Flora Tristan

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
Flora Tristan.jpg

Flora Célestine Thérèse Henriette Tristán y Moscoso, née en 1803 à Paris et décédée en 1844 à Bordeaux, est une femme de lettres, militante socialiste et féministe française, qui fut l’une des figures majeures du débat social dans les Années 1840[1] et participa aux premiers pas de l’Internationalisme.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Famille[modifier | modifier le wikicode]

D’origine franco-péruvienne, Flora Tristan prétend descendre de l'empereur Moctezuma II. Elle est en réalité la fille de Mariano de Tristán y Moscoso, un noble péruvien, et d'Anne-Pierre Laisnay, une petite bourgeoise parisienne, émigrée en Espagne pendant la Révolution française. Mariano et Anne-Pierre sont mariés en Espagne par un prêtre réfractaire, mais Mariano, de retour en France, ne prend jamais le temps de régulariser son mariage. Il meurt peu après leur retour à Paris en 1808 ; et ce coup du sort affecte l'existence de Flora. Elle note, dans Pérégrinations d’une paria, "Mon enfance heureuse s’acheva, à quatre ans et demi, à la mort de mon Père."

Une légende tenace voulait que Flora Tristan soit le fruit d'une aventure qu'aurait eue sa mère avec Simón Bolívar. C'est en réalité Flora Tristan elle-même qui en est à l'origine. Elle n'hésite ainsi pas à fabriquer et publier de fausses lettres de l'homme politique pour accréditer sa version. Il semble que Bolivar, qui n'eut par ailleurs jamais d'enfant, quitte Bilbao, lieu de son aventure supposée avec Anne-Pierre, plus de neuf mois avant la naissance de Flora, ce qui rend impossible qu'il soit son père.

1.2 Mariage[modifier | modifier le wikicode]

Flora Tristan et sa mère se débattent alors avec d’insurmontables difficultés financières, qui vont précipiter, à 17 ans, le mariage de la jeune fille avec un graveur en taille-douce, André Chazal (le frère d'Antoine Chazal), chez qui elle est ouvrière coloriste. Cet homme est surtout jaloux, médiocre et très violent. Elle parvient néanmoins à s’évader d’une vie quotidienne où la femme est considérée comme une mineure incapable, par la lecture de Rousseau, Lamartine et surtout de Madame de Staël. Elle hait de plus en plus son mari. L’échec du mariage est total : femme battue, humiliée, séquestrée, elle réussit pourtant à le fuir en 1825, bien qu’enceinte de la dernière de ses trois enfants (Alexandre qui meurt à l'âge de huit ans, Ernest puis Aline qui devint plus tard la mère du peintre Paul Gauguin) [2]. Malgré les menaces et les voies de fait de plus en plus graves, elle ne reprend plus jamais la vie commune.

Elle-même est emportée et impulsive[1] et le couple va se déchirer pendant des années pour la garde des enfants. En 1838, André Chazal lui perfore le poumon gauche d’un coup de pistolet. Défendu par un jeune avocat, Jules Favre[1], il est condamné à vingt ans de prison. Cette époque est conservatrice en matière de mœurs, et le divorce est interdit depuis 1816. Les juges accordent alors à Flora Tristan « la Séparation de corps » (alors qu’ils étaient déjà séparés depuis près de dix ans). Ce drame pousse Flora Tristan à se battre, pour le restant de sa vie, pour le droit des femmes au divorce.

1.3 Voyages[modifier | modifier le wikicode]

Flora Tristan voyage au Pérou en 1833, espérant se faire reconnaître par sa famille paternelle, mais à Arequipa, son oncle Pío de Tristán y Moscoso, noble péruvien, lui dénie l'héritage de son père vue sa condition de « bâtarde », mais accepte de lui verser une pension pendant quelques années. La « paria » décide alors de rentrer en France après un court séjour à Lima, la capitale du pays. C’est un nouvel échec, mais ce voyage initiatique lui permet d'écrire son premier livre : Pérégrinations d'une paria.

Elle essaie alors de mettre à l'œuvre ses talents d’enquêtrice sociale, avec la publication des Promenades dans Londres, en 1840, où elle fait l'éloge de Mary Wollstonecraft. Elle s’investit également dans la mission d’organiser les classes laborieuses.

1.4 La militante engagée[modifier | modifier le wikicode]

Ouvrière dans les filatures, les imprimeries mais aussi femme de lettres, militante socialiste et féministe, Flora Tristan est l’une des figures majeures du débat social dans les années 1840. Elle est une figure forte du socialisme utopique. Son socialisme humanitaire est marqué par un sentiment religieux et mystique étranger à la lutte des classes[1].

Pour répandre ses idées, elle s’embarque, en 1843, dans « un tour de France », le circuit traditionnel des apprentis-compagnons. Son journal, publié posthumément, trace ses rencontres avec les femmes et les hommes ouvriers à travers la France. Elle n'achève néanmoins jamais son voyage. Elle meurt prématurément de la fièvre typhoïde le 14 novembre 1844 à Bordeaux, au domicile d'Élisa et Charles Lemonnier [3]. "Aristocrate déchue, Femme socialiste et Ouvrière féministe", comme elle aimait à se désigner, son ouvrage majeur sera publié après sa mort par son ami Éliphas Lévi, sous le titre L’Émancipation de la Femme ou Le Testament de la Paria.

2 Aspects du personnage[modifier | modifier le wikicode]

Flora Tristan est souvent considérée comme une des premières féministes. Écrivain, ouvrière militante, fille rejetée, mère battue, elle semble avoir vécu et couvert toutes les facettes de la condition féminine dans ce qu’elle a de plus dur.

Parfois occultée par ses camarades masculins (Karl Marx, qu’elle n’a pas connu mais qui la cite dans La Sainte Famille, Proudhon, qu’elle a personnellement connu), elle apparaît de nos jours, de plus en plus, comme une figure majeure des luttes de la classe ouvrière et pour la condition féminine partout dans le monde.

Elle a ainsi toujours revendiqué ces deux aspects de sa personnalité. La principale organisation pour la promotion féminine du Pérou se nomme Centro de la Mujer Peruana Flora Tristán et revendique 25 ans de travail pour le droit des femmes.

Cependant, Henri Perruchot la présente comme une femme quelque peu profiteuse et mégalomane, en partie responsable de la déchéance de son époux[4].

3 Postérité[modifier | modifier le wikicode]

4 Citations[modifier | modifier le wikicode]

Tirées de ses œuvres

  • Pérégrinations d’une paria, Extrait de l’avant-propos : « Ma mère est française : pendant l’émigration elle épousa en Espagne un Péruvien ; des obstacles s’opposant à leur union, ils se marièrent clandestinement, et ce fut un prêtre français émigré qui fit la cérémonie du mariage dans la maison qu’occupait ma mère. J’avais quatre ans lorsque je perdis mon père à Paris. Nous revînmes à Paris, où ma mère m’obligea d’épouser un homme que je ne pouvais ni aimer ni même estimer. À cette union je dois tous mes maux ».
  • « L’affranchissement des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même ».

À son propos

  • « Traitée de paria par le monde entier, Flora Tristan accepte ce nom et s’en fait un titre... Se sentant investie d’une mission quasi-divine, elle se nommait elle-même (un peu par dérision) « la Messiah (le Messie) des Femmes » » ; Éléonore Blanc, 1845.
  • « Il n’est peut-être pas de destinée féminine qui, au firmament de l’esprit, laisse un sillage aussi long et aussi lumineux » ; André Breton.

5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Textes de Flora Tristan[modifier | modifier le wikicode]

  • 1835, Nécessité de faire un bon accueil aux femmes étrangères.
  • 1837, Pérégrinations d'une paria (1833-1834) tome 1 disponible sur Gallica ; tome 2 disponible sur Gallica ; édition numérique complète, t.1 et t.2, chez Transhumance, 2014 (EAN 9791093533063)
  • 1838, Méphis, roman
  • 1840, Promenades dans Londres, disponible sur Gallica
  • 1843, L’Union ouvrière disponible sur Gallica ; réédition Éditions des Femmes, suivie de lettres de Flora Tristan ; éd. préparée par Daniel Armogathe et Jacques Grandjonc
  • Le Tour de France. Journal 1843-44, publié à titre posthume disponible sur Gallica ; nelle éd., Paris, La Découverte, 1980, 2 vol.

5.2 Études sur Flora Tristan[modifier | modifier le wikicode]

  • Dominique Desanti, Flora Tristan, Hachette 1972 réédition en 10/18
  • Évelyne Bloch-Dano, Flora Tristan La Femme-messie, Grasset, 2001.
  • Stéphane Michaud, Flora Tristan : La paria et son rêve, Sorbonne nouvelle, 2003, établissant une importante partie de sa correspondance.
  • De Flora Tristan à nos jours : l’émancipation en marche, Colloque du bicentenaire de la naissance de Flora Tristan, Bordeaux, 13 novembre 2003 : (1) « De la Paria à la Femme-messie », introduction sur la vie de Flora Tristan par Évelyne Bloch-Dano. (2) « Flora Tristan une singularité dans le 19ème siècle des « Utopistes » par Michèle Riot-Sarcey, historienne, professeure à l’Université Paris 8. (3) « Un maillon fort de l’émancipation et de l’égalité d’hier à aujourd’hui » par Stéphane Michaud, professeur de littérature comparée à la Sorbonne.
  • Máire Cross, The feminism of Flora Tristan, Berg, Oxford, 1992
  • Leo Gerhard. Flora Tristan : la révolte d’une paria, Les éditions de l’Atelier, 1994, pp. 112–135
  • Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek, Ces femmes qui ont réveillé la France, Paris, Arthème Fayard, , 374 p. (ISBN 978-2-213-67180-2)
  • Michelle Perrot, Des femmes rebelles - Olympe de Gouges, Flora Tristan, George Sand, Elyzad poche, 2014.

5.3 Flora Tristan dans la fiction[modifier | modifier le wikicode]

  • Le Paradis - un peu plus loin de Mario Vargas Llosa : ce roman raconte en parallèle la vie de Flora Tristan et celle de Paul Gauguin, son petit-fils. Bien que ce soit une œuvre de fiction, il dresse un portrait assez fidèle de Flora Tristan.
  • Brune de Nicole Avril, Plon, Paris, 2012, une biographie romancée.

6 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Michel Winock, Les Voix de la Liberté, Seuil 2001, p.222-233
  2. Flora Tristan, femme remarquable
  3. Debré et Bochenek 2013, p.58
  4. Henri Perruchot, La Vie de Gauguin, Le livre de poche encyclopédique, Hachette, 1961, p. 11-24.

7 Lien externe[modifier | modifier le wikicode]