Formule algébrique

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L'expression de « formule algébrique » est utilisée par Trotski et d'autres marxistes pour désigner un concept politique qui comporte des « inconnues » (par analogie avec le sens mathématique). Cela permet de raisonner sur des concepts même si l'on ne sait pas encore précisément comment ils vont se concrétiser.

1 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Débats sur le gouvernement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Au cours des discussions sur la tactique à mener en situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire, l'Internationale communiste a été amenée dans les années 1920 à débattre d'une forme de pouvoir intermédiaire entre un gouvernement bourgeois stable et la dictature du prolétariat : le « gouvernement ouvrier ». Il s'agit d'une alliance d'organisations ouvrières communistes et non-communistes.

Trotski écrivait à ce propos :

« Le gouvernement ouvrier est une formule algébrique, c'est-à-dire une formule aux termes de laquelle ne correspondent pas des valeurs numériques fixes. D'où ses avantages et aussi ses inconvénients. Ses avantages consistent en ce qu'elle embrasse jusqu'aux ouvriers qui ne se sont pas encore élevés à l'idée de dictature du prolétariat et à la compréhension de la nécessité d'un parti directeur. Ses inconvénients, conséquences de son caractère algébrique, consistent en ce qu'on peut lui attribuer un sens purement parlementaire qui, pour la France, serait pratiquement le moins réel et idéologiquement le plus dangereux que l'on puisse imaginer. »[1]

1.2 Débats sur la révolution permanente[modifier | modifier le wikicode]

Entre 1905 et 1917, Lénine et Trotski défendaient des lignes différentes au sujet de la révolution à venir en Russie :

  • Lénine conservait l'idée d'une révolution bourgeoise, mais soutenait que ce seraient les ouvriers et les paysans qui seraient sa force motrice (contre l'aristocratie mais aussi la bourgeoisie hésitante) : ce qu'il appelait la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans ».
  • Trotski défendait l'idée que puisque la paysannerie n'était pas capable d'avoir un rôle d'avant-garde, c'est la classe ouvrière qui aurait le rôle dirigeant, et par conséquent, nécessairement, la révolution bourgeoise serait transformée dès la prise du pouvoir en révolution socialiste. En termes de classe, il s'agit d'une « dictature du prolétariat appuyée sur la paysannerie ».

Dans la pratique, Lénine et Trotski se sont trouvés en parfait accord sur la politique à mener en Octobre 1917 et jusqu'à la mort de Lénine. Les trotskistes considèrent que la théorie de la révolution permanente décrivait plus précisément que la théorie de Lénine la révolution russe, et que Lénine s'y est rallié implicitement.

Trotski a précisé par la suite que selon lui, la théorie de Lénine n'était pas incompatible avec la sienne, parce qu'elle postulait une alliance de la paysannerie et du prolétariat, sans préciser les rapports entre eux.

« Dans la mesure où la formule de la dictature démocratique laissait entrouverte la question du mécanisme politique de l'alliance des ouvriers et des paysans, elle restait (...) une formule algébrique qui permettait, dans l'avenir, des interprétations politiques très différentes.(...) Cette formule algébrique contenait un élément, d'une formidable importance, mais très vague quant à son contenu politique : la paysannerie. »[2]

1.3 Débats sur les partis larges[modifier | modifier le wikicode]

Le terme a aussi beaucoup été utilisé dans des débats sur des « partis larges », c'est-à-dire de partis permettant d'élargir nettement l'audience, en « diluant » plus ou moins fortement le programme. Par exemple, la constitution d'un parti ouvrier de masse, pas clairement délimité sur la question du socialisme ou de la révolution socialiste.

Lorsque l'on propose une telle politique mais qu'on ne sait pas dire, dans une situation donnée, avec quelles forces le faire (celles-ci n'ayant peut-être pas encore « décanté »), on dit parfois qu'il s'agit d'une formule algébrique. [3]

2 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Léon Trotski, Le gouvernement ouvrier en France, 30 novembre 1922
  2. Léon Trotski, La révolution permanente, 1928-31
  3. Daniel Bensaïd, Le retour des questions stratégiques, 17 juin 2006