Darwinisme

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Caricature de Charles Darwin en 1870

Le darwinisme désigne la théorie de l'évolution des espèces élaborée par Charles Darwin au 19e siècle. Ce fut une formidable découverte scientifique dans le domaine de la biologie, mais aussi plus généralement un énorme progrès de la pensée matérialiste.

La théorie de l'évolution a par la suite beaucoup été complétée et précisée jusqu'à aujourd'hui.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 L'évolution des espèces[modifier | modifier le wikicode]

Darwin ne fut pas le premier à émettre l'hypothèse que les espèces vivant sur Terre évoluent. Cette idée était présente chez des penseurs de l'Antiquité (Tchouang-tseu, Lucrèce, Démocrite, Epicure...). Le penseur grec Anaximandre pensait par exemple que les premiers êtres vivants étaient sortis de l'eau, Empédocle envisageait une évolution "aveugle" et mécaniste...

Cependant en Occident le clergé catholique établit le dogme du fixisme (la Création de Dieu est fixe et été réalisée telle quelle) et condamne comme hérésie tout ce qui s'en écarte.

Nasir al-Din al-Tusi (13e s.) évoque l'hypothèse de la sélection naturelle

Des théories évolutionnistes continuent à fleurir dans la civilisation arabe. Dans son Livre des Animaux, Al-Jahiz (776-868) parle d'une évolution articulée sur la lutte pour l’existence, la transformation d’espèces et l’influence de l’environnement naturel. L'hypothèse de la sélection naturelle comme moteur de cette évolution sera réaffirmée à maintes reprises (Ali ibn Abbas al-Majusi (10e s.), Nasir al-Din al-Tusi (13e s.) ...).

En Europe, ce n'est que vers le 18e siècle que le dogme fixiste se fissurera, notamment sous l'effet des découvertes paléontologiques (ossements et fossiles montrant des formes transitoires). En réaction, Cuvier tente de faire intervenir Dieu non pas moins mais davantage avec sa théorie catastrophiste. Maupertuis et Buffon émettent eux de hypothèses évolutionnistes, mais sans réelle rigueur.

Le premier grand théoricien scientifique de l'évolution sera Lamarck. Il postule en 1809 que les espèces :

  • s'adaptent en fonction de leurs besoins : l'utilisation ou la non-utilisation répétée d'organes entraîne leur croissance, leur régression, etc...
  • transmettent ces caractères acquis à leur descendance.

1.2 La sélection naturelle[modifier | modifier le wikicode]

Charles Darwin n'a donc pas proposé sa thèse au milieu de nulle part, mais, dans un contexte où les idées évolutionnistes se répandaient, il a avancé une théorie cohérente pour expliquer ce processus. Le 19e siècle transformait le monde à une vitesse jusqu'alors jamais atteinte, et légitimaient la recherche de théories nouvelles. En particulier, l'industrie minière sortait de terre de nombreux fossiles et ossements, témoins du passé du passé d'une Terre plus ancienne que les 6 000 ans affirmés dans la Bible.

Selection.svg

Darwin est avant tout l'auteur d'un immense travail de synthèse des nouvelles connaissances botaniques et biologiques (un voyage de 5 ans autour du monde), d'une correspondance assidue avec les grands savants de son époque, et d'une audace intellectuelle qui l'a amené à une découverte fondamentale : la sélection naturelle.

Car si le darwinisme est comme la théorie de Lamarck un transformisme, il repose avant tout sur le processus "aveugle" de la sélection naturelle. Pour schématiser : la girafe n'a pas un long cou à force de le tendre de génération en génération pour atteindre les herbes hautes, mais parce que celles qui l'avaient trop court étaient désavantagées pour se reproduire (le long cou permet aussi de voir venir de plus loin les prédateurs).

Le « hasard » produit des variations (mutations), et c'est parmi ces variantes que la sélection s'opère.

Mutation et selection 2.svg

1.3 Avancées ultérieures[modifier | modifier le wikicode]

1.3.1 Génétique[modifier | modifier le wikicode]

Toute la biologie moderne s'appuie sur les découvertes et la théorie de Darwin. Les techniques et les champs scientifiques nouveaux comme la génétique sont venus compléter notre compréhension, en trouvant le support matériel des mécanismes décrits par Darwin : les variations aléatoires sont en fait des mutations de l'ADN qui ont lieu (très rarement) lors d'erreurs de réplication.

1.3.2 Sélection sexuelle[modifier | modifier le wikicode]

La queue du paon mâle est expliquée par la sélection sexuelle

Darwin supposait que la sélection naturelle opérait selon deux mécanismes :

  • sélection de survie : les adaptations qui permettent de survivre face à l'environnement (climat, prédateurs...) vont être favorisées,
  • sélection sexuelle : dans les espèces sexuées, certaines caractéristiques sont favorisées chez les mâles ou les femelles, pour avoir plus de chances d'attirer des partenaires.

L'idée de la sélection sexuelle a été peu développée pendant plus d'un siècle, voire rejetée. Ce n'est que dans les années 1990 que ce domaine de recherche a pris son essor, la sélection sexuelle étant nécessaire pour expliquer de nombreux caractères (dont le dimorphisme sexuel).

1.3.3 Épigénétique et caractères acquis[modifier | modifier le wikicode]

Le débat entre Darwin et Lamarck est souvent vulgarisé comme un combat entre sélection naturelle et transmission des caractères acquis. En réalité, Darwin n'excluait pas qu'il était possible que des caractères acquis se transmettent (il n'y avait alors aucune notion de génétique).

Les expériences conduites depuis et surtout les progrès en biologie (distinction des cellules somatiques et germinales, ADN...) ont montré qu'a priori la sélection naturelle est prépondérante. Génétiquement, les caractères acquis ne se transmettent pas, car ils ne modifient pas les gènes. La question a semblé tranchée au milieu du 20e siècle.

En revanche, une discipline récente, l'épigénétique, a prouvé que certains caractères acquis peuvent se transmettre, sans que le génome soit modifié dans son contenu. Ces changements sont a priori réversibles.

L'épigénétique montre également que certains facteurs non génétiques peuvent avoir une profonde influence sur le développement des individus.

2 Implications philosophiques[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Du matérialisme au marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Le darwinisme est basé sur l'observation de la nature, et sur la théorisation d'une explication qui réside dans la nature elle-même, et non pas en dehors ou au dessus. C'est donc un matérialisme. Et pour ce point fondamental, qui fut la base permettant de libérer la compréhension humaine de l'idéalisme, Darwin rendit hommage à son prédécesseur Lamarck :

« Le premier, il rendit à la science l'éminent service de déclarer que tout changement dans le monde organique, aussi bien que dans le monde inorganique, est le résultat d'une loi, et non d'une intervention miraculeuse. »[1] 

Darwin lui-même affirmait croire encore en Dieu, mais c'est un fait que sa théorie affaiblit le dogmatisme religieux. Mais plus qu'à un simple athéisme, le matérialisme est une clé pour l'émancipation humaine. En effet, si nous pouvons comprendre d'où vient le corps dont nous sommes faits, nous pouvons tenter de comprendre comment s'est forgée notre conscience, ce qui la détermine. Plus, nous pouvons appliquer le raisonnement matérialiste à l'histoire et aux sociétés humaines, ce qui est l'objet même du marxisme

Marx et Engels avaient lu l'ouvrage de Darwin et ils le considéraient comme le complément dans le domaine biologique de leur vision dynamique de l'histoire humaine. Même si la rumeur selon laquelle Marx se proposait de dédier le Capital à Darwin est fausse, la persistance de ce mythe montre qu'il est possible d'y croire.

2.2 Darwinisme social ?[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Darwinisme social.

C'est en lisant Malthus et sa thèse selon laquelle les hommes devraient lutter pour une nourriture trop rare que l'idée vint à Darwin de la sélection naturelle. Cela ne change rien au fait que Darwin ne partageait pas la justification de la domination bourgeoise faite par Malthus. Les domaines n'ont d'ailleurs rien en commun. Le darwinisme se borne à décrire comment les meilleurs caractères permettant la survie dans la nature ont pu se transmettre (y compris les caractères grégaires d'entraide soit-dit en passant), sans y inclure une once de vision normative.

Qu'importe, certains cyniques idéologues bourgeois ont utilisé la sélection naturelle pour prétendre qu'elle expliquait tout aussi bien l'histoire humaine. Ainsi les classes dominantes et les nations impérialistes seraient simplement « les plus aptes ». Ces tenants du « darwinisme social » offrent ainsi une variante extrême de justification par la méritocratie de la hiérarchie sociale.

Ce fut en particulier développé par le sociologue Herbert Spencer, c'est pourquoi on parle aussi de spencérisme.

Une idéologie de classe qui n'a rien de commun avec la démarche matérialiste de Darwin. Ironiquement, c'est cette même démarche qui permet au socialisme scientifique de démonter cette stupidité : l'accumulation du capital permet à la bourgeoisie de se préserver de la sélection naturelle, et les prolétaires sont victimes non pas de la nature, mais de rapports sociaux historiquement imposés. C'est l'évolution de la société humaine elle-même qui montrera si cet état de fait est dans "l'ordre des choses", ou si le capitalisme sera balayé avec son caractère "devenu réactionnaire".

3 Position des religions[modifier | modifier le wikicode]

Les religions se sont évidemment montrées très hostiles à cette théorie qui contredit de plein fouet leur dogme créationniste et finaliste, et instille le matérialisme dans les consciences. Mais dans les pays industrialisés, le développement de l'instruction scientifique, l'anticléricalisme bourgeois et le mouvement ouvrier ont beaucoup affaibli l'audience des Églises, qui ont dû modérer leurs critiques. 

En 1996, le pape Jean Paul II admet que l'évolution des espèces ne doit pas être vue comme "une simple hypothèse". Mais il ajoute qu'il faut se méfier des « théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ». En clair, la concession pour beaucoup de catholiques est : "d'accord, le corps de l'homme est le produit d'une évolution, mais son âme éternelle est insufflée par Dieu".

Certains courants tentent même d'aller plus loin et de désamorcer le différend. En mars 2009, l’Église catholique a organisé à Rome un colloque: « L’évolution biologique : faits et théorie. Une évaluation critique, 150 ans l'origine des espèces  », à l’occasion duquel un cardinal a déclaré : « Il n'existe aucune incompatibilité entre la théorie de l'évolution et le message de la Bible ou la théologie ». Des apologies similaires ont lieu chez les penseurs musulmans.

Mais les courants les plus intégristes de toutes les religions sont toujours prêts à reprendre l'initiative. Ainsi, particulièrement depuis plusieurs années, plusieurs attaques idéologiques plus ou moins directes ont eu lieu.

Les partisans du dessein intelligent s'appuient souvent sur l'exemple de l’œil pour affirmer qu'une structure si complexe n'a pas pu émerger par hasard.

Aux États-Unis les fondamentalistes chrétiens veulent que le récit de la création soit enseigné à "égalité" avec la théorie de l'évolution.

En 2007, un livre financé par un intégriste, millionnaire Turc, l’Atlas de la création érigeant la théorie de l’évolution comme le mal absolu, a été envoyé gratuitement dans un grand nombre d’établissements scolaires du monde.

De façon plus sournoise, certains abandonnent le fixisme traditionnel et théorisent le "dessein intelligent" : certes il y a eu évolution du monde vivant, mais c'est que Dieu en est le chef d'orchestre. Les propagandistes de cette thèse s'appuient souvent sur un discours à la forme pseudo-scientifique pour récupérer et inverser le prestige de la science au profit de la foi religieuse.

4 Anthropocentrisme[modifier | modifier le wikicode]

Dans L'évolution de l'Homme (1879), Ernst Haeckel voit en l'homme le point culminant de toute l'évolution.

La Bible, tout en soumettant l'homme à Dieu, entretient une vision extrêmement anthropocentrique et finaliste de la nature : celle-ci serait faite pour répondre à nos besoins. En brisant ce mythe et en le remplaçant par une système avec des lois immanentes mais sans but, Darwin a profondément blessé l'orgueil humain, et en particulier celui des classes dominantes.

Mais un certain nombre de préjugés demeurent, comme l'idée que l'homme est "le plus évolué", "l'aboutissement de l'évolution". Évidemment on peut considérer que la conscience qui a émergé avec homo sapiens sapiens est un saut qualitatif remarquable. Mais gare aux fausses déductions : nous avons 26 000 gènes, tandis que le riz en a 50 000 !

5 Sexisme[modifier | modifier le wikicode]

Darwin comme la plupart des intellectuels de son temps, avait tendance à « rationaliser » sa vision patriarcale des femmes.

Dans son livre La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, il a écrit que « les facultés d’intuition, de perception rapide, et peut-être d’imitation de certaines femmes sont des caractéristiques des races inférieures, et donc d’un état passé et inférieur de la civilisation. »

Ou encore « L'homme est plus puissant dans le corps et l'esprit que la femme. Et à l'état sauvage, il la maintient dans un état de servitude beaucoup plus ignoble que ne le fait le mâle de tout autre animal. Donc, il n'est pas surprenant qu'il ait acquis le pouvoir de sélection. »

Plus personnellement, il décrit le rôle de la femme dans le mariage comme « compagnon constant (amie dans la vieillesse) qui fera preuve d'intérêt, objet à affectionner et avec lequel on peut jouer – en tout cas mieux qu’un chien – à domicile, et quelqu'un qui prend soin de la maison ».

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Charles Darwin, L'origine des espèces, 1859