Conseil suprême de l'économie nationale

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Vesenkha-1925.jpg

Le Conseil suprême de l'économie nationale ou Vesenkha (Высший Совет Народного Хозяйства, ВСНX, Vysschi soviet narodnogo khoziaïstva, VSNKh) était l'organe suprême de la planification économique de l'URSS. Deux institutions ont porté ce nom, une première fois en 1917-1932, et une deuxième fois en 1963–1965.

1 Structures pré-révolutionnaires[modifier | modifier le wikicode]

La première guerre mondiale, comme tout guerre importante, provoque dans les pays capitalistes une tendance à l'étatisation au moins temporaire de l'économie.

De 1915 à 1916, le gouvernement tsariste avait mis sur pied des organes centraux (parfois appelés «  comités » et parfois «  centres ») qui dirigeaient l'activité des industries produisant des articles directement ou indirectement nécessaires à la guerre. En 1917, ces organes centraux (généralement composés des représentants de l'industrie concernée et exerçant des fonctions de régulation d'un caractère plutôt indéterminé) s'étaient étendus à presque toute la production industrielle du pays.

2 1917-1921[modifier | modifier le wikicode]

Le Vesenkha a été créé par décret du 5 décembre 1917 par le Conseil des commissaires du peuple (Sovnarkom). Le décret précise que le Vesenkha, rattachée au Sovnarkom, est chargé d'élaborer un «  plan d'organisation de la vie économique du pays et des ressources financières du gouvernement ». Le Vesenka devait « uniformiser » en vue d'un objectif commun les activités de toutes les autorités économiques existantes, centrales et locales, y compris le «  Conseil Panrusse des Comités d'usine ».[1]

Il avait des droits de confiscation et d'expropriation. Mais dans les touts premiers mois, les bolchéviks n'ont pas l'intention de nationaliser largement l'économie. Mais une série de nationalisations ont néanmoins lieu dès les premiers mois à l’initiative de comités d'usines. Si bien qu'en janvier 1918 le Vesenkha déclara qu'aucune nationalisation ne devait intervenir sans son autorisation explicite, et ajoute en avril que toute entreprise nationalisée sans son autorisation ne recevrait pas de financement.

Le Vesenkha avait une structure double : a) les «  centres » (Glavki), destinés à s'occuper des différents secteurs de l'industrie, et b) les organes régionaux : le «  Conseil local de l'économie nationale » (Sovnarkhozy). Au début, les bolcheviks de «  gauche » obtinrent la majorité des postes dirigeants de la Vésenka. Le premier président fut Ossinski, et le bureau dirigeant comprenait Larine, Boukharine, Sokolnikov, Milioutine, Lomov et Shmidt. Malgré cette direction plutôt communiste de gauche, le nouvel organisme contribua objectivement à la centralisation de la Russie soviétique, par l’absorption du Conseil pan-russe du contrôle ouvrier, lui-même reflet déformé des aspirations autogestionnaires des comités d'usine.

Lénine lui-même qui déclara quelques semaines plus tard : «  nous passons du contrôle ouvrier à la création du Conseil Suprême de l'économie nationale »[2].

Pendant les premiers mois de 1918, le Vesenkha commença à construire, par en haut, son « administration unifiée » des diverses industries, notamment en prenant possession des organes de planification tsaristes (ou de ce qui en restait) pour les convertir — sous le nom de glavki (comités directeurs) ou tsentri (centres). Le «  comité directeur » de l'industrie du cuir (Glavkozh) fut créé en janvier 1918. Celui-ci fut rapidement suivi par les «  comités directeurs » du papier et du sucre, et par les «  centres » du thé et du savon. Ceux-ci, ainsi que le Tsentrotekstil fonctionnaient régulièrement en mars 1918.

Le 3 mars 1918 le Vésenkha publie un décret définissant les fonctions de la direction technique dans l'industrie. Chaque centre administratif doit désigner dans chacune des entreprises dont il s'occupe un commissaire (représentant et inspecteur du gouvernement) et deux directeurs (l'un technique et l'autre administratif). Le directeur technique ne reçoit des ordres que du commissaire du gouvernement ou de la « Direction Centrale » de l'industrie. (Autrement dit, seul le « directeur administratif » pouvait, jusqu'à un certain point, être contrôlé d'en bas).

Le décret stipulait que « dans les entreprises nationalisées, le contrôle ouvrier est exercé en soumettant toutes les déclarations et les décisions du Comités d'usine ou d'atelier, ou de la commission de contrôle, à l'approbation du Conseil Administratif Économique ». «  Les ouvriers et les employés ne doivent pas représenter plus de la moitié des membres du Conseil Administratif ».[3]

En mars 1918, les communistes de «  gauche » (Ossinsky, Boukharine, Lomov, Smirnov) doivent abandonner leurs postes dirigeants dans le Conseil Économique Central (à cause, en partie, de leur opposition ouverte au traité de Brest-Litovsk), et sont remplacés par des « modérés » comme Milioutine et Rykov. On prit des mesures immédiates pour renforcer l'autorité directoriale, renforcer la discipline dans le travail et introduire des stimulants économiques, sous la supervision des organisations syndicales.

Au printemps 1918, tout compromis avec la bourgeoisie devient impossible. C'est le début de la guerre civile, et dans les usines, les patrons ont recours à du sabotage généralisé de la production. Le décret du 28 mai 1918, qui étend la collectivisation à toute l’économie, réintègre les socialisations spontanées dans le cadre des nationalisations. De nombreux exemples d’initiatives ouvrières sombrant dans les tracasseries administratives sont cités, aussi bien par Voline que par Kollontai.

Du 24 mai au 4 juin a lieu le premier Congrès pan-russe des Conseils Économiques Régionaux, à Moscou. Ce «  parlement économique » était formé par plus de 100 délégués avec droit de vote (et par 150 délégués sans droit de vote) envoyés par le Vesenkha, par ses «  glavki » et ses centres, par les Sovnarkhozy régionaux et locaux et par les syndicats. Le Congrès était présidé par Rykov. Lénine ouvrit les débats par un plaidoyer en faveur de «  la discipline dans le travail », et un long exposé sur la nécessité d'employer des «  spetsy », des spécialistes hautement rétribués.

Ossinsky défendit avec fermeté la démocratisation de l'industrie, et attaqua le salaire aux pièces et le taylorisme. Il fut soutenu par Smirnov et par un certain nombre de délégués provinciaux. L'opposition exigea la reconnaissance et l'achèvement de la nationalisation de facto de l'industrie qu'étaient en train de réaliser les Comités d'usine et demanda la création d'une instance économique nationale suprême fondée sur — et représentant — les organes du contrôle ouvrier.[4] Elle réclama la formation d'une «  administration ouvrière (...) par le bas et non plus uniquement par le haut », comme une base économique indispensable pour le nouveau régime. Lomov, dans une intervention en faveur de l'extension massive du contrôle ouvrier, lança une mise en garde : «  la centralisation bureaucratique (...) est en train de paralyser les forces du pays. On ôte aux masses tout pouvoir créateur réel dans tous les secteurs de notre économie ». Et il rappela au Congrès que la phrase de Lénine « il faut se mettre à l'école des capitalistes » avait été forgée par le théoricien semi-marxiste (puis bourgeois) Struve dans les années 1880-1890.

Une sous-commission du Congrès vota une résolution qui stipulait que les deux tiers des représentants siégeant aux organes de direction des entreprises industrielles devaient être élus parmi les ouvriers. Cette «  décision stupide » rendit Lénine furieux. Sous sa direction, une séance plénière du Congrès « corrigea » la résolution, en décidant qu'un tiers au plus du personnel dirigeant des entreprises industrielles serait désigné par élection. Les comités de direction seraient intégrés dans cette structure hiérarchique compliquée préalablement établie, au sommet de laquelle le Vesenkha détenait un droit de veto[5]. Le Congrès approuva formellement une résolution du Conseil Central des Syndicats qui défendait le principe d'«  un taux de productivité déterminé en échange d'un salaire garanti ». Il accepta l'institution du salaire aux pièces et des primes de rendement.

Le 28 juin 1918, le Conseil des Commissaires du Peuple, après avoir siégé toute une nuit, promulgue le Décret de Nationalisation Générale, s'appliquant à toutes les entreprises industrielles au capital de plus d'un million de roubles. Le Décret a pour but de «  mettre fin à la désorganisation dans la production et la distribution ». Les secteurs touchés, dont maintenant l'actif était déclaré officiellement « propriété de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie », comprenaient les mines, la métallurgie, le textile, l'énergie électrique, le bois, le tabac, la résine, la verrerie, la poterie, les industries du cuir et du ciment, les minoteries, divers services et chemins de fer privés, plus quelques autres industries de moindre importance. L'organisation de l'administration des entreprises nationalisées était confiée au Vesenkha et à ses sections. Mais jusqu'à ce que le Vesenkha donne des instructions précises concernant chaque entreprise concernée par le décret, on considérerait ces entreprises comme louées gratuitement à leurs anciens propriétaires, qui continueraient à les financer et à en tirer des revenus. Le transfert des entreprises individuelles à l'État se fit sans difficulté. L'installation aux postes de direction de fonctionnaires nommés par l'État devait prendre un peu plus de temps, mais le processus s'acheva en l'espace de quelques mois. La menace d'une intervention étrangère accéléra le franchissement de ces deux étapes.

En août 1918, un décret gouvernemental établit la composition du Vesenkha : 30 membres nommés par le Conseil Central Panrusse des Syndicats, 20 nommés par les Conseils Régionaux de l'Économie Nationale (Sovnarkhozy) et 10 nommés par l'Exécutif Central Panrusse des Soviets (VTsIK). Les affaires courantes devaient être confiées à un présidium de 9 autres membres, dont le président, et son adjoint, étaient nommés par le Conseil des Commissaires du Peuples (Sovnarkom), et les autres par le VTsIK. Officiellement, le Présidium était censé mettre en vigueur les décisions des assemblées mensuelles des 69 membres du Vesenkha. Mais il allait bientôt assumer des tâches de plus en plus importantes. Après l'automne 1918, il n'y eut plus d'assemblées générales du Vesenkha, devenu un simple appendice de l'appareil d'État.

En octobre 1918, un décret gouvernemental réaffirme que seul le Vesenkha, «  en tant qu'organisme central réglant et organisant toute la production de la république », a le droit de mettre sous séquestre des entreprises industrielles.[6]

En décembre 1918 se tint le Deuxième Congrès pan-russe des Conseils Économiques Régionaux. Molotov analysa la composition des 20 «  glavki » et «  centres » les plus importants. Sur 400 personnes concernées, il y avait 10% d'anciens patrons ou cadres supérieurs, 9% de techniciens, 38% de fonctionnaires de divers départements (y compris le Vesenkha) et 43 % de travailleurs et de représentants des organisations de travailleurs, y compris les syndicats.

En décembre un nouveau décret abolit les Svarkhozy régionaux, et reconnaît les Sovnarkhozy provinciaux comme «  organes exécutifs de la Vésenka ». Les Sovnarkhozy locaux devenaient des «  sections économiques » des comités exécutifs des Soviets locaux correspondants. Les «  glavki » devaient avoir leurs propres organes subordonnés dans les centres provinciaux.

Un professeur «  blanc » qui arriva à Omsk, venant de Moscou, à l'automne 1919, constata :

« à la tête de beaucoup de centres et de « glavki » siégeaient les anciens patrons, fonctionnaires et directeurs. Le visiteur non prévenu qui connaît personnellement l'ancien monde des affaires commerciales et industrielles, aura la surprise de voir les anciens propriétaires des grandes industries du cuir siégeant dans le «  Glavkhoz », de grands fabricants dans les organisations centrales du textile, etc. »[7]

Les 10-21 janvier 1920 eut lieu le Troisième Congrès pan-russe des Conseils Économiques Régionaux. Dans un discours, Lénine déclara que «  le principe collégial (...) représente quelque chose de rudimentaire, valable seulement dans une première étape, quand il faut construire à partir de zéro (...). Le passage à un travail pratique est lié à l'autorité individuelle.C'est le système qui, plus que tout autre, assure la meilleure utilisation des ressources humaines ». En dépit de cette exhortation, l'opposition aux idées de Lénine et de Trotski gagnait lentement du terrain. Le Congrès vota une résolution en faveur de la gestion collective de la production.

3 1921-1932[modifier | modifier le wikicode]

Après la création de l'Union soviétique en 1923, le rôle du Vesenkha est étendu à toute l'Union.

Le 22 février 1921 est créé le Gosplan, organisme central chargé de planifier l'économie. En 1925, le Gosplan commence à faire des plans annuels (appelés « chiffres de contrôle ») en lien avec le Conseil suprême de l'économie nationale (Vesenkha), le Directorat central des statistiques, le Commissariat du peuple aux Finances, et plus tard avec la Banque d'État (Gosbank) et le Comité d'État à l'approvisionnement (Gossnab).

Dans chacune des républiques de l'Union soviétique, il y avait des organismes subordonnés. En général, les Vesenkhas des républiques avait seulement le contrôle sur les petites industries employant des matières premières locales et desservant les marchés régionaux. Toute grande entreprise industrielle était contrôlée par l'un des départements sectoriels de la VSNKh de l'URSS.

En 1932, il fut réorganisé en un commissariat de trois personnes : un pour l'industrie lourde, un autre pour l'industrie légère et un dernier pour la foresterie.

3.1 Structure de l'organisation[modifier | modifier le wikicode]

Au sein du VSNKh, il y avait deux types de départements :

3.1.1 Les départements du secteur fonctionnel[modifier | modifier le wikicode]

Ils traitent des décisions ayant trait aux finances, la planification, la politique économique, la recherche et au développement.

3.1.2 Les départements du secteur industriel[modifier | modifier le wikicode]

Les ministères de ce type ont été créés par décret en 1926 et se composaient de « ministères en chef », connus sous le nom Glavk (glavnye upravlenija).

Les chefs de tous les départements de ce secteur formaient le conseil du VSNKh de l'ensemble de l'Union Soviètique.

3.1.3 À la tête du VSNKh[modifier | modifier le wikicode]

4 1963-1965[modifier | modifier le wikicode]

Un organisme nommé Vesenkha a été rétabli par Nikita Khrouchtchev lorsqu'il a présenté son plan sur la décentralisation de la gestion de l'industrie au moyen de sovnarkhozes. Il fut subordonné au Conseil des Ministres de l'URSS de la gestion de l'industrie et de la construction.

Les Sovnarkhozes ont été introduits par Nikita Khrouchtchev en Juillet 1957 pour tenter de lutter contre la centralisation et départementalisme des ministères. L'URSS était initialement divisé en 105 régions économiques, les sovharknozes planifient la gestion de l'économie, ce qui entraina une fermeture massive des anciens ministères simplifiant la gestion économique de l'URSS.

  1. Natsionalizatsiya promyshlennosti v SSSR : sbornik dokumentov i materialov, 1917-1920 gg [La nationalisation de l'industrie en URSS : recueil de documents et de sources], Moscou, 1954
  2. V. I. Lénine, Sochineniya, XXII, 215
  3. Sbornik dekretov i postanovlenii po narodnomu klozyaistvu (1918), pp. 311-315.
  4. Ossinsky, in Trudy pervogo vserossiiskogo s'yezda sovetov narod nogo khozyaistva [Travaux du premier Congrès Panrusse des Conseils Économiques], Moscou, 1918
  5. Polozheniye ob upravlenii natsionalizirovannymi predpriyatiyami [Règlements pour l'Administration des Entreprises Nationalisées].
  6. Sbomik dekretov i postanovlenii po narodnomu khozyaistvu (1920), ii, p. 83.
  7. O.K. Gins, Sibir, Soyuzniki, Kolchak, Pékin, 1921, p. 429