Naomi Oreskes, Erik M. Conway, Les Marchands de doute, 2010 (également adapté en documentaire en 2014)
  5. (en) Mike Steketee, « Some sceptics make it a habit to be wrong », The Australian,
  6. Christian CHAVAGNEUX (2006), « Le pouvoir des multinationales », Alternatives économiques, hors-série, n° 68, « L’état de l’économie 2006 », 2e trimestre, p. 76-77.
  7. Bastamag, Collusion et pantouflage : quand le lobby bancaire met la main sur la haute administration, 28 septembre 2015
  8. Fakir, Moi, journaliste fantôme au service des lobbies, Juin 2022
  9. Huffington Post, Comment le lobby du sucre a fait croire depuis 50 ans que le seul ennemi, c'était le gras, Septembre 2016
  10. Pascal Gruffel et Nathalie Chèvre, « Retardateurs de flamme: une histoire sans fin? », Aqua & Gas, vol. 6,‎ 2017, p. 96-107
  11. Nathalie Chèvre, Substances ignifuges: on joue avec le feu, Février 2018
  12. Euractiv, Le Green Brief : le Parlement européen frappé par un « tsunami de lobbying », juin 2022
  13. Gerald Markowitz, David Rosner, Deceit and Denial The Deadly Politics of Industrial Pollution, January 2013
  14. Caroline Orset, Bisphénol A : comment les lobbies ont ralenti son interdiction, mars 2021
  15. http://www.huffingtonpost.fr/2013/12/19/deputees-twitter-colis-noel-agroalimentaire_n_4474995.html
  16. Mécasphère, Installations classées : la FIM obtient satisfaction
  17. 17,0 et 17,1 Bastamag, Collusion et pantouflage : quand le lobby bancaire met la main sur la haute administration, 28 septembre 2015
  18. Franceinfo, Uber Files : comment Emmanuel Macron s'est impliqué lors de l'arrivée du géant des VTC en France, Juillet 2022
  19. http://www.journaldelenvironnement.net/article/garanties-financieres-un-dispositif-fragile-selon-le-cgedd,55546
  20. Médiapart, Un cabinet de conseil a utilisé Richard Ferrand comme cheval de Troie au Parlement, février 2024
  21. Leslie Wayne, « Pentagon Brass and Military Contractors' Gold », The New York Times,‎ 29 juin 2004
  22. https://www.lobbyfacts.eu/
  23. http://www.formindep.org/Lobbying-Commission-Europeenne.html
  24. http://www.assemblee-nationale.fr/representants-interets/liste.asp
  25. https://www.hatvp.fr/fiche-organisation/?organisation=539454942
  26. France info, Uber Files : trois questions sur l'action des lobbies en France, Juillet 2022
  27. Le Monde, Après l’annulation de deux campagnes de prévention sur l’alcool, les acteurs de la santé publique dénoncent les « faux prétextes » du gouvernement, septembre 2023
  28. The Guardian, Secret funding helped build vast network of climate denial thinktanks, Feb 2013
  29. Gilens & Page (2014) “Testing Theories of American Politics
  30. Gilens (2005) "Inequality and Democratic Responsiveness"
  31. Bartels (2016) “Unequal Democracy - The Political Economy of the New Gilded Age
  32. Jacobs & Page (2005), Who Influences U.S. Foreign Policy?
  33. Elsässer et al (2017), "Dem Deutschen Volke"? Die ungleiche Responsivität des Bundestags
  34. Schakel (2021), Unequal policy responsiveness in the Netherlands
  35. Mathisen et al (2024), Unequal Responsiveness and Government Partisanship in Northwest Europe
  36. Giger et al (2012), The poor political representation of the poor in a comparative perspective
  37. Peters & Ensink (2015), Differential Responsiveness in Europe: The Effects of Preference Difference and Electoral Participation