Gauche communiste en France

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Le terme de gauche communiste définit des courants politiques se revendiquant du marxisme, et ayant souvent leur origine dans des partis ou groupes à la gauche de l'Internationale communiste, que la direction léniniste (dont Trotski) considérait comme « gauchiste ». On parle souvent « d'ultra-gauche ».

Cette page développe l'histoire des groupes de la gauche communiste en France.

1 Origine[modifier | modifier le wikicode]

A l'origine, dans le sillage de la formation de l'Internationale communiste en 1919, c'est principalement en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas (« gauche germano-hollandaise ») que l'on retrouve une forte importance numérique des « communistes de gauche ». Parmi leurs leaders on retrouve souvent des fondateurs ou initiateurs des partis communistes européens, qui seront exclus par la suite de ceux-ci (souvent au profit de leaders de second plan).

Pour des raisons historiques (écrasement par le fascisme), l’héritage de la gauche communiste des années 1920 va se transporter en France (où il a plus de résonance aujourd'hui qu’aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Italie). Après avoir fui les régimes totalitaires de l’entre-deux guerres, de nombreux militants trouvèrent refuge en France.

2 Années 1920-1930[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Le premier « Parti communiste français »[modifier | modifier le wikicode]

Fin mai 1919 sous l'impulsion du syndicaliste révolutionnaire Raymond Péricat, un « Parti communiste français » est créé, et se revendique « section française de l'Internationale communiste ». Il regroupe un peu moins d'un millier de membres, des marxistes et des anarchistes. Ce parti éphémère disparaît à la fin 1919 à la suite de fortes divisions (notamment entre Péricat, Jacques Sigrand et Étienne Lacoste).

La majorité de ce PCF devient, sous l’impulsion de ses éléments libertaires, majoritaires, la Fédération communiste des soviets (FCS) en décembre 1919, dirigée par Marius Hanot et Alexandre Lebourg. Des collaborateurs réguliers du Libertaire adhèrent à l’une ou l’autre de ces organisations en même temps qu’à la Fédération anarchiste.

Jacques Sigrand recrée un « parti communiste » en février 1920, qui revendique environ 300 membres, mais disparaît en septembre.

Le PCF qui naît au congrès de Tours (décembre 1920) rassemblera à l'origine de nombreux militants « d'ultra-gauche », qui seront rapidement purgés ou démissionneront au fur et à mesure de la « bolchévisation » et de la stalinisation.

2.2 Groupes ouvriers communistes[modifier | modifier le wikicode]

Michelangelo Pappalardi militait en 1923 en Allemagne où il représentait le PC d’Italie auprès du KPD, période durant laquelle il discute avec le KAPD. Démissionnaire du PC d’Italie, il s’installe à Lyon, où il est en correspondance avec Bordiga.

Durant les années qui suivent, les « bordiguistes » préconisent le développement de tendances révolutionnaires au sein du PCF, et de fractions communistes dans les syndicats. Une partie de la Gauche italienne en exil, autour de Pappalardi, en vient à refuser ces positions et se rapproche de celles du KAPD, en particulier par le biais de contacts avec Karl Korsch. Cette tendance se détache des bordiguistes menés par Ottorino Perrone (Vercesi) réfugié à Paris. La rupture est consommée en juillet 1927, et en novembre de cette même année sort le premier numéro du « Réveil Communiste », bulletin intérieur des groupes d’avant-garde communiste, édité à Lyon. Le Réveil Communiste rejette le volontarisme d’organisation : « Pas de nouvelle organisation internationale sans que le processus de développement d’une ligne de gauche sur le terrain international ne soit accompli ».

Ces positions entraînent en 1928 le départ de quelques éléments (Piero Corradi…) fidèles au léninisme, et l’arrivée d’éléments non issus de la Gauche italienne, comme André Prudhommeaux et sa femme Dori (Dora Ris), qui tiennent la Librairie Ouvrière, lieu de rencontre de divers communistes oppositionnels.

L’évolution du Réveil vers la Gauche Allemande conduit à son remplacement par L’Ouvrier Communiste, organe des « Groupes ouvriers communistes » (GOC), dont le premier numéro paraît en août 1929, et dont le siège est la Librairie Ouvrière. L’Ouvrier Communiste se considère alors comme une branche de la véritable Gauche marxiste, « celle dont en 1919 et 1920 les représentants étaient Pankhurst en Angleterre, et en Hollande les Tribunistes : H. Gorter et A. Pannekoek » (O.C. no 1). Les GOC forment alors un petit groupe, qui entretient à un niveau international des liens avec différents groupes ultra-gauches anti-léninistes, dont le Groupe Ouvrier russe de Miasnikov. Le groupe des GOC disparaît fin 1931. Prudhommeaux évolue alors vers l'anarchisme.

2.3 Cercle marxiste de Paris[modifier | modifier le wikicode]

Le mathématicien Marcel Bayard animait le Cercle marxiste de Paris, qui fut le seul groupe en France se réclamant alors du conseillisme[1]. Il rejoindra l'Union communiste en 1936. Henry Chazé écrivit : « Bayard et son petit groupe étaient probablement un résidu de l'expérience de L'Ouvrier communiste. Mais je ne peux le garantir ».

2.4 Union communiste[modifier | modifier le wikicode]

Un groupe nommé l'Union communiste se constitua en 1933 par un rassemblement de groupes situés à la gauche du Parti communiste français et d'une scission de la Ligue communiste (trotskiste). Sa figure dominante était Henri Chazé. L'UC était alors le groupe communiste d’opposition au stalinisme le plus important numériquement, devant les trotskistes de la Ligue. Elle évoluera vers le conseillisme et exista jusqu'aux débuts de la Seconde Guerre mondiale.[2]

3 Années 1940[modifier | modifier le wikicode]

Pendant la Seconde guerre mondiale et à l'époque de la Libération, des groupes de militants issus du stalinisme ou du trotskisme rompent avec leurs organisations et évoluent vers les positions de la gauche communiste (anti-syndicalisme, anti-parlementarisme, etc.).

Le groupe des Communistes révolutionnaires d'Allemagne (RKD), issu du trotskisme, se réfugie dans le sud de la France (zone libre) en 1941. Ces militants influencent la formation d'une tendance de gauche dans le PCI trotskiste. En août 1944, pendant la libération de Paris, des militants de ce courant prennent la tête du comité de grève chez Renault. Un ancien du RKD affirma plus tard qu’au moment de distribuer des tracts devant l’usine Renault à Billancourt, les membres du groupe avaient plus peur de la Résistance contrôlée par les staliniens que de la Gestapo elle-même.[3]En octobre 1944, ils quittent le PCI pour former l'Organisation communiste révolutionnaire (OCR), qui compte alors une quarantaine de membres et édite différentes publications, seule ou en commun avec le RKD : Rassemblement communiste révolutionnaire, Pouvoir ouvrier, L'Internationale. Une partie des militants quittent ensuite l'OCR pour rejoindre des groupes bordiguistes ou anarchistes. Le reste de l'organisation se disperse en 1946.[4]

À la fin de l'année 1941, des militants isolés, de diverses origines, se rencontrent pour renouer des contacts anciens. Un accord général se fait sur la nature impérialiste de la guerre et sur la définition de l'URSS comme un capitalisme d'État. Est ainsi formé le Groupe révolutionnaire prolétarien (GRP)[5], qui pratique une résistance révolutionnaire, en éditant notamment des tracts en allemand à destination des soldats. En 1944 le GRP devient l’Union des communistes internationalistes[6]. Il poursuit son activité après la Libération. Jusqu'à janvier 1945, le groupe fait paraître seize numéros du Réveil prolétarien, puis, de 1945 à 1947, cinq ou six numéros d'une revue théorique, La Flamme. En 1945, Camille (Pierre Lanneret) quitte le GRP et adhère au groupe Contre le courant, issu d'une scission de l'OCR. Dans les deux derniers numéros de La Flamme, l'évolution vers le conseillisme apparaît nettement. Le groupe disparait en 1947. Les principaux militants étaient : Pavel Thalmann, Clara Thalmann[7], Laroche, Camille (Pierre Lanneret)[4], Maximilien Rubel, Roger Bossière[8].

Les positions de la gauche communiste en France à cette époque sont surtout représentées par deux publications :

Ces positions théoriques s'accompagnent d'une volonté d'action pratique qui se concrétisera dans l'intervention de ces tendances lors de la grève chez Renault en 1947.

4 Années 1950-1960[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Socialisme ou Barbarie[modifier | modifier le wikicode]

Le groupe Socialisme ou barbarie est formé en 1948, à partir de différents éléments, mais dominé par la figure de Cornelius Castoriadis. Castoriadis était un trotskiste grec, formé par le révolutionnaire Agis Stinas, mais doit fuir son pays suite à la guerre civile des années 1944-1947, se réfugiant en France.

En 1948, Castoriadis et un certain nombre de ses camarades rompent avec la Quatrième Internationale et le trotskysme. Selon eux, le bloc soviétique se contentait de pratiquer le capitalisme d’État et ils rejetaient également la notion léniniste du parti d’avant-garde. Quelques mois plus tard, Castoriadis, Claude Lefort et un certain nombre d’autres fondaient le groupe Socialisme ou Barbarie. SoB était en relation avec la tendance Johnson-Forest aux États-Unis, puis plus tard avec le groupe anglais Solidarity (Maurice Brinton...) et ce qu’il restait des communistes de conseils germano-hollandais, sans compter des individus comme Anton Pannekoek, H. Canne-Meier et Paul Mattick.

De 1949 à 1965, Socialisme ou Barbarie (ses militants aiment s'appeler les « sociaux-barbares ») tenta de repenser complètement le projet révolutionnaire.

Castoriadis en vient à rejeter de plus en plus le marxisme, à commencer par la théorie de la valeur. Il place au centre l'idée que le monde moderne est un système essentiellement ou totalement organisé autour de « ceux qui donnent les ordres et ceux qui les reçoivent », voyant une convergence entre Bloc de l'Est et Bloc de l'Ouest. Il pense aussi que le capitalisme moderne a su dépasser les crises.

Certains événements clé eurent un des conséquences importantes sur l’évolution du groupe Socialisme ou Barbarie : le soulèvement des ouvriers allemands de l’Est en 1953, les « événements » de 1956 (le XXe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, la révolution hongroise, la résistance des travailleurs polonais, la crise de Suez), les défaites françaises en Indochine et en Algérie, la chute de la Quatrième république, le retour de De Gaulle à la tête de la Cinquième République et la décolonisation en général.

En 1967, SoB annonce son auto-dissolution (la revue avait cessé de paraître en 1965), affirmant ne plus croire en un soulèvement révolutionnaire des classes ouvrières dans les années futures. C'était un an avant mai 1968...

5 Années 1970-1980-1990[modifier | modifier le wikicode]

Après mai 68, dans un contexte international de luttes et de radicalisation des ouvriers et des étudiants (« Mai rampant » italien, révolution portugaise de 1974-1975...) différents individus redécouvriront les positions de ces « gauches » sans être passés par l'expérience du militantisme « léniniste ».

Ces courants se sont beaucoup centrés sur la réélaboration de la théorie marxiste, sur l'édition d'oeuvres marxistes inédites, etc.

Parmi les intellectuels principaux de la Gauche communiste en France, on peut alors citer :

  • Jacques Camatte et sa revue Invariance fondée en 1968
  • Gilles Dauvé (qui écrivit durant des années sous le pseudonyme de Jean Barrot)
  • Mark Chirik (1907-1990) et son groupe Révolution Internationale fondé dans l'après 1968

Dans les années 1980-1990, une partie des milieux de la gauche communiste en France connut une dérive négationniste (La vieille taupe, La guerre sociale...). Certains comme Christophe Bourseiller avancent que cela allait jusqu'aux trois quart de ces militants, et font le rapprochement avec la critique de l'antifascisme présente dès l'origine (Bordiga...) et avec le strict refus de « choisir un camp » dans la Seconde guerre mondiale, au nom de l'internationalisme des zimmerwaldiens de 1914-1918.[3]

Dans les années 1970, une série de groupes issus de la gauche communiste de plusieurs pays entament des discussions de rapprochement, ce qui débouchera sur la formation en janvier 1975 du Courant communiste international, dont la section française est le groupe Révolution Internationale de Mark Chirik. Le CCI se veut héritier des divers apports de la gauche communiste, mais défend la construction d'un parti pour tracer les orientations politiques du prolétariat, mais en aucun cas le diriger.

6 Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • Jean Rabaut, Tout est possible ! Les gauchistes français, 1929-1944 (1974 - réédition 2018)

7 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Philippe Bourrinet, La Gauche communiste Germano-Hollandaise des origines à 1968, chap. 9 - Les internationalistes hollandais face aux évènements d'Espagne (1936-1937)
  2. Henry Chazé, Union Communiste 1933-1939, préface à Chronique de la Révolution Espagnole, éditions Spartacus, 1979.
  3. 3,0 et 3,1 Loren Goldner, Sur «L’histoire générale de l’ultragauche» de C. Bourseiller, revue Agone n° 34, 2005
  4. 4,0 et 4,1 Pierre Lanneret, Les internationalistes du « troisième camp » en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Acratie, 1995
  5. Bulletin de liaison des études sur les mouvements révolutionnaires, n° 2, avril 1999
  6. Textes du GRP/UCI sur le site archivesautonomies.org
  7. Pavel et Clara Thalmann, Combats pour la liberté, La Digitale, 1983
  8. Alternative libertaire, Nécrologie : Roger Bossière
  9. Michel Olivier, La Gauche communiste de France, brochure éditée par le Courant communiste international, Paris, 2001.
  10. Michel Leroux, L'enfer continue, de la guerre de 1940 à la guerre froide, la GCF parmi les révolutionnaires, éditions Ni patrie ni frontières, Paris, 2013.
  11. http://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique449
  12. http://www.collectif-smolny.org/rubrique.php3?id_rubrique=47