Ligue communiste révolutionnaire du Japon

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La Ligue communiste révolutionnaire du Japon (日本革命的共産主義者同盟, Nihon Kakumeiteki Kyōsansugisha Dōmei, parfois abrégé en Kakukyōdō) est un groupe trotskiste fondé en 1957.

Suite à plusieurs scissions, la LCRJ a donné plusieurs groupes portant ce nom :

  • Ligue communiste révolutionnaire du Japon - Comité national (1959-1963)
  • Ligue communiste révolutionnaire du Japon - Comité national (Faction noyau, Chūkaku-ha) (1963-...)
  • Ligue communiste révolutionnaire du Japon - Faction Marxiste Révolutionnaire (Kakumaru-ha) (1963-...)
  • Ligue communiste révolutionnaire du Japon - Quatrième internationale (1965-...)

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'après-guerre, le Parti communiste japonais était très influent dans la jeunesse, et en particulier dans la grande organisation étudiante, la Zengakuren. Après une phase gauchiste après la victoire de l'Armée Populaire de Libération en 1949, où ses militants se lancent dans des attaques de commissariat, le PCJ opère un tournant vers une politique opportuniste et légaliste, notamment après son 6e congrès (juillet 1955). Il écœure peu à peu de nombreux-ses jeunes militant-e-s radicalisé-e-s. La révolution hongroise de 1956 et sa répression brutale par les staliniens accélère les remises en question. En mars 1956 à Paris, la direction de la Quatrième internationale presse les sympathisants japonais, dont certains sont au PCJ, de former une section.

1.2 Fondation[modifier | modifier le wikicode]

Les petits groupes qui avaient éclot en 1956 se rassemblèrent autour du Nouveau Parti Communiste Japonais, lancé par quelques militants dissident du PCJ de la préfecture de Gunma, puis décident lors d'un congrès le 1er octobre 1957 de s'unir dans une nouvelle organisation, d'abord nommée Ligue trotskiste du Japon, avant d'adopter en le 12 octobre 1957 le nom de Ligue communiste révolutionnaire du Japon (LCRJ). Le Japon n'avait pas d'antécédents en termes d'organisations trotskystes. La LCRJ décide de s'affilier au Secrétariat international de la Quatrième Internationale, tout en nouant des contacts avec le Socialist Workers Party des États-Unis. Elle fait paraître son journal, Quatrième Internationale.

Cela fait de la LCRJ la première organisation émergeant du mouvement de fond qui sera qualifié plus tard de "Nouvelle Gauche Japonaise".

1.3 Entrisme et scissions du Chūkaku et du Kakumaru[modifier | modifier le wikicode]

D'autres membres décident dès 1958 de faire de l'entrisme dans le PCJ (comme Ryū Ōta), mais leur leader, Kyoji Nishi, en est aussitôt exclu.

En août 1959, la LCRJ se divise sur la question du "soutien inconditionnel aux Etats ouvriers" et sur la question de l'entrisme, certains intégrant le Parti socialiste japonais (PSJ). Les partisans de l'entrisme s'organise dans un petit Parti Communiste Internationaliste. La majorité se range autour du Comité national de l'organisation (d'où son nom de « LCRJ - Comité national »), et particulièrement du théoricien Kuroda Kanichi. Kuroda Kanichi dénonce le "soutien inconditionnel aux Etats ouvriers" comme dogmatique et comme un "fétichisme de la propriété nationalisée", et un mépris du principe d'auto-émancipation de la classe ouvrière. Cette scission s'accompagne d'une campagne de calomnie de la part des partisans de l'entrisme, qui accusent Kuroda Kanichi (pourtant sur des positions anti-stalinienne radicale) d'avoir donné à la police et au Parti Communiste des informations.

A ce moment-là, la Zengakuren est dominée par la Ligue communiste, une organisation communiste anti-stalinienne (mais non trotskiste) créée en 1958 et dont sera issue la plupart des organisations de la Nouvelle Gauche.

En 1960 la Zengakuren est engagée dans une grande lutte contre le Traité américano-japonais, et s'oppose à la direction du PCJ. Au sein de la Zengakuren, la LCRJ-CN soutient la Ligue communiste dans sa lutte contre le PCJ, tandis que la section de la Quatrième internationale défend la minorité alignée sur le PCJ. En conséquence, après la lutte, la plupart des militants de la Ligue communiste rejoignent la LCRJ-CN, qui devient la force politique dominante dans la Zengakuren.

En 1961, la Zengakuren et la LCRJ-CN lancent une campagne retentissante de lutte contre les essais nucléaires aussi bien états-uniens que japonais.

En 1963 la LCRJ-CN éclate en deux groupes très hostiles entre eux, et qui évoluent, avec les autres organisations de la Nouvelle Gauche, vers l'emploi de violences physiques systématiques contre ses opposants politiques, la « LCRJ - Comité national (Faction noyau, Chūkaku-ha) », derrière Nobuyoshi Honda, et la « LCRJ - Faction Marxiste Révolutionnaire » (Kakumaru-ha), derrière Kuroda Kanichi.

Les divergences sont politiques (portant sur l'application exacte de la politique anti-staliniste/anti-impérialiste qui constitue le cœur de l'idéologie de l'organisation), mais aussi organisationnelle, la Chukaku voulant mettre en avant le travail étudiant et la Kakumaru le travail dans les syndicats. Le fraction noyau central (autour du noyau central de la zengakuren contrôlé par la LCRJ-CN), plus nombreuse, car comptant la majorité des étudiants de l'organisation, obtient la majorité, Kuroda Kanichi et sa fraction marxiste révolutionnaire scissionne.

1.4 La LCRJ - Quatrième internationale[modifier | modifier le wikicode]

En février 1965 est créée une "Section de la quatrième internationale" (Daiyon Intānashonaru Nihon Shibu), par regroupement du Parti Communiste Internationaliste de Ryū Ōta (pabliste) et de la Faction du Kansai (partisane des thèses du SWP des États-Unis) de Tsukasa Nishikyo (Shiro Ooya) et Susumu Okaya. L'organisation s'appelle elle aussi LCRJ, mais est plus connue sous le nom de Daiyon Intā ou parfois Yontoro.

Ota est mis à l'écart pour ne pas avoir engagé l'organisation dans des luttes qui aurait affaibli sa position dans le PS, comme contre la ratification du traité d’alliance Japon-Corée ou contre la base militaire américaine de Tachikawa.Il quittera la LCRJ-QI en 1967 pour créer son organisation, la Section japonaise de la quatrième internationale (fraction bolchevik-léniniste).

En 1968, après avoir gagné de nombreux membres dans les protestations contre la guerre du Vietnam, les militants de la LCRJ (QI) sont expulsés du Parti socialiste.

L’organisation avance alors que la « poussée révolutionnaire de tous les peuples » rend possible une « révolution de libération des peuples d’extrême orient ». Il faut conduire une "campagne pour faire de Trotski un pôle du radicalisme", avec comme théorie que la rupture de l’alliance militaire américaine, japonaise et coréenne était possible, en menant la lutte anti-impérialiste dans la totalité de l'Asie de l'Est par la solidarité et la fraternisation des peuples. Cette doctrine devient dominante dans le parti au cours des années 1970.

En 1975, le Comité Internationaliste des Travailleurs, organisant les jeunes travailleurs en fraction trotskyste, l’Association des étudiants communistes internationalistes, le Front des Lycéens internationalistes et le comité des jeunes contre la guerre s’unifient et forment une organisation de jeunesse, la Ligue des jeunes communistes du Japon, avec 1 400 membres.

En outre, l’organisation a diffusé de la propagande auprès des soldats, avec le magazine « Soldats et travailleurs », et des femmes, avec une campagne visant à créer une organisation féminine populaire en 1978.

C'était alors la seule organisation s'affirmant vraiment "trotskiste", et son refus de s'engager dans des luttes fratricides comme le reste de la nouvelle gauche japonaise lui fit gagner des positions précieuses dans le mouvement étudiant. Mais elle participa elle aussi à des actions radicales, et eut un rôle important dans la lutte contre la construction de l'aéroport de Narita (participant à l'occupation d'une tour de contrôle en mars 1978) ou dans la lutte de l'université Zenkyōtō de Tokyo. Elle participe à la solidarité avec le mouvement démocratique en Corée du Sud, soutient les luttes de libération coloniales, le retrait des troupes japonaises et américaines d'Okinawa et l'établissement d'un gouvernement ouvrier autonome dans l'île, et participe aux actions de l'Alliance de soutien aux Buraku. Elle était bien implantée dans les universités de la région de Tōhoku (nord-est) et à l'université Sophia de Tokyo. Les militants portaient des casques avec des insignes faucille et marteau. Leur journal s'appelait Révolution mondiale (Sekai Kakumei).

1.5 Années 1970[modifier | modifier le wikicode]

En 1975, le leader de la Chūkaku-ha, Nobuyoshi Honda, est tué dans son sommeil chez lui à Kawaguchi (Saitama) par des membres du Kakumaru-ha. Le Chūkaku-ha déclare le guerre au Kakumaru-ha, et s'ensuit une escalade de violence entre les deux groupes. La Daiyon Intā caractérise le Kakumaru-ha comme "contre-révolutionnaire" et appelle à "l'auto-défense armée" contre leurs attaques.

Les trois principaux groupes s'affrontent physiquement, jusqu'à faire plusieurs morts par an au milieu des années 1970 (16 pour la seule année 1975, une centaine de morts en tout). Ni le Chūkaku-ha ni le Kakumaru-ha ne se revendiquent véritablement du trotskisme, qu'ils considèrent comme dogmatique, même s'ils sont clairement anti-staliniens. Ils s'engagent des activités de guérilla, tout en maintenant des interventions dans les universités au travers des sections de la Zengakuren.

1.6 Années 1980[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1980, le Chūkaku-ha, derrière Tōru Takagi, est le plus important groupe armé d'extrême-gauche du Japon. Il compte alors 200 membres et 3 000 sympathisants. Elle possède une petite aile politique, et une aile militaire connu comme l'Armée révolutionnaire du Kansai. Le Chūkaku-ha mène alors une politique d'attentats, en majorité contre des bâtiments officiels : lors de la guerre du golfe, de l'extension de l'aéroport international de Narita, de l'envoi de troupes japonaises au Cambodge... le 19 septembre 1984, le Chūkaku-ha attaque au lance-flamme le siège du Parti libéral-démocrate.

En 1985 et 1986, le groupe a saboté des lignes de chemins de fer pour faire dérailler des trains en réponse à la privatisation des sociétés japonaises de chemin de fer. Il a aussi attaqué des bases navales américaines avec des roquettes incendiaires. Le 4 mai 1986 Chūkaku-ha a attaqué le Sommet Économique de Tōkyō en tirant des roquettes artisanales en direction des chefs d'État. Il n'y a pas eu de victimes. La dernière attaque remonte à 2001 où un engin explosif a détruit la voiture d'un fonctionnaire de la préfecture de Chiba. Le fonctionnaire travaillait sur l'extension de l'aéroport de Narita.

Au cours de la lutte contre l'aéroport de Narita, au début des années 1980, des affrontements ont eu lieu entre le Chūkaku-ha et la Daiyon Intā.

1.7 Depuis les années 1990[modifier | modifier le wikicode]

Vers la fin des années 1980, la plupart des groupes d'extrême gauche sont sur le déclin. En 1988, un rapport de police estimait que la "JRCL Daiyon Intā" avait 2 000 membres.

En 1989, le groupe éclate suite à une affaire de viol, connue sous le nom de “ABCD Mondai”, donnant naissance à un groupe nommé Conseil national des travailleurs internationalistes (NCIW). En 1991, la LCRJ est "rétrogradée" au statut de sympathisant de la Quatrième internationale (Secrétariat-unifié), tandis que seul reste reconnu membre le Groupe de libération des femmes (Dayon Intâ Josei Kaihô Gurûpu). Peu à peu, les deux groupes issus de la scission se rapprochent, et commencent par publier un hebdomadaire commun, Kakehashi (Le Pont). Un retour critique est fait sur les problèmes de sexisme et de viol fréquents dans la nouvelle gauche.

En mai 1991, le chūkaku-ha décide de modérer sa campagne de lutte armée et se concentre plutôt sur la consolidation de sa position au sein des syndicats et des mouvements traditionnels de gauche. La plupart de ses activités aujourd'hui sont pacifiques. Le chūkaku-ha aurait actuellement environ 3500 membres. Le 18 janvier 2016 la police a perquisitionné un petit appartement à Kita, à Tokyo, à la recherche de Masaaki Osaka, âgé de 66 ans et militant du Chūkaku-ha. Il est recherché pour la mort d’un policier lors d’une émeute à Shibuya en 1971, émeute dénonçant les termes de la fin de l’occupation d’Okinawa par les États-Unis et son utilisation (bases militaires) dans la guerre du Vietnam. Un policier était mort de ses brûlures après avoir été touché par un cocktail Molotov. Six militants furent arrêtés dont Fumiaki Hoshino, toujours en prison en 2016.

En 1998, la police saisit des milliers d'enregistrements de conversations internes du Kakumaru.[1] Au niveau international, le Kakumaru avait des liens avec la Ligue Spartaciste (un journal « Spartacist Japan » a été publié en 1982) et entretient maintenant des liens avec la Fraction trotskiste.

2 Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

  • jrcl.net : Site de la LCRJ - Quatrième internaionale (Dayon Intâ)
  • zenshin.org et zengakuren.jp, sites de la LCRJ - Comité national (Chūkaku-ha)
  • jrcl.org : Site de la LCRJ - Faction Marxiste Révolutionnaire (Kakumaru-ha)

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]